La revue entend offrir, grâce à l’internet, un vaste public aux innovateurs de la pensée et du style s’ils s’engagent personnellement dans ce qu’ils écrivent, privilégiant l’essai plutôt que l’article universitaire, et, en fiction et poésie, ceux qui « attaquent » la langue française dans sa diversité plutôt que ceux qui la « défendent », comme le disait Marcel Proust.
Le mot du nouveau directeur (octobre 2018)
Mondesfrancophones n’aurait jamais existé sans la volonté d’Alexandre Leupin qui l’a créée en 2006 et dirigée jusqu’en 2018, son opiniâtreté qui a seule rendu possible la résistance de la revue dans un environnement peu propice. On connaît suffisamment la crise des sciences humaines et ce n’est faire injure à personne que de noter que les représentants les plus récents de ce que nos amis anglo-saxons dénomment la French theory font l’objet de tirages moins importants que les Foucault, Lacan ou même Althusser, sans parler des ancêtres que sont désormais Sartre et Camus. Est-ce dû à la moindre fécondité de nos intellectuels les plus en vue ? Ou, plus inquiétant, au basculement vers une nouvelle ère marquée par la prééminence des égoïsmes individuels et de la réussite matérielle au détriment des préoccupations intellectuelles et des idées générales ? Toujours est-il que, aujourd’hui plus qu’hier, les revues qui s’adressent aux « honnêtes gens » peinent à survivre. Il est loin le temps où la NRF pouvait se prévaloir, en 1920, soit un an à peine après l’interruption de la première guerre mondiale, de quelque sept mille abonnés. De nos jours, même s’il est difficile de citer des chiffres précis, les quelques revues en langue française d’un standing comparable qui tirent à plus de mille exemplaires « papier » se comptent sur les doigts d’une main.
Face à une telle situation, les revues ont développé des supports électroniques tandis que d’autres, créées plus récemment, paraissent uniquement sur la toile. Leur longévité n’est pas assurée pour autant, les lecteurs ne s’étant guère multipliés par la grâce des nouvelles technologies. Si Mondesfrancophones fait quant à elle le pari de la durée, c’est parce qu’elle demeure seule à faire entendre et dialoguer les voix multiples de toute la Francophonie, que ce soit en Europe, en Afrique, aux Amériques ou dans les îles des Caraïbes, de l’Océan Indien et du Pacifique. Loin du nombrilisme franco-français qui peut agacer à juste titre, la revue, ouverte aux vents du Tout-Monde francophone, accueille tous les intellectuels, les auteurs, les artistes qui souhaitent faire connaître le plus largement leurs œuvres, qu’elles soient de création pure ou d’analyse, et les confronter aux réactions du public le plus large. Les lecteurs, en effet, sont invités à prendre parti et leurs réactions publiées (après « modération »).
Les articles de Mondesfrancophones sont désormais répartis en quatre grandes rubriques : Actuelles, Littératures, Critiques, Arts et Spectacles. La première rubrique fait la place à des commentaires sur des questions relevant de la politique, l’économie, la sociologie, etc. passées au crible de ces disciplines, voire de la philosophie ou de l’éthique. La seconde accueille des œuvres originales en matière littéraire : poésies, nouvelles, bonnes feuilles de romans récents ou à paraître. La rubrique « Critiques » rassemble les analyses d’œuvres littéraires ou autres d’auteurs de la Francophonie. Enfin, la rubrique « Arts » est une fenêtre sur les créations des artistes contemporains.
Ouverte aux analyses de toutes sortes, Mondesfrancophones n’est pas une revue académique. Les textes publiés (après accord de la rédaction qui se réserve le droit de demander des corrections) s’adressent au public cultivé. Destinés à la lecture sur un écran, ces textes ne doivent par ailleurs guère dépasser quatre ou cinq pages.
Michel Herland
Lettre des rédacteurs (mars 2006)
Alexandre Leupin, fondateur : – L’internet, c’est l’univers qui parle à l’univers, mondialisation imprévue et sans bornes de tous les discours… s’y défont les antiques réseaux tribaux de la réflexion, de l’information, de l’édition, de la création… y émergent le tout comme le n’importe quoi, le sublime des œuvres et de la pensée comme le délire paranoïaque, l’examen rationnel tout comme la désinformation la plus crasse, les voix prodigieuses de la singularité tout comme les subjectivités qui se groupent en communautés imaginaires ou en attroupements à la langue de bois.
