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Chroniques confinées (V)

La liberté le confinement ou la mort ! (7 mai)

Le cri de guerre des révolutionnaires français était : « la liberté ou la mort ». Quand la Marseillaise dit « qu’un sang impur abreuve nos sillons » elle parle du sang de ceux tombés pour la liberté et considérés comme impurs par les nobles au sang bleu.

La conscience d’une liberté individuelle, les droits de l’homme, la démocratie, sont nés en Angleterre, aux USA et en France. L’habeas corpus, la déclaration d’indépendance et la déclaration universelle des droits de l’homme forment le canevas des démocraties occidentales. Comme nous baignons dedans, nous croyons que c’est naturel.  Or ça ne l’est pas, la notion même d’un individu pouvant se penser comme sujet autonome et pouvant décider seul de son destin n’est pas évidente. Je vous invite à revoir le film « Tanguy ». Le héros fait une thèse sur « l’émergence du concept de subjectivité en Chine ancienne », son directeur de thèse lui dit (vers la 15° minute) « quand vous parlez du concept de subjectivité, on pourrait penser que vous occidentalisez la pensée chinoise ». La notion de sujet pouvant s’auto déterminer est culturelle. Dans les sociétés claniques africaines, dans l’Inde des castes, dans la Chine ancienne, l’individu n’existe pas en soi mais uniquement en tant que partie d’un clan, d’une caste ou d’une famille.


L’autonomie de la volonté et le droit des contrats.

L’article 1101 du code civil français définit le contrat comme suit :

Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.

Pour faire un contrat, il faut donc exprimer, en toute autonomie une volonté personnelle de s’engager juridiquement. S’il fallait demander une quelconque autorisation avant d’agir, ce ne serait plus un contrat au sens du code civil.

Le code civil français est issu de la philosophie des lumières et de la révolution française. Les hommes naissent libres et égaux en droit.  C’est la liberté individuelle qui permet à chaque individu de faire un contrat, de librement s’engager, de s’obliger. Au Moyen Age, un serf (paysan soumis au bon vouloir du seigneur du village) ne pouvait pas faire de contrat, idem pour l’esclave de la Grèce antique.  Le droit des contrats est le bras armé de la philosophie des lumières qui prône une vision de l’homme comme individu libre et maître de son destin.  Dans d’autres cultures, l’individu est « gommé » au profit du groupe, du clan, de la famille, de la cité etc….  Difficile dans ces conditions de passer un contrat au sens du code civil de 1804 (entre individus libres et égaux).

Prenez par exemple ce texte qui explique le confucianisme chinois tel qu’il était encore appliqué il y a un siècle.

(Edouard Chavannes 1903) :

« L’homme est un être social et le bien en soi n’est autre que le bien social.

L’individu est un membre de l’humanité, il n’a pas le droit d’agir comme s’il était seul au monde. La famille est comme un organisme indissoluble. L’individu n’est rien, sa famille est tout. Le père commandant à ses enfants et les aînés à leurs cadets. Au-dessus de la famille s’étage toute une série d’associations de plus en plus vastes, coulées dans le même moule, et aboutissant à un dernier terme qui est l’État. L’État est une famille infiniment agrandie. »

Difficile dans ces conditions de faire un contrat au sens du code civil.


Attention, je ne dis pas que notre système est meilleur, après tout, se fondre dans un ensemble dont il faut respecter l’harmonie est peut-être plus écologique que de rechercher son petit bonheur égocentrique. Je dis juste que ce n’est pas notre vision de l’homme telle qu’elle s’est développée en occident depuis le Christianisme.


Emile Durkheim 1858-1917 (France) un des fondateurs de la sociologie moderne explique :

(Emile Durkheim « L’individualisme et les intellectuels ». 28 mai 2002)

Ignore-t-on que l’originalité du christianisme a justement consisté dans un remarquable développement de l’esprit individualiste ? Le premier, il a enseigné que seul l’individu peut apprécier la valeur morale de ses actes indépendamment de tout jugement extérieur. L’individu a donc été érigé en juge souverain de sa propre conduite, sans avoir d’autres comptes à rendre qu’à lui-même et à son Dieu.

Philippe Van Meerbeck « ainsi soient-ils à l’école de l’adolescence » ajoute : « Le christianisme est à l’origine des droits de l’homme. Les concepts d’universalité, de démocratie, de fraternité, ont permis la sortie de l’hétéronomie où l’homme était défini par rapport à sa place précise dans un ensemble (fratrie, patriarcat, clan, tribu, communauté etc.)  Pour entrer dans un monde de l’autonomie où l’homme est responsable de son destin et où le divin est au cœur de lui-même (« le royaume de dieu est en vous »).


