I
l’arc-en-ciel
essentiellement fragilisé
malgré ses moments
– ses derniers moments ? –
d’optimisme
n’a pas trouvé ni donné
satisfaction
ce ne serait pas un écran
ce serait plutôt un cahier
il faudrait tourner et toucher avec ses doigts
les pages
celles-ci-mêmes qui ont été écrites
par cette autre main
on ne saurait pas
dire ce qui
de l’écriture ou de ce qui est écrit
opère le charme
à qui faites-vous jouer cette perte de pensée
d’autre qu’à ce moi inexorable
pour lequel j’ai de la sympathie
– comment devant cet agrégat de concrétions temporelles
retenir son émotion
à travers lui sourd une tendresse
pour les objets qui occupent notre maison
à Fès je me souviens
encore plus que des teinturiers
acrobatiquement voués à leurs étoffes
autour des puits de couleur
des faiseurs de carrelages
infiniment assis auprès
de leur ouvrage
taillant et collant leurs petits carreaux
fais en sorte que ton esprit soit tien
voilà ce que m’a dit le silence
regarde le sable collé sur les plis de ton ventre
va hors sentier dans les dunes
pose les pieds dans ce petit bout de marécage
n’ais pas peur de l’hypothèse d’un serpent
une volonté de stabiliser la connaissance, le désir, l’identité
s’exerce un peu partout
la beauté vous touche quelquefois
quelquefois quelques fois dans une même journée
alors tous les boucliers se lèvent
II
rage, calme
soudain un lopin de lumière
cependant mes mains ne peuvent rien effacer
quelqu’un tourne la page que tu lis
quelqu’un qui est sur cette page
alors il semble que la page d’elle-même se soit tournée
tout est rien, il semble que tout est rien
cependant mes mains ne peuvent rien effacer
à peine une révolte
serpente les chemins de terre
loisible de les aimer encore
absorbé par sa figure
il vaut mieux être absorbé par une figure
par une suite de figures
tatouage, mariage, diplôme, nationalité ou encore héritage
autant de manières de prendre
au sérieux l’identité
au diplôme préfère la péripatéticienne promenade
au tatouage le décalcomanie, etc.
puisses-tu oublier un peu qui tu crois être en te promenant
III
D’éternité point
coasse Gilbert le crapaud
j’en ai coulé des jours heureux
coagulé des globules bleus
et quelques décennies de Blaise Cendrars
parmi vos Algonquins véreux
ô à quelque hauteur que j’exhibe
cloués à quelque péristyle
toujours toujours notre démoniaque et délicat
mystère
Je l’ai entendu à travers l’arabique téléphonie de la vigne
que ton amour de toute façon malcommode
j’aurais perdu
mais la tyrannie des jours qui m’assaillent
m’empêche de rester perché à l’inauthentique îlot du souvenir
désespérément gardé
un verre d’eau bien fraîche sers-moi
et verse le reste de la carafe sur ma nuque
j’aurais aussi besoin d’un brin de piment d’Espelette
d’un arrière-pays où coulent les torrents
autoritaire et corrompu se cache un Etat
Azerbaïdjan
sous ses dehors d’écailles et de diamants
saoul et dehors abrité par l’ondulant toit
d’une cabane par hasard découverte
j’aurai ta peau bon vieux temps
ta peau d’animal aux plaies toutes saignantes et ouvertes
avec des frissons
je vous ai entendu glousser
parmi les éboulis
et à vos pieds l’esplanade
était déserte