Mondes européens

Réflexions sur les origines de la nouvelle judéophobie en Occident, inspirées par Emmanuel Levinas

« La nouvelle judéophobie planétaire […] ne se fonde pas sur une théorie raciste, elle consiste au contraire à retourner contre les Juifs l’accusation de ‘‘racisme’’. Elle se donne donc pour une position  ‘‘antiraciste’’. »

Pierre-André Taguieff[i]

Le grand succès en librairie, pour un ouvrage classé dans les sciences humaines, du livre de Shlomo Sand paru il n’y a pas si longtemps, Comment le peuple juif fut inventé (Fayard, 2008), pose encore une fois la question de l’imposante irrationalité qui se décharge automatiquement dans les lieux communs occidentaux lorsqu’il s’agit d’Israël. Que signifie de la part du public intello cet accueil d’un travail qui n’est jamais qu’une énième et laborieuse variation déconstructiviste sur le thème du mythe de l’identité (que « le nouvel historien » concède pourtant aux Palestiniens) ? Pourquoi se laisse-t-on séduire par l’absurde dénégation postmoderne du réel sous prétexte que toute réalité implique une conscience, en l’occurrence celle d’un peuple, laquelle est toujours un travail, une construction (mais qui ne revient en définitive à personne, soutient le déconstructiviste qui s’est fixé pour tâche de tout nier, y compris lui-même) ? C’est que Shlomo Sand rejoint ainsi les cohortes de pacifistes qui, depuis les années 70 et par le biais du thème des « spoliations terriennes », de « l’apartheid » et son plan « d’épuration ethnique », visent un crime impardonnable, ontologique : l’existence d’Israël. « L’Allemand coupable du nazisme et non de l’Allemagne, l’Italien coupable de Mussolini et non de l’Italie, le Français coupable de Vichy et non de la France s’en tirent mieux »[ii] Une chose est de considérer la réponse juive, le retour à la patrie ou sa fondation, comme n’épuisant pas la question, une autre est de réduire cette réponse à une nature criminelle. L’intensité de l’effort à déconstruire pointe de cette manière vers autre chose qu’une critique. Autrement dit et pour le dire sans ménagement, l’antisionisme contemporain — devenu l’évidence des bien-pensants — constitue pour le moins, par son agitation extrême (en particulier sur le Net), un acte complice de judéophobie.

Pourquoi donc tant de haine ? Pourquoi Israël doit-il systématiquement incarner aux yeux de tous ceux qui se disent « progressistes » la scène où se joue l’humanité du monde entier contre la barbarie dans sa pureté[iii] ? Parce qu’à l’heure du cosmopolitisme,                     « l’ultranationalisme » israélien, trahissant « l’essence » du juif errant (comprenons : reniant le nomadisme ou transnationalisme tant à la mode), viendrait comme un cheveu sur la soupe ? Parce que Tsahal (qui ne guerroie pas mais « massacre ») bousculerait le schéma mental attaché à l’antique figure du « bouc émissaire » ? Parce que l’Etat d’Israël, à titre d’indemnisation « au détriment des Palestiniens », serait né de la honte occidentale ? Parce que l’Etat hébreux constituerait « au Sud » le bras droit de « l’impérialisme américain » ?

En réalité, ces hypothèses se rassemblent et se fondent en s’inscrivant dans le tréfonds de la judéophobie dont Emmanuel Levinas a su, dès les débuts de son œuvre, condenser l’essence en une formule lapidaire que nous allons tenter de dérouler avec lui pour comprendre la nouvelle judéophobie comme l’une de ses modalités : « Derrière l’envie ou l’intolérance qui le dissimulent, il [l’antisémitisme][iv] est la révolte de la Nature contre la Surnature […]. »[v] La vérité posée en ces termes doit être entendue dans sa résonance phénoménologique.

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La judéophobie ne se confond pas d’abord avec le racisme : il n’en est pas une expression. « Dans l’expression du racisme, on ressent l’identité humaine uniquement à partir de sa persistance dans l’être, en faisant valoir les différences qualitatives, les attributs, comme dans l’appréciation des choses qu’on veut posséder ou rejeter. »[vi] Dans une vision hallucinante-hallucinée, le raciste vise l’autre comme un objet dont il appréhenderait tous les côtés. Il le fixe en résumant son être dans une nature, une totalité de prédicats, un type qu’il classe catégoriquement, jugeant qu’il ne peut pas partager le même monde ou l’ordonnant à une hiérarchie. Autrement dit, le racisme n’épuise pas toutes les possibilités du mal.

 

1.  La motivation transcendantale de la haine

L’intentionalité de la haine dans sa pureté vise en réalité (l’)au(-)delà de l’être. Originairement, elle ne hait pas la différence mais l’altérité : « c’est l’altérité qui fait la différence. »[vii] L’altérité, c’est — par delà ce qui se sent et se représente, par delà l’être et le genre — ce qui rend chaque homme, chac’un, unique. L’altérité, c’est le fait qu’il y a de l’infigurable.

