Chroniques Créations

Le Bar de la plage – épisodes 141, 142 et143

Episode 141

La tempête annoncée par la météo marine est enfin arrivée.

Avec un peu de retard. Elle se rattrape. Les vagues hargneuses attaquent la plage, la bave aux lèvres. Les oiseaux de mer ont déserté le ciel. Le bar de la plage s’est refermé. On était passé dans l’arrière-salle, on avait remis nos corps et nos âmes à la protection d’un feu de cheminée qui allait bon train. Sur les cloisons de bois, toujours les photos des grands Classs J toutes voiles déployées, photographiés – muséifiés – par sa célébrité Becken “of Cowes”. Et ce n’est pas demain qu’ils descendront de leur cadre. Le destin d’un bateau de course est de naviguer, d’être secoué par les vagues non, pas d’être à l’ancre sur les murs d’un quelconque yacht-club.

Jean-Do évoqua le vicomte de Chateaubriand braillant dans la fureur du vent ” Levez-vous, orages désirés” … La scène amusait bien Leslie qui la trouvait so french “Décidemment, vous les Français, vous avez toujours le sens de la formule fatale…déjà à Azincourt, tirez les premiers Messieurs les Anglais, c’était quand même pas très malin “.

Jules, vent debout, répliqua :

– c’est vrai que le Merde de Cambronne à Waterloo avait quand même plus d’allure et le mérite d’être clair.

On n’en avait pas fini avec l’Entente cordiale, le Brexit et la dernière victoire de l’équipe de rugby anglaise à Twickenham une fois de plus outrageusement avantagée par l’arbitre et ce stupide (et magnifique) Swing Low, Swing Chariot….

Enfin la tempête remettait les choses à leur place ; face aux éléments déchaînés l’homme se fait tout petit ; cela lui évite (momentanément) la tentation cosmique de se prendre pour quelqu’un d’autre…

“Deus ex machina ” ponctua Caro avec l’une de ses irrésistibles et mystérieuses formules antiques.

Louise de V se désolait, ce n’était pas par un temps pareil qu’elle allait dégoter son troisième mari.

Bob Dylan serinait son ” the answer, my friend, is blownin in the wind,” alors question révélations, on allait être servi…

Georges déploya les bouées de sauvetage…des dry-martini apparurent à la surface des eaux…

Episode 142

Il fallait renforcer les défenses.

Le monde craque de partout, les coutures explosent, les hommes, les dieux et ceux qui s’en réclament, s’en mêlent. Attention monde méchant, devrait-on afficher à l’entrée.

Certes le film ne devrait pas rester longtemps à l’affiche tant le scénario est misérable… On dit ça et puis…

Quelques dispositions de première nécessité s’avéraient indispensables. Soit par ordre chronologique et à l’una-nimité :

1 Ne pas affronter le monde éveillé avant 10 heures 30 am. C’est en général à partir de cette heure que les donneurs de leçons se calment, que les pelotons d’exécution rangent leurs armes. Prendre une marge de précaution peut-être utile, ils ne sont pas toujours précis dans leurs manœuvres

2 Sur le chemin ne pas saluer aimablement ceux qui ne le méritent pas, (sélection personnelle). Pensez à la formule de Montherlant, un ours de la meilleure espèce :

” Tant de choses dites et qui n’en valaient pas la peine ; tant de gens qui ne valaient pas la peine qu’on leur dise le reste : ça laisse du temps au silence.”

3 Ne déjeuner qu’avec ceux que vous aimez bien (cela va de soi)

4 De 3 à 7 ne rien faire d’officiel

5 A l’heure où le soleil décline, rendez-vous au bar de la plage.

Peut-être précédé de bains de mer si les conditions maritimes sont favorables.

Hors programme :

La nuit, bon.: Le Phare ( à l’extrémité rocheuse, en sortant du bar de la plage à gauche) est là pour nous accueillir. Application de la règle des 3 C : Musique, Tendresse, Poésie. Vous dîtes : mais où sont les 3 C ? c’est justement là que commence la poésie…

Aussi : obliger le DJ à diffuser Imagine une fois par heure

Ainsi, la planète accomplira sa promenade quotidienne sans être importunée. Et nous avec.

Episode 143

Pas d’excuse.

La paresse n’est pas une excuse ; pas davantage une cuite carabinée. Il ne s’agit là que de deux états intermédiaires à durée variable. Toutefois, à un moment où les deux phénomènes sont concomitants, une question vient à l’esprit : paresse et gueule de bois sont-elles liées par une sorte de pacte biologique ou , carrément indépendantes … sans effet cumulatif analogue à la solidarités des vagues sur la mer ou les ondes provoquées par un double ricochet à la surface des eaux d’un lac paisible ?

(complément technique fourni par Jean-Do)

” Bref, on s’en fout, vivons heureux avec l’une ou avec l’autre ou les deux ” comme le dit Leslie encore à la recherche de sa moitié de bikini égarée.

Ainsi allaient le bar de la plage et ses habitants au lendemain matin d’une superbe fiesta au Phare . Comme le disent les aventuriers sérieux, ce qui s’est passé au Phare reste au Phare. N’empêche sans transgresser la loi fondamentale, voici quelques indices bien sûr sans dommage pour ceux qui en furent les acteurs. (ici, on ne dénonce personne à la vindicte des lyncheurs numériques). Caro et Jules ont dansé ensemble le dernier slow de la soirée (Ray Charles, I Can’t Stop Loving You). Louise est rentrée bredouille (Décidemment Versailles a moins la côte qu’Ibiza), Line ? Devant son regard mélancolique gris-vert, au moins trois garçons et une fille se sont évanouis..

Les lumières du Phare se sont éteintes, on est sorti en direction de la plage comme les copains et les copines de Marcello dans la dernière scène de la Dolce Vita ou comme dans La Grande Bellezza, cette soirée chic-élégante sur une terrasse à Rome où les invités mettent à jour les méandres de leur jeunesse commune passée.

The End.

a mer va bien.