Créations

La P’tite vieille, le petit garçon et le Taureau Noir (I)

Je voudrais examiner dans ce texte comportant deux parties des contes de différentes sociétés qui traitent de la perte de l’objet maternel, de l’errance et du nomadisme, du mariage et de la sédentarisation…

La sagesse populaire semble posséder une connaissance « proto-kleinienne » du monde interne de l’enfant. Les contes qu’elle propose aux enfants mettent en effet en récit et en scène les fantasmes spontanément développés par l’enfant selon cette école. Pour Mélanie Klein, le premier amour que le bébé manifeste à l’endroit de sa mère – qui n’est alors perçue que comme un bon sein gratifiant, « un objet qui satisfait tous ses désirs » -, en réponse aux soins et aux satisfactions de celle-ci, « est déjà troublé dans ses racines par les pulsions destructrices ». Quand le bébé « se sent frustré par le sein, il l’attaque dans ses fantasmes, dans le cas contraire, il manifeste des fantasmes de nature plaisante (amour) à son égard. Il peut avoir le sentiment que la mère est réellement morte sous le coup de ses pulsions destructrices et se mettra alors à développer des fantasmes de réparation de l’objet. (1)  « Quand le nourrisson entre dans la position dépressive et se voit confronté avec le sentiment d’avoir, par sa toute-puissance, détruit sa mère, sa culpabilité et son désespoir de l’avoir perdue éveillent en lui le désir de la restaurer et de la recréer afin de la récupérer aussi bien extérieurement qu’intérieurement. Les mêmes désirs de réparation surgissent par rapport à d’autres objets aimés, extérieurs et intérieurs. Les pulsions réparatrices font faire un pas de plus dans l’intégration. Le conflit entre l’amour et la haine devient plus aigu et l’amour agit autant sur le contrôle de la destructivité que sur la réparation et la restauration du dommage causé. C’est le désir et la capacité de reconstituer le bon objet, interne et externe, qui sont la base de la possibilité du moi de maintenir l’amour et les relations à travers les conflits et les difficultés. Ils sont aussi la base d’activités créatrices, qui ont leur origine dans le désir du nourrisson de reconstituer et recréer son bonheur et ses objets internes perdus, bref, l’harmonie de son monde intérieur. » (2)

 

La mère et la marâtre

La « mère dévorante », figure suprême de la mauvaise mère, est un motif constant d’un ensemble abondant de contes africains. Pour Geneviève Calame-Griaule, « le thème de dévoration par la mère, qui semble privilégier la relation mère/fils, offre une interprétation évidente : la mère-ogresse, c’est la mère abusive, dans tous les sens du mot, soit qu’elle  « mange » sexuellement son fils, et c’est alors une figuration imaginaire de l’inceste (avec accent mis sur la responsabilité de la mère), soit qu’elle le « mange » au sens affectif en l’aimant trop et en le réintégrant dans son sein, ce qui est la plus sûre façon de l’empêcher de lui échapper en devenant adulte et en se mariant. » « C’est en elle-même, au plus profond de sa personnalité, que la mère dénaturée incarne le principe de la nature sauvage et déchaînée, auquel les animaux eux-mêmes, dans une vaine tentative d’instauration de l’ordre, essaient de s’opposer. Elle sera finalement vaincue par la technique, forge ou tissage, suprême victoire de la culture sur la nature. » (3) Denise Paulme conclut en ces termes le livre qu’elle a consacré à ce thème : « Calebasse dévastatrice ou sorcière présumée, tout au long de ces textes où nous avons suivi la mère dévorante, c’est de chair humaine que le monstre s’avère insatiable. A son inépuisable voracité s’oppose l’activité de la mère bénéfique [.,.]. L’opposition mort/vie, qui double celle entre mère dévorante et mère bénéfique en reflète d’autres, qui n’ont rien que d’attendu : cru/cuit, viande/végétaux, plantes sauvages stériles/agriculture et cuisine. Peut-on aller plus loin et voir dans l’acte qui rapproche l’homme de la femme un double aspect, bénéfique ou maléfique selon l’image retenue ? Dans cette optique, la femme rêvée sera la bonne ménagère, l’épouse domestiquée qui veille au bien-être de son partenaire la nuit comme le jour, dans l’acte sexuel comme en s’activant dans son jardin ou auprès de son foyer ; alors que la mauvaise femme, dont la sexualité n’a pu être domptée, ne songe qu’à se gaver et poursuit son plaisir dans les rapports intimes jusqu’à l’épuisement de l’autre. » (4) La figure de la mère bénéfique est souvent incarnée par une vieille ; la vieille joue, dans de nombreux mythes et contes, le rôle de médiatrice. Elle compense le rôle néfaste de la mère terrifiante, dévorante, qui, bien souvent, est joué par la mère réelle de l’enfant. Cette opposition entre « la vieille » et « la mère » me paraît essentielle bien que Denise Paulme ne me semble pas lui accorder toute son importance ; (5) elle recouvre l’opposition entre la mère n’ayant plus de vie sexuelle (la vieille) et la mère sexualisée, susceptible d’exercer une attirance sexuelle.

