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La Pointe du Souffleur

La Pointe du Souffleur est un lieu-dit au nord de la Martinique, près du bourg de Grand’Rivière et de l’Anse Cassius.


verny-dugelay_trou-du-souffleur-martiniqueLe Trou du Souffleur, Martinique


« Un pays de palmes de pandanus…

Un pays de main ouverte…

(Aimé CÉSAIRE, Les armes miraculeuses)


 

 

 

Un jour se profile dans l’imaginaire celle qui ne sera pas encore nommée.

Elle surgit de notre désir tel un cercle lumineux, peu à peu élargi comme le bel arrondi des bras qui aiment.

Bientôt tu décolles sur des caravelles de nuages.

 

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Organistes ou moqueurs, oiseaux-mouches, multicolores colibris nous précèdent de l’autre côté du rêve.

 

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La pensée suffit à entreprendre cent voyages, imaginer, nommer seulement un arbre pour partir.

Le flamboyant, feu d’artifice éclatant, bouquet final au bord des caraïbes, et pourquoi pas une autre fois, le blanc bouleau papillonné de neige.

 

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Dès l’arrivée, ce qui surprend le soir venu, est la musique des élytres, les scies d’insectes, les pipeaux des grenouilles, les cris sauvages maîtrisés par les tuyaux d’orgue de la mer.

 

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Grenouilles, reines, rainettes, leurs flûtes traversières répercutent la palpitation des feuilles, exsudent l’essence du jour et la nuit nous transperce.

 

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île,

ovale et opale dans l’océan d’une vie,

sa terre livrée sur la mer du possible.

 

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île –

il ou elle –

aile –

Jamais enfermé, toujours

accessible à l’extérieur.

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Tu es ton île !

 

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Le territoire n’est pas grand mais l’horizon est vaste à contempler.

 

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Un immense drap de nuages découvre le lit de la mer où tournent, retournent les vagues éternelles, tes pareilles.

 

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L’arbre du voyageur dresse l’éventail de sa roue, les cils de ses ocelles ouvrent un paysage où perdure la beauté.

Bras largement ouverts il tend sa réserve d’eau à la gorge assoiffée en quête de légendes.

 

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Recueille tous les bruits, les frôlements, les fruits, les couleurs, les tremblements qui de très loin accourent vers toi comme une nuée d’enfants vifs sortant de l’eau.

 

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Les ceintures de corail attachent la langueur sensuelle des plages, les alizés posent sur nos nuques des baisers papillons.

 

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Un voile de beau temps descend sur la ville, la flèche d’une cathédrale pointe la boussole des songes.

Du pont d’un navire en partance, nous sommes ce voyageur accoudé sur l’infini.

 

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Les reptiles racines de l’arbre, griffes au ras du sol défendent l’empire terrestre.

Attachées aux piliers du tronc leurs rampes serpentent vers le haut du temple végétal d’où la lumière céleste et profuse s’étend, laissant deviner sous l’ondée d’or, son pouvoir de parler en langues.

 

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Le psalmiste psalmodie dans l’air des mystères d’une forêt tropicale où tu cherches tes racines.

 

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Les alizés sont mouvement continu de la vie, le paysage change à chaque instant pour surprendre le voyageur qui s’adapte.

Tout brûle, tout flambe.

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La lune déverse au jour le lait de la nuit que les rais du soleil barattent.

 

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Poissons-pilotes, poissons-volants, font surface pour capter une autre lumière.

 

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Le tintement des gréements, les cloches des balises sonnent autour des barques qui tanguent, rejoignent aussitôt les troupeaux dans la montagne. Le moutonnement des nuages, entraîne toujours plus loin la route imaginaire du voyageur.

 

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Vols d’aigrettes, voiles d’esquifs, étoile du berger ;

Signes célestes quand tu navigues à l’estime.

 

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Éphémère, de pourpre et de feu, l’hibiscus attise l’intensité toujours offerte sous le fouet du vent.

 

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Les cocotiers tournent dans le ciel leurs moulins de prières et l’âme errante cherche sans repos.

 

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Les pas sur le sable toujours effacés, toujours à refaire.

Comme le cactus, survivre longtemps sur la réserve pour faire éclore la fleur d’un jour.

 

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Regarde les couchers saignants. Les chutes brusques du soleil stupéfient chaque soir où la mort s’acclimate.

Tandis que le sable ponce inlassablement le revers du temps.

 

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La mer identique à la vie dépose ses coquilles aux formes diverses : strombes, vénus, lambis à vulves de satin. En te baissant pour les ramasser, tu commences à faire des choix.

 

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Ces coquilles sont fleurs de sable et tes mains aussi bien étoiles de mer.

 

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Ourlées par le sable des jours les oreilles des coquillages font entendre la musique apaisante des grands fonds qui enregistre ton aria.

 

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Maintenant tout peut chanter en toi quand tu le veux.

 

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Rien de ce qui est au dehors n’est éloigné de ce qui est au-dedans.

 

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Ici ou là, un geste, un sourire sont les sésames. La courbe bronzée d’une épaule est une ligne de destinée.

 

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L’île enclôt la virginité des forêts, la pourriture de la mangrove où grouillent les crabes.

Entre les deux extrêmes, invente ton paysage.

 

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Cherche l’image tienne que renvoient les miroirs de l’espace et de l’eau avec le soleil pour ton ombre portée.

 

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Scruter le ciel avec ou sans certitude percevant une force plus haute. Le secret demeure dans l’amour, celui du regard ébloui par l’ouvert du cœur.

 

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Parfois la chute de rein d’un pont jeté sur le torrent comme lorsque tu tends la passerelle des bras sur la vie qui déborde.

 

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Le soleil brille avec excès pour donner plus de splendeur au sourire entrevu derrière l’absence.

 

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Jeu subtil du sable qui glisse entre les doigts, chaud frémissement de l’instant, écoulement absurde, sensation d’une fuite anticipée de la fin.

 

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Aujourd’hui, cette mangue rougie ranime la pompe du cœur.

 

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Sur les corbeilles du marché, gingembre et aubergines défient les natures mortes.

À la vitrine du marchand d’étoffes, le madras se drape, se déhanche, semble danser dans la tête un quadrille aux couleurs de la vie.

 

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Les offrandes seront modestes. Tu es mendiant dans la nécessité des choses où tout se transforme en cadeau.

 

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Boire au creux de tes mains rappelle les premières soifs, la fraîcheur d’un baiser, la douceur de ta bouche pleine de fruit d’une voyelle, oralité qui mange le mot “mangue” avant de fixer la forme manuscrite, goût des mots mouillés, leur rondeur de pierre roulée ou leur coutellerie aiguë, leurs couleurs rutilantes, leur verroterie, leur saveur succulente de sucs et de sucre.

 

Mais tu ne mûriras que tes propres fruits.

 

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Les lames de fond sont les seules qui t’apprendront à sécher tes larmes.

 

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Sentier des traces, forêt moite, liens de lianes, javelots de balisiers, frayeur des matoutous. Seul frayer l’issue au coupe-coupe. Fracas lointain des vagues.

Étape, attente, peut-être atteinte, la Pointe du Souffleur.

 

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Sois réjoui de la fragilité qui te rend à toi-même.

 

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Les richesses sont offertes par les hommes et les éléments.

La merveille est à cultiver.