La marquise Geneviève du Portail paraît bien rêveuse quand elle échange un dernier regard avec Maximilien d’Arcis déjà installé sur sa moto pétaradante. Après un petit signe de la main, ce dernier met les gaz et disparaît rapidement. Rêveuse ou triste, la marquise ? Geneviève de la Peyrière était toute jeune lorsqu’elle se laissa séduire par le marquis. A quinze ans, fleur en train d’éclore, avec un teint ravissant, des formes parfaites, elle était irrésistible. Depuis, les dix ans qui ont passé l’ont transformée en une de ces beautés qui peut faire mal. Quant à son esprit, déjà bien aiguisé au contact de ses amies du couvent des Oiseaux, il s’est encore affûté. Sans autre morale que celle du bon sens, elle avait cédé sans remords aux avances de Gaston du Portail. Ce dernier, à trente ans, possédait en effet tout ce qu’il fallait pour être aimé de la jeune fille encore adolescente : aristocrate au port altier, parfait cavalier, brillant tennisman, gagnant par ailleurs fort bien sa vie dans les affaires, suffisamment pour entretenir le château familial dont il avait hérité et ranger dans les remises ses voitures de sport, joujoux de luxe pour lesquels il éprouvait une passion innocente. Les Peyrière et les Portail se fréquentaient, leurs châteaux de Sologne étant voisins. Gaston avait donc assisté à la transformation de la petite Geneviève qu’il regardait au début sans la voir en une très séduisante jeune personne attirant tous les regards. Quant à Geneviève, elle avait toujours éprouvé de l’admiration à l’égard de ce garçon puis bientôt de cet homme auquel il lui semblait impossible de découvrir le moindre défaut. Il n’eut donc aucune difficulté à se faire aimer d’elle. Le prétexte de quelques parties de tennis avec d’autres jeunes de leur milieu dans la propriété de l’un ou de l’autre leur permit de se rencontrer autant qu’ils le désiraient. Gaston venait la chercher au volant d’une veille Jaguar ou d’une Maserati rutilante. La partie de tennis se prolongeait ordinairement par une partie de jambes en l’air.
Cependant l’éducation de Geneviève n’était pas achevée. Après son baccalauréat obtenu avec la mention la plus élevée, puis trois années d’études supérieures pendant lesquelles, en dehors des nombreuses occasions où elle retrouvait Gaston, elle s’ennuya beaucoup, elle s’en fut poursuivre ses études à New York. L’atmosphère de l’université Columbia lui convint bien davantage que celle, poussiéreuse et misérable, de la Sorbonne. Amante très jeune de Gaston, Geneviève n’avait connu que lui jusqu’alors. Jeune fille moderne, elle ne pouvait s’en satisfaire : elle se devait d’élargir sa connaissance du sexe opposé. Cependant tromper Gaston à Paris lui aurait semblé vulgaire, d’autant qu’elle n’en éprouvait aucune envie. Par contre, il lui aurait paru stupide de refuser les occasions qui lui étaient offertes à New York, ayant dénoué le pacte de fiançailles qui la liait jusque-là à son amant français. Résolue à profiter d’une liberté à laquelle elle n’avait jamais goûté, elle multiplia les aventures. Les étudiants s’empressaient auprès de cette jeune fille qui avait le triple mérite d’être belle, exotique et peu farouche. Quant aux hommes plus mûrs, ses professeurs en particulier, ils lui trouvaient un avantage supplémentaire : ils sentaient qu’avec elle ils ne risquaient pas de se voir entraîner dans une de ces sombres affaires de harcèlement dont les habitants de l’Amérique sont si friands. Elle ne voulut goûter d’aucun des Français qui se trouvaient là, ayant décidé d’emblée, à tort ou à raison, qu’aucun de ceux de son nouvel entourage ne pourrait égaler Gaston. Elle ne croyait pas non plus, à dire vrai, que les autres hommes qui la sollicitaient la combleraient autant que celui qui demeurait dans son cœur comme son seul amant, mais au moins ces derniers avaient-ils l’avantage, pour satisfaire son goût de la découverte, étant étrangers, de ne pas apparaître immédiatement comme de pâles copies de Gaston. Une autre considération entrait dans son calcul. N’avait-elle pas franchi l’Atlantique pour acquérir la parfaite maîtrise de la langue des Anglais ? Et y avait-il un meilleur moyen pour ce faire que de pratiquer un commerce intime avec les natifs de la capitale du monde anglo-saxon ?
