Illustration : Sénamé Koffi, « sans titre », 2004
Souffle noué
Souffle trente-neuf fois noué
Je viens
au coin de ton regard
boire tes larmes
Gouttes de nuit…
Chut !
De sucre et de sel
De grâce
Creuse mon âme
Automnales
Une ombre blanche
Toutes branches agressantes
S’épanche en moi
Au feuillage d’âge d’un autre âge
Chaque feuille blanche
Une paupière noire
Sur l’œil mort de l’automne blanc
Toutes branches caressantes
L’aube blanche
Se déploie
Et s’en vont à goutter au coin de la lune
Les jours mornes
Le vide sans nom
Où balance une enfant
[Sous]pire
(à Ibrahima Sillah et aux autres…)
Il y a les jours trempés d’enfance
Les déjections de papillon
L’étoffée infinie
Les anges qui poussent
Il y a mais c’est qu’ils crient leurs simagrées
Les agréés à la grande table
Et leur aisance est sauve de sauvagerie
Il y a et rien n’y fait
À se frotter le cœur
À même le sol
À même les jours aveugles
À même les larmes opaques
À même un trois fois rien de transe
Il y a n’est ce pas à recréer la danse
fourbe fabuleuse une feinte de collaborer
Les séquelles aux hanches de cet un-à-un de jours lourds
comme autant d’anses à fiente
Il y a si fine…
Il y a la lame, l’étouffée…
Il y a et le cœur d’en sourdre, la défection des pigeons
Il y a… Ah ! Putain de taie noire les trains qui devraient rester à quai…
[Sous]pire 2
C’est le ricanement lent
Du ciseau tondeur
Qui tous les jours nains revient
Et me fend l’âme
Dessous le silence de partout dessous l’absence
Une pluie de cils enflammés les larmes en allées
Et me vrille l’âme…
C’est la dent dure de l’homme de race pure
Qui pèse sur mon os
C’est tous les jours ici
(sic !) (sic !) (sic !) cliquetis pour un tic de flic
Les ronds de menotte
Et ils nous jetaient leur ricanement de crucifix
C’est la fabrique de terres naines
C’est l’accumuleuse de haine
C’est la main si hautaine qui baisse la tête
Qui fouille les poches qui indique la porte
C’est un gazouillis de cailloux
Le son creux du discours creux le creux cœur des vœux pieux
C’est que l’homme toujours écrase l‘homme
Encore et encore…
B[rêche !]
Léchée noire
dans le cou la langue en feu
à délacer un à un les refus
Sais l’aube écoutant à la porte
Déjà glisse ses premières épées sous la porte
Qui veut la ravir aux caresses le jaloux ses flèches
Ramasse carène sur peau pollen
à tout à coup de flammèches la langue ose
les chairs roses en eaux
Une nuit de nœuds coulants une nuit d’eaux croulantes
En laisses de litanies lianes cette nuit les langueurs
nos embrassades pour les tous délier
Et frotte rude une paume
à colmater les soupirs gercés par où l’aube se coule
Mais déjà demain est là
Lèche
Pendant qu’aussi l’eau…
L’eau s’épaississant sous les paupières closes
commence de pousser la porte
Kinshasa
Canines au vent qui sa chance rit doucement
Kin Kiese qu’est une ville en sang son ricanement qui s’étang
Qui quinine blanc quinine en sable à s’y casser les dents
Ces chiens !
Qui pisse une flaque s’étend, qui fracas flasque le vide s’entend
Qui mirages encorne et pleure à se mélanger les langues
Une veillée de lapalissades et de lances rouges
Qui en singe, qui sale le linge au si grand fleuve
Qui la gâchette qui la mâchoire, qui sa gueule qui le hachoir
Qui cane moi ça n’est ce pas pour pas cher et l’heure cul…
Qui les cons qui de go l’ensauvagement fougueux
Qui chaque cinq fois une année le grand choc et danse sept fois six danses de nègre lubrique
Qui la négrille qui le poing, qui les grillons cuits à point !
