Comptes-rendus Critiques

45ème festival de piano de La Roque-d’Anthéron – 19 juillet 2025

 

 

 MAXIM EMELYANICHEV -ORCHESTRE DE CHAMBRE DE PARIS

UN SHOW EMELYANICHEV

C’est la première fois que nous assistions à un concert avec ce chef russe au piano et à la direction.

Depuis plusieurs années, nous avons pu apprécier le célèbre orchestre de chambre de Paris, avec différents chefs, dont le regretté Lars Vogt.

Par une température supérieure à 30°, le chef russe, natif de Nijni-Novgorod, ville chère à Michel Strogoff, arrive sur scène en costume cravate, comme sur une scène classique. Il va commencer à souffrir de la chaleur, d’autant plus qu’il ne s’économise pas sur scène, avec un style bien loin d’un Karajan ou d’un Barenboïm.

Dans un premier morceau joué en solo, (Schumann – Abendlied -opus 85 -12), il engage un combat avec les cigales et quelques insectes invasifs. Il s’arrête 2 fois pour pester contre ces gêneurs : « I am disturbed ».

Mais les cigales sont plus nombreuses et plus bruyantes, et il faudra attendre la nuit complète, vers 9 h 40, pour retrouver un silence propice à la musique.

Il démarre par la Fantaisie en ut majeur Hob.XVII :4. De Haydn.

Tout se passe bien jusqu’à ce qu’il enchaîne avec le 22ème concerto pour piano de Mozart, dont l’Andante est l’un des sommets de l’œuvre mozartienne.

Et là, bizarrement, on a l’impression qu’il est resté sur la musicalité de Haydn, on ne retrouve pas Mozart, et le 2ème mouvement est complètement escamoté.

On retrouve chez Emelyanichev le garnement prodige d’Amadéus, le film de Milos Forman, avec toutes ses espiègleries, mais pas le compositeur génial et inspiré.

Il se déplace les pieds en canard, presque du Chaplin, et à un moment on le retrouve sur son siège, le corps faisant un angle droit, les jambes tendues à 45° vers le haut et les bras levés. Bel équilibre tout à fait circassien…

J’aurais me méfier en lisant le programme disponible à l’entrée.

Au sujet de l’orchestre de chambre de Paris, on emploie les mots « réinterroger la musique classique, des solistes dirigeant l’orchestre en joué-dirigé, reconnu pour sa démarche citoyenne, musique réinventée, etc. »

Tout ce vocabulaire, dans le vent, doit être interprété comme un panneau « attention danger »

Et la musique dans tout ça ?

Il semblerait que sous l’effet de ce pathos, on en ait oublié les principes de base.

Oublié tout simplement de jouer de la belle musique.

Oubliée la profondeur mozartienne d’une musique qui élève l’esprit vers des contrées inconnues !

Oubliées la douceur et la finesse des concertos de Mozart !

Oubliée la beauté de cette musique hors du temps !

On a le sentiment d’une musique pleine d’alacrité et de bonne humeur, plus proche des orchestres sud-américains, (influence Dudamel ?), enjoués et joueurs, ou d’un bon ensemble de bal champêtre.

Mais très loin de la profondeur mozartienne, dans un total contresens.

Un mot sur le fait de jouer du piano en dirigeant l’orchestre, cette mode actuelle qui se répand. Les métiers de Chef et de Pianiste exigent chacun l’excellence. Pour ma part, je persiste à penser que l’on ne peut être « excellent » en même temps dans ces deux fonctions. Quand il se livre au piano, le musicien ne peut plus s’occuper de l’orchestre, et inversement. Heureusement que quand il joue du piano, c’est la première-violon qui prend la direction de l’orchestre.

Il est curieux et contre-productif de voir l’artiste jouer au piano de la main droite, en dirigeant son orchestre de dos de la main gauche !

Il faudra en finir avec cette mauvaise habitude, qui vient « saboter » le morceau.

Et sur cette immense déception, Mozart escamoté, vient un entracte bienvenu.

La deuxième partie est consacrée à la 6ème de Beethoven.

Allons-nous retrouver le célèbre compositeur allemand ?

Eh bien oui, surtout dans les morceaux enlevés, où le chef fait preuve d’une certaine virtuosité. « La Tempête » est plutôt réussie, et emporte le public. Mais dans les morceaux empreints de douceur, les chants d’oiseaux par exemple, on sent une certaine maladresse.

Si les instruments à corde, joués par une section presque essentiellement féminine, sont d’un haut niveau, et le point fort de l’orchestre, on n’en dira pas autant des instruments à vent et des percussions. Un manque d’homogénéité saute aux oreilles. Il y a encore du travail à faire sur ce plan.

Peut-être ai-je trop de 6èmes symphonies de Beethoven dans la tête, à force de les écouter sur Mezzo, Radio Classique ou France Musique, jouées par des grands chefs et des grands orchestres.

Il va clore le concert par Rosamunde de Schubert (entracte andantino), où pour une fois il fait preuve de légèreté et de finesse.

En tout état de cause, ce premier concert se solde par une grande déception :

« Revisiter » les œuvres de Beethoven et Mozart est une hérésie.

Rendez-nous les beautés musicales classiques que nous avons toujours aimées !

Le Programme :

Haydn : Fantaisie en ut majeur Hob. XVII :4
Mozart : Concerto pour piano et orchestre n°22 en mi bémol majeur K. 482
Beethoven : Symphonie n°6 en fa majeur opus 68 “Pastorale”

Schumann : Abendlied (opus 85 n°12)