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Chroniques confinées (VII)

Hasta la revolucion siempre burguesa ! (9 mai)

Les marxistes et les écolos en sont persuadé, cette crise va marquer la fin du capitalisme. Un autre système va émerger. Les gens ont enfin compris, une révolution est en marche.

Je suis allé voir Renaud en concert le soir de ma confirmation. Le matin, l’évêque me donnait une gifle (j’ai décidément du mal avec la symbolique catholique) le soir je chantais « société tu m’auras pas » place du Boulingrin à Reims. Dans sa chanson « Hexagone » il dit : « Ils se souviennent, au mois de mai, D’un sang qui coula rouge et noir, D’une révolution manquée Qui faillit renverser l’Histoire, J’me souviens surtout d’ces moutons, Effrayés par la Liberté, S’en allant voter par millions Pour l’ordre et la sécurité ».

Je ne crois pas aux révolutions marxistes ni même d’ailleurs aux révolutions nationales ou vertes. Face au désordre, nous voterons pour l’ordre.

A bien y regarder, dans l’histoire moderne, les seules révolutions qui ont réussi dans la durée sont les révolutions libérales bourgeoises.

Oui, les inégalités se creusent. Oui, la classe moyenne disparait. Oui, nos pouvoirs d’achat s’effondrent. Mais pour autant, nous ne sommes pas des prolétaires. Quand bien même je vivrais sous un pont après avoir revendu mon argenterie à un jeune touriste russe, je n’en demeurerais pas moins un bourgeois…par mon éducation, ma culture, ma vision de l’homme et du monde.

Les bourgeois se sont révoltés contre une toute petite minorité : les nobles, leurs privilèges et leur morgue déconnectée du réel : ils n’ont pas de pain ? Qu’ils mangent donc des brioches !  Ils n’ont pas de masque ? Qu’ils mettent donc un foulard Hermès !

Les bourgeois ont inventé les constitutions et les concepts d’égalité devant la loi.

Où est la fausse conscience ? Qui aujourd’hui  dans les 99% n’est pas bourgeois ? Quel que soit son niveau de revenu, qui n’a pas la culture et l’aspiration à la liberté typique du bourgeois ?

Et si nous sortions de la fausse conscience et au lieu de nous disperser dans des fantasmes de révolution marxiste, nous nous pensions comme libéraux bourgeois ? Peut-être alors identifierions-nous les 1% comme l’aristocratie Versaillaise à abattre. Qui est le plus susceptible de fédérer, Trotski ou Diderot ? Quel programme est le plus amène de rassembler, celui de la collectivisation forcée des terres et de la fin de la propriété privée ou celui du (vrai) libéralisme d’Adam Smith ?

Si un bandit vous frappe avec un marteau, il ne faut pas abolir le marteau. Le capitalisme est un formidable outil, nous avons seulement laissé une bande d’escrocs nous le confisquer.

Le bourgeois sait ce qu’il veut, il est sûr de lui et parfois arrogant. Il ne s’en laisse pas compter, sa liberté d’entreprendre, de circuler, d’investir, de créer, de voyager, n’est pas négociable, il est prêt à se battre pour elle.

Le bourgeois est prêt à prendre les armes, pas pour créer l’anarchie, mais l’Etat de droit. La révolution bourgeoise est toujours juridique et constitutionnelle. Le bourgeois ne se perd pas dans des délires complotistes, il reprend calmement les rênes du pouvoir, il sait que tout le reste suivra.  Le bourgeois est toujours un peu constitutionaliste.

Amis marxistes, verts ou rouges et quelles que soient vos finances, sortez de la fausse conscience d’être des prolétaires face à des bourgeois capitalistes qui vous oppriment. Vous êtes des bourgeois et ceux qui vous oppriment sont des aristocrates qui tentent de recréer une société de privilèges.

Amis fortunés, sortez de votre fausse conscience de faire partie des happy few. Les 1% au-dessus de vous sont la nouvelle noblesse dégénérée. Ils ne vous laissent entrer dans le vestibule (en vous demandant par exemple de vous extasier, comme eux, sur un art qu’ils nomment « contemporain », alors que, comme eux, il est juste con) que pour mieux vous mépriser, comme jadis le marquis méprisait le bourgeois qu’il venait de recevoir en son salon.