Et qui plus grand encore l’affront et les corps entêtés
Qui l’athlète qui l’entrainance, qui la sape qui l’engraissance
Qui chasse à l’homme…
À qui mieux mieux la gloriole des portes-flingues
Qui la musicalité qui la physicalité
Qui les cataclysmes sourds de l’exister
Qui « qui sait »
Qui le génie qui le fourbe qui le bouffon
Qui la foudre
Qui le typhon
Qui son ricanement rouge et ça les chiens !
[Entre]sorts
Un essaim de signes ailés
La nuit tombant et l’épaule nue
Usine en ennuie un mystérieux lait noir
Le lieu est délicieux et la ruche s’y roule
Voici,
C’est une mystique quelque peu en lien avec la ruine des cieux
De tout ce qui s’y trouve
Crachant plutôt sept fois qu’une
La nuit le miel la nuit le velours, leur onctueux
Par toute sa sainte crinière de belles roses
Du fin fond du puits cette unique nuit griffue
Le bec puis le pelage…
Mangrovant aux abords du cœur
Les serpents ronds qui pendent la nuit le bec la nuit de singes hirsutes
sa mâchoire un nu bouillant
La nuit le bec la nuit le pelage luisant
Les faux fuyants et le feu sans personne pour les défolier
Que la nuit mauvaise une flaque de lancinance
Lentement en lasso noir autour de l’âme
Mais Silence
Sombre Feu sombre le ventre sombre
Car rien n’entache flamme
Et suinte par toute sa chair qui le mangouste
Vente une sale ombre
Pendant que se fait un festin de serpents
La nuit le bec les signes enflammés…
Lune en assiette
Avec la lune
en assiette de ce plat de cervelle humaine putride qu’il leur sert
le fil de miel noir qui en ruisselle
Y jettent leurs langues pour y boire avides
et rêver à la promesse des trop belles fleurs blanches qui y pousseront
nos mains mentales
qui veillent pour la nuit de la grande cueillette…
Avec la lune
en assiette de karité
Sa clarté humide en fondue sur l’opalescence des peaux rêches
Ferme ses paupières à la peau
Le beurre blanc une huile chaude
Sa brulance les soirs d’hiver pour le soin…
Avec l’éclipse
en jours de ventre-creux
L’expiation des rides
Nos vides traversés de monstres les chevauchant
Le beurre qui tend la main
En charge :
La sudation de larmes
Les modulations d’âme…
L’incarna couve un volcan
[Sang]blanc
Automnal la table du maître
Le visage du rêveur qui s’efface
S’y noue en blanc
Et y cœur de sa petite voix
L’automne un rictus immolé…
Et donc le visage en berne !
Pour que tout ce que l’instant…
Si lentement
Pour que tout ce que le temps…
Scie l’ahan
Charmeur le visage absent !
Pour que tout ce que la chair…
S’y meurt
Pour que tout ce que le sang
S’y blanc
Plus de cernes aux mirages !
Plus loin que la main
Plus bas que le mot
Les rivages ternes et le masque de sel
Les à n’en plus finir berges de cendre
Pour que l’œil seul vigile
Pour que tout ce que l’enfant…
S’immobilise en géant
En sable !
Pour que tout ce que le vent…
Déambul[air]
Au pas-très-clair d’une lune en bulbe
qu’étalait blême sa pâleur
à même un suspend d’âme à l’à-peine exempt d’électricité
Et qu’alors se donnait comme la cola l’accolade
À ces heures parallèles où j’y avais des lectures, déambule…
L’air retenant comme un souffle et de nulle part être cette dame
Nocturne taciturne
mais les choses en fleurs et serpe ses rêves un nuage en pantalon
Une somnambule toute vulve hors
Bouscule nuit bascule nuit…
Lait blanc en ciel en jets sans boussoles
Plus désaccordés les corps encore que la râle
déjà
En bête folle et hèle le miel
Le suspend lourd mais criblé d’épines
Une dune à l’âme…
Tombe la dame noire et la lune glisse
de ce visage noir de nuit noire
et se brise un sourire sur ces genoux la jouvencelle
Bousculée nue
Basculée nue
En halo
La buée dessinant aux cloches une bouche quelque peu fluide
D’une culbute muette
Somnambule
Et se tait à elle-même
d’âme sa bêle interminable…
Brasier
Regarder les étoiles
C’est s’envoyer là haut
Les voir avec quelqu’un
C’est s’embrasser là haut
D’un baiser de feu
Était-ce la nuit ?