C’est comme s’il s’agissait de mettre en scène, pour l’enfant destinataire de ces contes, quelque aspect du drame oedipien et le « complexe du sevrage » (6) – dont on connaît le caractère brutal et potentiellement traumatisant en Afrique (7). L’enfant que sa mère semble abandonner au moment du sevrage (à partir duquel elle peut reprendre la vie sexuelle avec son époux), ou à l’arrivée d’un puîné (où, de bonne mère qu’elle était du point de vue de l’enfant, elle se transformera en méchante mère), peut compenser cette perte grâce à l’affection de sa « vieille » grand-mère (qui est, le plus souvent, celle qui dit les contes dans lesquels les méchantes mères et les enfants usurpateurs sont punis, les méfaits réparés, les injustices corrigées, les gentils récompensés, etc.).

 

La P’tite vieille femmelette

La « vieille femme » est un personnage régulier de beaucoup de contes et de mythes africains. Dans l’univers mythologique samo, existe la figure de « La Petite vieille femme en brousse », qui ne peut pas enfanter ; elle recueille les enfants égarés dans la brousse et leur donne les clés pour comprendre et résoudre les énigmes du monde. (8) Elle est aussi présente dans le mythe samo des origines : « La caste des forgerons apparaît chez les Sana à travers la légende dite de la vieille femme. Le San était un fossoyeur qui vivait au ciel. Les conditions d’existence y étaient difficiles et il décida de descendre sur terre. Il se confia à une vieille femme, Lonzinzii, qui le présenta à son fils forgeron. Ce dernier fabriqua une chaîne pour permettre au San de descendre sur terre. En récompense, il réclama que toute chose inconnue trouvée sur terre lui soit remise et que le San fit des sacrifices d’animaux. Au moment de la descente, il y eut beaucoup de candidats. Le ki fut le premier à descendre. Le Pare fut le deuxième. Le Toé (fossoyeur) le troisième. Les autres peuples après, vidant ainsi le ciel. Sur terre, le Toé refuse de tenir sa promesse. Le forgeron, furieux, et ne pouvant remonter au ciel se tint à l’écart : début d’un évitement qui donna la caste des forgerons. » (9)

Elle ne joue pas toujours un rôle bénéfique. Dans certains mythes peuls, Dewel-Nayewel, « La petite vieille chenue » apparaît comme l’incarnation du mal, la « mère de la calamité ». (10) L’instigatrice Mousso Koroni Koun Guè (« La P’tite vieille à tête blanche ») est le personnage central de certains épisodes du mythe bambara de la création. Parce que son créateur, Pemba, avait voulu s’unir à toutes les femmes, Mousso Koroni « fut prise de jalousie et introduisit la mauvaise volonté dans toutes choses […]. Elle connut alors une telle nostalgie, un tel désespoir, qu’une sorte de folie s’empara d’elle. Elle parcourut les cieux, l’espace, la terre, enfonçant dans le sol des morceaux de bois comme elle avait fait pour Pemba […]. Pendant son périple, Mousso Koroni, qui s’était mutilée dans les rapports sexuels qu’elle entretenait avec Pemba quand il n’était qu’un morceau de bois, voulut infliger aux autres les mêmes blessures : sa fureur la poussa à circoncire et à exciser tous les êtres humains qu’elle rencontra. La violence de ses actes provoqua l’apparition chez elle des premières menstrues. Dans le même temps elle révéla aux hommes tout ce qu’elle avait appris par Pemba et devait rester secret ; elle communiqua à tout ce qu’elle touchait l’impureté acquise par sa trahison. A son contact la terre devint impure, qualité qu’elle a conservée jusqu’à maintenant. » (11)

 

Traversées peules

Je voudrais maintenant sélectionner des contes et récits présentant quelques traits communs pour en proposer une lecture, nécessairement partielle. Il s’agit de textes recueillis par des chercheurs auprès de différents groupes peuls (de la Guinée, du Mali, du Niger, du Cameroun).

