Valérie Loichot. « Le Tout-Art d’Édouard Glissant »
Cet essai, qui oscille entre mots et images, offre un avant-goût de mon livre en cours qui s’intitule Water Graves ou, en français, Tombes d’eaux. Water Graves évoque le rôle de la poésie et de l’art dans l’après-catastrophe, comme celle de la traite esclavagiste ou de Katrina, où morts sombrent dans le gouffre marin ou flottent à la surface d’eaux toxiques sans recevoir des rituels propres à leur humanité. Violentés et profanés, ces humains sont tués deux fois : une première dans leur réduction à l’esclavage ou à la pauvreté abjecte ; une seconde dans l’absence de rite et respect de leur mémoire et après-vie.[1] Le poème, la sculpture, la peinture, les créations multimédia et les installations servent de tombe, de chants ou danses funèbres, de requiem ou de veillées en l’absence de rituel. Leur rôle outrepasse donc celui de l’esthétique en rétablissant de l’humanité là où elle avait été interrompue en procurant du rituel dans un état que je nomme Unritual. L’Unritual, qui pourrait en français se dire « l’a-rituel » avec l’alpha privatif qui désigne le geste de l’arrachement, est plus absolu encore que le geste de desecration (en anglais) ou profanation, en français, puisque dans le geste de profanation, ou de desecration d’un temple, il y a d’abord du sacré (même si la desecration (profanation) fait aussi partie de cet ensemble. Dans l’état d’Unritual, il n’y a encore jamais eu de temple ou de rituel. Seulement des corps flottant sur les eaux toxiques ou coulés sans noms et attaches, la cargaison humaine attachée aux « boulets verdis » de « la Barque ouverte, » qui « rouillent à peine » au fond de l’eau (Poétique de la Relation, 18)[2] où les humains noyés de force forment un ensemble paradoxalement obscène et fertile, avec la corrosion du fer, et les algues ou végétations sous-marine.
Une visite en 2012 au lieu de repos du cimetière du Diamant d’Edouard Glissant, mon ancien professeur à Louisiana State University entre 1991 et 1994, a fourni l’étincelle à l’ouvrage. Non pas que le poète ait été victime de l’Unritual. Ses funérailles ont été dignes et documentées et son lieu de repos à la brise de l’océan au cimetière du Diamant est des plus agréables et révérés.[3] Un monument funéraire horizontal blanc et bleu nuit, face à la mer du Diamant, recouvre sa tombe. La création, réalisée par l’ami du poète, l’artiste plasticien Victor Anicet et nommée par Glissant lui-même « présence de l’Est multiple » est l’image abstraite d’un parc à bœufs représentant l’entour de l’enfance de l’auteur. La céramique, inachevée, est censée s’éroder au contact des sels et alizés.
Le poète repose donc en sérénité et en beauté, relié, par art, végétation, éléments à son entour aimé.
Cependant, il est désormais pour moi difficile d’écrire sans la conscience de la mort, après cette visite que j’ai ressenti viscéralement, comme chaque fois que l’on se recueille au lieu d’après-vie d’un être admiré. C’est donc à partir de ce moment que j’ai commencé à écrire sur la tombe d’Édouard Glissant, qui ne pouvait prendre forme qu’en son pluriel « les tombes. »[4] Évident était l’inextricable entre sa propre tombe et les multiples tombes de son œuvre depuis le gouffre marin, « habité d’autant de morts que de vivants en sursis » de Poétique de la Relation (1990) jusqu’à « l’effondrement de terre » de Philosophie de la Relation (2009) qui fait à la fois acte du lieu d’origine du poème, et de la maison natale désormais avalée par la terre.
L’UNRITUAL
Viscéral également, est le spectacle télévisé des corps de Katrina et de l’après-Katrina, anciens et nouveaux, « morts [cachant] les morts, » comme l’écrit Glissant dans La Cohée du Lamentin (25), morts flottant sans amarres ni rituels, corps submergés des esclaves balancés à la mer alourdis de « boulets verdis » “le plus simple est d’alléger la barque en jetant par-dessus bord la cargaison, lestée de boulets … [cette] évidence d’algues, ces bas-fonds, ces profonds, ponctués de boulets qui rouillent à peine. Le gouffre est de vrai une tautologie, tout l’océan, toute la mer à la fin doucement affalée aux plaisirs du sable, sont un énorme commencement, seulement rythmé de ces boulets verdis. (Glissant, Poétique de la Relation, 18).