Ce qui sollicite la haine n’est pas, en d’autres termes, la résistance qu’opposerait la liberté d’autrui ne cédant pas à notre bon vouloir. Il n’y est pas d’abord question d’une épreuve de force ou d’un très grand pouvoir qui infléchirait une autre volonté et motiverait de la sorte sa rébellion. La volonté de réduire l’autre au néant se porte vers ce qui dépasse absolument le pouvoir ou l’impuissance : « l’infigurabilité » ni vue, ni touchée, qui scintille dans le yeux d’autrui. Infigurabilité qui ne se mesure à rien et de la sorte désarçonne en profondeur, sans repli possible, ce qui ne peut rien contre elle ; l’infigurabilité « paralyse le pouvoir même de pouvoir. »[viii] La haine surgit originairement de ce dérangement.

L’énergie, la spontanéité du désir meurtrier se fonde alors sur cet ajustement à ce qu’il ne peut absolument pas atteindre. « L’altérité qui s’exprime dans le visage fournit l’unique ‘‘matière’’ possible à la négation totale. »[ix] Motivé par ce qu’il ne peut atteindre, puisque la matière, infiniment, lui échappe, le désir n’est pas encombré par la prise où sommeille toujours la crispation. Le pouvoir qu’exerce la haine sur la chair meurtrie vise donc au delà de ce qu’il peut viser : la haine reconnaît (d’une connaissance non thématique) à sa façon l’entière indépendance de l’autre.[x]

Aussi, ayant tranché en faveur d’Aristophane dans Le Banquet, la psychanalyse rivée au registre du manque et/ou de la possession, restitue les choses dans le mauvais sens. A travers le prisme du complexe d’Œdipe, les intentions criminelles apparaissent divines, naturelles, liées au destin, et surmontées, refoulées par la promulgation paternelle de la Loi qui, par son interdiction, autorise le sujet à désirer. La psychanalyse, pourrait-on dire, met la charrue avant les boeufs. Certes la haine fratricide de Caïn s’inscrit également dans une rivalité mimétique. Mais, face à Dieu, la parole de Caïn : « Je n’ai pas su », signifie précisément que, s’étant détourné de l’au-delà, celui-ci s’ignorait comme meurtrier. Après coup, il se découvre tel, son geste allait plus loin qu’il ne le pensait : « l’œil était dans la tombe et regardait Caïn. »

 

2.  La judéophobie comme forme de la haine pure

La judéophobie constitue la forme historique la plus frappante de la haine pure. C’est que le judaïsme, avant de se distinguer comme façon de comprendre, professe la séparation de l’homme d’avec le monde. Le Juif s’exprime originairement comme trace de l’au-delà ; l’homme de la culture du Livre habite le monde à titre d’invité. Il n’est pas attaché au monde, mais à son Créateur. Avant de se donner en représentation, signe d’une jouissance comblée où la réalité se répète dans l’apparence et la théâtralité, la conscience juive est celle d’une gratitude s’offrant comme l’ouverture de l’homme à ce qui excède la conscience : l’Infini, le Bien, Dieu. « Au-delà » absolument incompréhensible, au delà du sensible, au delà de la confusion païenne du visible et de l’invisible, au delà des idéaux projetés par les pulsions : Dieu unique. Gratitude ou inquiétude (culpabilité sans faute) qui interdit de se croire pleinement souverain et ouvre au sens du provisoire. Le Juif se dresse ainsi face à l’idolâtre qui, ignorant la transcendance, se satisfait du monde, se repose sur lui ; idolâtre qui, persévérant dans l’être, comprend l’infini dans le fini — structure même du fétichisme.

Mais le Juif n’a pas à mourir au monde et s’abîmer dans la contemplation de l’Autre : « cette différence entre le moi et le monde est prolongée par des obligations envers les autres. »[xi] C’est dans l’attention aux autres que l’Autre est reconnu.

Par son enseignement, le judaïsme communique ainsi le sentiment d’étrangeté qui n’est pas le dépaysement ; il communique « son inquiétude du bien. »[xii] Face à l’évidence où se love l’existence, il oppose une loi qui n’est pas de ce monde. Le Juif où passe l’irréductible étrangeté, déjoue le solide, défait le préjugé, secoue l’inébranlable, juge l’histoire plutôt que de paraître devant elle. C’est ainsi que l’historien rejoint le philosophe : « […] la tradition de Moïse, la seule à sevrer l’homme de la nature, à combattre férocement les idoles en bois et en pierre, décréta illusoire et même sacrilège le rêve immortel, suscitant de la sorte une résistance permanente, et des résistances et des haines qui allaient en même temps à ces porteurs incarnés de l’Ancien Testament qu’étaient, aux yeux du monde, les Juifs — quoi que ceux-ci puissent dire ou faire. »[xiii]

Mais à travers l’image du Juif projetée par les yeux du monde, perce réellement depuis l’altérité une mise en question plus profonde que n’importe quelle attaque : la distance — face à l’univers politique, face à une conceptualité qui enserre les individus, face à l’Etat que l’on doit servir — qu’« une fidélité à des souvenirs et à un livre »[xiv] a su entretenir, la conscience d’un peuple un dans les migrations, parmi les nations, « à travers les ères diverses et contradictoires de l’Histoire »[xv]. Et c’est bien cette étrangeté irréductible à quelque nationalité et s’inscrivant dans la filiation qui unit le Juif athée au religieux.

