* C’est la maison où mon frère et moi sommes nés.
C’est la maison où j’ai vécu mon enfance et mon adolescence de 1944 à 1964.
Elle fut construite par mes grands-parents en 1936, suite à une première embellie financière dans la vie professionnelle de Jean Séguéla quand il fut promu chef de manutention en 1935. Il fut ensuite nommé chef de la messagerie en 1938.
Dans un texte écrit par mon père André sur son enfance dans les années 30, il raconte la genèse de l’affaire.
Laissons-lui la parole au travers de ses écrits :
DE CROIX DAURADE A JOLIMONT par ANDRÉ SEGUELA 1921-1936
Après leur mariage, mes parents vinrent se fixer à Toulouse. Mon père entra à la Compagnie du Midi en 1919, ils logèrent dans le quartier de Croix Daurade « Maison Jalama », où je suis né. C’est dans cette maison que je fis une chute qui me fit le nez tordu.
Les quelques meubles qu’ils possédaient furent chargés sur une charrette et c’est le grand père de Pompignan, Pierre Séguéla, qui, avec le cheval, fit le transfert de Pompignan à Toulouse. 27 kilomètres, cela dura certainement 2 jours aller et retour.
Nous habitâmes plus tard Rue d’Armagnac. J’allais à la maternelle du Faubourg Bonnefoy ; ensuite Rue des Champs Elysées au n° 50 où je passais toute mon enfance environ de 7ans à 15 ans, j’allais d’abord à l’Ecole Marengo, puis à l’Ecole Monge, après une année passée à l’Ecole des Frères de Saint Sylve (école chrétienne).
André Séguéla vers 1934/1935
Ensuite départ 1 an à Agen où mon père avait été nommé Chef de Manutention (échelle 5) **, puis retour à Toulouse Rue Montcabrier au n° 8, ensuite Rue des Jardins Elysées. C’est là que mes parents achetèrent le terrain de la Rue Dessalles (17 000 F) (une traction avant Citroën valait à cette époque également 17 000 F), et avec l’héritage du grand père Louis Bertrand (40 000 F) firent bâtir la maison que nous habitons. Mon père dut emprunter 25 000F au Crédit Foncier.
La maison leur revint à 70 000 F environ.
1945 je suis sur mes deux jambes, entre mon père et ma mère, debouts de gauche à droite : Maria ma grand-mère, Mme Loze, réfugiée d’Asnières et Jean mon grand-père
Dans cette maison mourut la grand-mère Thérèse Bertrand (née Labit) en 1945 à l’âge de 75 ans,
mon grand-père Jean en 1964 à l’âge de 68 ans,
ma grand-mère Maria (née Bertrand) en 1977 à l’âge de 82 ans
mon père André en 1986 à l’âge de 65 ans.
Cette maison fut construite avec les moyens du bord, le maçon prenant des libertés avec le plan ; un exemple, la hauteur des fenêtres, qui sont un peu plus hautes que la norme.
La raison : le maçon demandait à ma grand-mère à quelle hauteur elle voulait la fenêtre. Ma grand-mère indiquait manuellement la hauteur qui lui convenait, hauteur qui servait à élever le mur en brique. Mais dans cette approche, il omettait de tenir compte de l’encadrement de la fenêtre, ce qui fait que ma grand-mère ne pouvait plus se pencher au dehors. Cette anomalie est caractéristique des habitudes approximatives de l’époque.
Le maçon, certainement bon marché, n’était pas un foudre de guerre, il a même oublié sa montre dans un mur avant de couler le ciment. L’histoire de cette montre coulée dans un mur a fait les délices de la famille.
Sa couleur était originale, un rouge à mi-chemin entre carmin et fraise écrasée.
Le budget initial ne permettait pas de construire un mur de clôture sur la rue. Mais au décès de l’aïeule Thérèse Bertrand, mon arrière-grand-mère, la coquette somme laissée à sa fille pour faire dire des neuvaines à l’église après sa mort, fut détournée à cette fin. Ma grand-mère était croyante, mais elle savait aussi compter, et dans certains cas, il ne fallait pas gâcher.
Autre caractéristique, il n’y avait pas de salle de bain, contrairement aux maisons voisines construites dans les années 30 rue Jolimont avec vue sur la ville.
Ce fut un bien pour un mal, en novembre 42, les allemands réquisitionnèrent toutes les villas avec salle de bain, et dédaignèrent, fort heureusement, la maison Séguéla.
Ce qui permit à mes grands-parents d’héberger 2 familles de réfugiés, les Grégoire, des belges de Namur, et les Loze, d’Asnières.
La maison Art Déco du 21 rue Dessalles, réquisitionnée par les allemands, avec salle de bain et terrasse sur la ville et les Pyrénées
En 1944, mon grand-père et mon père creusèrent un fossé juste à côté de la maison au nord-est, pour s’y réfugier pendant les bombardements. Ma mère, enceinte de moi, s’en souvenait, et se remémorait le bruit infernal des bombardements américains qui visaient la gare Matabiau située à 400 mètres à vol d’oiseau. Le risque était certain.
Mais bien au chaud dans le ventre de ma mère, je n’en ai aucun souvenir, ni aucune séquelle traumatique. J’avais déjà un bon sommeil. Je suis né le 29 juin 44, en pleine période de ces bombardements, qui firent plusieurs centaines de morts à Toulouse.
Plus tard, en 49, cet espace fut utilisé par mes parents pour construire une aile, avec 4 pièces, ajoutées à la villa initiale, et leur logement s’agrandit des 2 chambres du haut.
La belle pièce en façade devint la chambre des enfants, que je partageais avec mon frère Bernard (à droite sur la photo titre sous le « finestrou » du grenier) …
C’est dans ce 6 pièces que j’ai passé mes 20 premières années, mon enfance et mon adolescence à Jolimont.
La villa élargie
A la disparition de ma grand-mère Maria, en 1977, mes parents se retrouvèrent seuls occupants de la villa, qu’ils purent aménager à leur guise.
Mon père s’était déjà aménagé un bureau de ministre dans notre ancienne chambre. C’est là qu’il accomplissait un travail à domicile pour le compte des Contributions Directes, afin d’améliorer les revenus familiaux.
A son décès en 1986, ma mère se retrouva seule dans une maison trop grande pour elle.
Elle essaya de louer une pièce, mais la relation avec un étranger ne fut pas toujours facile. L’âge venant, elle décida de vendre la maison et d’acheter un appartement de 3 pièces dans une résidence qui se construisait à la place de la maison Verdeil, au 34 rue Noémie Dessalles***, à 50 mètres. En 1994, elle habita ce nouveau domicile, 2ème étage avec ascenseur, parking, orienté ouest. Elle devait y vivre 14 ans.
Construite en 1936, vendue en 1994, cette maison familiale sera restée 58 ans dans le giron Séguéla.
*Mes grands-parents, Jean et Maria Séguéla, devant leur maison, vers 1945.
**Voir la chronique « l’Humanisme de mon grand-père »
***Dans ma jeunesse, on m’avait expliqué que Dessalles était un général d’Empire, qui s’était mis en valeur à la bataille de Toulouse, 1814, perdue par le maréchal Soult face à Wellington. Cette bataille s’était déroulée en partie sur les côteaux de Jolimont (Calvinet). Récemment cette rue a été rebaptisée « rue Noémie Dessalles », qui fut la propriétaire des terrains lotis et commercialisés dans le premier tiers du XXème siècle.