1.Introduction
Parlant de la fonction des mythes, Antoine Faivre et al affirment :
Si la fonction des grands mythes est de révéler l’origine, la nature et les fins dernières de notre univers et de notre histoire, celle des mythes dits « littéraires », moins totalisante sur le plan métaphysique apparaît cependant aussi révélatrice de nos cultures et de nos civilisations.[1]
De ce qui précède, il ressort que le grand mythe est essentiellement fondateur, alors que le mythe littéraire est l’expression des civilisations et des cultures qui l’ont vu naître. Le mythe de Faust en tant que mythe littéraire ne saurait échapper à la mission dévolue du mythe littéraire. Par ailleurs, il doit également expliquer le monde. Ce faisant, il peut être l’expression de la psychologie populaire, de l’esprit d’époque et surtout des visions du monde des artistes qui le créent.
Voyageant d’un auteur à l’autre, d’une culture à l’autre, le mythe de Faust a grandi et a fini par charrier plusieurs significations. Le lecteur averti se demanderait ce que Faust signifie réellement chez Johann Wolfgang von Goethe[2] et chez Paul Valéry[3]. Cette préoccupation invite explicitement à voir les intentions profondes qui auraient présidé à la réécriture de Faust. C’est alors qu’on pourra constater que Faust, chez Goethe comme chez Valéry, est l’expression d’une prise de distance par rapport au Faust originel, l’expression de l’esprit d’époque ou de la psychologie populaire, et surtout l’expression des visions du monde.
2. Faust : un mythe mutant
« Un mythe littéraire naît, connaît son apogée, se transforme, puis disparaît ».[4] Par cette assertion Antoine Faivre et al tracent l’itinéraire que suit tout mythe littéraire dont le sort semble scellé dès la naissance. Le mythe littéraire est appelé à connaître des métamorphoses, et surtout à mourir ou à disparaître sous la plume des artistes. Le mythe de Faust est né au XVIème siècle, a connu son apogée au XIXème siècle sous la plume de Goethe. Après Goethe, Faust semble avoir entamé sa phase de déclin, lequel est marqué par des avatars qui s’éloignent de plus en plus du mythe originel. Il s’avère important, à ce niveau, d’étudier la distance qui existe entre les textes de Goethe, de Valéry et le texte originel imprimé par Johann Spiess en 1587.
2.1 Faust : le voyage du récit au théâtre
La première expression littéraire de l’histoire d’Heinrich Faust (1480 –1539), personnage historique ayant réellement existé, date du lundi 4 septembre 1587[5], lorsque l’imprimeur Johann Spiess met à la disposition du public L’Histoire du docteur Faust.
Adoptant le genre épistolaire, Johann Spiess publie les « écrits qui furent retrouvés chez le docteur Faust après sa mort » [6] et qui lui auraient été envoyés par un de ses amis. Dès la dédicace, Spiess désigne et définit les principaux lecteurs de l’ouvrage qu’il publie. Le recueil des récits de l’histoire de Faust que Spiess présente, s’adresse notamment « aux très honorables Caspar Kolln, greffier de l’électorat de Mayence, et Hieronymus Hoff, trésorier du comte de Königstein, [aux] seigneurs et amis bienveillants, à [ses] lecteurs ».[7] Johann Spiess précise également les raisons pour lesquelles il publie les écrits sur la vie de Faust : « Je les ai réunis et imprimés pour servir d’exemple effrayant à tous les chrétiens et les avertir des tromperies et cruautés dont le Diable accable les hommes ».[8] L’histoire du docteur Faust est simplement le « récit de la vie effroyable de ce magicien [ Faust], de ses pouvoirs diaboliques et de sa fin terrible ».[9] Ce récit en quatre parties qui s’étendent sur vingt-quatre chapitres dresse le portrait de Faust, présenté comme un triste personnage, un mauvais chrétien qui s’est détourné de la voie de Dieu pour s’allier au Diable.
Sous la plume de Goethe et de Valéry, l’histoire du docteur Faust renaît au théâtre. Partant de l’histoire de Faust, Goethe construit une tragédie en deux parties dont Faust I et Faust II. Le Faust de Goethe apparaît désormais comme une œuvre de pure fiction qui tire sa source de l’histoire de Faust. Le lecteur ou spectateur de Goethe n’est pas nommé. Il est simplement le consommateur des œuvres d’art. Loin d’être le triste personnage, Faust est plutôt une mascotte dont se sert Goethe pour dire le monde. Quant à « Mon Faust » de Valéry, il apparaît comme une énième tentative d’appropriation de l’histoire de Faust. Lorsque Paul Valéry affirme : « Le personnage de Faust et celui de son affreux compère ont droit à toutes les incarnations », [10] il voudrait par-là justifier pourquoi il réécrit l’histoire de Faust comme beaucoup d’artistes qui l’ont fait avant lui. Chez Valéry, l’histoire de Faust devient le sujet d’une comédie (Lust) et d’une féerie dramatique (Le Solitaire).
2.2 Faust: le voyage à travers le temps et l’espace
Les aventures présentées dans l’ouvrage publié par Spiess se déroulent dans un seul macro-espace. Le personnage principal, être humain de son état, ne pouvait naître et vivre que sur la terre où il acquiert sa personnalité, ses compétences scientifiques et magiques. La ville de Rod dans laquelle naquit Faust est l’icône de l’extrême pauvreté. Quittant Rod dès le bas âge, Faust va s’installer à Wittenberg où il passe son enfance et fait de brillantes études : « Faust alla à l’école apprendre la théologie. Il avait une intelligence si vive et un tel don pour les études qu’il passa brillamment ses examens et reçut le titre de docteur en théologie ». [11] Wittenberg est également sa ville de résidence. C’est de là qu’il part à la conquête du monde (royaumes d’Europe, Asie, Afrique). Ayant pris le bâton de pèlerin, Faust se « rendit à Crasovie, au Royaume de Pologne, où il y avait une école de magie fort renommée qui regroupait des gens s’occupant des formules magiques, des conjurations diaboliques et autres envoûtements démoniaques ».[12] Bref, l’espace dansL’histoire du docteur Faust est facilement repérable sur une mappemonde.
Chez Goethe, tout comme chez Valéry, on a constaté que les référents spatiaux tels que Leipzig et la Russie ne permettaient vraiment pas de situer le cadre spatial de l’action sur une carte du monde. Bien plus, ces auteurs semblaient privilégier l’espace européen, négligeant de ce fait des topos comme l’Afrique ou l’Asie. Toutefois, ils mettent un accent particulier sur des espaces célestes et cosmiques qui constituent des prisons où, subissant les avanies du temps, les personnages anthropomorphes sont enfermés.