Était-ce la nuit ?
Au feu chaque minute orpheline
Qui sépare le cœur du cœur
J’étais avec toi cette nuit
À enrager contre roulis d’un sang hors-paix
À guerroyer contre vents relents de rêves agités
Pagayant à te péter une artère
Toisant ciel
J’étais le signe hors mœurs
Pourquoi donc ne s’est-il point fait
Île en toi
Pour qu’enfin j’accoste
Étais avec toi cette nuit
Quelque part entre deux de tes frémissements
La plus petite trace-eau de ton plus petit soupir…
Siré
Une énigme pour sûr
De toutes un tourment
Le clair obscur…
Si
si sourdement
le ciel
cette nuit
en moi
s’est épanché
et a pleuré
en une rhée
comme jamais une
de lucioles
tout son troupeau
d’étoiles…
C’est qu’il lune !
Il lune
en ton extrémité caché
à fleur
de cœur
de ton cœur
si nu
Siré
Et
un rayon capricieux
jusqu’à moi
a percé
Un chemin de lune
Un chemin de mots…
Esthétiques
Un rayon de lune
Une jolie chose
De l’esprit chagrin,
L’indicible pathétisme
L’esprit est un tableau noir. S’y craient en ombres : les catégories de l’insoutenable, le maillon en bout de foudre… Penser est un souffle de poudre blanche. L’onctueux de la sève et la poudre, une boue de sang. La chair d’un masque. Puisse -t-il endormir le visage et laisser le corps seul roi. Un vœu pieux…
Et l’ombre debout dans la nuit, une île, brasse sa prière à même la nuit. Du geste dogmatique magistralement exécuté, le signe ne grandit l’homme qu’à la faveur d’un endormissement feint. La croix ne commencera réellement à en peser le fils que lorsqu’il entamera l’ascension de la dernière colline d’âme. Les valises de l’Isle puis les ombres tissées à coup de baguettes chinoises aussi. Chacune porte son homme. Ces projections de chair, de sang et de poils sur la « vraie vie » qui est autre chose que la vie vraie…
Et puis d’autres mystères encore : certaines autopsies rigoureuses, le cours tranquille d’un fleuve, la cadavérique éthique des bras en croix sur une poitrine et la figure enfin, crue et sans fard, des utopiques dans la cadence précipitée d’un cœur… La surdité de l’ivraie d’un côté, l’avalasse lisse de l’isolée de la nuit d’un autre… Une jetée de cauris.
Ceci tandis que l’homme brisé penche sur son ombre comme sur une béquille. La fracture et la plaie ouvertes crachent en geysers leur pathétique et obscène prétention à la souffrance qui fait bien ricaner les creux de l’âme… La vraie meurtrissure de la chair qui tombe…
Une ombre, c’est de la foudre en poudre, de la flaque de chair ou de la pensée en poussière. L’ombre, le mouvement en cendre, la cendre de sang en flaque. Mais la chair tient dessus et ne s’y noie pas. Oui la chair flotte…
Clairon
(à Ange Mugeni)
la nuit s’est faite colibri coléreux
les fées noires
ont comme du bleu tatoué dans le sourire
dans le calorifique des impensés
l’indu traverse…
toute absence bue jusqu’à goutte ultime
se pose alors
l’aile noire délicate
large
à l’extrême aboutissement des choses
de l’intime convention
jusqu’au rappel de la connivence première d’avec le vide
où les cœurs
saturés d’êtres piailleurs
jusqu’à ressac
s’épanchèrent
la nuit claironne
une plume a déserté
la nuit claironne
un ange est rentré…