Tribunes

Un microscopique éclat du Christ

Après Michel Houellebecq, Maurice G. Dantec dans art press ? Dantec fut dans les années 1990, pour une génération de jeunes lecteurs, l’auteur de cultissimes romans mêlant polars et science-fiction (la Sirène rouge, les Racines du mal, Babylon babies), et d’essais de près de mille pages (son Journal métaphysique, le Théâtre des opérations suivi du Laboratoire de catastrophe général) (1) qui provoquèrent de virulentes polémiques et qui le firent classer, avec Houellebecq et Muray notamment, dans la catégorie infamante des écrivains « réactionnaires ». Nous donnons, dans un chapeau, les raisons et les circonstances, dont sa mort, qui nous ont amenés à publier l’entretien avec lui ouvrant les pages livres de ce numéro.

Un bref historique. C’est Michel Houellebecq qui nous le rappelait récemment : Art press a été la première publication à lancer, en juillet-août 1999, le slogan : les « nouveaux réactionnaires ». L’auteur, Guy Scarpetta désignait, parmi d’autres, Muray, Houellebecq et Dantec. En 2003, après la publication du pamphlet de Daniel Lindenberg, Rappel à l’ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires, je reviens, pour le contredire, sur le point de vue exprimé trois ans auparavant.

Alors, « réac », « néo-réac », « archi réac », « anar de droite », « extrémiste de gauche », « fasciste », « archéocatholique », Maurice G. Dantec ? Lisons ses écrits pour décider, tout simplement. Notamment les extraits que nous publions des propos qu’il a confiés depuis le Canada, à ses deux interlocuteurs, Jean-François Sanz et Farid Lozès, via Facebook. On voit à l’écran un homme d’une cinquantaine d’années, physiquement abîmé par la maladie, l’abus des drogues, de l’alcool, des médicaments, borgne, ayant perdu de sa superbe et de son agressivité anciennes, mais ayant gardé intactes son agilité intellectuelle et son humour. Le spectacle est émouvant, de cet écrivain ayant retrouvé une surprenante énergie, évoquant ses romans en cours, débordant de projets, alors qu’il est à deux mois de succomber à une crise cardiaque.

Voici quelques extraits de son Journal (début 2000) : « On semble s’étonner, à ce qu’on me dit, qu’un homme de ma génération et de ma culture (Burroughs, Dick, Kafka, la science-fiction, le rock, l’acide lysergique) fasse désormais « propagande » pour le « christianisme, et on s’étonne plus encore de ma lecture de Bloy, de Nietzsche ou de Maistre. Certains vont jusqu’à me qualifier de « Rebatet sous acide »…

« En détruisant toute liberté, le fascisme annihile toute souveraineté / En annihilant toute souveraineté, le communisme détruit toute liberté »

« Nouvelle offensive de la racaille révisionniste de gauche […]poursuivre depuis Paris ce que le bureau de propagande de Milosevic ne parvient plus à accomplir tout seul depuis Belgrade : occulter les massacres et les génocides perpétrés depuis dix ans par ce Kim Il-Sung des Balkans… »

« Allez… un petit effort, relisez Marx au moins, les gars, car je n’oserais vous conseiller Debord, Vaneigem ou Baudrillard. Le monde n’est pas seulement une marchandise. C’est un hypermarché ».

« Vous m’avez cru posthumaniste-universitariste, que sais-je encore ? […] Je ne suis pourtant qu’un microscopique éclat du Christ ».

«…le sourire de Tyson, sa célèbre rencontre éclair qui dura une seconde chrono, tout passe comme un terrain rempli de plutonium dans une nuit d’émeutes. / Je le passe en boucle durant des heures, sans aucun problème. / Et demain j’achète un sac de sable ».

Jacques Henric

1) Gallimard