C’est l’art qui souvent sert de monument mortuaire ou d’hommage rituel aux victimes comprenant « autant de morts que de vivants en sursis » (Poétique, 18) de la traite et de migrations clandestines. Voyons par exemple le naufrage et la noyade des Africains kidnappés et transportés clandestinement par le négrier clandestin anonyme en 1830. L’événement dont les morts noyés restent sans sépulture est commémoré par l’artiste martiniquais Laurent Valère à l’anse Caffard de la Martinique dans son mémorial CAP 110 regroupant en un triangle symbolique du commerce triangulaire 15 bustes en béton armé et sable de 2,50 m. de hauteur.[5]
Les statues invitent les visiteurs à se mêler à eux, tout en imposant leur immensité à peine plus qu’humaine. Les figures penchées, massives et fragiles, fouettées par les éléments, font face à la mer et pointent dans la direction lointaine du Golfe de Guinée. Dans Sartorius, son roman de l’épique d’un peuple imaginaire des Batoutos, Glissant insère le récit du naufrage du bateau clandestin et du sort de ses passagers esclaves et négriers et le relie à une fiction imaginant les passagers kidnappés en Ibos, et « leur » capitaine en Bavarois nostalgique de sa ville de Kröning (qui fournit le titre au chapitre, « Kroning [sic], 138-50 »). « La logique de l’imaginaire, » Glissant explique-t-il, « qui est peut être celle de l’histoire, nous désigne ceci, que les Ibos, protégeant leurs femmes, ont suicidé ce navire négrier clandestin et l’ont rendu invisible jusqu’à nos jours, comme une œuvre de Batouto » (141, italiques dans l’original). Glissant relie habilement les outils épistémologiques de l’approche de la traite et leur entrave en établissant un lien entre les noyés anonymes de l’anse Caffard, les Ibos et les Batoutos qui représentent respectivement la pensée du gouffre et de l’inconnu,[6] la discipline de l’histoire et l’imaginaire. En effet le gouffre, le savoir historique et l’imaginaire constituent pour Glissant les trois volets de la connaissance, ou pour être exact, de l’imagination, du passé des victimes de la déportation de la Traite. Dans le Discours antillais, il nomme ce mode de connaissance une « non-histoire » qui n’est pas la réfutation de l’histoire mais plutôt une pratique épistémologique qui associerait méthodes historiques et imaginaires d’investigation dans la confrontation à l’inconnu du « gouffre ».[7] Il semble que le poète glisse de l’épistémologie à l’esthétique dans la conclusion du paragraphe : « comme une œuvre de Batouto. » Bien qu’« œuvre » puisse faire référence à l’ouvrage, au travail, à action des Batoutos, le mot évoque aussi leur volonté esthétique, leur art. L’action de couler le navire, évoque la pratique artistique de sculpteurs tels que Jason de Caires Taylor (évoqué ci-dessous) ou de Laurent Valère lui-même qui sculpte une gigantesque Manmandlo, une sirène de plus de vingt tonnes, pour ensuite l’immerger dans la baie de Saint-Pierre de la Martinique.[8]
Au commerce inhumain de la traite des humains fait écho dans notre présent l’exode des migrants clandestins syriens, palestiniens, égyptiens, soudanais, érythréens, mauritaniens, ghanéens, nigériens, géorgiens, désespérés et tentant d’atteindre l’Italie ou l’Espagne, par milliers par jour, et morts par dizaines de milliers dans la tombe-Méditerranée.[9]
Glissant évoque dans Sartorius les trombes de cadavres qui, « aujourd’hui … nous viennent par les boues et les eaux, qui sont toujours prélevés dans la masse des démunis et des abandonnés » (57). Le photographe Italien Massimo Sestini, de même, capture ce désespoir dans sa photographie aérienne d’une barque de migrants littéralement ouverte, pleine à craquer de sa cargaison débordant de vulnérabilités d’humains.[10] Le cadre de l’embarcation bergamasque peine à contenir sa cargaison humaine qui déborde, corps assis si dangereusement sur le bastingage qu’un geste brusque suffirait à les faire tomber, nous laisse imaginer, si nous le pouvons, tant d’autres corps morts anonymes oubliés dans l’abîme marin. Ce que Roland Barthes aurait appelé le « punctum », ce qui « comme une flèche, vient me percer, » (Barthes, 48) dans cette photographie,[11] c’est l’unique bouée de secours visible, un piteux pneu de fortune, qui permettrait peut être de sauver l’un (lequel ?) des centaines de passagers de la barque. Ce qui frappe à la conscience et appelle à l’action, ce sont les bras et regard tournés vers le ciel, vers l’hélicoptère d’où est prise la photographie, ou vers nous : une supplication. L’embarcation en forme de flèche indiquant un mouvement de traversée de l’espace marin vers une destination établit un contraste ironique avec la stagnation des corps humains entassés sur l’embarcation et avec le mouvement de chute à la verticale vers l’abîme marin des noyés passés ou à venir. La beauté de l’image aux couleurs d’un bleu marine-lumineux de la mer sillonné du blanc franc de la houache et des couleurs vives magenta, bleu roi, orange, rouge, jaune, violet, bleu, rose, ou vert pomme des teeshirts portés par les réfugiés accentue par contrepoint l’urgence de la catastrophe humanitaire. Les teints clairs et les teints bruns des enfants, femmes et hommes indiquent le contraire d’un multiculturalisme ou métissage réussit. C ‘est ici, une humanité multinationale, toute l’humanité, qui est à la fois en danger (les passagers de la barque) et appelée à l’action (les spectateurs).