Quant à la gestion du temps dans le Faust originel, il faut noter que deux dimensions temporelles sont mises en exergue : le temps du récit et le temps de la narration. L’histoire de Johann Faust se déroule entre 1480 et 1539. Cette tranche de temps correspond exactement à la durée de la vie du Faust historique. L’intrigue est présentée de façon épisodique mais dans un ordre chronologique. Chaque chapitre constitue un épisode qu’on peut définir comme « un fragment de texte qui constitue un récit en soi (donc qui contient une transformation) et qui s’intègre également comme élément du récit global ».[13] Le grand récit (l’histoire de Faust) suit un ordre chronologique comme peuvent le témoigner l’incipit et le dessinit. Ce récit commence par: « la première partie de l’histoire du docteur Faust et du pacte qu’il signa avec le Diable » [14] et se termine par « ce que Faust fit en la vingt-quatrième et dernière année de son pacte ». [15]
Le narrateur de l’histoire de Johann Faust fait usage de toutes les vitesses du récit. De la scène à l’ellipse en passant par le sommaire et la pause, il narre des événements qui se sont déroulés en cinquante-neuf ans. On en arrive à noter que le temps n’a pas de connotation particulière dans le récit imprimé par Spiess.
Goethe et Valéry, par contre, s’approprient le temps et en font le maillon d’un système ou encore une structure indispensable à la compréhension des œuvres dans lesquelles Faust se réincarne.
Grosso modo, il n’y a plus de doute que le mythe de Faust naît avec L’histoire du docteur Faust. Avec la publication du premier livre sur Faust dans le Volksbuch (livre populaire) « le mythe de Faust est né : il va connaître désormais d’innombrables adaptations ».[16]Dans sa mutation, le mythe de Faust se métamorphose sous la plume de plusieurs artistes pour connaître son apogée avec Goethe. Patrick Kermann est du même avis lorsqu’il écrit :
Au XVIIIè siècle le mythe [ de Faust ] acquiert une dimension nouvelle grâce à Goethe, écrivain allemand, qui reprend le « Livre populaire » pour en faire un grand drame auquel il travailla toute sa vie, ne l’achevant que quelques semaines avant sa mort, en 1832. C’est la version la plus célèbre du mythe.[17]
De Goethe à Valéry, Faust semble avoir amorcé sa phase de dégradation. Ses avatars sont de plus en plus éloignés des sources originelles. C’est ainsi que des origines jusqu’aujourd’hui, Faust est devenu un simple instrument pour dire le temps et le monde. Le mythe de Faust survit «à travers les différentes époques qui [ le ] remodèlent […] pour exprimer ses propres inquiétudes et angoisses face aux « mystères insondables de la vie”.[18]
3. Faust : un mythe pour dire le temps
A la question relative à l’importance de l’étude du mythe, Yves Chevrel répond de la manière suivante : « Etudier un mythe, c’est s’interroger sur la représentation que les hommes ont d’eux-mêmes et de leur relation au monde dans lequel ils vivent ».[19] Il en ressort que le mythe est plus ou moins l’expression des rapports entre l’individu et la société. Le mythe littéraire qui naît sous la plume d’un artiste porte nécessairement les marques de la société et de l’époque qui le voient naître.
3.1 Faust et La Renaissance
Le mythe de Faust voit le jour dans la deuxième moitié du XVIème siècle. Deux faits majeurs marquent justement le XVIème siècle allemand : il s’agit de la Renaissance et de la Réformation. Venue d’Italie, la Renaissance remet à l’honneur les études classiques (grec, latin). L’antiquité est remise à la mode. On y recherche surtout des valeurs morales. Il faut noter que la Renaissance vise la libération de l’homme emprisonné par les dogmes religieux. L’homme va en conséquence, sous l’influence de la nouvelle idéologie, s’affranchir des vérités religieuses. Les vérités religieuses vont dès lors perdre leur autorité et avec la Réforme de l’église catholique, impulsée par Martin Luther (1483 – 1546), l’homme cherche le salut par de nouvelles voies différentes de celles de l’église. La révolte de Luther contre le clergé catholique sert de modèle de pensée critique pour les citoyens du Saint Empire Romain Germanique. L’individu cultive le sentiment d’être le maître de son destin. Il peut se détourner du clergé et implorer sans intermédiaire la grâce divine.
Dès lors, l’esprit de la Renaissance se révèle comme un danger pour la religion. La soif du savoir nouveau, le désir d’approfondir la connaissance de l’homme par–delà la religion, la recherche du bonheur terrestre vont éloigner les fidèles de l’église. L’église, ne pouvant assister en spectatrice stérile à sa propre chute, va s’engager dans une nouvelle lutte. Elle déclenche le combat contre les idéaux de la Renaissance : le rationalisme, l’humanisme et l’épicurisme. Tels de grands bergers, les dignitaires religieux vont se lancer à la quête des brebis égarées comme Johann Faust: « un homme qui a réellement existé en Allemagne au début de la Renaissance ». [20] C’est cette lutte contre la Renaissance qui va concourir à la publication de L’histoire du docteur Faust. Son auteur est anonyme, mais on convient avec Patrick Kermann qu’il « s’agit certainement d’un protestant luthérien qui condamne à travers Faust l’esprit de la Renaissance ».[21]
Le théologien Johann Spiess, imprimeur de l’histoire de Faust, a la même intention lorsqu’il décide de porter à la connaissance du public les manuscrits de Faust qui lui auraient été envoyés par l’un de ses amis. Il affirme d’ailleurs à ce propos, nous l’avons déjà vu : « Je les [ écrits ou manuscrits] ai réunis et imprimés pour servir d’exemple effrayant à tous les chrétiens ».[22] Les insinuations de Johann Spiess dans le discours paratextuel témoignent de sa volonté d’attirer l’attention du lecteur sur l’ampleur et la gravité des erreurs que Faust aurait commises. Tel un bon pasteur s’adressant à ses ouailles, et parlant du pacte de Faust avec le diable, il déclare :
Je veux le reproduire ici afin que cela serve d’enseignement et d’exemple à tous les bons chrétiens, pour qu’ils ne s’abandonnent pas corps et âme au Diable ainsi que le fit Faust.[23]
Dans ces conditions, le personnage de Faust ne pouvait en aucun cas servir de modèle pour ses contemporains. On peut dès lors comprendre pourquoi Faust est peint sous un angle purement négatif. C’est un impie, un magicien nécromant, un mauvais chrétien.
3.2. L’humanisme
De la Renaissance naît le mouvement humaniste qui met l’homme au centre de ses préoccupations. Au XVIème siècle, on cherche à marier la foi avec la raison, mais c’est un mariage voué d’office à l’échec. La vérité révélée perd du terrain tandis que la vérité du point de vue de l’homme a le vent en poupe. Les humanistes, à l’exemple d’Erasme de Rotterdam, vont prôner une vérité accessible à l’homme. L’homme reprend conscience de lui-même et de son environnement social.
S’appliquant à penser la vie et le monde et non la théologie, l’homme relègue la surnature au second plan et se consacre à la nature. Il prend pour credo la triptyque humaniste : épanouissement, liberté, nature. C’est alors qu’on assiste à une nouvelle forme d’éducation : c’est l’éducation dite moderne. L’homme n’est plus préparé seulement pour l’au-delà, mais il est également formé pour s’épanouir sur la terre, dans le monde d’ici-bas. C’est ainsi que les expressions artistiques seront presque toutes subordonnées à la fonction pédagogique.