Elle remarqua bien vite que les New-Yorkais étaient d’origines fort diverses et que leurs façons de parler l’anglais différaient passablement. Afin de bien les entendre, il lui fallut donc de toute nécessité élargir le cercle de ses conquêtes au-delà des individus de sa race. Peau blanche, rouge, jaune ou noire, elle ne voulut rien ignorer. Elle manqua défaillir lorsque, invitée à rejoindre dans un hôtel suffisamment éloigné de l’université son professeur de rhétorique – un noir des plus lettrés arborant des binocles aux branches dorées et une petite barbiche en pointe – elle assista à l’érection du cinquième membre du professeur. Bien que peu farouche, à la vue d’une telle épée elle craignit un moment pour sa vie. Il fallut la rassurer. Enfin, confrontée aux instances académiques de plus en plus pressantes, elle agréa l’objet surdimensionné et fut alors surprise de constater – car elle eut soin de bien regarder – qu’elle pouvait l’engloutir complètement et même que cela ne manquait pas d’agrément. Elle ne voulut pas, néanmoins, renouveler l’expérience plus qu’une ou deux fois, étant requise par d’autres spécimens qu’elle devait étudier. Elle prit quelque temps avant de se tourner vers ceux de la race jaune, ayant ouï dire qu’ils se trouvaient fort dépourvus en matière de sexe et rebutée en outre par leur prononciation de l’anglais, laquelle lui paraissait disgracieuse. Mais elle n’était pas femme à reculer devant de tels inconvénients : elle s’était fixé un programme et se devait de le suivre. Craignant toujours, néanmoins, qu’un seul de ces jaunes fût incapable de la mettre en état de jouir – et comme elle n’imaginait pas que, dans une telle matière, l’étude fut disjointe du plaisir – elle eut l’idée d’en prendre deux à la fois. Ainsi fut fait et elle s’en trouva bien aise. Si les instruments de ces jaunes étaient en effet bien peu de choses à l’état de repos, ils prenaient dans l’action une dimension plus respectable. Elle fut surtout bien étonnée de découvrir les raffinements d’invention dont ces gens-là étaient capables dans le doux commerce, comme ils savaient faire advenir le plaisir par des procédés qu’elle eût été incapable d’imaginer. Elle se dit alors qu’elle n’aurait pas eu besoin de deux, qu’un seul l’aurait satisfaite, mais réfléchit aussitôt qu’il y avait de toute façon quelque avantage dans la paire, surtout dans un cas comme celui-ci où chacun pouvait déployer tant de moyens différents de combler les sens. Des peaux-rouges, hélas, elle n’en trouva guère. Il en reste fort peu aux Amériques, pour avoir été quasi exterminés par les envahisseurs venus d’Europe, et Geneviève n’en dénicha qu’un seul à Columbia, dont l’apparence la rebuta. Elle dut solliciter. Enfin on lui présenta un individu de cette espèce acceptable pour le commerce. Elle n’éprouva guère de plaisir, non de sa faute à lui, car il ne démérita point, plutôt de sa faute à elle dont l’esprit était alors si encombrée par les malheurs des peaux-rouges, des idées d’injustice et d’extermination, qu’elle croyait plutôt faire l’amour avec un cadavre qu’avec un être fait de chair et d’os.
Geneviève retourna en France au bout de deux ans, entendant désormais parfaitement l’anglais dans ses divers idiomes, et riche d’une connaissance des corps et des usages masculins bien plus étendue que n’en ont d’ordinaire les femmes, même modernes. Elle n’en retrouva pas moins Gaston avec emportement, et – faut-il dire ? – avec d’autant plus d’emportement qu’elle le savait, d’expérience désormais, le meilleur. Quant à Gaston, s’il remarqua que Geneviève avait acquis une expérience du lit qui dépassait par certains côtés la sienne propre, il s’en félicita en se gardant de rien dire. Les épousailles eurent bientôt lieu, dans un faste conséquent aux familles des deux partis. Ce fut pour Geneviève le plus beau jour de sa vie. Plus étincelante que n’importe quelle des jeunes filles ou femmes présentes – parmi lesquelles on remarquait pourtant quelques beautés, dont certaines rendues célèbres par les magazines ou les écrans –, vêtue d’une longue robe blanche moulante qui découvrait les épaules et la naissance des seins, elle était l’incarnation même de la féminité dans sa triomphante ambiguïté, pureté du lys et appas de la putain inextricablement mêlés.
