Chroniques Créations

Le Bar de la plage – épisodes 172, 173 et 174

Episode 172

Elucubrations galactiques

Là, je m’en fous, je m’en fous vraiment. Il fait soleil, ça me va. Il pleut, ça me va encore mieux. La météo marine prophétise, on verra.

Stendhal signait ses lettres : SFCDT (Se Foutre Carrément de Tout). Je n’en crois un pas mot, il disait ça pour faire le malin, le type revenu de tout sans avoir été bien loin. Par exemple, il ne se foutait pas du tout de ses belles comtesses milanaises qui lui mettaient la tête à l’envers. Ici pas de comtesse italienne, pas de duchesse anglaise non plus. Il y a Leslie, elle est bien anglaise, mais Lady Quelque Chose, après tout peut-être…

Je regardais le globe sur la terrasse, je n’arrive pas à me faire à l’idée que je suis dessus, avec quelques autres bien sûr et qu’on est en train de se balader à toute vitesse quelque part entre les étoiles. Quand Thomas Pesquet, l’astronaute, est revenu de sa virée spatiale, il a dit “quand on est sur terre, on croit qu’on est sur du dur, indestructible ; vu de là-haut c’est un radeau de survie.”

Jules passe :

– Alex , t’as pas vu Caro ?

Je n’avais pas vu Caro. Jules est amoureux de Caro et Caro … Moi aussi je suis un peu amoureux de Caro… par moment… allez savoir. Inutile d’interroger sa copine pythie à Delphes ; solidarité féminine, elle ne dira rien.

Je retournais à la contemplation de mon globe…Et si un esprit farceur déréglait son axe d’inclinaison, juste un peu, un ou deux degrés… Est-ce qu’on aurait plus chaud ou plus froid, est-ce que les nuits seraient plus longues, l’été ou l’hiver sans fin ? est-ce qu’on finirait par rentrer dans une étoile ?

Je n’arrive toujours pas à me faire à l’idée que je suis dessus. Il faudra que je demande à Thomas Pesquet ce qu’il en pense… pour le reste….

Episode 173

Flous plus ou moins artistiques

Incertitudes météorologiques… Tant mieux. Une dose d’à-peu-près, cela ne peut pas faire de mal. Quelle heure est-il ?

Je traîne sur ma terrasse, abandonné à une solitude égoïste et rêveuse (pardon pour cet excès de personnalisation). Et je m’ennuie… un peu… beaucoup… ce n’est pas net.

Je ne parle pas de ces ennuis intermittents qui vont et viennent, aussitôt apparus, aussitôt disparus ; j’imagine quelque chose qui se situerait entre l’ennui infini, irrémédiable (à la Cioran, un expert dans le domaine), et un ennui de compagnie, léger et fidèle, une sorte de sas protecteur, comme cette pancarte qu’on accroche à la porte de sa chambre dans un hôtel et qui signifie aux importuns : “Ne pas déranger (merci ou svp)”.

Je cherche une musique qui irait bien avec ; il est trop tôt. Une tasse de café fume.

Caro et Jules passent par là , mon ennui s’en va.

Dommage ?

Episode 174

Jeux de société

Brise. Temps frisquet. Les oiseaux de mer étaient à l’échauffement. Question : les conditions météorologiques allaient-elles nous contraindre à abandonner le dry-matini pour le chocolat chaud ou le thé vert du Bengale (ou d’ailleurs…) Pour l’instant, comme le disait Boris Vian – ou peut-être Saint-Exupéry – la question ne s’était pas encore posée, il y avait trop de vent.

Bref et autant que possible en clair, les uns et les autres étions dans une de ces zones de temps approximatif où le passé n’existe plus et il n’y a pas d’avenir. L’aérien absolu.

Même sensation d’apesanteur que lorsqu’on joue au ping-pong, effet d’une concentration intense, ainsi que le raconte l’écrivain anglais Ian McEwan.

Einstein pourtant réputé très intelligent est carrément passé à côté de cette équation existentielle, dixit Madame Einstein et ses copines de flipper. Albert n’aimait pas jouer au flipper et comme le baby-foot n’avait pas été encore inventé, il se contenta de faire une bombe atomique.

Jules et Jim était d’humeur sociable ; inquiétude de Caro pour qui l’absence de réflexions désagréables à son égard pouvait être interprétée comme une érosion de l’intérêt amoureux (plus si affinités) que jusqu’à présent , certes discrètement, Jules lui portait. Elle se disait que l’amour est une chose trop fragile pour durer (sauf anomalies) et que même parfois ça finit très mal. Voir la malheureuse histoire de cette Iseut et de ce Tristan, encore aujourd’hui une sorte de cold-case pour série TV américaine.

Line promenait son regard gris-vert de mélancolie heureuse et Leslie la moitié de son bikini.

– Georges, dry martini for now and ever

PS / Ne pas oublier de commander une table de ping-pong et un baby-foot (marque Stella) pour le bar de la plage