Dans la grande aventure inhumaine, quoique trop humaine qui met aux prises maîtres et esclaves, colons et colonisés, exploiteurs et exploités, il émerge toujours des femmes et des hommes d’exception, des génies d’humanité qui, de la misérable commune mesure où se trouvent enfermés « Blancs » et « Noirs », concepts inventés dans le cloaque, brandissent comme précieux trésor la commune mesure humaine, forçant ainsi l’admiration de tous. Ils ont noms Gandhi, Nkrumah, King, Abdel Kader, Ho, Mandela… et j’en passe.
À l’intérieur de cette tribu déjà rare, bien plus rares encore sont ceux qui concentrent en eux-mêmes les ingrédients de la révolte et de la poésie, du logos comme du pathos, du verbe et de la verve. Ceux-là font que « la Justice écoute aux portes de la Beauté ».
Césaire était de ce filon. Il était en bonne compagnie, Rabindranath Tagore, Nicolas Guillén, Octavio Paz, et, plus proche de nous, Abdias do Nascimento, René Depestre, Wole Soyinka.
« Sachons :
la tache de beauté fait ici sa tâche
elle sonne comme exige l’obscur déjà
et que la fête soit refaite
et que rayonne justice
en vérité la plus haute ».
Tel était Césaire. Il était chantre de la négritude, qu’il définit au premier degré comme « prise de conscience de la différence comme mémoire, comme fidélité et comme solidarité ». Y a-t-il un être humain qui ne puisse se reconnaître en cette définition ? C’est à l’aune de cette définition qu’un ancêtre de Césaire, Arthur Rimbaud criait : « Je suis un Nègre ». Il n’avait lu ni Senghor ni Damas. Négritude et quête d’humanisme, quête de l’universel chez lui s’équivalent. Et c’est pourquoi, au contraire de ce qu’a pu déclarer un « astre fourvoyé », le volcan ne s’est point éteint. Car
« il y a des volcans qui meurent
il y a des volcans qui demeurent »
Notre Aimé est de ces derniers.
Alors, que faire d’Aimé Césaire par « les temps froids des peuples » que nous vivons ? Que ne pas faire ? Lui-même nous le dit, de façon suffisamment péremptoire :
« Écoutez, je suis très peu friand de ces cérémonies ……
Non, je ne suis pas l’homme de l’étalage cérémoniel. »
Mais nous voici entêtés, à lui rendre hommage. Je l’entends sourire et dire : « Je vous convie à vous souvenir des paroles de mon ami Tristan Tzara :
« Nous avons déplacé les notions et confondu leurs vêtements avec leurs noms. »
Non !
Hommage n’est pas le mot juste pour caractériser ce que nous accomplissons ici et maintenant. Il s’agit plus modestement d’une étape dans la longue série de rituels d’ancestralisation qui lui est due.
Ne nous égarons donc pas aux fausses pistes. À l’UNESCO, il s’agit rien de moins que de
« raviver le verso solaire des rêves ».
Une vaste idée, un vaste programme donc.
Et, contre la conspiration du silence ourdie contre Césaire et son œuvre de son vivant,
- rééditer son œuvre à l’UNESCO, à commencer par le tryptique Cahier – Discours – et Lettre à Maurice Thorez, auquel s’abreuvèrent ceux qui, comme moi sont de parturition césairienne.
- traduire son œuvre en autant de langues que possible et dans tous les supports
- s’approprier le message d’universalisme de Césaire et réfléchir plus avant à la création d’une Fondation
- créer une médaille Aimé Césaire.
Ce sont là, comme « vrac de varechs », des éléments d’un véritable hommage qui, dans le cas de Césaire ne peut se concevoir que dans la durée, et la mise sur pied d’institutions.
Un poète de l’universel, une œuvre empreinte d’universalisme comme celle de Césaire méritent que le Conseil exécutif réfléchisse à comment traduire leur message dans les programmes et activités de l’UNESCO. Je m’engage à prendre contact avec tous les Groupes électoraux, pour qu’il en soit ainsi.
S’agissant de Césaire, de l’œuvre comme de l’homme, on ne conclut pas.
Je vous offre donc en viatique les paroles de son ami le poète brésilien Vinicius de Moraes qui me semblent évoquer papa Aimé :
« Uma música que seja como o ponto de reuniao de muitas vozes em busca de uma armonía nova. Uma música que seja como o vôo de uma gaivota numa aurora de novos sons….. »