Après ce jour de gloire, les deux époux emménagèrent à Paris dans l’hôtel particulier des Portail, quartier de la Muette. Les fins de semaine, s’ils n’avaient pas mieux à faire, ils s’échappaient vers leur terre de Sologne, faisaient de longues courses à cheval dont ils revenaient fourbus mais pas suffisamment pour ne pas avoir envie de se livrer à d’autres chevauchées. Il la prenait alors n’importe où ; il fallait simplement que ce fut rapide et brutal. Sur un canapé, une table de la cuisine, une botte de foin, ou debout contre une stalle de l’écurie, il la saillait comme aurait fait l’un de ses étalons et elle le recevait avec des cris qui ressemblaient à des hennissements. Bref, ils étaient parfaitement heureux. À Paris, la jeune marquise s’était inscrite dans une école de traducteur-interprètes. Malgré la fortune de Gaston et l’héritage sur lequel elle comptait, elle n’entendait pas en effet demeurer oisive. Dès son diplôme obtenu, elle se lança dans une carrière d’interprète, traduisant de l’anglais au français ou inversement. Elle dut alors beaucoup voyager, passant d’un aéronef dans l’autre, d’une capitale à l’autre, suivant les besoins de son métier. Son union n’en souffrit point, au contraire. Car s’il est avéré que la constante promiscuité, avec la satiété qu’elle entraîne, est un tue-l’amour, l’absence et le manque le rendent au contraire plus fort. Elle eut certes quelques tentations au cours de ses voyages : comment y aurait-elle échappé ? Mais elle succomba rarement et ces quelques incartades furent toujours sans lendemain. Gaston n’en sut jamais rien. Elle-même ne chercha pas à savoir s’il lui arrivait, en son absence, de prendre du plaisir auprès de quelque autre damoiselle ou dame.
À vingt-cinq ans, Geneviève, qui n’y avait point songé jusqu’alors, éprouva l’envie d’un enfant. Gaston, maintenant âgé de quarante ans estimait pour sa part qu’il était temps de prolonger sa lignée. Le marquis et la marquise du Portail s’employaient donc à pousser leur union dans le sens fixé par la nature lorsqu’un élément imprévu s’introduisit dans leur existence en la personne de Maximilien d’Arcis. Ce dernier était un lointain cousin de Gaston du Portail, rejeton de la branche d’Arcis qui avait émigré en Allemagne lors de la sinistre révolution au cours de laquelle on vit un peuple sacrilège immoler son roi. Ses parents l’avaient envoyé à Paris pour perfectionner son français, la langue que chacun dans la famille se devait de cultiver, par fidélité aux ancêtres. Et quoi de plus normal alors que de l’adresser à Portail, le cousin parisien ? Maximilien avait le charme d’un jeune homme de vingt ans, avec cette élégance et cette politesse un peu surannée dans les manières que l’on ne rencontre plus guère, de nos jours, que dans quelques vieilles branches de la noblesse d’outre-Rhin. Très bien fait de sa personne, il ne cédait rien à Gaston pour ce qui est de la taille et de la carrure, tout en paraissant encore suffisamment juvénile pour qu’on pût le dire mignon. Bref, il avait en abondance ce qu’il fallait pour devenir le bourreau des cœurs féminins. La tête aussi bien pleine que bien faite, il s’était inscrit en arrivant à l’École des sciences politiques et sa conversation ne manquait pas d’agréments, avec cet attrait supplémentaire qu’apporte un accent étranger joint à quelques maladresses d’expression. Les d’Arcis avaient prospéré, ils étaient devenus en Allemagne de puissants industriels et Maximilien disposait d’un train de vie de jeune homme riche. Il avait trouvé une ravissante garçonnière rue de la Faisanderie, pas très loin de l’hôtel des Portail, sa Porsche et sa moto remisées dans les sous-sols de son immeuble ainsi qu’il est d’usage à Paris.