De même, dans son essai-poésie écrit dans le style pastiche d’un sermon jésuite, publié simultanément en italien, français et anglais, comme pour atteindre le plus grand public possible, le sociologue italien Alessandro Dal Lago nous incite à voir et à agir devant la catastrophe humaine des migrants noyés.[12] Dal Lago mélange les rares indices historiques, l’imagination du gouffre, et la poésie (ici nous retrouvons la triple alliance de Glissant) à partir de l’exemple de 2005 d’une embarcation de jeunes migrants sénégalais cherchant à atteindre les Îles Canaries, abandonnés aux courants marins qui ont livré au large de la Barbade les onze corps restant « momifiés sous l’effet du soleil et de l’air marin » (« Cercueils fluides, » 1). « Ouvrez les yeux et vous les verrez, » nous implore-t-il, comme le font les regards tournés vers nous de la photographie de Sestini.
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« Le Tout-Art d’Édouard Glissant » a été présenté initialement sous une forme plus schématique à la séance plénière organisée par Alexandre Leupin, « Édouard Glissant: au delà de la littérature ».[13] Comme on commence à le comprendre, mon discours ne porte pas sur Glissant mais avance avec Glissant, les fragments de son art et de sa philosophie m’accompagnant dans ma méditation sur l’Unritual. Les images de cet état appellent un discours critique sacralisant qui redonnerait au mort dignité, respect, et humanité ; discours ou poésie, que je trouve, entre autres, dans Philosophie de la Relation Glissant où le sacré, qu’il nomme « un autre sacré, » une re-ligion, non en tant que groupe organisé autour d’une doctrine mais dans son sens étymologique de re-ligare, re-lier (un des sens que Glissant donne à sa Relation). Cette re-ligion aide à penser, si c’est penser, ce que j’appelle, l’Unritual. Glissant explique : “ce poème en étendue … que nous réputions être né des laves n’approche aucune essence, précisément, il établit un autre sacré, dans la Relation, non pas de ceci à cela mais de tout à tout” (Philosophie, 148, je souligne).
C’est cet état de dénouement rituel absolu que l’on a vu, ou, plutôt, tenté d‘imaginer (« supposez si vous le pouvez, » Poétique, 17) dans la traversée transatlantique ; que l’on a vu de nos yeux vus, ou, comme l’aurait dit Montaigne « comme nous l’avons non seulement leu, mais veu de fresche mémoire, » (« Des Cannibales, » Essais, 208) dans l’image des corps flottant de Katrina, et que l’on continue à voir dans les récents noyés de la Méditerranée, les milliers de migrants (Glissant les appellerait-ils eux aussi « migrants nus » ?),[14] les squelettes sans visages victimes de violence urbaine à Baltimore ou à New York, ou les corps des victimes nigériennes du Boka Haram sur lesquels on pouvait marcher, selon des témoins, pendant des kilomètres,[15] voici ce que j’appelle Unritual, que Colin Dayan évoque avec tant de force dans The Law Is a White Dog:
« The dead do not die. They haunt the living … The undead still speak in the present landscape of terror and ruin. The dogs of hurricane Katrina, citizens turned refugees in the United States; prisoners … sick cows kicked and prodded in slaughter — the rationales and rituals of terror proliferate. But perhaps we need to think more deeply about the dying and the dead. » (The Law Is a White Dog Colin Dayan). A bien y réfléchir, si la visite à la tombe d’Édouard Glissant a fourni l’étincelle à cette réflexion sur l’Unritual, la matière combustible était déjà là depuis des années, surtout composée, pour moi, du spectacle de l’après-Katrina qui touchait une ville qui m’est intime et chère, dont les citoyens étaient devenus réfugiés et les morts sans sépulture parlant aux vivants, comme le décrit si bien Dayan.
Le gouffre épistémologique de l’Unritual, lequel Glissant peint d’une beauté lancinante dans son évocation de l’horreur de la traversée transatlantique, est justement « cela qui nous tient en poésie » (Poétique, 20) La poésie, que Glissant appelle de plus en plus poétrie dans ses derniers textes, dans son sens étendu, est le relais des historiens ou des scientifiques là où la science rencontre le gouffre de l’inconnu. Un récent exemple probant de ce relais artistique-scientifique est celui de l’agence composée d’experts médico-légaux et de sculpteurs de la New York Academy of Art qui travaillent ensemble pour reconstruire les visages des victimes là où la prise d’empreintes digitales, les fichiers dentaires, ou le prélèvement d’ADN échouent. L’un des artistes, Marco Palli, déclare qu’à mesure que le visage de la victime apparaissait sous ses doigts, « I felt like he was talking to me and that he’d be happy that I was doing it for him … Mr. Palli said he sculpted the face with a slight smile, ‘because people usually smile in pictures’ » [16]
Ici se relaient (relient et relatent)[17] science, art et poésie (poétrie puisqu’on y trouve nécessairement du pétrir). La parole s’établit entre le défunt et l’artiste, et son sourire lui redonne non seulement identité mais humanité.