Par sa traduction de la Bible, Luther va justement inventer un nouvel outil d’enseignement : la langue allemande moderne (Neuhochdeutsch), qui devient par ricochet la langue littéraire. Ecrit en Neuhochdeutsch, le livre populaire duquel est extraite L’histoire du docteur Faust apparaît dès le premier abord comme un outil pédagogique. Adoptant effectivement le style pédagogique, l’auteur du premier livre sur Faust contribue à éduquer les jeunes chrétiens.
3.3 Faust et le XVIIIè siècle allemand
Parlant de la vie de Goethe, Khadi Fall déclare :
Johann Wolffgang von Goethe […] a vécu 83 années au cours desquelles il a traversé les différents mouvements qui ont pour noms « Aufklärung », « Sturm und Drang », Classicisme et une partie du Romantisme allemand.[24]
L’histoire littéraire semble ne voir en Goethe qu’un Sturm und Dränger ou un auteur classique. Il faut noter sans nul doute que l’œuvre immense de Goethe porte également les traces de la Aufklärung ou du Sturm und Drang. Faust I et Faust II, par exemple, bien que publiés respectivement en 1808 et en 1832, apparaissent plus ou moins comme le produit de l’ Aufklärung (1720 – 1785) et du Sturm und Drang (1767 – 1785).
3.3.1 Faust et l’Aufklärung
Parodiant Moses Mendelssohn, Khadi Fall définit l’Aufklärung de la manière suivante :
L’«Aufklärung », plus théorique, se rapporte davantage à l’esprit philosophique qui suppose une prise en compte de l’information ainsi que des activités de réflexion portant sur les éléments de la vie de l’homme, selon leur importance, et l’influence qu’ils peuvent exercer sur sa destinée.[25]
De ce qui précède, on peut retenir que l’Aufklärung prône le rationalisme et l’intellectualisme. Ce mouvement se pose également comme la « mesure et [le] but de tous les efforts et de toutes [ses] tendances ».[26] Elle invite l’homme à l’abstraction et à la théorisation par les sciences, mais également à l’acquisition de la culture par des pratiques telles que les relations sociales, la poésie et l’éloquence. On peut dès lors comprendre pourquoi, tel un Aufklärer, Faust se lance corps et âme dans l’étude des sciences. Expert en théologie, en droit et en médecine, Faust vise l’élévation de son esprit. Seule, la science peut lui permettre de mener une réflexion mûre sur la vie et l’environnement de l’homme. La motivation principale de Faust est l’amélioration de la condition de l’homme, de la destinée humaine. Parlant justement de la destinée de l’homme, sans distinction de classe sociale ni de race, le docteur Faust recherche des solutions aux problèmes d’ordre métaphysique.
L’Aufklärung se revèle également dans Faust comme une pratique: « un effort permanent d’amélioration de la situation existante ».[27]Orientée vers l’action sociale, l’Aufklärung permet à l’individu de prendre conscience des réalités sociales. Dans Faust on découvre un héros médecin et enseignant qui contribue par l’éducation à l’émancipation de l’homme. On comprend pourquoi le docteur Faust s’insurge contre les dogmes religieux, devenus des instruments de manipulation de la psychologie populaire. L’homme de l’Aufklärungva également se révolter contre le pouvoir politique détenu par une monarchie. Mû par l’esprit philosophique, l’individu aspire également au droit de regard sur la gestion de la cité dans laquelle il vit. Le pouvoir politique cesse, de ce fait, d’être héréditaire. Qui en est digne peut le conquérir et l’exercer. Dans Faust II, le héros gravit les échelons sociaux pour se hisser au sommet de la hiérarchie sociale. Egalement, il s’engage librement dans des conquêtes expansionnistes. Mû par la volonté de puissance, le héros finit par conquérir une terra incognita, sur laquelle il règne en empereur. Du haut des marches de son palais impérial, Faust fait prospérer et modernise son empire comme pour donner un modèle de gestion exemplaire de la cité des hommes. Ainsi, l’Aufklärung apparaît comme un moyen d’éduquer « un peuple allemand arriéré, exploité par ses princes régnants, et ne jouissant pas […] d’une éducation moderne ».[28]
En somme, l’Aufklärung, comme le dit Khadi Fall paraphrasant Gottfried Herder, est un « mouvement comportant des idées qui incitent l’homme à prendre conscience et à faire usage de ses capacités de discernement et de réflexion ».[29] On reprochait tout de même à cet esprit philosophique son rationalisme à outrance. Il semblait étouffer l’individu et l’originalité dans la création artistique. Mais Goethe sut reconcilier l’Aufklärung avec son frère ennemi, le Sturm und Drang.
3.3.2 Faust et le Sturm und Drang allemand
Orienté vers le lyrisme, le Sturm und Drang prône l’intuition et le sentiment. Sous l’influence de Gottfried Herder (1744-1803) qu’il fréqente entre 1770 et 1771, Goethe va admettre que « la véritable [littérature] n’est pas le fruit des âges civilisés, [mais] elle est le produit de l’âme même du peuple dont elle jaillit spontanément ».[30] Il en ressort que toute littérature doit être l’expression spontanée, sans artifices, de l’âme sociale. Cette volonté de liberté met en péril les normes établies qui sont supposées rendre l’expression artistique plus raffinée. Goethe va , par exemple, mettre en scène la figure du chevalier-brigand, un « héros […] révolté qui combat les institutions artificielles de la société raffinée et corrompue de son siècle » [31] (Götz von Berlichingen). Dans Die Leiden des jungen Werthers, Goethe peint la passion amoureuse et y accorde une place importante à ce qu’il convient d’appeler les droits souverains du cœur.
Au grand dam des règles classiques à l’imitation de Shakespeare (que Gottsched voulut imposer en Allemagne), Goethe fait de son« Faust » une œuvre révolutionnaire. Sur le plan formel, « Faust » est plus un récit dialogué qu’une véritable pièce de théâtre. Les répliques, qui sont plus ou moins de courts récits, sont relativement longues. Faust I n’est découpée ni en actes ni en scènes. C’est une pièce composée de séquences ou épisodes identifiables par des déictiques spatiaux et temporels. On peut, par exemple, noter les marques telles que Prolog im Himmel (prologue au ciel), Nacht (nuit) ou Vor dem Tor (au portail). Au niveau générique, Goethe fait du théâtre un genre poreux. « Faust » est une tragédie dans laquelle interviennent des éléments poétiques à l’exemple des trois Lieder (chants) fredonnés par Margarete. Ces chants lyriques ne sont pas de simples intermèdes lyriques. Ils témoignent de l’évolution sentimentale du personnage (Margarete en l’occurrence). Le sentiment est prédominant dans « Faust ». La preuve presque irréfutable vient de la passion dévastatrice qui consume Faust et Margarete. S’éveillant à la vie, Faust découvre l’amour pur et sans artifices auprès de la jeune Margarete dont la mort lui laissera des marques indélébiles. De même, Faust va connaître l’amour idéal de la belle et légendaire Hélène.
