Scènes

Ouverture de la saison 2017-2018 au Pavillon Noir

Le Ballet Preljocaj a son port d’attache à Aix-en-Provence dans le Pavillon Noir, bâtiment emblématique signé par Rudy Riciotti, l’architecte du MUCEM à Marseille. Ce lieu voué aux répétitions contient également une salle de spectacle dédiée aux petites formes. Pour l’ouverture de la saison, Angelin Preljocaj a choisi parmi ses chorégraphies une pièce ancienne pour deux danseurs et une création pour quatre danseuses et deux danseurs.

Un Trait d’union

Au début de la pièce, un danseur se bat avec un fauteuil ou plutôt il s’en sert comme d’un partenaire sur lequel on peut grimper, sauter mais qui peut aussi se retourner et vous écraser. Cependant la pièce ne commence vraiment qu’avec l’entrée du second danseur, puisque son propos est l’altérité : si l’autre est différent de nous, il ne l’est pas au point où nous n’aurions rien en commun. Pendant toute la pièce les deux danseurs vont se chercher, se heurter, s’esquiver. Complicité, défi, guerre ou paix : gestes et sentiments s’enchaînent sans se ressembler.

Fallait-il prendre deux danseurs du même sexe pour illustrer le propos du chorégraphe, inspiré du mythe de Platon, dans le Banquet, suivant lequel les premiers humains étaient des êtres parfaits, complets, que les dieux ont séparés en deux moitiés, chacune depuis cherchant son manquant ? Pas obligatoirement mais c’est incontestablement plus fort ainsi, tout en étant plus proche des mœurs des Athéniens qui cherchaient l’âme sœur dans un garçon.

Ajoutons pour finir que la musique de Bach (largo du concerto pour piano n° 5) qui domine dans cette pièce lui ajoute la profondeur, la densité propre au maître de Leipzig.

Still Life

Les deux mêmes danseurs reviennent après l’entracte, accompagnés de quatre danseuses pour une pièce qui ne parle plus seulement de la séparation mais de la mort, à la manière des Vanités de la peinture classique. Pour que le propos soit plus explicite, les danseurs utilisent les objets présents traditionnellement dans ces peintures (crane, sablier, couronne, mappemonde, etc.). S’ils aident à la compréhension de la pièce, il nous a semblé que ces accessoires nuisaient à la fluidité de la danse et que les moments où ils sont introduits dans la chorégraphie ne sont pas les meilleurs. On n’en dira pas autant des cubes alignés en fond de scène qui, d’abord utilisés comme sièges puis retournés, deviennent des masques couvrant toute la tête, parfois les épaules des danseurs, ce qui donne lieu à une danse d’aveugles d’un effet saisissant.

Preljocaj exige la perfection de ses danseurs dans les passages de virtuosité comme dans ceux où les corps reprennent des forces. La danseuse étoile Emilie Lalande (La Juliette du Roméo et Juliette de Preljocaj) a particulièrement impressionné dans cette nouvelle création du maître.