LE SOLIDAIRE
C’est justement par cette pratique, éthique et esthétique du relais que j’en arrive au Tout-Art d’Edouard Glissant. Quand Alexandre Leupin m’a conviée à intervenir à cette table ronde : « Édouard Glissant: au-delà de la littérature,” j’ai tout de suite pensé à l’art-visuel, plastique, sculptural, et céramique qui passionnaient Glissant. Ma deuxième pensée fut : « dans quelle barque me suis-je engagée?» et comment commencer à parler de l’art chez-Glissant et, qui plus est, de son Tout-Art en un temps si limité ? C’est par la trace du relais et du solidaire que je m’infiltre dans cette immense question. La Terre magnétique : Les errances de Rapa Nui, l’Île de Pâques,[18] co-créé par le couple d’artistes Sylvie Séma Glissant et Edouard Glissant en constitue un exemple de choix.
Un Édouard Glissant résolu « à cette fatalité, qui frappe ceux qui ne peuvent plus passer une journée entière dans un avion, » (Terre Magnétique, 9) envoie comme émissaire et co-auteur Sylvie à l’Île de Pâques, qui rapportera « notes, impressions, dessins, films et photos » qu’Edouard transmettra ensuite « par l’ordre et le désordre de la littérature » (9) « Nous étions convenus de travailler en relais » (9) est le contrat établi dès la première ligne du livre. Aborder le Tout-Monde passe donc par le relais et le solidaire avec comme compagnons d’intimes voyageurs comme Sylvie, ou des affinités littéraires plus lointaines, comme Albert Camus. “Solidaire et solitaire » est une phrase récurrente de Camus que Glissant aimait à nous répéter dans ses séminaires à Bâton Rouge.
La solitude immense de l’Unritual appelle un besoin aigu du solidaire qui peut être compris comme un acte de solidarité avec les victimes, mais aussi comme un relais entre artistes et formes multiples d’art (musique, poésie, sculpture, céramique, poterie, quilt, etc.), ou encore comme un geste artistique relevant de l’entour. Le monument de l’anse Caffard de Laurent Valère, transformé perpétuellement par le lichen, le vent violent, et le sel marin offre un exemple de ce Tout-Art solidaire où le paysage, l’entour, prend le relais de la main de l’artiste.
Le Tout-art solidaire d’Edouard Glissant c’est d’abord son mécénat et son engagement constant pour et avec l’art et les artistes. C’est l’amitié, fréquentation et air de famille avec Wifredo Lam que Samia Kassab-Charfi décrit admirablement : “Glissant convoque Lam dans le style même de Lam: il habille les mots de l’épaisseur secrète de sa peinture, le sens se serre pour se dédoubler, pour assurer l’étendue d’une polysémie que l’écrivain veut encore démultiplier.”[19] Bien que j’aurais pu choisir presque n’importe quelle toile de Lam, son « Satan » de 1942 illustre parfaitement les épaisseurs dans le trait épais des silhouettes, la cassure des corps menant toujours, chez le peintre cubain, à un mélange des corps humains, animaux ou végétaux, et bien sûr, le dédoublement du sens dans le mariage de deux corps d’humains-chevaux dédoublés sans vraiment l’être par leur tête dicéphale.