Que l’au-delà ou l’absolument autre soit appelé « Dieu », n’a pas ici d’importance. Pour le phénoménologue, il se signifie dans un bouleversement radical de la conscience, son délogement. Bouleversement qui n’est pas vécu (sauf, d’une certaine manière, chez le psychotique) mais structure précisément le sujet en disposant son œuvre critique sur le fond d’une impossibilité à occuper son foyer, en permettant donc à la réflexion de se poursuivre, d’être à chaque fois relancée. De la même manière, lorsque Levinas traite du paganisme, il pointe, en deçà de tout contenu théologique, cette tendance de l’être à persévérer spontanément dans son être. Autrement dit, il s’agit d’appréhender la conscience juive en tant que culture exposant originairement et dévoilant singulièrement la trace de l’au-delà que recèle l’humanité.

Le lexique judéophobe moderne — centré sur l’invisibilité des Juifs, leur manière sournoise d’agir, leur regard fuyant, sur l’angoisse d’une société secrète, d’un pouvoir occulte, d’un complot international, sur l’infection, le parasitisme que représentent les Juifs disséminés partout dans le monde — vise donc précisément, « dans le langage du ressentiment »[xvi], cette étrangeté, cette insaisissabilité qui interroge l’existence, l’oblige à ne pas aller sans dire.

La théorie du complot est en effet incontestablement liée à l’avènement de la démocratie. Etant donné le travail du doute consubstantiel au régime moderne, étant donné  l’impossibilité pour le peuple souverain, en l’absence d’un pouvoir qui lui donnerait corps en le figurant, de se rendre visible, « le complot serait l’élément-clé de l’imaginaire qui permettrait aux agents sociaux de se rendre intelligibles les mécanismes du pouvoir. »[xvii] Les Juifs apparaissent ainsi comme les agents de la dissolution sociétale.

Mais, bien qu’il ne faille pas confondre toutes les époques où s’identifient à chaque fois un mode particulier de la judéophobie et qu’il faille souligner naturellement la spécificité du nazisme (qui n’est pas une extension logique de la judéophobie chrétienne dont l’Eglise a su se départir), il n’en reste pas moins que l’on retrouve au Moyen Age, par exemple, autre chose qu’une simple accusation de déicide. Comme l’indique Léon Poliakov[xviii], l’anxiété suscitée par le Juif s’expliquerait au fond en tant que conscience faussée par la présence de ce qui  démentirait de soi la croyance en la résurrection du Christ, voie royale à une Eglise triomphante. Ainsi le marquage et la ghettoïsation renvoient à la nécessité de cerner celui dont la ruse va jusqu’à pousser les hommes à nier son existence : Satan. Et par un retournement mythifiant, la terreur dote les Juifs refusant la nouvelle Alliance d’un pouvoir magique : leurs tribulations deviennent la preuve de l’existence de Dieu.

C’est bien là à une démonologie que nous avons déjà affaire ; une démonologie que l’Eglise, à l’époque, n’a pas su dominer, complice qu’elle était du rêve immortel mettant en cause l’inquiétante étrangeté des Juifs.

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Venons-en maintenant à la nouvelle judéophobie. Notre thèse : celle-ci plonge ses racines à la confluence du marxisme et du postmodernisme. Mieux : la judéophobie des progressistes s’approfondit et renouvelle son printemps au contact du postmodernisme.

 

1.  La judéophobie marxiste

Le marxisme, quoi qu’on dise, quoi qu’il dise, qu’il ait fait ou fasse encore, continue de faire bonne figure. Les belles âmes pérorent toujours que la solution finale à la misère sociale tient au renversement de l’exploitation de l’homme par l’homme, que le discours dominant reflète les intérêts de la classe dominante, que les raisons d’un phénomène relèvent de ses causes socio-économiques… En bref : « Sale bourgeois ! » sonne toujours comme un pléonasme et le libéralisme économique constitue la source doctrinale de tous les maux sociétaux pour les cohortes d’intellocrates qui n’ont pas commis « la faute » d’être « de droite ».

Le spectre de Marx hante et captive les bonnes volontés en se diffusant dans un lieu commun : le dessein communiste n’est absolument pas rabattable sur la corruption du dessein ; l’idéal communiste de justice qui inspire encore tant d’hommes aujourd’hui ne correspondra jamais au projet exécuté par les nazis. Il serait temps d’en finir avec ce lieu commun.

