Mondes indianocéaniques

Île Maurice : Repousser continuellement les limites de la poésie

        Avant d’aborder la littérature mauricienne, les origines de la littérature mauricienne, essayons de situer, sur le plan historique et géographique, l’île Maurice ; préambule qui tiendra lieu de cadre à notre propos.

     Maurice est une toute petite île du sud de l’océan Indien (mille huit cent soixante-cinq kilomètres carrés) : tracez une ligne verticale descendant de la pointe orientale de la péninsule arabique et une ligne horizontale partant de Madagascar vers l’est, et vous n’en serez pas loin… Des navigateurs arabes sont probablement les premiers à y accoster. L’île est en effet représentée dès 1502 sur une carte du Portugais Cantino sous un nom arabe : Dina Mozare, ce qui signifie « du levant », par opposition à l’île de la Réunion, appelée Dina Margabim, « du couchant », sur la même carte. Les Arabes ne s’installent toutefois sur aucune des deux îles, se contentant d’y faire relâche. Les premiers à s’établir à Maurice, baptisée ainsi pour l’occasion, sont les Hollandais, qui y demeurent de 1638 à 1710. Les raisons de leur départ ne sont pas certaines et les historiens en débattent aujourd’hui encore avec passion. Ce qui est certain, par contre, c’est ce qui incite les Français, en 1715, à s’approprier l’ancienne possession batave : contrer l’Anglais ! Et Maurice est aussitôt rebaptisée « Isle de France ». Comme cela, c’est clair. Et les Anglais reçoivent parfaitement le message. Ils n’accepteront jamais la présence française dans cette partie du monde, au beau milieu de la route des Indes. En 1810, ils décident d’en finir : c’est la bataille du Grand Port, dont la France sort miraculeusement victorieuse, la seule et unique victoire navale française de l’ère napoléonienne  (elle est inscrite sur l’Arc de Triomphe, à Paris). Mais quelques mois plus tard, les Anglais débarquent en force au nord de l’île : il n’y a pratiquement pas de résistance. Et le 3 décembre, l’Isle de France retrouve son nom hollandais, Maurice, et devient officiellement une parcelle de l’empire britannique… Vingt-cinq ans plus tard, en 1835, l’esclavage est aboli. Pour remplacer les Noirs dans les champs de cannes à sucre, les cultivateurs ont recours à la main d’œuvre indienne, politique qui modifie de manière irrémédiable la démographie du pays ; les Indiens représentent aujourd’hui près de 70% de la population mauricienne… Et, enfin, le 12 mars 1968, après d’interminables tractations et le démantèlement de son territoire, l’île Maurice accède à l’indépendance.

     Voilà pour l’histoire de Maurice. En très bref. L’histoire littéraire mauricienne, quant à elle, débute il y a un peu moins de deux siècles et demi, avec deux ouvrages signés Bernardin de Saint-Pierre : Voyage à l’Isle de France (1773) et, surtout, Paul et Virginie (1788). Mais Bernardin de Saint-Pierre n’étant pas un natif de Maurice, le rattachement de ces œuvres à la littérature mauricienne ne fait guère l’unanimité. La littérature de l’île commence véritablement avec un certain Tomi Pitot, qui publie à la fin du XVIIIe siècle une Réfutation du Voyage à l’Isle de France de Bernardin de Saint-Pierre. Il est intéressant de noter que les lettres mauriciennes en sont encore à leurs balbutiements qu’elles connaissent déjà leur première polémique. La littérature de l’île Maurice voit donc le jour dans la controverse, ce qui est, tout compte fait, d’excellent augure. Les voyageurs de cette époque dénoncent toutefois le manque d’intérêt des gens du cru pour les choses de l’esprit : ce sont essentiellement des hommes d’affaires, dans le sens le plus large du terme. L’imprimerie, dont l’introduction remonte à 1768, ne sert au début qu’à l’impression des publications officielles et de quelques gazettes. Mais la Révolution française va imposer le goût des débats d’idées et l’on assiste à la création de plusieurs cercles et sociétés littéraires, dont la « Table Ovale », où l’on se réunit pour discuter, déclamer des poèmes et faire ripaille.