Faux prolos, vrais bourgeois ! Ne serait-ce que par l’accès à la culture. Faux aristocrates, vrais bourgeois ! Ne serait-ce que parce que tu vois bien que tes enfants et petits-enfants ne vivront pas dans l’opulence, au fond fragile, dont tu te targues.

Sortons de la fausse conscience, nous sommes tous confinés à la même enseigne ! Sauf les 1% et leurs larbins (Macron a-t-il jamais cessé d’être un employé modèle ?) dont les jets privés continuent de voler.


Coronavirus : les jets privés se portent bien, l’environnement beaucoup moins[i]

PUBLIÉ LE 16/03/2020

Depuis le début de la crise liée au coronavirus, il y a un secteur qui se porte à merveille, c’est celui des jets privés et ça c’est une aberration pour l’environnement. Selon CNN, ce secteur connaît une croissance impressionnante. Une compagnie suisse a précisé que les commandes de jets privés en rapport avec les régions à risque ont augmenté de 30%. Malgré le coronavirus, il est important de maintenir un standing pour ces entreprises. Il y a actuellement 4.600 jets privés dans le monde. Et dans la prochaine décennie, ils seront à peu près 8.000. Pour beaucoup de multinationales, c’est un signe de bonne santé. Si on peut transporter encore maintenant les cadres et les clients en jets privés, ça veut dire qu’on a de la ressource. Problème : l’aviation de ligne comme les jets ne figurent pas dans les accords de Paris

Une entreprise californienne a récemment fait parler d’elle avec ce slogan : “Évitez d’attraper le coronavirus, volez privé ! Demandez un devis dès aujourd’hui.” Un brin de cynisme en période trouble, mais le double discours accompagne souvent ce type de transports. Ainsi, lors du dernier sommet de Davos, le thème principal était l’environnement. Pour en discuter, la plupart des participants sont venus… en jet privé. Tout ça, c’est très logique.


Les 1% d’en haut n’ont rien à craindre de quelques excités qui réclament le grand soir ou le vélo pour tous, ils savent qu’au final, les moutons s’en iront voter par millions pour l’ordre et la sécurité.

Les 1% d’en haut ont tout à craindre d’une vaste majorité de bourgeois réclamant une nouvelle nuit du 4 août et la constituante.

 

Epilogue ou requiem pour un con ? (12 mai)

Ma fille avait une institutrice maternelle que tous les enfants adoraient (c’est une chance que tous n’ont pas). Elle était vraiment exceptionnelle et toujours de bonne humeur. Elle savait tout faire, du maquillage à l’invention d’histoires en passant par la guitare et les tours de magie. Naturellement, certaines de ses collègues, médiocres, ne la supportaient pas. Elles ont alors comploté (ça existe) avec la directrice (une dépressive aux cheveux gras) pour la faire changer d’école. L’année suivante, ma fille est d’ailleurs tombée sur une de ces connasses neurasthéniques, qui a tenté (en vain) de casser sa joie de vivre et sa curiosité. J’ai organisé une manifestation devant le conseil communal (pouvoir organisateur) pour que les élus prennent conscience du problème. J’ai donc téléphoné à tous les parents d’élèves. J’ai eu trois types de réaction. Primo, ceux qui m’ont dit « ok je viens » et qui sont venus. La conversation durait quelques secondes, je n’avais pas besoin d’essayer de convaincre, c’était net et déterminé. Le plus souvent, c’étaient des personnes que j’aurais (dans ma tête de Bourgeois Belge Conservateur) cru insensibles à ce type de démarche, des bourrus qui disaient à peine bonjour. Ils n’ont eu besoin que de l’exposition des faits pour en comprendre l’injustice, être indignés et déterminés à agir. Secundo, ceux qui ont dit « oui amen » à tout ce que je leur disais, se sont montrés enthousiastes et ne sont jamais venus, et enfin, ceux qui m’ont mis en garde sur le mode « Il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes ».