Outre que la notion de « classe sociale », malgré sa popularité, n’a jamais été un concept valide, puisque, démarquant les groupes par des facteurs économiques comme le revenu, la fonction économique et la relation à un système de production, elle regroupe de ce fait des critères hétérogènes ; outre que notre société apparaît depuis longtemps comme post-industrielle ; outre que le prolétariat ne peut pas, en tant que masse des défavorisés, accéder au pouvoir puisque celui-ci est réservé, par définition, à une minorité privilégiée — le marxisme est indéfendable parce qu’il constitue, pour reprendre Poliakov, une « diabolectique »[xix]

Le marxiste à la base, en effet, n’invoque pas un enchaînement causal, mais un ordre invisible dans l’enseignement immédiat de la conscience : la loi de l’Histoire. Les actions humaines sont subordonnées à une fin, un dessein voulu par l’Histoire et produit par sa ruse. Les hommes, instruments aveugles de l’Histoire, ne savent pas ce qu’ils font. Ainsi, l’anéantissement du capital provient de ses propres forces : la bourgeoisie, croyant agir dans son intérêt, creuse en réalité sa propre tombe. La marche de l’Histoire implique donc une confusion entre moralité et conceptualité. Le capitaliste est « le capital fait homme »[xx] et le capital n’est rien d’autre qu’un « vampire »[xxi]. Ainsi, une classe sociale, la bourgeoisie, est personnifiée par diabolisation (c’est une entité mauvaise par essence) et jaillit la monstrueuse notion de « culpabilité objective » et son corollaire « la trahison objective ». Il incombe au marxiste, animé par son entrevision de la fin de l’Histoire, de se conformer à l’élaboration du processus, d’activer donc la purge.

Or, à l’échelle planétaire, qui ? selon Marx, incarne, tapi dans l’ombre des tyrans, l’âme diffuse du capital millénaire, dissolvant la couleur et la saveur du monde, des époques, et toutes les formes que l’on juge sacrées, dans le flux glacé du profit ? « Les marchands d’argent juifs… »[xxii]

 

2.  Le délire postmoderne

Le postmodernisme se donne comme un approfondissement du marxisme en ce qu’il recherche une liquidation totale du principe de propriété.

La sphère du privé, du sujet, du propre, est pour le philosophe postmoderne un mythe. Mythe de l’identité ou de l’appropriation (de soi) qui constitue l’essence « désastreuse » de l’Occident. Le diagnostic que pose le postmoderne est alors proprement délirant : « L’idée même du mythe résume peut-être à elle seule ce qu’on pourra nommer tantôt l’hallucination, tantôt l’imposture de la conscience-de-soi d’un monde moderne qui s’est exténué dans la représentation fabuleuse de sa propre puissance. L’idée du mythe concentre peut-être à elle seule toute la prétention de l’Occident à s’approprier sa propre origine, ou à lui dérober son secret, pour pouvoir s’identifier enfin, absolument, autour de sa propre profération et de sa propre puissance. L’idée du mythe présente peut-être à elle seule l’Idée même de l’Occident, dans sa représentation et dans sa pulsion permanentes d’une remontée à ses propres sources pour s’y réengendrer comme le destin même de l’humanité. »[xxiii] Or, le mythe d’une humanité qui s’engendre d’elle-même est la formation du mythe aryen.

Autrement dit, la volonté techno-scientifique en tant que déploiement du mythe occidental de la conscience, de la raison qui s’empare de l’Etre, conduit à la production d’une industrie qui ne fait absolument plus rien d’autre que d’éliminer purement et simplement : la boucle est bouclée par le nihilisme comme machine de mort. « […] l’Extermination [Auschwitz], est à l’égard de l’Occident la terrible révélation de son essence. »[xxiv]

Le postmodernisme se propose donc d’interrompre le cycle infernal du mythe de la conscience de soi en célébrant le désoeuvrement. Le pouvoir (dans tous les sens du terme), le savoir, le principe d’identité (« la loi est la loi ») — c’est-à-dire l’emprisonnement, l’interdiction, la sélection —, ne sont pas discutables parce que toute discussion sensée n’opposera jamais que des raisons à la Raison. La critique du pouvoir demeure une forme de pouvoir. Il ne s’agit donc pas de réfuter le principe d’identité ou de propriété mais de montrer comment, de manière générale, chaque chose est entamée par son contraire, son double. Une contrariété qui n’invite pas au dépassement selon la loi de la dialectique (thèse / antithèse – synthèse), mais paralyse le sujet en ce qu’il endure l’indécidable : le double sens n’est pas maîtrisable.

Il y aurait de la sorte, selon le postmoderne, toujours deux choses  dans une chose : elle-même et son simulacre et ce ne serait jamais la même chose que l’on retrouverait derrière lui. Décider, en général, ce serait ainsi faire violence, trancher, en découpant arbitrairement des catégories dans la dissémination essentielle du réel.

L’impossibilité de discerner entre le bien et le mal, entre l’un et l’autre, telle est l’amoralité de l’histoire (c’est-à-dire d’une fable) pour le postmoderne. Il n’y a donc rien à faire puisque rien n’arrive vraiment. (De la même manière, ce que nous « pensons » être arrivé est, en fait, « peut-être » arrivé, « nous n’en savons rien ». Autrement dit, l’événement est de fond en comble indicible, il est arrivé en même temps que pas encore arrivé ; n’ayant jamais lieu (au présent), il échappe de la sorte à la re-présentation.)  En toute rigueur postmoderne, il faut s’en tenir à l’impossible.