L’amitié anime aussi son affinité esthétique pour le peintre chilien Matta dont les compositions semblent, comme « Jenne Chaosmos, » concrétiser en image la pensée rhizomique et relationnelle de Glissant où aucun objet ne peut être élu en exemple probant, mais où au contraire, chaque objet sert de conduit vers l’autre dans un mouvement dynamique : “…les éblouissantes éclaboussures de la parole de Matta nous provoquent à tourner en vertige autour de [la question du sens] » (Glissant, Cohée du Lamentin, 47)[20]
En 1993, le bibliographe de Glissant Alain Baudot, recensait déjà plus d’une vingtaine de catalogues de musée et d’exposition écrits par Glissant, relève Marcela Guerrero.[21] L’historienne de l’art Guerrero fournit une étude systématique dans l’étendue des écrits artistiques du Martiniquais dans sa thèse de doctorat à l’Université du Wisconsin. Cet engagement continue jusqu’au Musée M2A2 (Musée martiniquais des Arts des Amériques), rêvé dans le dernier chapitre de La Cohée du Lamentin[22] que J. Michael Dash décrit comme « un musée […] jamais réalisé et [qui] est devenu un musée nomade où les œuvres sont réunies de temps en temps en des lieux différents » où Glissant « voulait littéralement mettre les tableaux dans une jungle… »[23]
On recense souvent la bibliothèque des écrivains défunts. Il faudrait aussi écrire la collection d’art d’Édouard Glissant. Mais la question se poserait alors d’en savoir son dedans et son dehors quand l’entour se fait musée, quand la collection d’art se fait action, dans le monde du geste esthétique de Glissant que le philosophe François Noudelmann désigne comme relevant d’une « politique de l’étendue, » et où «[u]ne ville, un rocher, un volcan présentent des points, exclamations, interrogation ou suspension (« Glissant le Déchiffreur » Noudelmann, 39). Mais c’est aussi dans le texte, la matérialité même du texte glissantien, dans sa poétrie (qui contient à la fois la poésie, un calque de l’anglais, mais aussi pétrir comme on pétrit du pain ou de la glaise).[24] Alexandre Leupin a montré que La Terre, le Feu, l’eau et les vents, L’Anthologie de la poésie du Tout-Monde, par son assemblage relationnel des textes aimés du Tout-Monde, démontre d’une « façon externe » et matérielle, comme l’accomplirait une sculpture, sa philosophie: « Outre l’œuvre de Glissant lui-même, je tiens cette anthologie comme la réalisation concrète, effective et réelle du rêve du Tout-Monde. »[25]
Le traducteur et spécialiste de l’œuvre d’Édouard Glissant J. Michael Dash précise « qu’avant même d’élaborer sa poétique de la relation Glissant a essayé, [littéralement], de la dessiner » (« ni réel ni rêvé, » 36). Ce relais parole-dessin-sculpture-poétique vit aussi dans le kwamé d’Oko de la nation invisible des Batoutos dans Sartorius;[26]
dans les « boulets verdis, » sculptures sous-marines des lestes attachés au corps d’Africains immergés qui servent, eux aussi, à la fois de ponctuation esthétique au poème et de jalons à l’histoire sous-marine de la communauté des déportés africains, de leurs descendants, et, finalement dans « La Barque ouverte, » de nous tous : « Nos barques sont ouvertes, pour tous nous les naviguons » (Poétique, 21). Au lieu de reprocher à Glissant un abandon de l’historique et du politique au profit d’une esthétisation exagérée comme il s’est fait dans des récents débats, je suis d’avis, avec Noudelmann, que l’esthétique de Glissant « au lieu d’apparaître comme une pensée des formes qui viendrait après l’ontologie et l’éthique, conjugue aussi bien le sens de la création que celui de la communauté politique ».[27] Selon cette optique, le relais adopterait donc trois formes. Il serait d’abord « interne » à l’esthétique (si intérieur il y a), dans la solidarité nécessaire entre ses formes telles que le dessin, la sculpture, ou la poésie. Il serait ensuite en relation avec son entour. Comme nous l’avons vous, le poème se fait paysage (« les boulets verdis ») et, réciproquement, l’entour fait relation avec la création artistique (les vents et la mousse du monument de l’Anse Caffard). Enfin, avec recul philosophique, nous constatons que l’esthétique glissantienne ne précède, ni ne suit, ni n’exclut le politique, mais qu’elle forme au contraire un corps simultané et relationnel avec elle (Noudelmann).
Le solidaire du tout-art de Glissant réside donc à la fois dans l’engagement, le mécénat, et la collaboration avec ses artistes amis et aussi dans sa poétrie qui fait de la matière de la langue une glaise que l’on sculpte et peuple de riffs, de staccato, de longs legato, de scats, comme, exemple parmi beaucoup d’autres, dans la musicalité et rythmique de son essai sur l’ami Valerio Adami, on trouve « L’évidence de la coupure, » « Pur présent : unicité, puis magnificence : multiplicité. » (207)[28]
LA VIE POSTHUME
Le Tout-Art d’Edouard Glissant est « en lui et hors de lui. » Il lui survit dans l’imprévisible des chemins qu’il continue à tisser dans la relation, et même, et surtout, dans le posthume. Selon Noudelmann, l’esthétique de Glissant en contraste avec celle de Platon ou d’autres philosophes du vrai : « « À la différence de ce beau indexé sur le vrai (le beau platonicien) ou de cette beauté formelle (l’esthétique des formes), Glissant cherche la beauté du côté de la vie et de ses transformations » (38). La maxime « Rien n’est vrai, tout est vivant » scande les derniers textes de Glissant et marque sa tombe.[29] La suite logique de cette esthétique de la Relation dans le posthume d’Édouard Glissant est qu’elle ne se limite pas à son œuvre mais que son tout-art du solidaire continue dans la relation pratiquée par un relais d’artistes qui poursuivent vision. Le reste de cet essai en cite quelques exemples ponctuels et bien sûr incomplets puisque la liste, comme la Relation, ne peut s’arrêter à un point sans en mener à un autre, à l’infini.
