A l’occasion du 50ème anniversaire de la disparition de Marcel Pagnol, le 13ème Salon du Livre de Bouillargues était consacré à ce grand écrivain, dramaturge, cinéaste et académicien.
Qui de mieux pour l’évoquer que son petit-fils Nicolas, qui gère brillamment l’œuvre de Marcel Pagnol !
Une conférence/débat était organisée dans une grande salle de la Maison des Associations du Parc Blachère. Environ 80 auditeurs étaient venus en ce samedi 5 octobre 2024.
C’est sous la forme d’une interview opérée par Floryse Grimaud, que Nicolas Pagnol est venu présenter les ouvrages consacrés à son grand-père ainsi que les œuvres adaptées en bandes dessinées, tout en traitant les différents aspects de sa vie. Rappelons que Floryse Grimaud est la créatrice du Prix Marcel Pagnol, attribué chaque année à un ouvrage retraçant des souvenirs d’enfance.
Nicolas P. a expliqué de quelle façon son œuvre était perçue aujourd’hui et de quelle manière il la gérait. Il s’est attaché à sa modernisation, non pas dans le contenu qui reste très actuel, mais dans sa forme et ses adaptations. Il précise que sur les 24 films de son grand-père, 18 ont été restaurés à ce jour, ce qui implique une recherche permanente de fonds pour mener à bien cette coûteuse opération de films en noir et blanc.
Il s’est aussi attelé à la création d’une œuvre artistique représentant « le soleil, la latinité, la Méditerranée et la convivialité » sous un nouveau jour allant de BD hautes en couleur, à des projets de réalité virtuelle. Et il a fait le choix de choisir un dessinateur différent pour chacun de ces albums, en commençant par Morice pour illustrer Marius.
Une captation de la conférence a été faite par Virgile Simonneau, Alternant en Master de communication à la mairie de Bouillargues*.
Nicolas Pagnol et Floryse Grimaud pendant la conférence au Parc Blachère
Quelle est la mission principale que vous vous êtes fixée en tant que gestionnaire de l’œuvre de Pagnol ?
C’est premièrement de pérenniser les supports de son œuvre pour le futur, par exemple en restaurant des films, en plaçant son œuvre littéraire chez de grands éditeurs, mais aussi bien sûr, de l’apporter aux nouvelles générations, qui lisent de moins en moins de romans et c’est pourquoi on a fait de la bande dessinée, une réalité virtuelle qui va bientôt sortir, un méta verse ou encore de l’animation.
Quels sont les défis principaux auxquels vous faites face dans la gestion et la diffusion des œuvres de Marcel Pagnol aujourd’hui ?
Le principal défi auquel je dois faire face, c’est celui du financement. Notamment en ce qui concerne la restauration des films parce que cela coûte très cher et que de moins en moins de personnes regardent des films en noir et blanc. Heureusement en France nous avons le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), mais il ne couvre pas tous les frais, ce qui oblige nécessairement à rechercher des financeurs comme des fondations, des fonds de dotations, des collectivités territoriales, pour sauvegarder ce patrimoine cinématographique.
Qu’est-ce qui vous touche personnellement dans l’œuvre de votre grand-père ?
C’est son humanité. On voit qu’il aime les gens, il aime les autres. Il n’est pas naïf, il connaît leurs défauts, mais il leur pardonne. Il nous pardonne, Marcel.
Est-ce que vous auriez un projet inédit ou une œuvre méconnue de Pagnol que vous aimeriez recommander ?
Je ne saurais que trop recommander, dans cette société de guerre dans laquelle nous vivons aujourd’hui, la lecture des « Marchands de gloire » qui est une pièce de 1925 que Marcel a écrite à 4 mains avec Paul Nivoix.
Selon vous, en quoi l’œuvre de Marcel Pagnol résonne-t-elle aujourd’hui auprès des nouvelles générations ?
Je pense qu’elle résonne par son humanisme et sa proximité avec la nature. Je ne parle pas nécessairement d’écologie, mais d’amour de la nature, de respect envers la nature et du respect de son prochain.
C’est dans ce respect que réside le message universel de Pagnol selon vous ?
Oh le message universel ! Je pense que le message universel qu’il essaie de faire passer, c’est que nous sommes avant tout des êtres humains et quels que soient nos désaccords nous devons faire société pour vivre dans un monde épanoui.
Dans un monde très numérique et connecté, comment vous imaginez-vous l’évolution de l’œuvre de Pagnol dans le temps ? Disons dans 30 ans ?
Je pense que, quels que soient les médias dont on puisse parler, il est vrai qu’aujourd’hui nous sommes très connectés, très « numériques ». Mais Pagnol reste un auteur universel, un auteur classique, il peut s’adapter à tous les modes de diffusion, c’est pourquoi comme je le citais précédemment, nous avons créé un méta verse, une réalité virtuelle, nous sommes très présents sur les réseaux sociaux. C’est une œuvre qui a du fond et dont on peut faire quelque chose. On a des choses à en raconter.
