Chroniques

Le Bar de la plage – épisodes 205, 206 et 207

Episode 205

Comme un nuage de sauterelles s’abattant sur un champ de coquelicots…

Ah non pas eux ! Ils sont arrivés en rangs serrés, sac au dos, bien dans leurs sandales et leur air supérieur de marcheurs pour la planète. Une multitude connectée (à qui ? à quoi ?) étiquetée touristes ; ils avaient payé pour être là., ils s’en fichaient qu’on soit là. Ils n’ont pas dit bonjour, ils ont piétiné les fleurs, braillé des horreurs. effrayé les mouettes…

Certes, Attila et sa bande de Huns avaient déjà donné le mauvais exemple, enfin eux ils ne regardaient pas le paysage à travers l’écran d’un téléphone et n’informaient pas l’univers de la crise d’urticaire de leur belle-sœur tombée par malchance sur une moule vénéneuse à midi moins vingt.

La mocheté faisait le plein…

L’automne allait arriver…

Episode 206

Charmes de saison

Le vent souffle, le feuillage des arbres ondule, les herbes se couchent. On a sorti les pulls et les parkas douillettes. On s’est retrouvé dans l’arrière-salle du bar de la plage où les grands voiliers de Becken sont toujours à l’ancre dans leurs cadres de bois blond. Il est encore trop tôt pour faire flamber des bûches dans la cheminée.

Ma tante cartomancienne a envoyé de ses nouvelles (carte postale : vue d’un petit port à marée basse : Penzance ; le dernier tout au bout de la Cornouaille, après c’est l’océan Atlantique), elle n’a toujours pas trouvé un tiercé gagnant à l’hippodrome voisin. Elle dit aussi qu’elle s’inquiète de la marche du monde ; ses pronostics sont pessimistes. Rien à craindre, elle s’est toujours gourée quand il s’agissait de prévoir l’avenir (Personne ne s’en est jamais plaint). On ne lui en veut pas, elle n’y peut rien ; toutes les tentatives de prévisions dans le genre se sont avérées fausses. Décidemment, futurologue n’est pas un métier sérieux.

Je me demande comment les filles se débrouillent pour être encore plus jolies habillées qu’en bikini. Par exemple, elles savent enrouler une écharpe autour de leur cou et porter un bonnet comme personne d’autre au monde

Encore un mystère dans l’immensité inconnue de la condition humaine.

Line était de bonne humeur :

– Alex, je sens que tu vas encore tomber amoureux…

Le vent continuait de souffler…

Episode 207

Considérations à peu près inutiles

Là, on avait carrément posé la question sur la table.

Même si, au premier coup d’œil, celle-ci ne semblait guère plus offensive que les précédentes et n’exigeait pas une réponse précoce.

Dans une de ses nouvelles un peu rasoir comme d’habitude, Scott Fitzgerald avait écrit quelque chose dans le genre que “la vie ordinaire consistait à s’arranger avec des idées contradictoires” (le contraire du fanatisme). En ce moment, ce n’est pas les idées contradictoires qui nous manquaient, aucune d’entre elles ne faisait de l’ombre à l’autre.

Est-ce que la météo pouvait avoir quelque chose à voir là-dedans… Montesquieu, à une époque, avait bien élaboré une théorie des lois arguant de l’influence des climats sur l’humeur de leurs rédacteurs.

Voyons voir le temps d’aujourd’hui. Température normalement douce pour la saison, la mer désespérément anodine, des nuages à peine nuageux. On ne pouvait pas accuser le climat d’intervenir dans notre univers cérébral immédiat.

Les copines mathématiciennes ultimes de Jean-Do se tenaient coites.

On laissa passer du temps… un peu après… eh oui… quelqu’un avait débarrassé la table et emporter l’idée qu’on avait laissé traîner dessus…

Moralité : les idées sinistres s’incrustent, les idées frivoles s’envolent…

… enfin, c’est moi qui le dis… c’est dire…

– Georges, un dry-martini, (ou deux) please…