La poésie qui intervient dans le texte apparaît finalement comme un support à l’expression du sentiment amoureux. La ballade du roi de Thulé ( Der König in Thule) [32] que Margarete fredonne « le soir de la première rencontre avec Faust exprime [pour ainsi dire] l’émoi du cœur ». [33] Cette ballade marque la naissance du sentiment amoureux qui, allant grandissant, conduit Margarete à une impasse émotionnelle. Elle est si éprise de Faust qu’elle ne sait plus à quel saint se vouer. Son inquiétude est lisible dans la romance qu’elle chante au rouet : « Gretchen am Spinnrad » [34] (la deuxième ballade). Ce poème « exhale l’inquiétude et la passion d’un cœur épris ». [35] La troisième ballade, Gretchen am Zwinger [36] est une prière que Margarete adresse à la Vierge Marie. Coupable par sa faute, Margarete se prosterne « devant l’image de la Vierge des douleurs » [37] et présente son repentir.
La mise en exergue de la passion chez Goethe traduit plus ou moins la haine de la raison, le rejet du rationalisme à outrance. Les sciences exactes n’ont pas satisfait Faust. C’est alors qu’il tente une expérience dans le domaine de l’irrationnel et de la métaphysique. Deux voies se présentent à lui : la passion et la magie. Ces deux flambeaux le conduisent de la théologie classique à une religion nouvelle : le panthéisme (une autre marque du Sturm und Drang). Comme dans Prometheus, un poème de Goethe, on découvre dans« Faust » l’amour de la divine nature.
On peut désormais comprendre l’apparition de l’Esprit de la terre qui prodigue des conseils à Faust, en prenant soin de le mettre en garde contre l’orgueil et la démesure. Au début de Faust II, le héros, entouré d’esprits qui voltigent dans l’air, communie dans un jardin fleuri avec la mère et divine nature.
3.4 Faust et le XXè siècle français : les Deux-Guerres
« Mon Faust » de Paul Valéry naît dans un contexte de guerre : la Deuxième Guerre Mondiale (1939-1945). La période d’Entre-Deux –Guerres qui a profondément influencé la rédaction de « Mon Faust » est marquée sur le plan politique par « la crise de 29, la montée des nationalismes et des menaces de guerre » [38] et sur le plan esthétique par le dadaïsme, le surréalisme et le nihilisme. De l’avis de Nicole Masson, la première guerre mondiale a « donné aux écrivains le goût de la fantaisie et de la frivolité »[39] et a laissé libre cours à « la littérature de la « gratuité », de la désinvolture, en marge de l’histoire ».[40]
« Mon Faust » apparaît plus ou moins comme le produit de cette désinvolture et de cette tendance à laisser libre cours à la pensée. Optant pour une sorte de fantaisie esthétique propre aux surréalistes, Paul Valéry rédige « Mon Faust », une œuvre qu’on range difficilement dans la catégorie du genre dramatique. Paul Valéry reconnaît humblement que les pièces contenues dans « Mon Faust »s’écartent de certaines normes classiques et traditionnelles de la comédie. Ceci est d’autant plus compréhensible que Valéry a délibérément choisi de publier des pièces inachevées.
Les personnages de « Mon Faust » ne semblent pas faire la différence entre le rêve et la réalité. Faust, par exemple, se perd dans la notion du temps, confond le passé d’avec le présent, la vie imaginaire d’avec la vie réelle. Par ailleurs, on peut affirmer que « Mon Faust » « est le produit de l’écriture automatique qui veut que l’artiste soit une sorte de récepteur qui transcrit sans exercer le contrôle de la raison, tout ce qui vient de son psychisme ».[41] Valéry reconnaît d’ailleurs que son « Faust » est l’expression des pensées incontrôlables qui échappent à la censure de la raison et des normes esthétiques. C’est, pense-t-il, un monologue intérieur ou, mieux encore, un dialogue entre son Moi et lui-même. Se parlant à lui-même comme s’il était soudain habité par un génie, il s’était « laissé aller à écrire ce qui venait ».[42]
Quant à la question politique, Valéry a pris une position particulière. Il écrit son opuscule en 1940, c’est-à-dire, pendant la Deuxième Guerre mondiale, déclenchée un an plus tôt. Mais il choisit d’évoluer en marge de l’histoire. On se serait attendu à un engagement politique, à une prise de position par rapport à la guerre. Faire revivre le mythe de Faust apparaît comme une démission par rapport à la politique de son époque. Le non-engagement politique de Paul Valéry l’oriente plutôt vers un engagement philosophique. Sans être un anarchiste, l’auteur de « Mon Faust » semble avoir opté pour le nihilisme marqué par la négation de toute croyance. Le personnage du Solitaire, entité surnaturelle maudite par la création, est effectivement un nihiliste. Il rejette tout. Il met en branle les lois de la création. Précipiter Faust dans l’abîme traduit justement chez ce personnage sa misanthropie. Rejeter tout ce qu’il y a d’humain apparaît comme un symbole fort de ses velléités nihilistes.
Mutant pour dire le temps et l’espace qui l’ont vu naître, le mythe de Faust traduit aussi les aspirations personnelles du sujet qui écrit. Ce faisant, il exprime des visions du monde.
4. Faust : un mythe pour dire le monde
Il est évident que la réécriture de Faust ne saurait être considérée comme un acte gratuit. Faust apparaît d’ores et déjà comme un prétexte à la peinture de la condition humaine, de l’humanisme, du Moi et de l’idéal universaliste.
4.1 La condition humaine
Les œuvres de Goethe et de Valéry ont pour toile de fond une préoccupation existentielle. On y rencontre des personnages faisant face à leur existence dont ils semblent ne rien comprendre. S’interrogeant sur les origines, l’individu vit un écartèlement indicible. Il est plus que jamais perdu dans une succession de questionnements auxquels personne ne peut répondre. Il évolue entre deux infinis insondables (l’espace et le temps) qui l’emportent comme un cours d’eau traîne un bout de bois. L’existence se réduit finalement à un voyage dans le temps et dans l’espace. L’homme voyage de la naissance à la mort.
« Faust » et « Mon Faust » deviennent plus ou moins la mise en scène de la bataille que le commun des mortels livre contre le temps et l’espace. Toute entreprise du personnage devient ipso facto une tentative d’agression ou de domination du temps et de l’espace. La capture du temps ou de l’espace devient le barème d’évaluation de toute activité humaine, encore que tout ce qu’il fait se situe inéluctablement dans un espace-temps. Réussir signifie désormais surmonter l’influence négative ou les avanies de l’environnement spatio-temporel.