Ces contes mettent en scène des histoires constantes de jumeaux, de deux demi-frères quasi jumeaux, de deux demi-frères, d’un frère et d’une sœur, en plus des thèmes de la marâtre et l’orphelin et de la vieille. Le thème de l’orphelin maltraité, chassé de la maison, etc., évoque encore certains développements kleiniens : « Dans la psychanalyse des enfants, j’ai fréquemment mis à jour – naturellement à des degrés variables – des peurs d’être chassé de la maison en punition d’une agressivité inconsciente (le désir de chasser les autres) et du mal réel qui avait été fait. Cette angoisse s’établit très tôt et peut peser très lourdement sur l’esprit de l’enfant. Un cas particulier en est la peur d’être, soit un pauvre orphelin, soit un mendiant, ou de n’avoir ni foyer ni nourriture. Chez les enfants que j’ai observés, ces craintes d’être dépossédés étaient tout à fait indépendantes de la situation financière des parents. » (12)

L’autre figure présente dans trois de ces récits est celle du « taureau noir » sur lequel j’aurai l’occasion de revenir. L’on comprend que le taureau soit investi d’une aura symbolique puissante dans cette culture d’éleveurs de bovins. Selon Alain Le Pichon et Souleymane Baldé, « l’univers religieux des Peuls de Haute-Casamance est dominé par une figure centrale, celle du génie taureau : Gaari-Jinne. Gaari-Jinne se trouve au sommet d’une hiérarchie d’esprits et de génies intermédiaires, avec lesquels le Peul est en contact permanent. Bons ou mauvais, ils occupent tout l’espace dans lequel le Peul évolue, espace habité, environnement immédiat, domestiqué, et environnement « sauvage » des forêts, de l’eau ou de la brousse. » « Les génies de l’élevage, que domine Gaari-Jinne, le génie taureau, sont les kudeeni. Ce sont les génies peuls par excellence, et c’est d’eux que le Peul a appris l’art de l’élevage. » « Maître du destin du troupeau, c’est de lui [Gaari-Jinne] que le Peul a reçu la première vache et c’est de lui qu’il reçoit encore aujourd’hui son troupeau. » Dans le mythe d’origine, l’ancêtre des Peuls obtient la première vache contre le sacrifice de son fils. (13)

Dieu intervient très rarement dans ces récits. Les Peuls semblent distinguer deux « figures » du divin, qui diffèrent de celle d’Allah, bien que l’islam soit la religion à laquelle ils se réfèrent : celle du Propriétaire et celle du Maître. Selon Hampaté Ba, le Dieu des Peuls se nomme Guèno, qui signifierait l’Immortel, l’Etre Eternel. (14) Or guèno (jeno) signifie « ancien » et est l’opposé de keso, « nouveau ». Chez les Peuls du Saamoori, on invoque LamDo Jeno (l’Ancien Maître) ou LamDo BauDo (le Puissant Maître) quand on veut prononcer un serment ou une malédiction ; LamDo vient en effet de laamu (« le pouvoir ») et est de la même famille que laamiiDo (« le chef »), laamade (« régner »), etc. et BauDo de waawude (le verbe « pouvoir »). L’Ancien régnant et le Puissant régnant donc. En revanche, lorsqu’ils parlent de Dieu dans tout autre contexte et qu’ils ne disent pas : Allah, ils emploient JoomiraaDo (« le Propriétaire »), qui vient de joomaade (« posséder », « être le propriétaire de »), verbe qui semble être une forme châtiée de jéude (« posséder », « être le propriétaire de ») et est de la même famille que joomiiDo (« celui qui la propriété de », « celui qui possède »). BauDè (« Puissant ») est aussi un prénom individuel masculin, de même que JéiDo (« Propriétaire »), mais je ne connais personne qui s’appelle JoomiraaDo.