     Quelques années après la publication du livre de Tomi Pitot, au tout début du XIXe siècle, paraît un très singulier roman : Sidner ou les Dangers de l’imagination, de Barthélemy de Froberville, dont l’intrigue, en plus d’être inspirée du Werther de Goethe, est située à des lieues des rivages indianocéaniques. L’ouvrage, aujourd’hui encore régulièrement cité par les chercheurs, constitue, à n’en pas douter, le premier « classique » de la littérature mauricienne. Les années qui suivent verront toutefois les hommes de lettres mauriciens délaisser graduellement la prose pour se tourner vers la poésie. D’où le surnom de « pays des poètes » que l’île traîne toujours. Et qu’elle mérite plus que jamais (on y reviendra). Parmi les poètes mauriciens de cette période, on citera, entre autres, Hubert-Louis Loquet, Melchior Bourbon, Édouard Carié, Charles Castellan, François Chrestien, Léoville L’Homme et Robert-Edward Hart. L’Homme, issu de la communauté créole (créole signifiant métis à l’île Maurice), célèbre dans ses poèmes, à l’instar des poètes franco-mauriciens (des poètes blancs), l’héritage de la culture française. Une réaction, probablement, à la crainte qu’inspire le bouleversement de la démographie mauricienne à la suite de l’arrivée massive de travailleurs engagés indiens. Ses ouvrages les plus connus, particulièrement représentatifs de son temps, sont Pages en vers (1881), Poèmes païens et bibliques (1887), Poèmes épars (1921) et Poésies et poèmes (1926). Quant à Hart, il est considéré par beaucoup comme le plus grand des poètes mauriciens. Il lèguera à la postérité de nombreux recueils, dont Les Voix intimes (1922), L’Ombre étoilée (1924), Mer indienne (1926) et Le Poème de l’île Maurice (1933). Ses écrits, tantôt intimistes tantôt mystiques, imprègneront fortement les générations à venir.

     Le roman mauricien, quoique dominé par la poésie, est loin d’être totalement absent du paysage littéraire mauricien de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. On citera Polyte (1926), de Savinien Mérédac, Au Pays de Paul et Virginie (1928), d’Arthur Martial, et Ameenah (1935), de Clément Charoux. Toutes ces œuvres ont en commun l’ambition de témoigner des tensions internes et des transformations de la société mauricienne. À titre d’exemple, dans son roman, Clément Charoux nous raconte l’histoire d’un amour impossible entre un chimiste franco-mauricien de l’industrie sucrière et une jeune travailleuse agricole indienne. On en imagine aisément les implications sociales et autres.

     Ce qui rassemble tous ces auteurs, romanciers et poètes, c’est le choix de la langue française comme langue d’expression, traduction d’un attachement indéfectible à l’héritage culturel français. Dans une île Maurice administrée par les Britanniques, écrire en français revêt clairement pour tous ces auteurs une dimension militante. Hubert-Louis Lorquet, que l’on a évoqué, paiera ainsi très cher son Napoléon, épopée poétique en dix chants à la gloire de la France. Il sera, en effet, révoqué de son poste d’enseignant au Collège royal.

     La littérature mauricienne de langue anglaise, il faut le reconnaître, n’a jamais vraiment pris son envol… Mais depuis l’indépendance de l’île, en 1968, se développe une littérature d’expression créole qui, à bien des égards, vaut le détour. L’emploi toujours croissant du créole par les hommes de lettres mauriciens revêt, comme l’emploi du français sous l’administration britannique, une dimension politique et militante certaine. La créole est, soulignons-le, la langue du petit peuple. Écrire en créole revient donc à écrire dans la langue des sans voix. Le plus connu des auteurs créolophones, Dev Virahsawmy, est d’ailleurs un des fondateurs du principal parti gauchiste mauricien.