Pour ce faire, il faut se doter de pouvoirs surhumains. Une science ésotérique comme la magie apparaît comme l’ultime voie de recours, car elle va pallier les imperfections de la création. Déçu par la vie et conscient de sa finitude, Faust ne pouvait que s’engager dans des pratiques ésotériques, afin d’acquérir le don de l’invulnérabilité au temps et à l’espace. C’est ainsi qu’il se rajeunit et entreprend de grands voyages. Il va remonter le temps, voyager dans des espaces éthérés où jamais commun des mortels n’avait encore mis les pieds. Cependant, la lutte effrénée contre l’espace et le temps conduit le héros dans une impasse. Il en arrive à ignorer sa véritable identité. Ses origines et sa date de naissance lui échappent complètement.
Par ailleurs, Faust n’est que la copie-image du commun des mortels qui aspire à la grandeur. Chaque homme peut se reconnaître en Faust. Faust, c’est simplement l’homme qui cherche coûte que coûte à repousser les limites de l’ignorance. Conscient de ses faiblesses et de son imperfection, l’homme doit songer à s’améliorer. La connaissance intellectuelle est sûrement la meilleure recette. La meilleure voie est l’érudition qui permet à l’homme d’affronter l’existence. Ce n’est pas un simple fait du hasard si Faust s’abreuve aux sources de la théologie, de la médecine, de la magie etc. La théorie doit cependant s’accompagner de la pratique. La théorie seule est source de déception. La théorie et la pratique, mises ensemble, conduisent à l’épanouissement. Si Faust est insatisfait après de longues années de recherches, c’est parce que ces recherches étaient plus ou moins bâties sur des théories relativement vides dispensées dans les universités. Dès qu’il s’engage dans la pratique, il connaît la célébrité dont il semble s’embarrasser dans « Mon Faust » de Paul Valéry. Mettant à profit les enseignements reçus de Méphistophélès, Faust publie maints ouvrages, jouit des plaisirs auxquels le mortel à difficilement accès.
Malgré la hargne et la volonté, Faust connaît des déboires, de multiples échecs dont la cause est presque inconnue. On peut néanmoins remarquer la forte influence des forces étrangères sur l’individu. C’est le destin qui fait du mortel une simple marionnette. Comme tout homme, Faust est créé faible, et la création semble lui avoir assigné, dès le départ, une mission titanesque. Sa mission qui consiste à affronter la vie semble de prime abord vouée à l’échec parce que toutes les conditions ne sont pas remplies pour qu’il puisse la conduire à un bon dénouement. Il est ignorant et faible de nature. Dieu et ses anges se jouent bien de lui. L’être suprême symbolise chez Goethe le destin auquel Faust ne pouvait échapper, encore que ses faits et gestes étaient commandités et contrôlés depuis le royaume céleste. La tentative d’évasion de Faust échoue. Il ne réussit pas à se forger un autre destin. Il s’éloigne des voies du divin créateur mais doit finalement effectuer un retour aux sources pour apaiser et sauver son âme. L’ascension de Faust est également stoppée par le Solitaire de Valéry. Ce Solitaire, qui précipite Faust dans l’abîme, apparaît une fois encore comme une mascotte utilisée par le destin pour punir Faust de son aspiration à la grandeur. Dans l’abîme, Faust se rend compte que les fées le connaissent depuis la naissance et elles semblent avoir assisté à sa conception. Faust est pris dans un labyrinthe et aucune issue de secours n’est envisageable. Il peut à la longue se résigner et mourir satisfait (cf. Faust II) ou adopter le statut d’esprit errant (cf. Le Solitaire) pour passer le reste de l’éternité.
Cette vision fataliste de l’existence part du constat que Goethe et Valéry auraient fait de leur vivant : le commun des mortels a droit au bonheur, mais les forces de la création le prédisposent au mal-être. Utiliser le mythe de Faust pour crier la misère du monde témoigne du sentiment humaniste qui anime Goethe et Valéry.
4.2 Les vertus humanistes
Contrairement au Faust originel qui est un procès contre la Renaissance avec tout ce qu’elle comportait comme élan humaniste et rationaliste, le Faust de Goethe et de Valéry est plutôt le défenseur des vertus humanistes.
De la Renaissance jusqu’à Goethe, la psychologie populaire n’avait jamais reconnu chez Faust une quelconque vertu humaine. Il était simplement perçu comme ce méchant homme qui avait vendu son âme au diable. Ce regard négatif porté sur Faust trouve un contrepoids dans l’œuvre de Goethe. À la question de savoir pourquoi le docteur Faust est condamné par ses contemporains, Theodor Arnold répond : « Le docteur Faust était un Allemand qui eut le malheur d’être plus savant que ne le permettait l’époque à laquelle il vivait ».[43] Victime de son propre génie, Faust ne pouvait être compris dans une société peu éveillée et enfermée dans les dogmes religieux. Il ne pouvait être pris que comme le magicien dont le diable allait tordre le cou. Heureusement pour lui, il est réhabilité chez Goethe qui admire son génie. Il est un génie assoiffé de connaissances. Ses études de théologie, de médecine etc. contribuent à élever son esprit. Il faut relever que le docteur Faust met ses connaissances à profit pour s’améliorer, mais aussi pour aider les humains de son entourage. C’est un enseignant chevronné qui contribue à l’émancipation de ses étudiants.
En relisant le parcours de Faust dans l’œuvre de Goethe, on peut se rendre à l’évidence que le docteur Faust n’est pas du tout un méchant. Si dans son parcours il fait souffrir des hommes et commet quelques crimes, c’est parce qu’il est sous l’emprise du diable dont il a du mal à se débarrasser. Faust regrette la compagnie de Méphistophélès qu’il considère comme un compagnon d’opprobre. On peut également lui pardonner ses désirs inextinguibles d’autant plus que les pieds lourds du destin pèsent sur lui. C’est la victime de la création. Dieu a délibérément donné au diable le droit d’envoûter Faust. En tant qu’être humain, Faust ne pouvait pas résister à la tentation de s’allier au diable qui fait tant de belles promesses. Malgré quelques défauts, Faust est, en somme, un homme généreux et bon. La preuve nous vient de l’attention qu’il accorde aux étudiants et aux jeunes qui viennent à lui. Sa bonté lui vaut d’ailleurs une grande renommée dans sa ville de résidence. On a souvenance des louanges que les paysans lui chantent dans la rue (cf. Faust I).
En tant qu’enseignant, Faust a voulu prêcher un nouveau mode de vie. Il prône une existence où l’homme doit vivre libre, libéré des dogmes chrétiens. L’homme doit cultiver le culte de l’effort. On peut même dire que Faust constitue un modèle pour l’homme de la société moderne. Ses nombreuses aventures et mésaventures constituent pour le commun des mortels une véritable école de la vie. Karl Theens résume la philosophie de Faust de la manière suivante : « Aux yeux de l’homme faustien et dans son univers, tout est mouvement vers un but […] Vivre signifie combattre, s’imposer ».[44] Le génie faustien développe en l’homme la volonté du dépassement de soi. C’est sûrement en voulant se surpasser qu’on est arrivé à l’essor de la science et de la technologie.
