Créations

Neige

La neige est l’étonnement.
Et le commencement
et la fin.

Rien d’autres ne m’est permis.
La neige comme sable luxuriant,
lorsque l’abeille danse sous l’hiver doux.
Dans l’étendue, toute épave bouge,
s’orne du souffle, de la voix, du mouvement.

La neige est le paysage.
Et le commencement
et la fin.

Rien d’autres ne m’est promis.
Dans l’étendue, j’ai soif de brumes,
De traces crénelées sur l’asphalte blanc.
Mes forêts sont les blanches conditions des mésanges affamées, des rondes d’oiseaux sur le pain.
Alors j’ai soif des rayons chauds,
Et des ailes invisibles portent mes doutes, enflent mes craintes :
Je n’ai pas plus foi en la lutte qu’en la saison.
Et je cède alors je bouge…
Et je bouge alors je mute…
Et je mute alors je regarde et je décide du geste suivant.
Je prends à témoin les blancs infinis des contours de mon corps.
Tout se destine à la gelure. Mon sang est un vin chaud,
Mon cœur ronfle de braises.

La neige est la folie,
et le commencement
et la fin.

Rien d’autres ne m’est montré.
Que le fragile équilibre du geste,
Son arrêt brusque ou doux, la mort ou la caresse,
la guerre ou la danse.
Les villes sont peuplées de cadavres amants qui n’osent plus le noir,
ni la longue veille du mourant.
Les villes ne sont peuplées que d’errants qui refusent la danse des morts et monnayent les fosses à prix d’or.

La neige est l’outil, peut-être l’image d’une femme.
Et le commencement,
et la fin.

Elle s’écrit comme au départ d’une chasse. Surprendre m’amuse…
Ce cerf est homme qu’achèvent ses chiens.
Il fait froid…
Rien n’écrit sur l’étendue.
Ni l’eau, ni l’encre, ni le beurre sur le bois.
L’heure se tapit dans les gouttelettes nacrées et prend la double nature du choix :
Vider le verre des secondes noires,
Pianoter les blanches en buvant les gelures.
La neige est ma folie.
Froid d’os.
Tête tournée vers son parfum.
La tête, la nuque et le vallon fleurit
Puis le demi-drap sur le demi-nu.
Qu’a-t-elle encore à me dire si elle n’est plus ce désir d’une même femme?

La neige est le tombeau.
Le commencement,
la fin.

Puis elle ne sera plus.
Je l’attendrai sans guérir au bord de l’étendue blanche, sans homme devant, juste l’étendue comme distraction.
Soumis à la forme agencée des cristaux
comme dans le rire ému du possible,
mes yeux croiseront peut-être ceux de mes chiens.
Nos prunelles bienveillantes échangeront l’effroi de l’abîme
et, dans un « Mush ! » cinglant,
nous fuirons sans guérir.