Vincent Gayraud est un authentique enfant de 1968, puisque cette année est précisément celle de sa naissance. Originaire du sud-ouest de la France, après des études d’art à Aix-en-Provence il s’est installé en Martinique où il enseigne les arts plastiques. Son œuvre témoigne d’une parfaite maîtrise du dessin, qu’il est nécessaire de saluer, les temps étant ce qu’ils sont, même si elle est la moindre des choses qu’on attend d’un peintre, et même si elle ne saurait suffire, évidemment, pour faire un véritable artiste.
Ce qui frappe avant tout, chez Gayraud, bien au-delà de sa maîtrise de la technique, c’est la force que dégagent ses personnages. Une force surnaturelle, puisque ces figures sorties du crayon ou des pinceaux ne sont la copie fidèle d’aucun modèle, mais traduisent la vision particulière, unique, de l’artiste. La puissance de cette peinture est au plus haut dans la série de tableaux intitulée NBF-MDE (Noir Blanc Fragile – Mode D’Emploi) où, pour la première fois, Gayraud focalise sur les regards. Cette série de grandes toiles, toutes à la dimension 1m x 1m, représente uniquement des visages, ou plus souvent la partie la plus expressive du visage, entre front et lèvres, celle qui comprend les yeux, le nez, la bouche. La profondeur des regards, l’intensité des sentiments qu’ils dégagent, de tableau en tableau, suscitent immédiatement l’émotion. Rarement un peintre aura su représenter aussi justement la qualité d’humanité dans ses portraits.
Le noir du fusain et la peinture blanche du fond sont rehaussés par quelques touches de couleur, ou du matériau d’emballage. Un examen rapproché fait surgir tout un réseau aléatoire de traits en relief, tandis que la bande de plexiglas qui traverse une partie du tableau contribue à accentuer les contrastes, à moins que, se transformant en miroir, elle ne cache le motif qu’elle recouvre. Tous ces procédés qui sont autant de signatures de notre époque picturale traduisent, si l’on veut, un nouvel académisme. Mais quel artiste n’est pas influencé par son époque ? Lorsqu’on juge un peintre, il paraît assez vain de se demander à quels codes il obéit. Par contre, il importe de savoir si sa peinture nous touche. Et celle de Gayraud ne peut laisser personne indifférent.
Gayraud a peint d’autres séries, de factures différentes. On trouvera ci-dessous des exemples de trois d’entre elles : une « Maternité » à la figure de masque asiatique ; une « Vanité » dans laquelle un jeune garçon se trouve confronté à la mort sous les espèces d’un masque africain ; enfin un couple aux visages caricaturés. Dans ces trois séries, non dénuées d’humour, les têtes sont encapsulées dans une bulle, scaphandre futuriste ou auréole métaphysique (?)
2011 est l’année des Outre-mer français. Gayraud a été sélectionné pour représenter la Martinique à l’exposition programmée à Paris, au « 104 ».