Nous voulons que les prochains Prousts de Tombouctou, Georges de la Tour de l’art digital, Lacans d’Issoire, Montaignes d’Ambère… Maries de France de Tahiti, Glissants et Guyotats de Brazzaville, Novarinas de Ouagadougou s’inventent et se trouvent grâce à nous… c’est dans le frottement de la langue française à toutes les langues du monde, et l’interstice qu’il crée, que surgiront les nouvelles singularités.
MF fonctionnera comme exhortation et décantage d’une francophonie singulière, que personne n’avait prévue jusqu’alors… sa fabrique, ce sera aussi bien nos auteurs que nos lecteurs, qui s’engageront dans le dialogue illimité d’une interactivité prodigieuse et première… non euphorie qui finit en déliquescence, mais jubilation et disposition : nous entendons que tout ceci soit écrit.
Ollivier Dyens, directeur artistique : – MF doit être une revue consacrée, tant dans son fond que dans sa forme, aux transformations que subissent les langues écrites et orales en ce début de millénaire. Plus particulièrement, MF devrait être une géographie cognitive où peuvent se rencontrer, cohabiter et s’enchevêtrer les innombrables formes et fonds des langues francophones d’aujourd’hui. Ainsi, je verrais MF comme lieu où universitaires et « verlantistes » se rencontrent et échangent ; où tant la francophonie intellectuelle qu’artistique se déploient ; où linguistes, poètes et rappeurs peuvent collaborer et s’enrichir mutuellement. Il y a, je crois, un profond et dangereux schisme en train de se créer entre une francophonie « classique » (livresque, littéraire, syntaxique et de gauche) et une francophonie anglophile, ludique, mouvante et néo-libérale. Je vois MF comme un espace de chevauchement de ces deux francophonies, une virtualité qui permettrait de réfléchir aux nouvelles formes de la francophonie, qui permettrait de les comprendre, de les utiliser, d’en faire les outils de toute la gamme des expressions et productions humaines, tant académiques, qu’artistiques que politiques.
Michel Herland, membre du comité de rédaction : – Une langue en partage. Le français et tout ce que cela implique comme références communes en matière historique, littéraire, etc., et, par delà la culture stricto sensu, des réactions souvent similaires (en dépit des idiosyncrasies nationales ou autres) face aux grands problèmes auxquels l’humanité se trouve confrontée : développement économique, mondialisation, pouvoir, justice sociale, etc.
Un carrefour. Où se croisent des idées, des créations, des projets de toute sorte, tous ceux qui peuvent circuler sur la toile. Un lieu d’échange, de découverte, de dialogue, voire de confrontation… tant qu’elle reste encadrée par le modérateur.
De ce fait : Un banc d’essai pour des idées nouvelles, des formes nouvelles qui peinent à émerger par les canaux de diffusion traditionnels. En contrepartie, les créations intellectuelles ou artistiques de caractère nettement expérimental n’ont pas vocation à être toutes conservées dans la mémoire de MF. L’audience en décidera.
Une revue à vocation encyclopédique. Des sujets sont lancés successivement. Ils donnent lieu à des contributions spontanées ou sollicitées par les éditeurs. Des réactions s’ensuivent qui amendent ou complètent les contributions initiales. Il est vraisemblable que l’apparition d’un nouveau thème créera un engouement autour de lui mais les sujets antérieurs ne disparaîtront pas pour autant. Certains pourront sommeiller, d’autres reprendre une vigueur nouvelle à l’occasion de tel ou événement de l’actualité. En tout état de cause, une question soulevée dans MF ne sera jamais close et la réponse se perfectionnera au fur et à mesure des apports successifs des lecteurs-rédacteurs.
Une exigence de qualité. Ici le rôle des éditeurs est essentiel. MF n’a pas vocation à servir d’exutoire pour des graphomanes ou artistes dépourvus du moindre talent, des intellectuels approximatifs, des monomaniaques enfermés dans leur délire. MF n’est certes pas réservé aux professionnels de l’écriture ou de l’art : il est ouvert aux vents du large. Mais il n’est pas pour autant ouvert aux quatre vents !
Bernard Cerquiglini, membre du comité d’honneur : – La création d’une revue électronique d’expression et de création francophones me paraît plus opportune encore depuis que, citoyen français, je réside aux États-Unis, et précisément en Louisiane.
Elle traduit ce qui m’apparaît comme un impératif de francophonie.