Conte I : Deux mères, deux fils

  1. Il était une fois deux coépouses, qui avaient vécu longtemps ensemble sans qu’aucune des deux pût reconnaître son enfant ni le distinguer de celui de l’autre. Les deux enfants se ressemblaient et de plus avaient le même nom : Tayillo.
  2. Mais, un jour, une des deux coépouses mourut, et bientôt la survivante voulut savoir lequel était son enfant. Car, maintenant qu’elle était la seule des deux à rester en vie, elle désirait donner la première place à son fils à elle.
  3. Elle se rendit donc chez une vieille et lui exposa le problème. La vieille lui dit : « Laisse tomber ! Et élève-les tous les deux avec le même soin, sur un même pied d’égalité ».
  4. La femme répondit ; « Non ! Cela est au-dessus de mes forces ! » Alors la vieille lui dit : « Dans ces conditions, mets du gâteau de mil au miel sur un van. Puis, prends un fouet et appelle-les. Quand ils viendront, tu les fouetteras tous deux. Celui des deux qui essaiera d’esquiver les coups de fouet sans t’échapper, c’est ton fils. »
  5. La femme partit donc faire ce qu’on lui avait dit. Elle les fouetta, et un des enfants resta auprès d’elle tandis que l’autre détalait, fuyant vers le fond de la concession,
  6. Maintenant donc elle savait lequel était son enfant. Elle prit l’habitude de ne préparer le repas que pour lui seul. Et quand il était rassasié, elle en offrait le reste à l’autre, quand il y en avait. Mais ce dernier disait alors : « Je ne veux pas manger ces restes ».
  7. A quelque temps de là, son compagnon l’appelle et l’invite à manger avec lui. Mais l’orphelin lui dit : « Tayillo, je ne mangerai pas avec toi, car ta mère nous a séparés ».
  8. Et il éclata en sanglots, et son compagnon aussi pleura, et le poursuivit, n’ayant de cesse de lui faire partager leur repas en frères, Mais l’autre refusait catégoriquement.
  9. Quelque temps plus tard, un jour, l’orphelin alla au cimetière. Un figuier y avait poussé, sortant de la tombe de la mère.
  10. Chaque jour l’enfant allait cueillir de ses fruits pour en manger. A son arrivée, le figuier se courbait jusqu’à terre, l’enfant cueillait ce dont il avait besoin, puis le figuier se redressait.
  11. Longtemps après, son demi-frère lui dit : « Allons ensemble, pour que tu me montres où tu cueilles ces figues. » Et ils se rendirent ensemble à la tombe de la mère de l’orphelin.
  12. L’arbre se baissa, il cueillit les fruits et, soudain, voici que la tombe de sa mère s’ouvrit, tout doucement, et l’orphelin s’y engloutit. (15)

Conte 2 : La vieille et le don

II y avait une vieille femme connue pour son manque de charité. Elle ne donnait jamais rien. Une fois seulement, elle avait jeté un os à un chien. Et encore !… c’était un os qu’elle avait déjà rongé et sucé. Le chien le prit et s’en alla. Or un jour cette femme, en passant près d’une termitière, se sentit abordée par quelqu’un, par quelque chose. C’était un gros serpent, qui l’avala. Ce serpent faisait partie des « gens de l’autre monde ». Il l’entraîna on ne sait où. Après un long voyage, ils débouchèrent sur une place où il y avait beaucoup de monde, des gens semblables à ceux que nous voyons ici-bas. Il y avait tout autour de grandes maisons comme on en voit dans nos villes. Le serpent, qui s’était transformé en vieille bonne femme, lui dit quand même : « Tu vois, nous sommes ici dans l’autre monde ». La femme eut peur. Elle voyait partout des femmes assises auprès de leurs calebasses. Elle voyait des gens aller et venir. Ils déposaient tout ce qu’on peut imaginer dans ces récipients : de l’argent, des tissus, de la viande, des beignets, bref de tout ce qu’on peut donner par charité. Ces gens qui allaient et venaient étaient comme des anges. On voyait même qui offraient une vache avec la calebasse qui avait servi à la traire.

La vieille femme regardait. A elle, personne n’apportait rien pour remplir la calebasse auprès de laquelle elle était assise. Enfin voici qu’elle entend un os y tomber. C’était un chien qui le lui avait apporté. Un bel os propre et net, sans la moindre trace de viande.