 

3.  Postmodernisme et politique

Sur le plan politique, « il faut » également que « la communauté résiste à sa propre mise en œuvre »[xxv].

Au lieu du dialogue, de l’échange, l’articulation de la voix signifie aux yeux du postmoderne que le moi n’a pas pris la parole, parce que dans la parole, on ne s’entend guère parler mais on entend que de l’autre parle en soi. Ce qui, en un sens, détermine la structure même de l’inspiration (« Je est un autre »). Sauf qu’il appartient au sujet de reprendre à son compte l’inspiration sous peine d’expirer dans la folie. Mais le postmoderne ne saurait tolérer un quelconque retour à soi. S’agit-il alors que nous succombions tous à la folie, passionnément ? Rien de plus normal puisque la folie, la fragmentation mortelle du sujet, est pour le postmoderne l’essence du désir que la société moderne réprime en l’assujettissant à la passivité (en retournant le désir contre soi, en bouclant le désir : le désir souffre ainsi d’être maîtrisé, d’être laissé en souffrance). Il faut libérer la folie (ce que la raison ne comprend pas) qui n’est pathologique que dans cette mesure où elle est contenue dans un sujet enfermé, circonscrit par le savoir en place. Le mot d’ordre postmoderne est donc « la joie devant la mort »[xxvi].

Mais quand le postmoderne dit « il faut que la société… », il ne vise personne : « (Je dis : ‘‘il faut…’’ — et cela ne peut être ordonné par aucune volonté, à aucune volonté. Cela ne peut faire l’objet, ni d’une morale, ni d’une politique de la communauté. Et pourtant, c’est prescrit… Et une politique peut en tout cas se donner pour objet que cette prescription puisse toujours se frayer un libre accès.) »[xxvii] Nous retrouvons ici sous le thème du désoeuvrement, de l’expropriation totale du sujet s’illusionnant sur son droit de propriétaire, le travail d’une puissance anonyme, advenant par prosopopée ; c’est plus fort que soi : il faut que le postmoderne déconstruise ce qui ne se déconstruit pas encore. « C’est impossible et cela se fait. »

Cet oeuvre de mort est naturellement présente pour le postmoderne dans le projet politique moderne arrivé à maturité : la démocratie au sein de l’Etat-nation.

Le projet moderne s’ouvre en effet selon lui dès l’abord en guise d’« immunisation ». Allergique à l’autre, à l’étranger, etc., le principe de souveraineté nationale émerge comme un vaccin contre l’autre. Mieux : le principe d’autonomie ne congédie pas seulement l’autre, mais l’exposition même à l’autre. De la même manière, le Droit, élément du calcul égoïste sur lequel repose la société, est par essence arbitraire et donc fondamentalement violent, puisque, en tant que fondement, « il n’est absolument pas fondé ».

Cependant, à son comble, l’immunisation est conduite, pour le coup, à s’immuniser elle-même. La souveraineté, dans le moment même où elle s’approprie son autonomie, s’auto-immunise. Elle se déconstruit elle-même et réouvre la faille de la communauté où le même et l’autre sont le semblable. Voilà la démocratie souveraine ou la souveraineté démocratique qui creuse en soi le jeu des différences parasitant la volonté générale.

La communauté s’immunise contre sa propre immunité, défait la protection de l’agent comptable, mais l’Etat-nation accuse le coup : il sait tirer parti de son déficit. Il faut donc penser l’impensable : l’au-delà de la souveraineté qui fait le jeu de la démocratie ou l’au-delà de l’inconditionnalité de la Justice qui n’existe pas sans les conditions du Droit. Il ne doit plus rester de réserve, de calcul, la dépense doit être totale : l’auto-immunisation doit s’emballer, s’affoler, la démocratie se suicider pour laisser infiniment béante une communauté dont la folie ne se concevrait absolument pas. Il faut atteindre (« sans l’atteindre », dira le postmoderne) la fin interminable d’un désespoir dont l’incessante oscillation du « peut-être » empêchera à jamais la pensée d’accomplir son œuvre « totalitaire » de pensée.

Car c’est là où Marx a péché contre soi pour le postmoderne : la fin de sa diabolectique est encore un résultat, le résultat d’un calcul qui « apparaît » à la communauté, où la communauté s’apparaît à elle-même et par là se retrouve. Le sociologue en effet ne se départ pas du vernis de la conscience. La lutte des classes, en laquelle il pense saisir le cri de fraternité qui s’y époumone, est l’objet d’une étude qui présuppose que la demande émane d’un sujet : l’humanité qui « veut » la communauté, qui veut se réconcilier avec elle-même.