La mondialisation est cruelle aux solitaires. L’on ne saurait cependant y répondre par quelque « réveil des nations », dont on n’ignore pas en quel cauchemar il peut se changer ; l’heure est aux appartenances, aux solidarités culturelles, aux projets. On prête à Jean Monnet, l’un des pères de l’Union européenne, ce regret : « Si c’était à refaire, je commencerais par la culture » ; les Français et les Néerlandais viennent de lui donner raison, qu’ont effarouchés les complexes dispositions d’une machinerie institutionnelle coupée des peuples.
La Francophonie est avec souplesse une appartenance (le partage d’une langue dans le respect de sa diversité), un réseau (y adhèrent, chacun dans son ordre, des États, des professions, des individus), ainsi qu’un foyer mondial de cultures. Il importe d’accroître son rayonnement, de seconder sa vocation fédératrice, mais aussi de conforter l’adhésion des peuples à son message.
MF jouera un rôle majeur et significatif dans ce dessein. Conçue dans la Francophonie nord-américaine elle s’adresse au monde ; hypertextuelle elle confronte sans hiérarchie les idées et leurs expressions, multimédia elle rapproche les créations artistiques, interactive elle est l’affaire de tous. Cette revue montre que la Francophonie doit s’investir avec vigueur dans l’Internet : elle y trouve, outre un moyen d’expression libre et puissant, le reflet de son ambition (former un réseau culturel souple et mondial), l’image même en somme de sa modernité. La Francophonie est pour moi un impératif moderne.
Entretien avec Alexandre Leupin (2009)
Comment la revue www.mondesfrancophones est-elle née?
La revue a pris son origine d’une idée si simple que l’on s’étonne qu’elle ne soit venue à l’esprit de personne auparavant : la francophonie, dans ses dimensions de création et de réflexion, est un réseau qui couvre le monde et implique de nombreux pays différents. Il en va de même pour l’internet. Dès lors, pourquoi ne pas faire coïncider ces deux toiles sur un site web?
Qui êtes-vous?
Je dirige la revue, l’l’artiste et penseur Ollivier Dyens, Deputy Provost a l’université de McGill au Canada,s’est chargé de l’esthétique de la revue, et Philippe Alexis, directeur de nodiamonds.com, s’occupe de toutes les questions techniques.
Quel est le but de la revue?
Je suis convaincu tout d’abord que la Francophonie doit prendre toute sa part dans les technologies nouvelles de l’information et de la communication : mondesfrancophones.com emploie les procédures techniques les plus en pointe. Nous souhaitons montrer ensuite que le recours à cette technologie n’oblige pas à négliger l’esthétique et le goût, valeurs que la culture francophone a toujours faites siennes : mondesfrancophones.com, qui entend diffuser la création et la pensée francophones innovantes, met un point d’honneur à soigner sa qualité graphique.
Nous parions enfin, aux rebours de certains préjugés, que l’Internet concerne aussi les pays en développement ; davantage, qu’il peut leur être essentiel. Grâce en particulier à l’action des organismes francophones, l’équipement de ces pays est en cours : c’est pour eux un droit légitime, ainsi qu’une chance. Nous pensons qu’une jeune écrivaine mauricienne, qu’un philosophe camerounais original auront plus facilement accès à une revue en ligne qu’à une publication de papier, à l’impression coûteuse, à la distribution difficile et au lectorat aléatoire. Il est souhaitable que la N.R.F. les publie un jour ; ils le seront sans doute parce quemondesfrancophones.com leur aura donné leur première chance. Dans cet esprit, il est aussi crucial que ces écrivains du Sud novateurs voient leurs créations ou essais affichés côte à côte avec ceux des auteurs mondialement connus (entre autresÉdouard Glissant et Pierre Guyotat) dont nous avons déjà publiés des inédits.
Quels résultats avez-vous obtenus?
La revue a été lancée le 20 mars 2006, journée mondiale de la francophonie; le lancement a été annoncé sur TV5 par Bernard Cerquiglini, mon ami et ancien collègue , ancien recteur de l’ Agence Universitaire de la Francophonie.
A ce jour (juin 2009), MF a publié:
– 1900 textes
– 10000 pages
– 350 auteurs venant de 40 pays différents
Nous avons en moyenne 5000 visiteurs et 12500 pages vues par mois. C’est un succès qui dépasse nos espérances!
Comment envisagez-vous le futur de la revue?
À long terme, mondesfrancophones.com a l’ambition de devenir le lieu de rendez-vous privilégié pour les créateurs et les essayistes de la francophonie. Donc, si la plume vous démange, n’hésitez pas à nous soumettre des textes!
En outre, le blog sert aujourd’hui pour toutes sortes d’annonces: nouveaux livres, revues, colloques, événements… Là encore, envoyez-nous des informations!