Certains pensent que la crise actuelle a été causée par le capitalisme, ce qui est paradoxal pour un virus venant (naturellement ou pas) de Chine. Ce pays porte le masque du capitalisme pour mieux exporter, mais en interne, toutes ses usines, ses banques, ses bourses, sont étroitement contrôlées par le parti communiste chinois. La Chine est peut-être un modèle d’efficacité, mais clairement pas de liberté individuelle, de transparence et d’initiative privée.

Les écologistes qui à l’instar de l’astrophysicien Aurélien Barrau en septembre 2018 plaidaient pour qu’on ose prendre des « mesures politiques concrètes coercitives impopulaires, s’opposant à nos libertés individuelles[i] » sont heureux aujourd’hui. Ils partagent d’ailleurs massivement des informations sur les réseaux sociaux à propos du retour des dauphins à Venise et autres bonnes nouvelles pour l’environnement.

Ils ont peut-être raison, l’avenir nous le dira. Ce qui est déjà certain, c’est qu’en se réjouissant du confinement et autres mesures coercitives, ils développent une pensée aux antipodes de la philosophie des lumières. Je ne juge pas (après avoir été censuré par Facebook, je n’oserais plus), je dis juste que Confucius n’est pas Montesquieu.

La Chine a exporté ses marchandises hier, son virus aujourd’hui…demain sa vision de l’homme ?

 

Le stéthoscope, la fausse conscience et la bêtise

J’ai travaillé onze ans dans une maison d’édition qui faisait partie d’un grand groupe lui-même subdivisé en sous-groupes. Un jour, le big boss français d’un de ces sous-groupes auquel nous venions d’être rattachés, a débarqué dans notre petit village wallon. Il voulait nous expliquer que notre entreprise était malade et que nous allions devoir fournir des efforts (afin de pouvoir maintenir un taux de remise de plus de 70% au sous-groupe de diffusion/distribution). Pour être sûr que nous arriverions à le comprendre, il s’est mis à notre niveau : il est arrivé avec un stéthoscope autour du cou et nous a parlé avec des métaphores qui auraient fait rire un enfant de cinq ans. Nous étions sidérés, il nous parlait comme si nous étions des semi-débiles.

Quelques temps plus tard, nous avons fêté les cinquante ans de la maison d’édition à la foire du livre pour enfants de Bologne. Nous y avions invité tous les éditeurs étrangers à qui nous vendions ou achetions des livres. Nous y étions les seuls francophones (les autres éditeurs francophones étaient nos concurrents, pas nos clients). Mon patron a accueilli les invités par un petit mot en anglais et en néerlandais, deux de mes collègues ont fait des petits mots d’accueil en espagnol, italien et portugais et j’ai également dit quelques mots en allemand et en russe.

Puis le big boss du groupe, pas du sous-groupe, du grand groupe, dans le top-trois mondial, a fait un discours …en français. Il aurait été intellectuellement incapable de lire un discours dans une autre langue. Même en français, c’était un filet d’eau tiède insipide, aucun charisme.

Quand je vois des intellectuels s’étonner de la bêtise de nos gouvernants, je me dis qu’ils n’ont jamais travaillé dans le privé. Bien sûr, pris la main dans le sac, Fillon se défend plus stupidement qu’un délinquant ne sachant que répéter : « tin, j’ai rien à voir avec st’histoire moi ! ». Bien entendu Macron ne sait que hurler   parce que c’est notre projet ! avec dans le regard la bêtise joyeuse du cancre persuadé d’avoir trouvé la bonne réponse parce qu’il répète la question. Evidement Marine Le Pen n’a pas les nerfs de tenir le bluff d’une sortie de l’euro et fait tapis à la moindre contradiction, comme une enfant s’emmêlant les pinceaux dans ses mensonges. Mais ça n’a rien d’étonnant ! Il faut n’avoir jamais eu de grand patron dans le privé pour être surpris. Attention, je dis Grand patron, pas chef d’entreprise. Il y a une différence entre celui qui a créé son affaire, qui hypothèque sa fortune personnelle, et le grand patron qui ne risque rien et est payé un pont d’or. Il y a aussi une différence avec le petit patron de filiale devant rendre des comptes régulièrement. Mais dès que vous rencontrez un de ces « patrons » hors sol, vous vous apercevez très vite qu’à part être imbus d’eux-mêmes et transpirer le mépris, ils sont vides.