Le tout-art se manifeste dans le poème fragmenté, troué et rapiécé du long poème
Zong! de NourbeSe Philip de l’île de Tobago qui, dans sa poétrie, demande permission aux noyés du navire Zong jetés dans l’abîme de la mer et de l’oubli par des négriers avides d’argent souillé de les relater en poésie, dans ce qu’elle appelle des mots comme la sculpture : « I use the text of the legal report almost as a painter uses paint or a sculptor stone » (198) Ces mots qui deviennent pierre offre, selon Philip, le monument, la pierre tombale offerte aux noyés (192). A leur tour, la matérialité des mots écrits s’épanche en une oralité originelle : “words break into sound, return to their initial and originary phonic sound –grunts, plosives, labials- is this, perhaps, how language might have sounded at the beginning of time?” (Philip, 205)[30] Les mots cassés et élémentaires de Philip s’agencent comme le poème primordial de Glissant dont les « raras originaux » et « l’écriture et l’oralité [vont] au même balan [et] [s’arrachent] des mêmes souches » (Philosophie de la Relation, 14).
Le tout-art continue dans l’œuvre du céramiste, peintre et sculpteur Victor Anicet dont les trays, objets ayant dans le passé servi de plateaux, de cercueils ou de berceaux recueillent la cosmogonie artistique amérindienne, africaine et créole de la Martinique : « ‘Quand un peuple n’a que des religions importées, il faut restituer la religion par un regard vers soi-même. Nous n’avons pas de relation avec le cosmos.’ Cette religion comme relation échappant à l’appel du vertical ou du transcendantal, représente la matérialisation même de l’« étendue » telle qu’elle est exprimée dans Poétique de la Relation de Glissant.»[31]
Dans « La Musique des vagues » de Federica Matta
Les corps humanoïdes s’ouvrant en spirales fléchées sans pour autant nous donner un sens ; les sirènes vert et bleu aux yeux de poissons roses ; l’opacité habitée de cercles et points lumineux ; les spirales parcourant tout autant le bleu de la mer que les queues et bustes des sirènes les soleils multipliés invitant à une poétique hors du centre ; le rhizome formé par l’ensemble des tiges, fleurs, cercles abstraits formant un rhizome sans queues ni têtes finies qui donneraient une finitude aux corps concrétisent les théories de Glissant en y ajoutant une touche humoristique et gaie par la vivacité des couleurs et la féminité des corps musicaux et fertiles. Federica Matta, qui fut l’élève d’Édouard Glissant en Martinique pendant son adolescence est désormais « artiste nomade » avec M2A2, le Musée Martiniquais des Arts des Amériques. »[32]
Les belles et horrifiantes sculptures sous-marines de Jason De Caires Taylor ont, à l’origine, l’objectif écologique de fournir au corail un nouveau support où il puisse revivre.[33] Cependant elles ne peuvent être vues sans le filtre historique et politique que développe Glissant dans « La Barque ouverte »: « ces bas-fonds, ces profonds » sont « ce qui relie le mieux c’est l’inconnu ».
Le beau rejoint, dans les sculptures de Caries Taylor, l’écologique et l’historique.
Les collages et installations de l’artiste africain-américain Radcliffe Bailey pourraient chacune servir de matérialisation artistique de « La Barque ouverte. » L’historien de l’art et théoricien Manthia Diawara qualifie son art de la sorte : “Radcliffe Bailey’s art, like Glissant’s poetry and philosophy, takes us from the threshold of the Manichean logic of slavery and oppression into an imaginary realm of relationships between seemingly contradictory ideas and objects [that] come alive to assume new meanings” (138). Comment ne pas voir en effet, dans la croissance de notes de musiques « Notes From Elmina III, » (2011) la réalisation d’une esthétique du vivant, où paradoxalement, les lieux de mémoire et d’expérience de la traite esclavagiste et de la déportation d’Africains donnent lieu à une excroissance de notes de musiques et de plantes vivantes faisant rhizome. L’habitation plantation chez Glissant est de même ce lieu clos mais cependant organique ayant donné lieu au jazz, au multilinguisme, aux créoles et à la parole ouverte.[34]
Nulle réflexion sur le Tout-Art d’Édouard Glissant ne serait complète sans l’évocation de la compagne de route et de vie de l’auteur, Sylvie Séma Glissant. Ses « Seuils lassés » partagent avec la poétrie de Glissant l’alliance entre éléments dits inanimés comme la pierre et l’organe vivant de la peau mais y ajoute aussi les rondeurs pleines et fertiles de matrices.[35] Dans le tableau, nous percevons au moins deux matrices rondes, pleines, bleues et blanches, veinées de fibrilles (ou sont-ce des fleuves?) portant une forme humaine avec une tête, des épaules et un buste (où est-ce un continent ?). Les poches embryonnaires qui sont aussi des globes de planètes participent d’un art du vivant qui place en relation, en coïncidence, la naissance d’un humain comme celle d’un monde.