Faust pose également le problème du choix entre le Bien et le Mal dans la société humaine. Faust propose une réadaptation de la conception chrétienne du Bien et du Mal. Cette conception religieuse doit, selon Faust, s’adapter aux réalités humaines. L’homme est plus enclin à vivre qu’à mourir, or, le christianisme semble plus le préparer à la mort qui lui ouvrirait les portes de l’hypothétique paradis. L’homme doit s’épanouir ici-bas. L’effort le conduira à la réalisation de soi. Valéry partage le même avis lorsqu’il crée un personnage obsédé par un seul désir : rédiger ses Mémoires pour jouir d’un minimum de bonheur. Les Mémoires dont il est question constituent en même temps un riche héritage à léguer à la postérité.
L’humanisme de Faust réside également dans le fait qu’il rêve d’une société libre, juste et prospère. Après ses multiples pérégrinations dans l’espace et dans le temps, Faust parvient à se détourner de Méphistophélès, le prince du Mal, pour ériger une cité moderne et prospère où il fait régner la justice et la paix.
Se servir et servir les hommes, choisir entre le Bien et le Mal, choisir entre le bonheur de la vie mondaine et l’éternel bonheur d’un hypothétique paradis constituent autant de dilemmes auxquels l’homme est confronté. Dans cette situation d’écartèlement l’homme doit, selon Faust, opérer librement un choix qui lui procurerait un peu de joie, un peu de bonheur. Faust prône la philosophie du carpe diem parce que la vie est finalement orientée vers l’autosatisfaction. L’existence se réduit de ce fait à la lutte perpétuelle entre l’individu et son moi.
4.3 L’expression du Moi
Dire que Faust est l’expression du Moi revient à reconnaître qu’il laisse découvrir l’être profond de ses auteurs. Dans cette optique, le personnage de Faust devient le double de Goethe ou de Valéry dont il exprime les préoccupations personnelles.
L’histoire qui est présentée dans « Faust » est plus ou moins celle de la vie de Goethe. Même si « Faust » n’est pas une biographie, on peut tout de même reconnaître qu’il est relativement semblable aux Mémoires de Goethe. Goethe a consacré toute sa vie à la rédaction de « Faust ». Dès ses jeunes années d’étudiant, Goethe ébauche l’histoire de Faust, commence par publier le « Urfaust » qui est en fait le point de départ de la longue tragédie de Faust. Dès la publication de Faust I, en 1808, Goethe s’attèle à la conception de Faust II qu’il achève en 1831, c’est-à-dire un an avant sa mort. Tout comme Faust, Goethe est un génie dont le «rayonnement dépasse le cadre de la littérature nationale allemande ».[45] Il a également consacré sa vie à la recherche et à la quête des connaissances. Dès l’enfance, il subit un programme d’étude très varié : « langues anciennes et modernes, histoire et géographie, sciences et mathématiques, sans oublier la musique, le dessin, la danse, l’escrime et l’équitation ».[46] Comme son héros, Goethe a travaillé toute sa vie à repousser les limites de l’ignorance et à corriger les imperfections de la création. Gourmand, friand et insatiable, Goethe ira jusqu’à étudier l’alchimie, car cette science métaphysique élève l’esprit. L’amour de la connaissance et du savoir qu’on trouve chez Faust est tout simplement l’expression hyperbolique et symbolique des aspirations personnelles de Goethe. La passion amoureuse dont sont victimes Faust et Margarete Gretchen rappelle à n’en point douter l’amour de Werther pour Lotte dans Die Leiden des Jungen Werthers (1774). Cette passion incontrôlable qui consume les personnages trouverait sa source dans la vie sentimentale de Goethe. En 1772 à Wetzlar, Goethe, en stage au Tribunal d’Empire, fait la «connaissance de Charlotte Buff, la fille du bailli et fiancée de son ami Kestner ».[47] Ce fut le début d’une passion violente «à laquelle il s’arracha par la fuite ».[48] Les voyages de Faust à travers l’espace et le temps font penser aux séjours de Goethe dans beaucoup de pays d’Europe dont l’Italie et la France. Partageant l’avis de Spaeth, on en conclut : «Faust est l’œuvre de la vie tout entière de Goethe. La 2è partie ne fut achevée qu’en 1831, alors que le sujet avait commencé à le préoccuper dès 1770 ».[49]
Parlant de Paul Valéry, Michel Jarrety déclare que « Mon Faust » «est l’extension de la traditionnelle figure de Faust et, au-dedans, l’intention d’un personnage renouvelé où s’incarneraient des questions proprement valéryennes ».[50] Il en ressort que Valéry utilise Faust pour extérioriser son Moi profond. « Mon Faust », comme nous l’avons vu plus haut, apparaît aussi comme un dialogue, une conversation entre Valéry et son Moi.
Parlant à double voix, Valéry arrive à la réalisation de soi. Dans le même ordre d’idées, Faust cherche l’accomplissement de soi, mais il se heurte à la célébrité que l’entourage lui impose. Maints ouvrages ont été publiés sur Paul Valéry. Et comme son héros, Valéry en arrive à ne plus savoir ce qu’il est en réalité. Valéry et son personnage se retrouvent dans une situation inconfortable. Ils doivent se construire une nouvelle personnalité. Il faut se frayer un chemin entre ce qui est la réalité et ce qui est dit. Parlant du lien entre Valéry et son héros, Michel Jarrety admet : «Faust déplace l’héritage mythique en s’installant dans la mythologie valéryenne du Moi ».[51]
Du mythe littéraire, Faust devient l’expression du mythe intérieur de Valéry, construit sur un ensemble de métaphores obsédantes dont Valéry voudrait se débarrasser. On comprend aisément pourquoi Lust et Le Solitaire deviennent des symboles, des métaphores filées. C’est alors que Lust va symboliser «le conflit de l’Eros et du Noûs ».[52] Lust exprime le Bien et le Mal qui sommeillent en l’homme. Pour une âme qui connaît le mal-être des guerres mondiales, il est bien compliqué d’opérer un choix. L’opposition binaire Faust vs Méphistophélès exprime justement ce conflit intérieur que Valéry endure difficilement. Les pulsions d’amour (Eros) et de mort (Thanatos) conduisent effectivement au conflit entre l’individu et son Moi. C’est dans cette logique que Le Solitaire pose le problème de la négation de soi. La négation de soi est une remise en question perpétuelle qui met le héros dans la quête d’une nouvelle issue, la quête d’une nouvelle personnalité. Dans la nouvelle quête de soi, Faust affronte le Solitaire (son propre Moi) dans un combat singulier et violent. On découvre ici un Moi en quête de liberté. C’est un Moi qui rejette tout, qui veut se dégager de tout. C’est pourquoi Faust est précipité dans l’abîme. C’est un Moi spirituel qui ne veut pas s’encombrer d’un Moi social incarné dans la prison qu’est le corps.