 

4.  L’absurdité du postmodernisme

Le lien entre postmodernisme et judéophobie va se préciser. Trois remarques d’abord, dont la dernière est capitale pour notre sujet.

a) Comme y insiste Frederic Jameson[xxviii], attester l’éclatement du système au profit d’un pur jeu de forces hétérogènes, attester la logique dévorante du simulacre (toute chose n’est que l’imitation d’une autre), ne peut que renforcer ce qui est dénoncé et s’affirme comme une société de consommation où prévaut l’image, où tout se négocie, y compris la négociation.

b) La stratégie postmoderne consiste à montrer que tout discours, de façon générale, (s’)expose d’ores et déjà (à) son autre.

La spécificité du discours de Raison tiendrait-elle alors en un oubli « volontaire » déniant que rien ne peut s’approprier ? Mais — soit ce déni comporte des effets conformes à sa cause et il existe alors un niveau de discours qui échappe à la logique du désoeuvrement (et invoquer les effets pervers inhérents à toute cause, c’est s’interdire d’aller chez le médecin sous prétexte que le remède est aussi un poison.) ; — soit ce déni connaît semblablement des effets secondaires et il est donc vain de le dénoncer.

La spécificité du discours de Raison tiendrait-elle alors à un refoulement (inconscient) du désoeuvrement ? Mais pourquoi diable se renierait-il lui-même ? Qu’il soit dans sa logique de se renier ou qu’il soit dans sa nature d’être confronté à la maladie — à nouveau, que reste-t-il à dénoncer ? Auschwitz ne serait qu’une erreur du destin ?

Le postmoderne n’a évidemment que faire de ce genre d’analyse, puisqu’au fond il s’agit pour lui, sous des dehors savoureux et intellectuellement raffinés, que les esprits se brouillent, que la confusion soit semée.

c) On ne le souligne pas suffisamment, mais les mots de Levinas à l’encontre du postmodernisme peuvent être très durs : « L’exaltation de l’humain dans son courage et dans son héroïsme — dans son identité d’activité pure — s’invertit en conscience de faillite, mais aussi de jeu. Jeu d’influences et de pulsions. Jeu joué sans joueurs, ni enjeu, jeu sans sujets et non pas rigueur rationnelle […]. C’est ce retournement de la crise de sens en irresponsabilité du jeu qui est, peut-être, malgré son ambiguïté, la modalité la plus perversement subtile du fiasco humain. Désordre gracieux de simples reflets d’être, ressenti comme moins contraignant dans son arbitraire, cédant à la drogue, que la loi sociale et même logique, toujours répressive. »[xxix] Et Dieu sait combien, pour le philosophe, le terme d’« irresponsabilité » pèse lourd… La déconstruction qui fait perdre son sérieux à l’appréhension du réel n’est pas une affaire juive : « dans la ‘‘bagatelle’’, ressentie comme extase du Sacré, la loi suspendue. »[xxx] Le païen qui s’abîme dans l’équivoque qu’il prend pour une énigme se ferme à la loi de l’absolument autre (non contaminé par la logique du simulacre) qui oriente l’existence, l’arrache à sa suffisance, lui confère un sens unique auquel les choses empruntent leur signifiance. Le crime — l’ordure (le sans-nom) étranglant le propre — se voit dès lors absous au nom du dés-ordre.

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Le postmodernisme comme masque de l’irresponsabilité

La renommée internationale du postmodernisme, relayé par la presse branchée, s’explique alors par le fait qu’il a rencontré deux désirs humains, trop humains. Le désir de ne pas comprendre, qui, sous couvert de lectures ou de références « savantes », — d’icônes —, préfère à la critique et aux risques qu’elle encourt, une plongée dans le coma. Et le désir de ne pas avoir de compte à rendre : « Elles [les théories de la déconstruction] mettent l’accent sur la nature constructive, créatrice, de nos langages expressifs, tout en passant sous silence leurs horizons de signification. Et elles prennent les formes extrêmes de l’amoralisme de la créativité, tout en ignorant son contexte dialogique qui nous lie à l’autre. »[xxxi] Aussi : « les théories néo-nietzschéennes engendrent un sentiment de liberté totale. »[xxxii] On le voit, ces deux désirs sont l’envers et l’endroit d’une même pièce : les pacifistes veulent (qu’on leur f…) la paix ! Et ne dit-on pas que c’est le mort qui repose en paix ? 

Autrement dit, l’impact de l’anti-humanisme postmoderne n’est pas entier : dans l’ensemble, les belles âmes ne poussent pas le bouchon jusqu’à douter du « sentiment de soi ». En revanche, le suicide intellectuel se pratique plutôt bien : le postmodernisme demeure pour lui un climat très favorable. Avec lui, il n’y a pas de honte à réfuter ce que l’on avance, à proférer une chose et son contraire, à soupçonner derrière toute parole, la sienne comprise, une idéologie : tout discours articulé est, par la force des choses, suspect. Voilà donc comment éviter toute confrontation avec l’ennemi : en déclarant la guerre fièrement à ses propres engagements. Derrière le paravent de « la complexité » se dissimule alors la peur dissolvant à l’infini les concepts ou assumant des amalgames. Ainsi, pour l’adepte arrogant de la pseudo-pensée, « la diversité » du terrorisme peut-elle interdire sa subsomption : « le totalitarisme vert, ça n’existe pas ». Ainsi, le terrorisme lui-même peut-il devenir un effet secondaire de la domination occidentale. Ainsi, les trois mille victimes du World Trade Center et les otages décapités peuvent-ils apparaître comme les instruments du néoréactionnaire pour asseoir son argumentation. Ainsi, la distinction entre le bien et le mal n’être qu’un manichéisme arriéré. Ainsi, la quête d’objectivité ne faire que dresser les hommes les uns contre les autres…