Pour séduisant qu’il fût, Maximilien n’était pourtant pas ce que l’on pourrait appeler un homme à femmes. Il semblait inconscient de son pouvoir et se montrait, avec l’autre sexe, plutôt timide. S’il n’était point encore puceau, ce n’était pas dû à ses propres entreprises mais pour avoir cédé aux avances de quelques représentantes du beau sexe. Il n’avait pas encore connu une de ces passions irrésistibles qui transforment l’agneau en lion. Aussi n’était-il préparé à rien lorsqu’il fit sa première visite aux Portail. Qualifier de coup de foudre ce qu’il ressentit alors serait comme dire d’un boulet qui vous traverse le corps que vous avez reçu un coup de poing. S’il n’eût appartenu au sexe fort, il se serait évanoui sur le champ. Parcouru d’un frémissement irrésistible, il demeura muet pendant quelques secondes qui lui parurent une éternité. Enfin il se reprit et put s’adresser à ses hôtes avec les mots que la politesse exigeait. De sa vie il n’avait vu un objet aussi digne de désir que sa cousine par alliance. Pour la première fois, il rencontrait la Parisienne telle qu’il l’avait imaginée à travers certains romans cinématographiques français dont les héroïnes lui paraissaient posséder ce je ne sais quoi de transcendant qui transforme la femme en déesse païenne suscitant la concupiscence et l’adoration. Il est vrai que Geneviève s’était mise en frais pour recevoir le cousin d’Allemagne. Ses yeux avaient plus d’éclat, son chemisier était légèrement plus échancré, sa jupe plus courte et ses talons plus hauts qu’à l’ordinaire. Gaston l’avait complimentée en le voyant ainsi parée et il avait eu envie de la prendre, là, tout de suite. À peine rajustée et les joues en feu, comment Maximilien aurait-il pu ne pas la trouver infiniment désirable lorsqu’il pénétra dans le salon des Portail ?
Ces derniers ne manquèrent pas de remarquer combien il était troublé. Ils s’en amusèrent : ce n’était pas la première fois que Geneviève transperçait le cœur d’un homme sans qu’il pût dissimuler son émoi ! Flattée malgré tout par l’hommage muet d’un aussi beau garçon, Geneviève se fit aguicheuse. Quand elle le regardait, si ses yeux n’étaient pas langoureux, ils étaient déjà complices. Quand elle se penchait vers lui, elle faisait en sorte qu’il pût profiter de la vision des deux globes qui flottaient librement sous la chemise de soie grège. Gaston, habitué aux jeux innocents de son épouse, interrogeait Maximilien sur ses parents, ses études. Cette première visite ne se prolongea guère. Maximilien en proie à des sentiments trop forts s’éclipsa aussitôt que cela lui parut possible sans offenser la bienséance. On prit néanmoins date pour un dîner dans une quinzaine.
Pendant ce dîner qui réunissait une douzaine de personnes de la haute société parisienne, Maximilien se trouva accaparé par la jeune personne de bonne famille que l’on avait assise près de lui et ne put adresser un mot à la marquise. Son trouble n’était pas moins grand pour cela : il répondait d’une oreille distraite à sa voisine, heureusement fort bavarde, et n’avait d’yeux que pour Geneviève. Celle-ci lui adressait de temps en temps des sourires dont il ne sut s’il pouvait les trouver encourageants. La soirée s’acheva sans qu’il ait pu lui échanger avec elle un seul mot en privé. La demoiselle qu’on lui avait affectée comme cavalière restait accrochée à ses basques. Quand il prit congé, elle le suivit, lui prit familièrement le bras et se serra contre lui de telle sorte qu’il n’eût aucun doute sur ses intentions. Il se sentait malheureux et la fille était plutôt jolie, très vive, incontestablement sympathique. Il lui proposa de venir prendre un dernier verre chez lui, puisque c’était tout près, n’est-ce pas. Aussitôt entrés, elle se précipita à son cou et commença à le déshabiller. Il n’eut pas le cœur de résister. Ils étaient jeunes et pleins de sève : leurs échanges, cette nuit-là, à défaut d’être passionnés, ne furent pas moins vifs pour l’un que pour l’autre.