Pour finir, Bouillargues, c’était bien ?
Bouillargues, c’était très bien, attention il y a Monsieur le Maire alors je fais attention à ce que je dis (rires).
Non vraiment, c’était un très bel accueil, très chaleureux, beaucoup de monde lors du salon, des curieux, des passionnés de littérature, une très bonne organisation, nous avons passé une très bonne soirée (conférence du samedi soir). C’était 100 % qualité Bouillargues !
Nous ajouterons que la présentation de « Marcel & Monsieur Pagnol pourrait se faire au Festival de Cannes de 2025, pour fêter à la fois le 130ème anniversaire de la naissance de Marcel Pagnol et le 70ème anniversaire de la remise de la première Palme d’Or par Marcel Pagnol à Delbert Mann pour son film Marty.
La vente de ce projet de film dans plus de 60 pays vient confirmer l’impact que peut encore avoir son œuvre aujourd’hui.
Suite à cette riche conférence, nous eûmes la chance de dîner avec les deux conférenciers au restaurant « Lou Mas » à Nîmes, qui fut d’une haute valeur gustative, tant sur le plan culinaire, que sur celui de l’histoire littéraire.
Doté d’un grand talent de conteur, et d’une faconde méditerranéenne dont il use avec bonheur, il nous expliqua comment il avait fait des recherches dans les archives de sa grand-mère, née Jacqueline Bouvier, dernière épouse de Marcel. Elle avait conservé une masse de documents, dont les échanges épistolaires de l’écrivain, et un roman jamais publié, « Gaby », dont il a fait une BD (dessins de Luc Brahy, scénario de Véronique Grisseaux, mise en couleur par le talentueux Cyril Saint-Blancat).
Deux livres ont été réalisés par Nicolas à partir des lettres de Marcel.
« Je te souhaite beaucoup d’ennemis comme moi », reprenant sa correspondance avec notamment Giono, Simenon, Albert Cohen, Pierre Benoît, Kessel et Maurice Druon.
« J’ai écrit le rôle de ta vie », correspondances avec Raimu, Fernandel, Cocteau Henri Jeanson, René Clair, ainsi que Charles Boyer et Maurice Chevalier.
Ses démêlées judiciaires avec Giono sont surprenantes. A partir du roman de Giono, « Jean le Bleu », Pagnol a réalisé un film, « La Femme du Boulanger », en 1938.
Le nom de l’auteur figurait sur les affiches du film pour son lancement. Soudainement, Giono pense que le film sera un bide, et il fait un procès à Pagnol pour qu’il réimprime les affiches en retirant son nom. Ce qui fut fait pour un coût non négligeable. Le film rencontrant un très grand succès, Giono refit un procès pour que son nom soit réincorporé. On était en 42 et Giono, proche des occupants, obtint gain de cause. Ce n’est qu’en 45, après la libération, que Pagnol obtint la révision du procès à son profit.
A l’inverse, Pagnol refuse de travailler avec les Allemands, qui l’obligent à vendre ses studios à la Gaumont. Il va détruire devant huissier le film qu’il avait presque terminé, « La Prière aux Etoiles », dont seules quelques bobines, sauvées par le personnel, viennent d’être retrouvées.
Bel homme, brillant et ayant réussi très tôt, Marcel jouissait d’un certain succès auprès des femmes. Il a reconnu tous ses enfants mais admettait qu’il n’avait pas l’âme d’un père. Il s’occupait d’eux, mais à distance, privilégiant sa vie de créateur.
Nicolas n’a jamais connu son grand-père, disparu en 1974, un an après sa naissance en 73.
Il est le fils de Frédéric Pagnol.
Il préside 2 sociétés, le Fonds de Dotation Marcel Pagnol, et la Compagnie Méditerranéenne de film, comme le lui avait demandé sa grand-mère Jacqueline.
Aujourd’hui, il vit à Paris et en Normandie, tout en ayant conservé un point de chute à Allauch, où existe un projet de musée consacré à son grand-père.
Celui-ci devrait ouvrir en 2026, au nez et à la barbe d’Aubagne…
Si Nicolas Pagnol vient faire une conférence dans votre région, n’hésitez pas à courir l’écouter ! Ce sera une excellente occasion de redécouvrir Marcel Pagnol.
Notes de l’auteur
*Publié avec l’aimable autorisation de Martine Garnier, Adjointe à la Culture à la Mairie de Bouillargues, organisatrice du 13ème Salon du Livre de Bouillargues, (comme les 12 précédents, bien sûr).
**photos Mairie de Bouillargues
De gauche à droite, Floryse Grimaud, Martine Garnier, Maurice Gaillard, maire de Bouillargues, Nicolas Pagnol, Roger Séguéla,Adjoint au Maire