     L’indépendance confère indéniablement de l’élan au créole comme « langue littéraire », mais elle ne coupe pas pour autant les ailes au français. Bien que l’on assiste à un renouveau, voire un essor inédit, du roman mauricien francophone depuis une trentaine d’années (avec des auteurs tels que Marie-Thérèse Humbert, Carl de Souza, Shenaz Patel ou Amal Sewtohul), c’est encore et toujours les poètes qui occupent le haut du pavé. Alors, pourquoi cet attrait des littérateurs mauriciens pour la chose poétique ? Est-ce le climat, le soleil, le contexte tropical qui incitent à rêvasser et par la même à… rimailler ? Il est, très honnêtement, impossible de se prononcer. On ne peut que constater l’émergence à Maurice, ces dernières décennies, d’un nombre particulièrement important de poètes : Malcolm de Chazal, Raymond Chasle, Jean-Claude d’Avoine, Jean Fanchette, Édouard Maunick, Emmanuel Juste, etc. Parmi ceux-là, Chazal et Maunick se détachent incontestablement. Le premier a su, par son originalité, sa lucidité et sa fulgurance retenir l’attention, notamment, des surréalistes français, dont André Breton himself ; son appropriation du mythe de la Lémurie, entre autres, permet de le rattacher à Robert-Edward Hart. Sens Plastique (1948) et Petrusmok (1951) sont regardés comme ses ouvrages les plus marquants. Maunick, pour sa part, incarne mieux qu’aucun autre poète, d’hier ou d’aujourd’hui, le métissage culturel mauricien. Cet extrait de sa préface à son Anthologie personnelle en dit long sur sa sensibilité et sa démarche : « Sans cesse, ce besoin de parler, à la fois notre vice et notre vertu : nous sommes nés loin, dans des pays exigus, en terre étroite ; nos villes sont souvent sœurs, nos villages se confondent […]. Notre identité, forcément multiple, est davantage à entendre dans notre parler créole, qu’à lire, exprimée à travers des écritures aux alphabets pourtant fascinants. Plus peuple que race, nous additionnons nos fidélités à l’Orient, à l’Occident et à l’Afrique, pour fonder une symbiose, certes difficile, mais seule capable de nourrir notre quotidien, plus sûrement que le plat de riz, la rougaille de poisson salé ou la fricassée de lentilles rouges. Nos aïeux venaient tous de quelque part ; nous avons pour mission de continuer leur exil dans un lieu devenu pays natal. » – fin de citation – Il décroche en 1977, pour le plus emblématique de ses recueils, Ensoleillé vif, le prix Apollinaire (Goncourt de la poésie, dit-on).

     Les autres poètes évoqués, bien que moins proéminents que Chazal et Maunick, méritent néanmoins que l’on s’y attarde : la poésie de Raymond Chasle, pour commencer, se caractérise par une grande audace formelle et, à ce titre, est souvent définie comme expérimentale. Le Rite et l’Extase, publié en Belgique en 1976, marque l’aboutissement de son parcours poétique. Ses autres recueils sont : Le Corailleur des limbes(1970), Vigiles irradiés (1973) et L’Alternance des solstices (1975) ; méconnu de son vivant, Jean-Claude d’Avoine est aujourd’hui considéré comme un des plus grands poètes de l’île. Il n’a pourtant jamais été édité, ni de son vivant ni depuis sa mort, intervenue en  1986. De son œuvre maîtresse, La Cité fondamentale, ne sont connus que les extraits publiés dans la revue L’Étoile et la Clef ; Jean Fanchette, co-fondateur (avec Anaïs Nin) de la prestigieuse revue Two Cities, compte également parmi les grandes voix mauriciennes de la fin du siècle dernier. L’Île équinoxe,publié en 1993 chez Stock, un an après sa mort, rassemble des extraits de ses différents recueils, dont Les Midis du sang (1955), Identité provisoire (1965) et Je m’appelle Sommeil (1977)…