Les Attracteurs étranges, un documentaire réalisé en 2007 par Federica Bertelli « où convergent la parole d’Édouard Glissant, la peinture de Sylvie Séma et la musique de Bës et Piersy Roos, [et qui] met en jeu une réflexion sur la mondialité loin des “systèmes de pensée et des pensées de système”[36] offre un exemple privilégié de ce tout-art solidaire du vivant. Ce n’est pas par hasard si, dans un passage où Glissant définit son concept d’« identité Relation » en contraste avec l’« identité racine », le Tout-Art est mis en pratique par la co-présence de la musique improvisée de Piersy Roos et de Bës avec le texte de « L’étendue et la filiation »[37] lu par l’auteur, la peinture de Sylvie Séma, et le vent ambiant. Dans cette performance, la flute taïno, la cymbale de la batterie, la toile métallique vibrante, la guitare basse électrique tout à tour frottée par l’archet d’un violon ou rythmée de lourds pizzicatos par les doigts du musicien, la sueur des musiciens au travail, le texte lu par Glissant, la peinture de Sylvie Sema, la caméra qui parcoure sa toile en gros plan comme engouffrée dans un paysage sans cadre ; et surtout, le son des oiseaux et des vagues, et le vent gonflant, violentant, et insufflant vie à la toile forment un ensemble relationnel et vivant. http://www.lesperipheriques.org/article.php3?id_article=500
Le Tout-Art d’Édouard Glissant vit en lui et hors de lui.
[1] Sur le concept de la mort sociale des humains dans le contexte de l’esclavage, voir Orlando Patterson, Slavery and Social Death: A Comparative Study, Cambridge: Harvard University Press, 3.) Sur la déshumanisation des vivants et des morts dans l’expérience de pauvreté extrême et sous les régimes de terreur, voir Colin (Joan) Dayan, The Law Is a White Dog (Princeton and Oxford : Oxford UP, 2011, 21-34).
[2] Glissant, Édouard. Poétique de la Relation. Paris: Gallimard, 1990.
[3] Lire « Rêves sur les funérailles religieuses d’Édouard Glissant » de Bernadette Adams Cailler, in Revue des Sciences humaines, 309 (janvier-mars 2013, 239-50).
[4] Voir mon essai, “Édouard Glissant’s Graves.” Callaloo, 36(4), 1014-32 où j’analyse aussi la pierre tombale réalisée par Victor Anicet.
[5] Pour une lecture probante de l’œuvre de Laurent Valère comme mausolée, ainsi que sur la place des femmes dans l’événement et leur absence dans le monument, voir l’essai d’Erika Serrato, “Mémoire et Fraternité: Remnants et Historical Misdirection,” (paper delivered at the MLA, Vancouver, 2015, not published)
[6] Le gouffre, pour Glissant, est Relation: “Nous pouvons dire maintenant que cette experience du gouffre est la chose le mieux échangée” (Poétique, 20).
[7] Voir Le Discours antillais, Paris: Gallimard, 1997, 222-29.
[8] “Manmandlo c’est une sirène de plus de vingt tonnes immergée dans la baie de Saint-Pierre à la Martinique en hommage à la mer et en invitation à sa protection» http://www.laurentvalereartstudio.com/skill/sculpture/. Consulté le 31 mars 2015.
[9] “Depuis 20 ans, traverser la Méditerranée constitue le périple le plus mortel pour les migrants irréguliers. Depuis le début de l’année, l’OIM a enregistré la mort de 4077 migrants irréguliers dans le monde, dont les trois quarts, 3072, en Méditerranée. Depuis l’an 2000, plus de 22.000 migrants ont perdu la vie en Méditerranée (“Immigration Clandestine en Méditerranée: Record du nombre de migrants morts en 2014.” Le Huffington Post, 29 septembre 2014) http://www.huffingtonpost.fr/2014/09/29/immigration-clandestine-illegale-mediterranee-record-nombre-migrants-morts-2014_n_5899458.html, consulté le 26 mars 2015.
[10] « The Italian Navy rescued survivors of a shipwreck 20 miles north of Libya. After hundreds of men, women and children drowned in 2013 off the islands of Sicily and Malta, the Italian government assigned its navy to help rescue refugees at sea, in a campaign called “Mare Nostrum.” In 2014 alone, 170,081 people were rescued and taken to Italy. (Second prize, general news, single).http://lens.blogs.nytimes.com/2015/02/12/a-subtle-moment-becomes-the-world-press-photo-of-the-year/?smprod=nytcore-ipad&smid=nytcore-ipad-share&_r=0), consulté le 26 mars 2015.
[11] Roland Barthes, La Chambre claire: Note sur la photographie. Paris: Cahiers du Cinéma / Gallimard, 1980, 48-49.
[12] Le très beau texte d’Alessandro Dal Lago est publié sous les titres suivants: Fluidi Feretri, “Cercueils fluides” et “Watery Graves,” respectivement publiés dans Cultures & Conflits [En ligne], Inédits de Regards sur l’entre deux, mis en ligne le 18 novembre 2008, consulté le 15 mars 2015. URL : http://conflits.revues.org/12653.