Le soir, en rentrant, elle demanda à sa compagne des explications : « Pourquoi les marchés se passent-ils de cette façon chez vous ? Les gens n’achètent pas, ne vendent pas. » Celle-ci lui répondit : « Je vais t’expliquer. Tous ces gens que tu as vus recevoir quelque chose sans payer, ont reçu exactement ce qu’ils ont donné aux autres quand ils étaient sur terre. Ainsi toi, pense à ce que tu as donné quand tu étais vivante sur terre. » Elle réfléchit ; « Ah oui ! Il m’est arrivé de donner un jour un os à un chien, » – « eh bien, c’est exactement cet os-là que le chien est venu jeter dans ta calebasse ! » La vieille femme, peu fière, fut prise de crainte. Elle ne sut que dire : « Bah ! »

Pendant ce temps – cela dura des années – les gens de son entourage se demandaient ce qu’elle était devenue. S’était-elle perdue ? Etait-elle morte noyée ? Dévorée par des bêtes sauvages ? Qui sait ? Et voilà qu’elle réapparut dans son village. « Alors, où étais-tu donc ? » fut la question que tous les gens lui posèrent. Elle répondit : « J’étais dans l’autre monde. » – « Dans l’autre monde ? Et comment cela se passe-t-il là-bas ? » Et elle le leur raconta.

Le jour même, cette femme, qui était très riche, rassembla tout ce qu’elle avait. Ses biens étaient nombreux : des bœufs surtout. Elle les réunit puis les distribua. (16)

Notes

1 Mélanie Klein, « L’amour, la culpabilité et le besoin de réparation », in M. Klein, J. Rivière, L’amour et la haine. Le besoin de réparation (1937), Paris, Payot, 1968, pp. 73-150.

2 Hanna Segal, Introduction à l’œuvre de Mélanie Klein (1964), Paris, PUF, 1969, p. 97.

3 Geneviève Calame-Griaule, « Une affaire de famille », in Destins du cannibalisme, Nouvelle Revue de Psychanalyse, n° 6, 1972, pp. 171-202, pp. 190 et 191

4 Denise Paulme, La mère dévorante. Essai sur la morphologie des contes africains, Paris, Gallimard, 1976, pp. 312-313,

5 Ibid., p. 285.

6 « Traumatisant ou non, le sevrage laisse dans le psychisme humain la trace permanente de la relation biologique qu’il interrompt. Cette crise vitale se double en effet d’une crise du psychisme, la première sans doute dont la solution ait une structure dialectique. Pour la première fois, semble-t-il, une tension vitale se résout en intention mentale. Par cette intention, le sevrage est accepté ou refusé ; l’intention certes est fort élémentaire, puisqu’elle ne peut pas même être attribuée à un moi encore à l’état de rudiment ; l’acceptation ou le refus ne peuvent être conçus comme un choix, puisqu’en l’absence d’un moi qui affirme ou nie ils ne sont pas contradictoires ; mais, pôles coexistants et contraires, ils déterminent une attitude ambivalente par essence, quoique l’un d’eux y prévale. Cette ambivalence primordiale, lors des crises qui assurent la suite du développement, se résoudra en différenciations psychiques d’un niveau dialectique de plus en plus élevé et d’une irréversibilité croissante. La dialectique. Pour la première fois, scmble-t-il, une tension vitale se résout en intention mentale. Par cette intention, le sevrage est accepté ou refusé ; l’intention certes est fort élémentaire, puisqu’elle ne peut pas même être attribuée à un moi encore à l’état de rudiment ; l’acceptation ou le refus ne peuvent être conçus comme un choix, puisqu’en l’absence d’un moi qui affirme ou nie ils ne sont pas contradictoires ; mais, pôles co-existants et contraires, ils déterminent une attitude ambivalente par essence, quoique l’un d’eux y prévale. Cette ambivalence primordiale, lors des crises qui assurent la suite du développement, se résoudra en différenciations psychiques d’un niveau dialectique de plus en plus élevé et d’une irréversibilité croissante. La prévalence originelle y changera plusieurs fois de sens et pourra de ce fait y subir des destinées très diverses ; elle se retrouvera pourtant et dans le temps et dans le ton, à elle propres, qu’elle imposera et à ces crises et aux catégories nouvelles dont chacune dotera le vécu. » (Jacques Lacan, Les complexes familiaux dans la formation de l’individu (1938), Paris, Navarin Editeur, 1984, pp. 27-28).