     S’agissant de la nouvelle génération de poètes mauriciens (entendons par là cette génération inconnue, ou quasiment inconnue, il y a une quinzaine d’années et qui est aujourd’hui incontournable), elle est constituée d’auteurs aussi nombreux qu’actifs. Citons, entre autres, Michel Ducasse, Alex Jacquin-Ng, Stefan Hart, Anil Gopal, Thierry Château, Umar Timol, Sylvestre Le Bon, Khal Torabully et Vinod Rughoonundhun… Si tous se connaissent et se retrouvent régulièrement autour de diverses entreprises littéraires, ils ne forment aucune « école », leurs pratiques poétiques se révélant, au contraire, complètement divergeantes. Que dire d’autre de cette nouvelle poésie mauricienne ? Citons un extrait de la préface d’Anil Dev Chiniah, chercheur indépendant, au dernier numéro de la revue de poésie Point barre (on y reviendra), justement consacré aux nouveaux poètes de l’île Maurice : « Peut-on brosser à grands traits un tableau de cette nouvelle génération de poètes ? Qu’ont-ils de commun ? Qu’est-ce qui les sépare les uns des autres ? Peut-on y déchiffrer une esthétique, une thématique, voire un art de langage ? Autant de questions à approfondir pour parvenir à une appréciation juste. / Dans une première approche, on pourrait tenter de caractériser cette poésie hétéroclite en empruntant allègrement la voie négative chère à une certaine école de pensée. Ainsi, il sera clair que ce n’est point une poésie nourrie de tragique. La veine épique qu’a su exploiter savamment naguère un Jean-Claude d’Avoine est aussi remarquablement absente. La révolte ou critique sociale, qui a fait les beaux jours d’une poésie militante et combative, fait également défaut. Quant à un registre métaphysique, on chercherait vainement les stances endolories sur le sentiment d’exil et l’état d’absence, qui ont dans un passé récent tant taraudé nos poètes. Alors, serions-nous en présence d’une poésie de rien sur rien ? En vérité, il est permis de postuler que toute poésie authentique – de ce fait loin du verbiage – vogue aussi sur un néant, porté par le rythme et le moulin du langage. / En fait, contrairement à des prédécesseurs plus enclins à chanter l’ailleurs (et notamment cette France mère des arts et de belles âmes), les poétiques ici étalées pour notre jouissance relèvent d’une volonté d’affirmation de soi et de présence au monde […] Sans doute se trouve-t-on enfin devant une poésie sans complexe, mais qui, loi du genre, se cherche toujours. Poésie dynamique, riche d’une diversité porteuse, prometteuse. » – fin de citation –

      Les écrivains de tous pays font souvent leurs premières armes dans des revues littéraires et autres périodiques. On peut, sans exagérer, parler d’une réelle tradition mauricienne des revues… Est attribuée à une certaine Marie Leblanc, née en 1867, la création de pas moins de dix publications littéraires ou culturelles ; sa « carrière » s’étale sur plus de vingt-cinq ans, de 1890, date de la création de sa première revue, La semaine littéraire de l’île Maurice, à 1915, date de sa mort, survenue suite à l’explosion d’un réchaud à alcool. Le parcours de La Semaine littéraire de l’île Maurice, à parution hebdomadaire comme son nom l’indique, sera brutalement interrompue en 1892 par un cyclone, un des plus désastreux que Maurice ait jamais connu. Mais l’aventure du Soleil de juillet, revue annuelle fondée un an avant le cyclone et destinée à commémorer le 14 juillet, se poursuivra pendant vingt-quatre ans, jusqu’en 1915. Parmi les autres publications de Marie Leblanc, citons Les Roses de Noël, qui marquera vingt-deux ans durant les fêtes de fin d’année ; Port-Louis Théâtre et Port-Louis Mondain, revues consacrées aux pièces, opéras et opérettes au programme dans la capitale ; Victoria Review, Le Couronnement,Entente cordiale, The Empire Day et Rex Imperator, cinq publications dédiées à la famille royale anglaise et à l’amitié franco-britannique ; et La Nouvelle Revue historique et littéraire, mensuel articulé en deux cahiers, historique et littéraire. Chacune des revues publiées par Mlle Leblanc comporte entre vingt-huit et trente-quatre pages, dont huit à dix pages de publicité, et rassemble quatre à cinq poèmes originaux, deux à trois comptes ou nouvelles et une à deux pages d’histoire. Marie Leblanc sombrera dans l’oubli très rapidement après sa mort, mais sera ramenée au devant de la scène par un livre, sorti aux Éditions les Mascareignes en 2007 : Une Mauricienne d’Exception.

     La durée de certaines publications de cette Mauricienne de fait exceptionnelle impose le respect, flirtant parfois, comme on l’a noté,  allègrement avec le quart de siècle. Le record en matière de longévité est toutefois détenu par une revue qui ne doit rien à la courageuse demoiselle. Il s’agit de L’Essor ! Robert Furlong, chercheur indépendant, spécialiste de l’histoire littéraire de Maurice, en dit ceci, dans un article paru dans la deuxième livraison du… Nouvel Essor (traduction de la vaine tentative par l’Alliance française de ressusciter « l’ancien ») : « Au fil des ans, la revue L’Essor, qui parut de 1919 à 1959, a pris une dimension quasi mythique. Au point où la simple évocation de ce titre aujourd’hui provoque une sorte de recueillement instantané ponctué, parfois, d’un “Ah, oui… L’Essor !!!” avec tout ce qu’il faut d’admiration dans la voix pour être culturellement correct… » – fin de citation – Les trois cent vingt-trois livraisons de la revue bénéficieront du soutien de la grande majorité des plumes mauriciennes de l’époque. Organe du Cercle littéraire de Port-Louis, son rôle en tant que découvreuse de talents doit également être souligné. À partir de 1921, en effet, elle publie de façon régulière les textes des primés au concours du Cercle.