Au réveil, Maximilien n’était pas moins amoureux de Geneviève. Celle-ci, pour sa part, sans être insensible aux hommages d’un aussi charmant garçon, mais toute à ses idées de maternité future, n’envisageait pas la moindre aventure avec quelque soupirant que ce soit. Elle ne fuyait pas Maximilien pour autant, n’ayant aucune raison d’agir ainsi, et, le printemps venu, il fut convié à passer au château du Portail une de ces fins de semaine à rallonge que les Français, disciples d’Épicure, ont su se ménager. Gaston ayant été rappelé à Paris prématurément pour ses affaires, laissa son cousin seul avec Geneviève. Ils décidèrent une promenade à cheval. Constatant que Maximilien tenait sa monture avec toute l’aisance qu’on pouvait attendre d’un jeune homme bien né, Geneviève, qui n’était pas moins aguerrie, partit au grand galop. Grisée par la vitesse, ou poussée par une envie inconsciente de montrer à Maximilien qu’il ne serait jamais le maître, elle tenta de sauter une barrière si haute que son cheval la refusa et elle partit en un vol plané qui la laissa évanouie. Maximilen, qui la suivait de très près, arrêta sa monture, escalada la barrière et se précipita vers Geneviève. La prenant dans ses bras, il approcha du sien son visage dans le but de vérifier qu’elle respirait encore. Mais à ce moment, l’envie qu’il avait d’elle, qu’il avait réussi à contrôler depuis le début de son séjour à Portail, revint avec une force irrésistible. Il se mit à embrasser les lèvres de la jeune femme ; il l’interrogeait sur son état avec des mots d’amour. À demi consciente, sans aucune force pour se dégager, celle-ci ne pouvait que balbutier : « Je vous en prie, laissez-moi ». Mais Maximilien ne pouvait pas l’entendre. Rassuré par le son de la voix aimée comme par l’absence de tout cri de douleur, il l’embrassait avec passion. Il eut l’idée qu’elle manquait d’air, entreprit de dégrafer la veste de la cavalière puis son chemisier. Il ne se contrôlait plus. Arrachant le soutien gorge, il se mit à sucer goulûment les seins magnifiquement proportionnés. Défaire la ceinture, baisser la culotte de Geneviève ne lui prit qu’un instant et il fut tout de suite en elle. Celle-ci, qui n’avait toujours pas entièrement repris ses esprits, essaya néanmoins de résister, plus par réflexe que sous l’effet d’une décision. Cependant, plus elle devenait consciente de ce qui était en train de lui arriver et plus sa volonté faiblissait. La marquise, on l’a dit, ne détestait pas faire l’amour à la hussarde. Or Maximilien était vigoureux et il l’était plus que jamais ce jour-là où il pouvait enfin libérer le trop-plein d’énergie accumulé depuis qu’il était tombé en amour. Il l’embrassait, il lui disait des mots tendres, tout en la besognant avec la brutalité d’un jeune mâle en rut, et Geneviève, qui sentait venir le plaisir, se trouvait incapable de la moindre protestation. Au contraire, comme ses forces revenaient, nouant ses bras derrière le dos de Maximilien couché sur elle, elle se mit à bouger le bassin dans un mouvement instinctif pour atteindre plus vite la jouissance. Quand celle-ci arriva enfin, Geneviève jugea à la force de ses propres cris qu’elle avait rarement été aussi complètement comblée. Enfin on se rajusta, Maximilien pas vraiment fier de ce qu’il avait accompli et Geneviève fort dépitée de s’être ainsi laissé prendre. On remonta et l’on prit au petit trop le chemin du retour.
Arrivés au château, Geneviève a ordonné à Maximilien de rentrer immédiatement à Paris. Elle paraît bien rêveuse lorsqu’elle échange un dernier regard avec le jeune homme qui a enfourché sa moto déjà pétaradante. Rêveuse ou triste la marquise ? En réalité, elle est inquiète. Neuf mois plus tard, alors que Maximilien est retourné depuis longtemps en Allemagne, un petit garçon naîtra dont elle ne saura jamais si Gaston en est vraiment le père. Ce dernier, fort heureusement, ne se doutera jamais de rien.
D. D. Au mois d’août de l’an de grâces deux mille et treize.