Afin d’éviter une possible déception narcissique, je préfère penser que si je vivais dans une dictature, si on me menaçait, je serais le premier à me coucher par crainte de représailles. Mais je suis toujours sidéré quand je vois des personnes qui ne risquent (encore) absolument rien, sur qui aucune pression extérieure ne s’applique, brimer spontanément leur liberté et s’auto-interdire de questionner la moindre autorité et la moindre version officielle. Quand un Chinois ou un Nord-Coréen ferme sa gueule et pense là où on lui dit de penser, il a une excuse, mais nous ?!

En France, nous avons accepté les codes couleurs : si le département est rouge, tu peux moins bouger que s’il est vert. En Chine, les habitants reçoivent tous les jours sur leur smartphone un code couleur : vert, ils peuvent aller partout, orange, ils doivent limiter leurs déplacements, rouge, ils sont assignés à résidence. Qui détermine la couleur ?  Mystère. Acceptera-t-on, au nom de la santé, l’extension individuelle du code couleur départemental ? La Chine a mis en place un système de notation de ses citoyens via les réseaux sociaux. Ceux qui ont une bonne note peuvent obtenir des visas de voyage, inscrire leurs enfants dans de bonnes écoles, accéder à la propriété dans de bons quartiers. Un peu comme à l’école, les bons élèves disciplinés reçoivent des images et les mauvais restent au coin. Dans ce système, si votre ami est mal noté, il tire votre note vers le bas, vous incitant donc à vous éloigner de lui. Dans un reportage diffusé sur Arte[ii]en avril 2020, on peut y voir l’inventeur espérer que le président Macron l’adoptera vite. Il dit avec un grand sourire, « si vous aviez notre système en France, vous n’auriez jamais eu la crise des gilets jaunes ». Ne serait-il pas temps d’être aussi agressivement critique vis-à-vis de Xi Jinping que vis-à-vis de Trump ? Où est la pire menace pour nos libertés ?

Si quand nous ne risquons rien, nous nous comportons comme des petits enfants qui se mettent sagement en rang à la première sonnerie venue, ne soumettons-nous pas nos représentants à la tentation de se comporter comme nos maîtres ?

Quand nous fustigeons ou moquons, au nom de la défense de la liberté, toute personne qui ose ne pas psalmodier en chœur le dogme médiatique, n’envoyons-nous pas le message que nous préférons l’ordre au débat et la vérité imposée à la recherche conflictuelle de celle-ci ?


Déconfinement prudent ou dissonance cognitive ?

Le concept de dissonance cognitive désigne une personne en état de mal être parce que le réel est en dissonance avec ses valeurs.

Les psys expliquent que comme il est extrêmement difficile d’admettre qu’on a eu tort, la tentation est de partir dans une course en avant de négation du réel : « si ! J’ai raison, il faut continuer ». Cet état peut parfois engendrer une psychose. Le Déconfinement hyper progressif et bourré de contradictions (ré ouvrons les cantines mais pas les terrasses) n’est-il pas symptomatique d’un tel état ?

Plus cyniquement, devons-nous exclure complètement des motivations qui ne soient pas que sanitaires mais également « marketing » ? Dire « c’est bon, c’est fini » d’un seul coup, n’est-ce pas prendre le risque de susciter dans l’opinion publique une réaction du type « tout ça pour ça ?! ». En étalant le Déconfinement dans le temps, en maintenant la pression (la nouvelle vague), le but n’est-il pas également d’aplatir la courbe des questionnements sur les responsabilités des uns et des autres ? « Regardez comme c’était grave et comme nous avons bien agi ! La preuve ? Regardez comme ça a duré ! ».


Si une fois la crise passée, nous n’avons pas le courage d’engager les responsabilités politiques, scientifiques et médiatiques, cela ne reviendra-t-il pas à laisser les clefs de nos grandes libertés constitutionnelles entre des mains irresponsables ?

On se plaint qu’il n’y a pas assez de tests. Et si  le test, c’était nous ?

Nous sommes confinés. Serons-nous, in fine, cons ?

 

[i] https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/coronavirus-les-jets-prives-se-portent-bien-l-environnement-beaucoup-moins-7800261899/amp

[ii] https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/04/21/sur-arte-quand-la-folie-securitaire-rencontre-les-nouvelles-technologies_6037335_3246.html