[13] Colloque des études françaises et francophones du XXe et XXIe Siècles,” Bâton Rouge, Février 2015.
[14] Discours antillais, 112.
[15] “Nigéria: ‘sur cinq kilomètres, je n’ai pas arrêté de marcher sur des cadavres.’ » Libération, 10 janvier 2015, consulté le 26 mars 2015.
[16] “Students Give Shape to Faces of Unidentified Victims. » New York Times, 20 janvier 2015, consulté le 26 mars 2015.
[17] Voir “Relié (relayé), relaté” (Poétique de la Relation, 183-94.)
[18] Glissant, Édouard et Séma, Sylvie. La Terre magnétique : Les errances de Rapa Nui, l’île de Pâques. Paris : Seuil, 2007.
[19] Samia Kassab-Charfi, “Les ‘épaisseurs têtues’ du sens : L’intime dialogue entre Wifredo Lam et Édouard Glissant. Francofonia, 32(63), 2012, ” 135-46, 136.
[20] Glissant, Édouard, Cohée du Lamentin: Poétique V. Paris: Gallimard, 2005.
[21] Voir Baudot, Alain, Bibliographie annotée d’Édouard Glissant. Paris: GREF, 2007 et la thèse doctorale de Marcela Guerrero, Icons Afloat: Creolizing Semiotics in Contemporary Caribbean Art, in progress, University of Wisconsin.
[22] Voir La Cohée du Lamentin, pp. 257-59 et « Le Musée martiniquais des Arts des Amériques, » Institut du Tout-Monde, http://www.tout-monde.com/m2a2.html, consulté le 26 mars 2015.
[23]Ni réel, ni rêvé: Édouard Glissant –Poétique, peinture, paysage.” Littérature, 174, 2014, 33-40, 40.
[24] “Poétrie” est par exemple donnée en sous-titre au Monde incréé, à la fois théâtre, poésie et récit (Glissant, Édouard. Le Monde incréé: Poétrie. Paris: Gallimard, 2000).
[25] Leupin, Alexandre. “L’Appel du futur: sur les essais d’Édouard Glissant” in Revue des Sciences humaines, 309 (janvier-mars 2013, 225-38, 238).
[26] “Oko déterre une roche de rivière, en un endroit où il ne coule aucune rivière … il y grave son Kwamé de trois traits de silex sur la roche…” (Glissant, Édouard. Sartorius: Le Roman des Batoutos. Paris: Gallimard, 1999, 66) **
[27] Noudelmann, François. « Glissant, le Déchiffreur. » Littérature 154, Juin 2009. 36-42, 38.
[28] Sur l’amitié et les affinités esthétiques entre Glissant et l’artiste Adami, voir le bel essai d’Aliocha Wald Lasowski » « Ecrire/peindre l’invisible, » Littérature 174, juin 2014, 41-52.
[29] Voir par exemple la dernière phrase de La Terre magnétique: “… quand même que la pierre entêtée répète sans se fatiguer: rien n’est vrai de vérité, tout est totalement vivant: oui, c’est la traduction que ces personnes donnent de ce souffle enragé de la pierre, oui, oui, dit Ammy: rien n’est vrai, tout est vivant” (118). Pour une improvisation vivante autour de cette maxime, voir l’entretien de Glissant par Noudelmann à l’Institut du Tout-Monde: http://www.dailymotion.com/video/xcvrg8_institut-du-tout-monde-edouard-glis_news. Consulté le 26 mars 2015. Sur l’intention “biopolitique” de Glissant à travers cette phrase, voir Alessandro Corio, “ “The Living and the Poetic Intention: Glissant’s Biopolitics of Literature,” Callaloo 36(4), 2013, 916-30.
[30] Philip, NourbeSe Philip. Zong! Middletown, Connecticut: Wesleyan UP, 2008.
[31] Hachad, Naïma et Loichot, Valérie. “Victor Anicet: Martinique ou le bleu de la Restitution.” Small Axe: A Caribbean Platform for Criticism 3 (39): 39-57, Novembre 2012.
[32] http://www.federicamatta.com/. Consulté le 31 mars 2015.
[33] Voir la mission écologique et esthétique de l’artiste sur son site officiel: http://www.underwatersculpture.com/about/overview/. Consulté le 26 mars 2015.
[34] Voir “Lieu clos, parole ouverte,” in Poétique de la Relation, 77-89.
[35] http://www.verbeincarne.fr/fr/seuils-lasses-de-sylvie-sema/, consulté le 31 mars 2015.
[36]http://www.lesperipheriques.org/article.php3?id_article=500http://www.lesperipheriques.org/article.php3?id_article=500. Consulté le 4 avril 2015.
[37] Poétique de la Relation, 59-75.