Episode 190
Comme une pause
Allons bon… comme disent les militaires de carrière : RAS. A la Nouvelle Orléans, dans Bourbon Street, les chanteurs de blues passent au bar. Ici, pas de vagues, marée à l’étale. Les mouettes voletaillaient en sourdine. Ces détails peuvent paraître anodins, ce sont les symptômes d’un moment paisible, à l’écart d’un monde épileptique.
Caro ne se chamaillait pas avec Jules ; Louise de V se satisfaisait des souvenirs de ses deux premiers maris et avait (presque) renoncé à en recruter un troisième… A quoi tient la paix des nations…
Les activistes moralisants menaçaient de faire tomber sur nous la chape de l’ennui. Allez-y donc, l’ennui est une délectation. Il laisse la place à tant de balades, d’improvisations, de silences…
Attention, fragile ! Il ne faut pas brusquer l’ennui, le secouer, pas davantage le vanter… Seulement… Seulement rien… Surtout rien.
– Georges….
Episode 191
Deux ou trois bonheurs dans l’eau froide
La mer était déchaînée. Tempête. Les mouettes interdites de vol. Et la météo marine qui n’annonçait rien de bon. Tenue de rigueur : chandails, cirés, bottes, écharpes rayées. Equipement de saison qui rendait les filles encore plus ravissantes… quelques mèches qui dépassent d’un bonnet et le cœur s’accélère…
Le Colonel, façon Commandant Cousteau à bonnet rouge, se laissa aller : “Le monde est en mauvais état, en très mauvais état.”
Pas de quoi inquiéter notre ordinaire, c’était comme ça depuis l’origine et personne, parmi les quelques 100 milliards de cerveaux qui étaient passés par là, n’avait trouvé le moyen d’arranger ça.
Ce n’est pas les candidats au poste qui ont manqué. En général pleins de bonne volonté, du moins au début – toujours le bonheur des peuples en programme ; et puis ça se gâtait et à la sortie la situation pour les survivants (forcément un peu de casse en route) est encore pire.
Retour sur la côte ; “levez-vous ô orages désirés…” braille le Vicomte. Du calme Vicomte, c’est déjà fait. Remettez plutôt des bûches dans la cheminée du château, avec cette hauteur de plafond, on se gèle chez vous…
Que faire…Attendre… Après la pluie vient toujours le beau temps; et après le beau temps… hein…
Voilà Line… mélancolie pluvieuse… irrésistible.
Episode 192
Arranger un peu la marche du cosmos et ses conséquences
C’était le soir, on allait bientôt être débarrassé des nécessités de la journée.
Il fallait vraiment qu’on se mette à inverser le cycle officiel de la vie sur la planète. A l’avenir : s’endormir le jour, s’éveiller la nuit.
Bien sûr cela bouleverserait quelque peu les habitudes des hiboux et des chouettes. Cela éviterait aussi à un rossignol stationné sur un pied de vigne pour la nuit, de se faire faire prisonnier dans son sommeil par la pousse des sarments (C’est la Fontaine qui rapporte ce fait divers).
Cela ferait davantage de compagnie à ceux qui, de gré ou de force, sont obligés de veiller sur la nuit des autres, pompiers, infirmières, planton de garde à l’Elysée, personnel des chaînes de télé en continu, encore que ceux-là ne sont pas indispensables. Dans la classification des activités humaines, la nuit est ouverte à tout et au rien . Ce qui est à peu près la même la même chose. Pas d’horaires, pas d’utilité, rien de sérieux ; cela fait déjà pas mal d’avantages.
La plupart des gens sont satisfaits de la situation actuelle, au soir on range le soleil, on éteint les lumières. Bonsoir. Tant pis pour eux.
La lune, quand elle veut bien se montrer, est quand même carrément plus aimable que le soleil ; personne n’a jamais été la victime rougissante d’un coup de lune, pas besoin de lunettes noires pour se parler les yeux dans les yeux.
Caro raconte que Scott Fitzgerald, dans les dernières années de sa vie, se plaignait “de la nuit qu’il détestait parce qu’il n’arrivait pas à dormir et du jour parce qu’il conduisait à la nuit”… Arrête de te lamenter Scott, viens ici, on a tout arrangé. Dry martini compris, ça devrait t’aller…
D’accord, le programme est ambitieux, même seulement à l’échelle du bar de la plage… on s’y mettra une de ces nuits…
La mer était étale, la lune reflétait ses rayons sur la surface lisse de l’eau ; ça commençait bien…