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Ensoleillements au coeur du silence (extraits)

 Envie

parfois j’ai envie de poésie,comme si je n’écrivais pas de poésie,

j’ai l’impression d’être dans l’attente
du mystère qu’elle porte en soi,
avec son pouvoir de te prendre aux tréfonds
pour te faire sentir la vie,

la vie aux mille visages,
s’émerveillant de ses mots,
de ton image en miroir
dans tes rencontres le monde,

il te semble que c’est alors que tu vis,

dans ce jeu fascinant de paroles
qui roulent sans cesse
toi et le monde,
et tous ceux qui ont existé et existeront,

comme un vieux chant
venu de très loin ou de tout près
te reconnais-tu dans le miroir
ou est-ce un autre ?

parfois j’ai envie de poésie,
comme si je n’avais  jamais écrit un seul vers,

je me cherche à travers elle,
comme on espère
l’eau miraculeuse
de la guérison,

avec chaque mot vient vers moi
le murmure d’un secret à peine perceptible
et l’étrange certitude que je suis autre chose,
et ceux que j’aime, j’aimerais leur dire :

Arrêtez-vous un instant,
écoutez le susurement de mon eau,
buvez-la avec moi,

laissez-la guérir vos blessures,
faites de l’arc-en-ciel la ceinture
qui relie au ciel la miraculeuse argile,

n’épuisez plus votre corps qui sent la douleur,
le plaisir, les tentations,
à le connaître vous pouvez le comprendre,

vous aimerez  la lumière,
vous serez à même de l’élever en vous,

l’eau de la guérison coule en chacun,
et l’envie d’être la poésie,

parfois j’ai envie de poésie,
comme si je n’écrivais pas de poésie,

c’est quand je commence à sentir la vie,
que je suis le poème que j’écris.

 

Faire parler le silence 

Je t’écris
où toutes les choses parlent
dans une langue pure,
en septembre,
dans la clarté qui caresse mon feuillage

parler c’est lumière,
l’infini y coule et s’éclaire,
les mondes que l’on ne voit pas,
le miracle où tu grandis chaque jour
telles les feuilles nourrries  d’eau et de soleil,

aux tréfonds
frémit ton silence,
l’argile au lit de la rivière
aux bords verts et à l’eau vive,

des jardins de silence en moi,
des torrents d’eaux prêts à parler
traversent la prairie que j’aimerais
toucher des semelles de l’amour
qui articule mon silence.

 

Les flâneries de Sappho

la sandale de Sappho
flâne à l’aube sur les sentiers,

cueille sur la semelle la rosée,
la pourpre des pavots,

les herbes bruissantes,
le souffle des vents,

l’eau des sources
et les sorts,

elle fait valser ses lacets de soie
dans les cheveux des ondines,

tels les susurrements de l’envie
sous les bras des nymphes,

ses traces, des ondoiements diaphanes
et des feux sur l’eau.

 

Le bleu

tant de bleu,

le ciel et la mer
moussent le silence,

bord de perle
sur le sable,

sentier blanc sur l’eau,
ligne de  craie

sur les traces de la solitude,
de la mélancolie,

les pas esseulés s’effacent
dans l’oeil du sable,

les chevilles fouillent la mer
sur le sentier de mousse. 

 

Le masque au visage devant la mer

étrange journée
lorqu’un fourbe masque
te sépare du souffle de la mer,

de la brise, de l’air, du vent,
de l’odeur de pierre
contre laquelle s’appuie le rêve,

du bleu ondulé
jusqu’à l’horizon
telle une montagne,

étrange figuration
de l’interdiction de respirer
avec la mer, le vent,

pétrifié en silence
sur la muraille ébréchée,
tel un malade,

seul,
face à face
avec la crainte et le vol,

avec le goéland,
le ciel
et la mer.