7 « Le Kwashiorkor apparaît comme le symptôme de nouvelles relations intrafamiliales suscitées par l’adaptation à la vie urbaine. Les nouvelles conditions d’existence imposent à la mère un rôle et des fonctions auxquels elle n’est pas préparée. Dans la famille traditionnelle, elle est essentiellement te véhicule qui transmet à l’enfant la culture et les valeurs du groupe, appuyée par les autres femmes, les « autres mères » participant à l’existence synchronique et diachronique de la collectivité. Il lui est maintenant demandé de s’occuper seule de l’enfant, de faire face seule à des situations nouvelles sans l’appui de l’environnement qui soutient sa propre identification. A un premier niveau, le kwashiorkor peut être interprété comme le résultat d’un sevrage affectif (abandon par la mère, non compensé par les mères de substitution) intervenant sur une relation duelle mère-enfant rendue difficile par les contradictions que la mère ne peut assumer. » (Henri Collomb, Simone Valantin, « Le kwashiokor, anorexie mentale de l’enfance », in E. S. Anthony, C. Chiland, C. Koupernik (dir.), L’enfant à haut risque psychiatrique, Paris, PUF, 1980, p. 341).

8 Cf. André Nyamba, L’identité et le changement social des Sanan du Burkina Faso, Thèse de Doctorat d’Anthropologie, Université de Bordeaux II, 1992.

9 Jean Baptiste Kiethega, « Les castes au Burkina Faso », in Coll., Découvertes du Burkina. Tome I, Paris-Ouagadougou, Sépia-ADDB, 1993, pp. 31-53, pp. 43-44.

10 Amadou Hampaté Ba, Njeddo Dewal – Mère de la calamité. Conte initiatique peul, Abidjan, Les Nouvelles Editions Africaines, 1985.

11 Germaine Dieterlen, Essai sur la religion bambara, Paris, PUF, 1951, p. 18.

12 Mélanie Klein, « L’amour, la haine et le besoin de réparation », op. cité, pp. 137-138 (note de bas de page).

13 Alain Le Pichon, Souleymane Baldé, Le Sacrifice du fils et l’enfant prophète dans les traitions des Peuls du Fouladou, Paris, Editions de la Maison des Sciences de l’homme, 1990.

14 Amadou Hampaté Ba, Njeddo-Dewal, Op. cité, p. 11, note 1.

15 Bernard Salvaing, Contes et récits peuls du Fouta Djalon, Paris, C1LF, 1985.

16 Henri Bocquené, Moi un Mbororo. Ndoudi Oumarou, Peul nomade du Cameroun, Paris, Karthala, 1986, pp. 80-81,

Bibliographie

Amadou Hampaté Ba, Njeddo Dewal – Mère de la calamité. Conte initiatique peul, Abidjan, Les Nouvelles Editions Africaines, 1985.

Henri Bocquené, Moi un Mbororo. Ndoudi Oumarou, Peul nomade du Cameroun, Paris, Karthala, 1986.

Geneviève Calame-Griaule, « Une affaire de famille », in Destins du cannibalisme, Nouvelle Revue de Psychanalyse, n° 6, 1972, pp. 171-202.

Henri Collomb, Simone Valantin, « Le kwashiokor, anorexie mentale de l’enfance », in E. S. Anthony, C. Chiland, C. Koupernik (dir.), L’enfant à haut risque psychiatrique, Paris, PUF, 1980.

Germaine Dieterlen, Essai sur la religion bambara, Paris, PUF, 1951.

Jean Baptiste Kiethega, « Les castes au Burkina Faso », in Coll., Découvertes du Burkina. Tome I, Paris-Ouagadougou, Sépia-ADDB, 1993, pp. 31-53.

Mélanie Klein, « L’amour, la culpabilité et le besoin de réparation », in M. Klein, J. Rivière, L’amour et la haine. Le besoin de réparation (1937), Paris, Payot, 1968, pp. 73-150.

Jacques Lacan, Les complexes familiaux dans la formation de l’individu (1938), Paris, Navarin Editeur, 1984,

Alain Le Pichon, Souleymane Baldé, Le Sacrifice du fils et l’enfant prophète dans les traditions des Peuls du Fouladou, Paris, Editions de la Maison des Sciences de l’homme, 1990.

André Nyamba, L’identité et le changement social des Sanan du Burkina Faso, Thèse de Doctorat d’Anthropologie, Université de Bordeaux II, 1992.

Denise Paulme, La mère dévorante. Essai sur la morphologie des contes africains, Paris, Gallimard, 1976, pp. 312-313.

Bernard Salvaing, Contes et récits peuls du Fouta Djalon, Paris, C1LF, 1985.

Hanna Segal, Introduction à l’œuvre de Mélanie Klein (1964), Paris, PUF, 1969.