La crise des gilets jaunes est toujours décrite comme un ras le bol fiscal couplé à un désir de démocratie directe. Je me demande si elle ne marque pas la sortie de la fausse conscience de la supériorité intellectuelle des élites. Depuis l’école, on nous apprend à respecter la hiérarchie et les institutions. Nous vivons dans la fausse conscience que ceux qui sont au-dessus de nous le méritent, que les grandes écoles qu’ils ont fréquentées leur donnent une compétence que nous n’avons pas et donc une légitimité. Puis un matin on se réveille et on se dit « mais ils sont vraiment trop cons ! ». Ce jour-là, on décide d’arrêter d’être un élève docile, on se rencontre sur les ronds-points, on discute, et plus on réfléchit, et plus la bêtise d’en haut ressort avec contraste. C’est cela aussi la révolte des gilets jaunes, une sortie de la fausse conscience d’être moins intelligents que ceux qui nous dirigent. La réaction de répression bête et méchante du pouvoir n’a pu qu’accentuer cette prise de conscience.

La crise actuelle pourrait bien faire sortir de la fausse conscience d’autres pans de la population. Dès que nous sortons, la police nous contrôle et nous verbalise. Nous sommes des suspects et devons toujours pouvoir présenter notre attestation, version moderne des passeports jaunes des anciens forçats du 19° siècle (relisez les misérables).

En 1968 nous étions tous des juifs allemands, en 2020 nous sommes tous des gilets jaunes ou des arabes de banlieue. Ça va peut-être créer des liens…

Aux urnes citoyens le dimanche, restez chez vous nous sommes en guerre le lundi. La chloroquine est utile pour faire baisser la charge virale et éviter les complications dites-vous ? Testons-la donc quand il n’y a plus de charge virale et qu’il y a des complications. Les masques sont inutiles puis ils seront obligatoires. Il faut rouvrir les écoles, mais pas les cinémas. Les cantines mais pas les restaurants. Interdiction de vous promener sur les plages et dans les alpages, mais nous allons rétablir le métro boulot dodo masqué. Attention, les enfants sont des porteurs fantômes, mais ils ne sont pas contagieux et peuvent donc retourner à l’école, mais surtout pas aller voir leurs grands-parents. Il faut à tout prix éviter d’attraper le virus, mais il faut que 70% d’entre nous l’attrapent.

Un tel niveau de bêtise, malgré tous les conditionnements et médias serviles du monde, ça finit par se voir.

Mais attention, ce n’est pas parce qu’ils sont bêtes qu’ils ne sont pas dangereux. Ils sont capables de prendre des décisions contradictoires en moins de 24 heures puis de se moquer des simples citoyens qui, sur les réseaux sociaux, cherchent, par le débat, une vérité crédible. Là où le plouc va se bouffer le foie de culpabilité pour une mauvaise décision, eux ne vont jamais douter ni se remettre en question, c’est leur force, ils osent tout (y compris la violence policière et judiciaire), c’est même à ça qu’on les reconnait …

 

Starlink

Dans la nuit du 24 au 25 avril, j’ai vu un spectacle étrange dans le ciel, une sorte d’échelle lumineuse se déplaçant à grande vitesse. Le lendemain j’ai appris par la presse que ce n’était pas un OVNI mais un train de 60 satellites lancés par le milliardaire Elon Musk, me voilà rassuré…Le projet starlink est de quadriller notre planète avec 42 000 satellites en basse orbite afin d’assurer l’accès à internet à haut débit…[ii]

C’était joli comme spectacle, on aurait dit le traineau du père noël.

Je me pose tout de même une petite question : Notre régime n’est-il pas celui du pouvoir du peuple pour le peuple par le peuple ?

Quand ai-je donné mon accord pour qu’un opérateur privé puisse mailler la planète de milliers de satellites ? Quand un parti politique pour lequel j’aurais voté m’a-t-il fait savoir, même implicitement, qu’il était pour un système où des opérateurs privés auraient des pouvoirs d’action digne d’un gouvernement (du peuple par le peuple pour le peuple) ? D’ailleurs, maintenant que j’y pense, quand m’a-t-on demandé mon avis avant d’installer la 5 G ou d’ouvrir des labos P4 et de faire des expériences sur des coronas virus ? Mais que je suis bête, ça n’a rien à voir, c’est un pangolin qu’a fait pipi.

 

Le pouvoir de qui par qui pour qui déjà ?

[i] https://www.youtube.com/watch?v=R7sMZiSKmqg

[ii] https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/spacex-elon-musk-satellites-starlink-ne-sont-pas-probleme-astronomes-78095/