Depuis trois décennies, la vieille rengaine progressiste a retrouvé de la sorte son souffle, grâce à la parole inouïe de ses nouveaux maîtres à dé-penser sans regarder (ce qui arrive vraiment). Les esprits peuvent librement désaffecter le sensé et s’épancher dans le jeu interminable des allusions : plus rien ne les retient. La xénophilie anti-frontières devient la joyeuse hémophilie en acte de la (bonne) conscience[xxxiii]. Les dominants peuvent ainsi avoir toujours tort parce qu’ils sont a priori du côté de la Raison ou de la Science, cette machine xénophobe qui, au nom de l’universel, emploie toute son industrie pour se servir elle-même. L’autre (entendons : l’homme qui ne s’enracine pas dans culture occidentale) devient nécessairement, au contact de l’Occident, un humilié qui, dépossédé de ses droits, a désormais tous les droits.

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Conclusion : La responsabilité d’Israël comme altérité et motivation de la haine

En 1948, Israël entrait dans l’histoire. Israël reconnaissait la signification de l’Etat démocratique. Etat démocratique où, précisément, à travers la compétition politique, le pouvoir reconnaît qu’il n’est pas au principe du droit. Etat démocratique où, précisément, la confiance placée dans les bienfaits de la délibération publique et dans le caractère fondamentalement ouvert des débats, donne à la société sa légitimité. Etat démocratique où, précisément, tous les discours ne se valent pas, parce qu’ouvert à l’événement il est lié à un référent (« la chose dont on parle » (Ricœur) et non l’effet du discours)[xxxiv]. Etat démocratique où, précisément, le cadre national empêche le débat de se répandre dans tous les sens. (Le débat public s’appuyant ainsi sur un passé commun (c’est-à-dire étudié) duquel se dégage un avenir ; la frontière conditionnant ainsi le vis-à-vis des identités.)  

Mais dès le départ, dès la conception même du projet, dès que l’idée même fut émise, Israël devait affronter la haine de tous ses futurs voisins. Au milieu de terres à perte de vue et pourtant manquant cruellement d’appui dans le monde, s’instituant en « l’absence de toute ‘‘position de repli préparée à l’avance’’ »[xxxv], l’Etat d’Israël a — cependant — tenu bon. Ainsi, le tenir-bon dans l’impasse où des voisins incontestés précipitaient Israël et persistent à vouloir le précipiter, met en exergue une réserve infinie, une intériorité — une altérité : « Point de choix ! ».

Altérité en tant que rapport à l’Autre, en tant que responsabilité, en tant que confiance originaire en l’avenir, non pas sur base de quelque prophétie, mais à travers sa détermination : la promotion des valeurs libérales ou démocratiques. La démocratie israélienne constitue, en premier chef, l’enseignement d’une responsabilité absolument singulière, c’est-à-dire à laquelle on n’échappe pasvoilà ce que met en cause la haine des pacifistes.

Altérité en tant que rapport à l’Autre, altérité à laquelle l’Etat d’Israël a su rester fidèle et qui confère au sujet de l’histoire son sens. Sujet libre, libre donc de se fermer à sa propre responsabilité, de relâcher son attention, — mais dans ce relâchement même, sujet demeurant responsable de son irresponsabilité. Etat critiquable donc, mais, sur la scène internationale, critiquable comme les autres

La haine de l’altérité telle que nous l’entendons avec Levinas explique de la sorte le nouveau délire judéophobe obsédé par la résolution du conflit israélo-palestinien « que les israéliens n’ont jamais voulu et ne voudront jamais », comme s’il s’agissait de clé de la paix dans le monde[xxxvi] : pensée magique, pensée païenne que l’imposture déconstructiviste soutient de part en part en lui fournissant sa drogue. Judéocentrisme postmoderne qui, face à l’engagement d’Israël qui engage l’Europe et ses valeurs libérales, se lave de toute responsabilité en retournant contre Israël l’accusation de nazisme. Et face à la haine contre Israël, des intellectuels juifs qui succombent à la fatigue…


[i] « Prêcheurs de Haine : entretien avec Pierre-André Taguieff » in Observatoire du communautarisme : http://www.communautarisme.net/Precheurs-de-Haine-entretien-avec-Pierre-Andre-Taguieff_a357.html

[ii] Peter SLOTERDIJK, Alain FINKIELKRAUT, Les battements du monde, Hachette Littératures, Paris, 2005, p. 31.

[iii] Le scandaleux et parfaitement absurde amalgame entre sionisme et nazisme ne choquera pas le moins du monde les cohortes de bien-pensants.

