Chroniques Créations

Le Bar de la plage – épisodes 160, 161 et 162

Episode 160

Facile…Et alors…

A force de raconter ou d’écrire n’importe quoi, n’importe comment, comme ça vient, on s’y fait, on s’y fait même très bien. “On s’en fait une douce habitude” pour garder la formule de Georges Moustaki qui d’ailleurs visait un autre sujet.

Et là, du haut de leurs chaires, les oracles moraux tempêtent, menacent, prétendent que c’est ainsi que peu à peu on sombre dans la facilité. Détestable tendance. Fâcheuse situation. Condamnation. Aux galères !

On se passera de leur avis.

La facilité n’est pas facile, elle réclame des dispositions particulières, une application soutenue (la facilité est volatile, la tentation de l’effort veille), Parlez-en à notre bon La Fontaine, la facilité c’est un boulot… bref, je m’emballe, le discours enfle, la grandiloquence montre le bout de son nez… Pardon.

Dans son journal “Bailler devant Dieu”, le paresseux critique littéraire espagnol Ignacio Uturiarte raconte qu’il fait la chasse aux grands mots. Il a compté, son ordinateur a compté pour lui, que dans ses articles publiés, la taille moyenne des mots employés est de 4,6 caractères alors que dans ses écrits personnels, elle n’est que de 4,3 ; il en conclut qu’il y a 0,3 caractère de trop, autrement dit 0,3 caractère de grandiloquence inutile.

Résolution : je continuerai à écrire n’importe quoi en essayant de descendre la moyenne en dessous de 4 caractères/mot.

Indulgence du jury demandée.

Episode 161

La grande préparation

Le temps avait brusquement changé d’idée, le vent viré bord sur bord et un beau grain venu du large avait vidé la plage de ses occupants.

Nous, on s’en fichait, on était rassemblés dans la salle arrière du bar de la plage, convoqués par le Colonel, autoproclamé coach, pour la préparation du prochain tournoi de volley-ball mixte interplage. Il avait travaillé un lot de nouvelles tactiques qui allaient méduser nos adversaires et avait conclu la séance par un “cette année est notre année”. Je crois qu’il avait dit la même chose l’année dernière, celle d’avant aussi ; on n’allait pas lui en vouloir pour si peu, et comme l’a dit Leslie : ” A new year is an other year”.

Enfin , on n’avait toujours pas compris quand et comment Marie devait passer le ballon à Gilbert (par ailleurs son amoureux) pour les smashs décisifs… On verrait ça un autre jour quand il fera beau et que le terrain sera prêt…

Le Colonel a dit “parfait…parfait” ; on allait pouvoir passer à autre chose…

A rien par exemple, activité dans laquelle on excellait. Autre éventualité : retour aux questions existentielles qui empoisonnent toutes les vies ; bon, d’accord Camus n’était pas le premier à en avoir parlé mais il en avait rajouté une belle couche, en tous cas, bien pire que David Bowie et Annie Lennox dans leur fameux duo “Under pressure” à Wembley “

Caro avait repris des couleurs après le passage express et troublant du dénommé Elvis avec son t-shirt “I like Mozart” – ce goût qu’ont les filles pour les figures exotiques, enfin Caro avait vite décelé le côté frime du loustic ; ” il croyait que Mozart était autrichien, ben voyons”.

Et elle recommença à titiller Jules , celui-ci y vit plutôt un bon signe.

Je crois qu’en fin de compte, on opta pour la proposition “rien ” ce qui provisoirement nous permettait d’attendre la soirée et ses inattendus sans les gâcher par avance…

Episode 162

Pause

La météo était hésitante, sur courant alternatif. Les coups de soleil succédaient aux averses et vice versa. Comme une leçon de modestie des éléments à l’égard des certitudes terrestres : attention fragiles ! Dans ces conditions, la tendance est aux renoncements, à l’attente… Ô temps suspend ton vol… Pas de résolutions irrémédiables, Place à l’instant , encore que… sauf s’il a les accents bluesy d’une ballade de Norah Jones.

On n’avait même pas envie qu’il se passe quelque chose, quelque chose de triste ou de gai. Peu importe. En tous cas rien de ce qu’on pourrait trouver à la rubrique internationale dans le genre tremblements ou éruptions volcaniques, rien de ce qui pourrait émarger à la rubrique faits divers comme les guerres, massacres, haines ou châtiments.

Ici, on est au bar de la plage, alors…. Ici, il est question que Louise abandonne l’idée de recruter un troisième mari, que Leslie retrouve prochainement la partie manquante de son bikini, que Caro redevienne aimable avec Jules, que notre ami Pierrot-le fou d’amour trouve enfin la note bleue etc.. bref, comme l’a dit Line dans un accès de mélancolie :

” Après tout, notre monde n’est qu’un caprice de l’univers”

– Georges, le dry-martini soigne bien tout ça, n’est-ce pas ?