La confrontation entre l’individu et son Moi vise, en fait, la libération de l’esprit qui a besoin de grandir pour s’affirmer. Le séjour de Faust dans l’abîme des fées lui permet alors de se débarrasser de la carapace qu’est le corps. Son corps y meurt et libère l’esprit qui s’échappe de l’emprise des fées et se lance dans un voyage ascendant qui le conduit à l’élévation. La quête de soi qui implique la négation de la matière semble se justifier par le taedium vitae qui anime l’homme de la première moitié du XXème siècle en proie aux affres de la guerre. D’ailleurs, Paul Valéry écrit « Mon Faust » « aux environs de la mort et au bord de la ruine du monde ».[53]
Il n’y a plus de doute que Valéry se dramatise dans son œuvre et Michel Jarrety trouve une justification à cela lorsqu’il affirme :
Que Valéry se dramatise lui-même en Faust, la confirmation nous en est doublement apportée : par le fait que le héros, comme l’écrivain lui-même, est le sujet d’œuvres qui ne le reflètent pas ; par l’ouvrage d’autre part qu’il écrit, dans le texte, avec l’aide de sa secrétaire Lust.[54]
En plus d’être l’expression des questions propres aux artistes, le mythe de Faust, tel que réadapté par Goethe apparaît également comme une prophétie. C’est une vision originelle et prophétique de la globalisation actuelle.
4.4 La dénonciation de la conquête du monde
Dans un article consacré à Goethe, Leo Kreutzer s’attèle à démontrer la raison véritable de la mise à mort du couple légendaire Philémon et Baucis. Il répond à la préoccupation suivante : «Woran in « Faust II » Philemon und Baucis sterben ? »[55] Leo Kreutzer voit dans la mort du couple mythique la conséquence des velléités impérialistes de la société du XVIIIème siècle.
Animé par une volonté expansionniste, Faust s’engage à bâtir une cité moderne. C’est d’ailleurs le dernier projet qu’il veut réaliser avant sa mort. Il a acquis une grande célébrité et accumulé beaucoup de richesses. Il lui faut bâtir une cité modèle et moderne dont les valeurs seront adoptées par les autres peuples. À travers Faust, Goethe dénonce l’époque moderne et industrielle. On se rappelle que la pensée industrielle a conduit à l’impérialisme, à la conquête du monde. Mû par une vision industrialiste, Faust, comme un ingénieur des ponts et chaussées, va charger Méphistophélès de la lourde mission qui consiste à surperviser les travaux de construction de la nouvelle cité.
Le lambeau de terre que Faust fait prospérer n’est ni plus ni moins qu’une colonie sur laquelle il règne. Mal lui en prend quand ses voisins, Philémon et Baucis, s’opposent à lui et condamnent avec la dernière énergie son entreprise expansionniste et impérialiste. Réputé pour son hospitalité légendaire, le couple exprime sa vision du monde à un hôte (victime de Faust) qu’ils ont sauvé des eaux. Profitant de la présence du rescapé d’un naufrage, il dénonce la violence qui accompagne l’entreprise colonialiste de Faust. Kreutzer partage le même point de vue quand il dit : «Das gibt den beiden Alten Anlass, von dem gewaltigen Kolonisierungswerk zu berichten, bei dem sie Zeugen gewesen sind ».[56] La résistance du couple légendaire s’explique d’autant plus que Faust renverse tout sur son passage. Philémon et Baucis n’échappent d’ailleurs pas au rouleau compresseur qu’est la modernisation barbare et effrénée qui ne reconnaît comme valeurs que celles promues par Faust.
À travers cette critique de la modernisation irréfléchie, Goethe attirait l’attention du monde sur les dangers de la pensée unique que l’occident cherchait à imposer au reste du monde. L’histoire retient que Goethe et son compatriote Emmanuel Kant furent les défenseurs du cosmopolitisme et de l’universalisme. Mais tel que ces derniers le conçoivent, l’universalisme n’est nullement pas l’uniformisation des cultures et des valeurs. Avoir la culture universelle, c’est, pense Goethe, prendre conscience de l’existence des autres cultures et de leurs différences. On se rappelle également que Goethe est l’initiateur de la Weltliteratur. Appartient à la Weltliteratur toute littérature qui place l’homme au centre de ses préoccupations parce que les hommes, malgré leur appartenance régionale et culturelle, sont égaux en valeurs. « Faust » apporte, pour ainsi dire, un éclairci supplémentaire à la compréhension de la conception goethéenne du cosmopolitisme et de l’universalisme. Cet ouvrage est également un procès contre la vision globalisante du monde qui peut conduire à la catastrophe.
Parlant de l’actualité de « Faust », Alioune Sow publie en 2000 dans la Revue sénégalaise de germanistique un article consacré à Faust II. Il voit effectivement en Faust II l’allégorie et la critique de la globalisation. La tendance à dominer et à régner sur le monde qui anime Faust est tout simplement la manifestation de l’actuelle et oppressante globalisation qui vise à homogénéiser les cultures, à imposer au monde entier une seule vision des choses. Sow déclare à ce sujet : «Die Tendenz zur Durchsetzung einer unbeschränkten Homogenisierung ist ein Kennzeichen der gegenwärtigen Globalisierung ».[57] L’oeuvre de Goethe devient, de ce fait, une métaphore filée qui dépeint le processus de l’actuelle mondialisation. Les cinq actes de Faust II, par exemple, décrivent les phases principales de la conquête mondialiste. L’acte premier pose l’épineuse question de l’économie et de la grave crise financière. En alchimiste et aidé de Méphistophélès, Faust fabrique de l’argent pour pallier la crise. Dans l’acte deuxième, à l’épisode de la nuit de Walpurgis, Faust va concevoir une véritable politique économique et de conquête du monde par le capital. C’est alors que dans l’épisode d’Hélène (acte III) on découvre Faust conquérant la Grèce antique. L’incursion de Faust dans les temps immémoriaux laisse voir une volonté manifeste de s’approprier et de falsifier l’histoire. Faust voudrait imposer un nouveau prisme à travers lequel le passé doit être lu. Faust s’empare de la place de Ménélas et on en arriverait à parler d’Hélène en tant qu’épouse de Faust et non plus de Ménélas. On peut dès lors comprendre pourquoi l’histoire tend aujourd’hui à être récupérée par l’Occident qui semble justifier l’oppression (l’esclavage, la colonisation, et les guerres humanitaires, etc.) que certains peuples ont subie et subissent encore.
La mondialisation, tel que prédit par Goethe, s’impose par la force. Il faut simplement justifier les guerres par des prétextes tels que la lutte contre la dictature, contre la violation des droits de l’homme. Il faut également punir ceux qui commettent, dit-on, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité. Il faut renverser les gouvernements impopulaires pour bâtir des nations dites libres et démocratiques. Justement, Faust dissout un empire, prend le pouvoir, crée un nouvel empire taillé à la mesure de ses désirs. Il impose à juste titre le modèle de sa nouvelle cité où le capital est la principale valeur. On comprend pourquoi de son château il admire son port, les bateaux qui vont et viennent. Dans cette nouvelle cité, le capital prend le pas sur le politique et le culturel. Il est devenu la seule source de pouvoir.