[iv] Conformément aux travaux de Pierre-André Taguieff, nous préférons le mot « judéophobie » en tant que terme générique au mot « antisémitisme » conçu alors comme la modalité de la judéophobie qui trouva sa forme extrême dans le nazisme. Cf. P.-A. TAGUIEFF, La Judéophobie des Modernes, Odile Jacob, Paris, 2008, p. 1.

[v] Emmanuel LEVINAS, « L’essence spirituelle de l’antisémitisme (d’après Jacques Maritain) », in  Cahier de l’Herne, Emmanuel Levinas, Paris, Editions de l’Herne, 1991, p. 150.

[vi] E. LEVINAS, « La vocation de l’autre », in Racismes, Entretiens d’Emmanuel Hirsch, Paris, Le Cerf, 1988, p. 98.

[vii] Ibid., p. 92.

[viii] E. LEVINAS, Totalité et infini, Paris, Le Livre de Poche, 1996, p. 216.

[ix] Ibid.

[x] On sort donc ici de la dialectique sadomasochiste qui structure le rapport à autrui dans L’être et le néant et où la haine ne connaît que l’autre-objet.

[xi] E. LEVINAS, L’humanisme de l’autre homme, Paris, Le Livre de Poche, 1996, p. 108.

[xii] E. LEVINAS, « L’essence spirituelle de l’antisémitisme », p. 151.

[xiii] Léon POLIAKOV, Le Mythe Aryen, Paris, Calmann-Lévy, 1971, p. 351.

[xiv] E. LEVINAS, L’au-delà du verset, Paris, Les Editions de Minuit, 1982, p. 223.

[xv] Ibid., p. 222.

[xvi] A. FINKIELKRAUT, La sagesse de l’amour, Paris, Gallimard, 1984, p. 155.

[xvii] Pierre NORA, « Le thème du complot et la définition de l’identité juive », in Les Protocoles des Sages de Sion, sous la direction de Pierre André Taguieff, tome II, Paris, Berg International,  p. 462.

[xviii] Cf. L. POLIAKOV, La causalité diabolique, Paris, Calmann-Lévy, 1980

[xix] Cf. Ibid., p. 200 et suivantes.

[xx] Karl MARX cité par L. POLIAKOV, in Ibid., p. 237.

[xxi] Ibid., p. 238.

[xxii] Ibid., p. 227. — L’historien insiste sur le fait que l’antisémitisme de Marx, contrairement à l’opinion répandue, n’est pas accidentel ou passager.

[xxiii] Jean-Luc NANCY, La communauté désoeuvrée, Paris, Christian Bourgois, 1999, p. 117 et 118.

[xxiv] Philippe LACOUE-LABARTHE, La fiction du politique, Paris, Christian Bourgois, p. 63.

[xxv] J.-L. NANCY, Op. cit., p. 188.

[xxvi] Georges BATAILLE repris par J.-L. NANCY, in Ibid., p. 84.

[xxvii] J.-L. NANCY, Ibid., p. 182.

[xxviii] Cf. Richard KEARNEY, « Postmodernisme et imagination éthique », in L’éthique comme philosophie première, sous la direction de Jean Greisch et Jacques Rolland, Paris, Le Cerf, 1993, p. 368-374.

[xxix] E. LEVINAS, De Dieu qui vient à l’idée, Paris, J. Vrin, 1998, p. 85. C’est moi qui souligne.

[xxx] E. LEVINAS, Du sacré au saint, Paris, Minuit, 1977, p. 93. C’est moi qui souligne.

[xxxi] Charles TAYLOR, Le malaise de la modernité, Paris, Le Cerf, 1994, p. 74.

[xxxii] Ibid.

[xxxiii] Il est temps que l’on cesse de brandir Levinas comme un étendard de la xénophilie. L’ouverture à l’Autre chez Levinas est un rapport à un passé ou un avenir transcendantal selon un mode différent de l’intentionalité : l’Autre ne représente personne. Autrui, quant à lui, constitue une modalité d’apparaître : la défection de la phénoménalité. Face aux autres, maintenant, au bout du montage corporel lévinassien, le moi acquiert un  droit : celui de pouvoir juger… En bref, l’éthique chez Levinas est neutre ; il est tout bonnement absurde de vouloir en tirer quelque précepte altruiste. Mais c’est probablement trop demander aux belles âmes que d’en avoir une lecture rigoureuse et de penser autre chose que ce qu’elles veulent « bien » penser…

[xxxiv] Il serait intéressant d’étudier ici les conséquences d’une position comme celle de Barthes.

[xxxv] E. LEVINAS, L’au-delà du verset, Paris, Minuit, 1982, p. 226.

[xxxvi] Voici au milieu d’innombrables exemples ce qu’écrit sans rire un internaute sur Global Voices : « Les faiseurs de paix extérieurs ne pourront jamais comprendre complètement le nœud du problème (entre Israël et la Palestine). Alors qui peut prédire quand le conflit entre Israël et la Palestine finira et quand arrivera la paix pour le monde ? Une telle idée n’est-elle pas trop naïve ? »