ENFANCE
Dans les soirs repliés
des hivers obstinés
aux guirlandes perlées
de la lampe opaline
s’accrochaient
les rêves éphémères
des enfances constellées…
Dans la salle commune
le scintillement électrique
des filaments
déformait sur les vitres obscurcies
les réalités oppressantes…
L’enfant reclus
au milieu des adultes
filait, la nuit tombée
dans le monde filtré
des gnomes grimaçants
qui s’enorgueillissaient
de grotesques glamours…
Peu à peu, la buée maladive
des haleines concentrées
dissolvait dans le tain
des miroirs incertains
l’univers magique
des lumières tamisées…
L’aile sombre
des ténèbres
s’abattait
sur l’ombre fragile
de l’enfant
arrêtant brutalement
les prodiges
et les enchantements…
VIEILLESSE
Les déesses vacillantes
sous l’arche blanche
des déserts d’obsidienne
offrent au vent d’orient
leur chair paradoxale…
l’air chaud, piqué
de sable noir
comble l’occiput
et les creux de la face…
les soleils assassins
de l’arrière-saison
et des étés indiens
parcheminent
la peau grêlée
des vieilles qui se souviennent…
sous l’arche blanche
des déserts d’obsidienne
les grands rapaces
aux ailes sombres
et au bec acéré
déchiquètent le corps usé
des déesses sans nom…
J’ÉTAIS
J’étais le rêve
éveillé et cruel
qui se glissait furtif
dans la chambre obscurcie
des mensonges de l’enfance…
J’étais la jeune sœur
de l’infante immolée,
j’étais l’âme noire
des grands conquistadors…
J’étais le rêve effaré
des tout petits matins
qui allait fomenter
la discorde
dans la tête évidée
de mes morts…
J’étais l’ombre épaisse
des armées aériennes
déboutées par le dogme…
Sous le voile opaque
de mes songes
j’étouffais
le remords silencieux
des adultes stupides
assoupis dans l’enclos
de leur lit…
J’étais le rêve
qui me tenait debout
éternelle et rebelle
à la porte du jour…
ANGES
Ne voilà-t-il pas maintenant
qu’il prend la place de l’ange radieux
qui dans les nuits profondes
et inquiétantes me donnait la main…
Ne voilà-t-il pas que la main de l’archange
qui me berçait dans mon lit d’enfant
est remplacée par la sienne
qui tient la mienne en dehors
du sarcophage
La présence tutélaire et heureuse
se serait-elle au fil du temps
transformée en ange exterminateur ?
Enveloppée de bandelettes,
j’attends immobile
dans mon cercueil de pierre
que cesse la nuit éternelle…
J’attends l’heure bleue
qui me tirera de mon néant,
j’attends assoiffée
la parole de l’aube
qui m’accueillera dans sa lumière
qui m’invitera u festin de la vie.
Corps transfiguré, âme apaisée,
j’irai dans la clarté
d’un petit matin printanier,
allégée du poids de mes tourments:
triomphe de la vie sur la mort,
victoire de l’amour
sur le ça des ténèbres…
Ton visage se fige,
tes traits s’estompent
ta voix ne me vient plus
qu’en un écho
lointain et distordu…
Tu n’es plus que fragments épars
de ton image broyée
dans le noir
de mes pensées
Tu n’es plus ce soir
toi qui sus être là
dans l’absence,
que l’ombre fugitive
de ton souvenir
ténu et confondu