C’est exactement la même réalité qui se reproduit sur la scène internationale aujourd’hui. Le capital est devenu l’unité de mesure de la puissance des États. La nouvelle vision du monde que l’Occident impose à tous les peuples constitue finalement un véritable danger pour certaines cultures. La tendance à l’homogénéisation conduit certains peuples dans une situation d’autant plus délicate qu’ils se retrouvent privés de leurs valeurs culturelles et morales parce que la mondialisation les leur aura volées.[58]
Pendant que l’opprimé perd ses ressources, ses valeurs culturelles et morales, l’oppresseur, au nom des droits de l’homme et de la démocratie, accumule le capital et en fait la mesure de toutes choses. Le pouvoir du capital devient inébranlable. En dispose qui peut faire entendre sa voix au conseil des nations, sur la scène internationale et imposer ses prix au marché mondial. Après tout, la planète terre n’est finalement qu’une Goldbergwerk, c’est-à-dire une mine d’or qu’il faut exploiter. Cependant, seul le capital délivre la licence d’exploitation. L’Occident, riche et civilisé, serait mieux armé pour raisonnablement exploiter la nature sans la détruire. Le pauvre, le tiers-monde, se révèle comme un exploiteur anarchique qui pillerait, détruirait et polluerait l’environnement. Pour expier ses fautes ou pour être exonéré des embargos, il est astreint à signer et à ratifier des conventions sur l’émission des gaz à effet de serre, sur la protection de l’environnement, sur la protection des espèces rares et en voie de disparition. Surtout, il faut qu’il accepte que les forêts denses amazonienne et équatoriale, plutôt que les déserts du Sahara ou d’Arabie, fassent partie du patrimoine de toute l’humanité.
5. Pour conclure
À la question de savoir quelle est la raison d’être de la réécriture de Faust, on peut simplement répondre en prenant appui sur la logique du temps qui veut que le mythe littéraire naisse et grandisse en se transformant sous la plume des artistes. Née d’un fait réel, l’histoire du docteur Faust devient, sous le prisme de la littérature, un mythe. Ceci étant, il devient un moyen efficace pour expliquer des réalités sociales. C’est alors qu’il devient au fil des ans un instrument pour dire le temps, pour expliquer les réalités d’une époque et d’un peuple. De l’expression du temps et des aspirations culturelles, le mythe de Faust devient à travers ses avatars l’expression des aspirations personnelles des artistes dont il dévoile le Moi intérieur et surtout les visions du monde.
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[1] Antoine Faivre et ai, (sous la direction de), Les cahiers de l’hermétisme, Paris, Albin Michel, 1977. p.9.
[2] Goethe, Johann Wolfgang von, „Faust”, in Werke in zwei Bänden II, Carl Hanser Verlag, 1981, pp.563-860.
[3] Valéry, Paul, « Mon Faust », Paris, Éditions Gallimard, 1946.
[4] Antoine Faivre et al. op cit., p.9.
[5] Johann Spiess, L’histoire du docteur Faust, Traduction de Patrick Kermann, Francfort-sur-le-main, 1996, p.7.
[6] Ibid., p.7.
[7] Ibid., p.7.
[8] Ibid., p.7.
[9] Ibid., p.7.
[10] Paul Valéry, préface de « Mon Faust ».
[11] Johann Spiess, op.cit., p.12.
[12] Ibid, p.13.
[13] Nicole Everaert-Desmedt, Sémiotique du récit, Bruxelles, De Boek-Wesmael, 2è édit., 1989. pp.19-20.
[14] Johann Spiess, op.cit., p.8.
[15] Ibid., p.103.
[16] Patrick Kermann, postface de l’œuvre de Johann Spiess, op.cit., p.117.
[17] Ibid., p.117.
[18] Ibid., p.118.
[19] Yves Chevrel, La littérature comparée, Paris, P.U.F, 1997, p.64.
[20] Johann Spiess, op.cit., p.116.
[21] Patrick Kermann, op.cit., p.117.
[22] Johann Spiess, op.cit., p.7.
[23] Ibid., p.14.
[24] Khadi Fall, « La contribution de l’Allemagne de l’époque de Goethe à l’Education du citoyen allemand. Quel enseignement pour l’Afrique ? », in Amo, op.cit., p.56.
[25] Khadi Fall, op.cit., p.58.
[26] Ibid., p.58.
[27] Ibid., p.60.
[28] Khadi Fall, op.cit., p.58
[29] Ibid., p.63.
[30] A. Spaeth, Pages allemandes, Grenoble, Ed. Didier et Richard, 1951, p.27.
[31] Ibid., p.44.
[32] J.W. von Goethe, op.cit., p.633.
[33] A. Spaeth, op.cit., p.57.
[34] J.W. von Goethe, op.cit., p.649.
[35] A. Spaeth, op.cit., p.57.
[36] J.W. von Goethe, op.cit., p.655.
[37] A. Spaeth, op.cit., p.59.
[38] Nicole Masson, Panorama de la littérature française, Alleur, marabout, 1990, p.452.
[39] Ibid., p.451.
[40] Ibid., p.451.
[41] Ibid., p.461.
[42] Paul Valéry, Avant-propos de « Mon Faust ».
[43] Theodor Arnold, cité par Karl Theens, « Aspects d’une étude culturelle et des métamorphoses d’un thème », Les cahiers de l’hermétisme, Paris, Albin-Michel, 1977, p.90.
[44] Karl Theens, op.cit., p.95.
[45] A. Spaeth, op.cit., p. 32.
[46] Ibid., p.32.
[47] Ibid., p.47.
[48] Ibid., p.47.
[49] A. Spaeth, op.cit.., p.50.
[50] Michel Jarrety, Paul Valéry, Paris, Hachette, 1992, p.116.
[51] Ibid., p.119.
[52] Ibid., p.119.
[53] Maurice Blanchot, Blanchot, Maurice, « Valéry et Faust », in La part du feu, Paris, Gallimard, 1949, rééd.1972, p.174.
[54] Michel Jarrety, op.cit., p.118.
[55] « De quoi meurent Philémon et Baucis dans Faust II ? », Leo Kreutzer, Kreutzer, Leo, “Tod in blühender Landschaft. Woran in Faust II “Philemon und Baucis sterben”, in Amo, Revue sénégalaise de germanistique, n°3, Dakar, janvier 2000, p.109.
[56] « Ceci donne l’occasion aux deux vieux de dénoncer l’œuvre colossale de colonisation à laquelle ils ont assisté. », Ibid., p.114.
[57] « La tendance à imposer une homogénéisation illimitée est une caractéristique de la globalisation actuelle. », Alioune Sow, « Goethes Faust II : Allegorie und Kritik globalen Verfügens », in Amo, Revue sénégalaise de germanistique, n°3, Dakar, janvier 2000, p.121.
[58] « L’épisode de Philémon et de Baucis s’articule autour d’un pillage économique. Et dans l’épisode d’Hélène, il s’agit d’un pillage culturel », Alioune Sow, op.cit., p.126.