     Bien avant L’Essor et les revues de Marie Leblanc, d’autres publications ont contribué aux beaux jours de la littérature mauricienne. Si certaines peuvent être considérées comme des revues culturelles d’autres sont purement littéraires. Trois d’entre elles, Le Créole et La Revue pittoresque, fondées en 1842, à parution hebdomadaire et mensuelle respectivement, et Le Piment, autre hebdomadaire, qui voit le jour en 1844, marqueront durablement l’histoire littéraire locale. Le Créole publiera, sur une période de vingt-deux mois, en plus de nombreux auteurs locaux, quelques écrivains réunionnais, dont le célèbre Auguste Lacaussade. Poèmes, nouvelles, chroniques, anecdotes historiques et articles de fond sur la société mauricienne s’y côtoieront. La Revue pittoresque, quant à elle, accordera une place prépondérante à l’histoire de Maurice. Le Piment, au titre bien choisi, se taillera pour sa part une réputation de revue satirique.

     Fait étonnant, parmi les publications évoquées, aucune revue de poésie, aucune revue exclusivement dédiée à la poésie, ce qui a en effet de quoi surprendre lorsque l’on connaît le surnom littéraire de Maurice : le pays des poètes ! Il faudra attendre le XXIe siècle, le 26 octobre 2006 plus précisément, pour que soit créée, à l’initiative d’un petit groupe de poètes, la première revue de poésie de l’histoire mauricienne. La revue Point barre, c’est son nom, éditée par Cygnature Publications, avec le support de l’Institut français de Maurice, est ouverte à toutes les langues pratiquées dans l’océan Indien, à toutes les « écoles » et tendances de la poésie contemporaine ainsi qu’à toutes les nationalités (sur dix numéros, la revue a publié des œuvres en provenance de plus de vingt-cinq pays, allant du Québec à l’Inde et la Chine, de l’Irlande et la France à l’Australie, en passant par le Maghreb, l’Afrique noire et les Mascareignes). Le propos de Point barre est justement de brasser… le plus large possible ! De permettre aux poètes mauriciens de se rendre compte de ce que font leurs confrères étrangers contemporains, et de permettre, par la même occasion, à ces derniers d’apprécier le travail des poètes mauriciens d’aujourd’hui.

     Point barre est donc la toute première revue mauricienne de poésie. Mais au niveau de la francophonie, les publications dédiées à la poésie sont très nombreuses et très variées, et souvent d’excellente facture. Parce qu’éditées par des passionnés ! Souvent poètes eux-mêmes ! Et ces revues, elles circulent, elles voyagent. Des contacts réguliers, des échanges assidus existent entre les animateurs des diverses publications poétiques, contacts et échanges facilités par Internet et, notamment, disons-le, par Facebook ! Grâce aux revues, les poètes contemporains arrivent à « garder le contact ». Ils s’inspirent les uns des autres, se rendent hommage les uns aux autres, s’appuient les uns sur les autres pour aller toujours plus loin, se renouveler sans cesse, remettre continuellement en question leur pratique poétique… repousser continuellement les limites de la poésie.

     Si la poésie « bouge » encore, « bouge » plus que jamais, c’est en grande partie, soyons-en certains, grâce aux revues.

     Signalons, en guise de conclusion, que les numéros 3 et 4 du volume 13 (automne-hiver 2010) de l’International Journal of Francophone Studies, prestigieuse publication de l’Université de Leeds, sont entièrement dédiés à un colloque organisé par Françoise Lionnet (de l’Université de Californie, Los Angeles) et Thomas C. Spear (de la City University de New-York) sur la littérature mauricienne, avec des contributions de la plupart des universitaires et écrivains ayant participé à l’événement. Ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur les sujets ici abordés (et qui comprennent l’anglais) sont vivement encouragés à se procurer l’ouvrage.