Pierre Bourgeade est mort le 11 mars 2009. Il avait 81 ans. Je l’ai connu très tardivement, après que le prix Sade a été décerné à Catherine Millet (il faisait partie du jury). Nos rapports anciens avaient été conflictuels. Vieilles escarmouches dont les avant-gardes étaient coutumières dans les années 60-70. Pierre bataillait avec ses amis des Cahiers du Chemin, (revue et collection dirigées par Georges Lambrichs chez Gallimard), moi avec les miens du groupe Tel quel (Seuil). Rivalités littéraires et politiques, enjeux de pouvoir. L’image que j’avais de Bourgeade était celle d’un polémiste pugnace, un vrai méchant. J’ai oublié les circonstances et le contenu détaillé de nos échanges. J’avais peu lu ses livres et sans doute la réciproque est-elle vraie. Et puis, on s’est rencontrés, on s’est lus. Comme toujours les meilleures amitiés sont celles qui suivent de solides empoignades. À la place du méchant dur que je m’étais imaginé, j’ai découvert un homme ouvert, doux, drôle, et d’une grande générosité. Une amitié et une complicité sont nées. On aimait à se retrouver régulièrement dans un café de la place du Châtelet et à rêver à d’improbables collaborations. Certaines ont vu le jour, écrits et films. Qu’on a pu s’amuser ensemble !
Pierre Bourgeade laisse derrière lui une œuvre abondante et multiforme : romans, poèmes, photos, films… Une grande partie en est connue, une autre, aussi riche et diverse, est à mettre au jour. Proches amis de Pierre et spécialistes de son œuvre s’y emploient. Deux livres de lui viennent de paraître pour cette rentrée littéraire, d’autres suivront bientôt. Il me faut corriger mes premières lignes : où ai-je été pêcher que mon ami, l’écrivain Pierre Bourgeade, était mort ?
Jacques Henric