Créations

figure du temps 1 et 2, amitié…

I

 

créantes créatures

une voix se retire

pas avant

d’avoir arraché

quelques morceaux à la nuit

 

allongée par terre

à dessiner quelque chose

qui ressemblerait à sa pensée

 

bienheureuse

vouée

à son propre débordement

perd l’assurance du retour à soi

ne se souvient pas

 

II

 

pourquoi suis-je éveillé à une heure si tardive

sans espoir de toucher une quelconque âme

les restes d’une journée agitée

remplie de rencontres et de conversations

 

una sete di bellezza come compagna

la possibilità di toccarla finalmente

dopo averla veduta tante volte fuggitivamente

 

bacteries turning my right foot into a battlefield

after having walked barefoot

part of the day in the streets of Rome

 

la mia povera mente cerca

di salvare la Creazione dagli artigli speculativi

che stanno crescendo sulla nostra concezione del possibile

 

d’intenses moments de ma vie passée

réapparaissent avec d’indéchiffrables questions in their bellies

e il suo visaggio

terrà la promessa di gioia

che non mi ha fatta

 

III

 

faim

impossible de venir vivre ici

sans me rassasier des vies qui sont les vôtres

 

je dis ça pour faire un peu d’humour

car au fond nous savons bien que je vous trouve infects

particulièrement quand vous puisez dans les profondeurs de l’être la reconduction de votre mode de vie médiocre

 

il faut apercevoir à la lisière de l’être la splendeur de l’événement

oui mais

encore faut-il qu’il y ait quelque événement du genre qu’on apprécie

ou mieux

un événement hors catégorie, qui en cela en serait proprement un

 

d’accord

prenons par exemple le geste de ta main sur l’eau

est-ce du déjà vu ?

ou un déjà-vu ?

la différence importe

 

dans le premier cas, c’est moi qui ratatine la poésie

dans le second, c’est une boucle du temps

qui enfonce l’immensité de l’univers dans notre esprit

 

et déjoue l’idée de création

 

pourquoi l’image de cette jeune personne lisant au bord de l’eau

me heurte et me reste

depuis un déjà-aperçu

quand était-ce ?

 

je n’en finirais pas si je commençais à parler de mes déjà-aperçus

bienheureusement ma mémoire est mauvaise

mais afin d’apporter la preuve que je n’affabule

j’ai disposé un carnet et un crayon sur ma table de chevet

 

IV

 

l’espace autour de moi ne porte aucune âme

désert de solitude

l’action devient rare et difficile

on ne sourit point

on ne rit guère

on rit quelquefois pour un souvenir

un bout de texte, un moment de film

pour un peu de beauté à l’état pur, on pleure

comme réveillé à soi-même

le reste c’est le désert du je

celui qui agit sans se retourner sur soi

sans qu’on le touche

il n’est plus qu’un creux

 

le lit c’est l’espace du repos

et l’espace de la lutte avec la mort

c’est un lit appauvri en présence

 

peu importe que tu fasses ceci comme cela

il n’y a personne pour le voir

alors tout tend à tomber à l’abandon

tout serait à l’abandon

si la discipline ne reprenait de temps en temps le dessus

 

V

 

la distance entre nous, l’absence, et les parasites de l’esprit

ce n’est pas la voix du diable

c’est le défaut de raison ordonnatrice

nos existences qui tapotent à l’aveugle sur des chemins qui n’existent pas

 

depuis très loin mon esprit nous regarde

mais ce faisant il se fait mal

il doit revenir aux mouvements et aux rythmes du corps

pour maintenir la vie dans sa main

 

alors s’écrit le poème le plus petit du monde

celui qui compose la seconde où nous vivons

nous créant au contact l’un de l’autre

sans peur de nous perdre

 

 

I

 

âme malade

par les sirènes de la technologie

pervertie

 

au ralenti

par idiotie

une pratique

qui retient l’âme

où elle est

 

qui agit doucement

tient à tout ce qu’elle tient

 

je me souviens de ses singularités accidentelles

taillées à coup d’ordinaire

dans nos mauvais yeux et nos mauvaises oreilles

offrant leurs naïvetés

 

II

 

plus comme des personnes

comme des phénomènes, ou épiphénomènes

 

temporelles (in)déterminations

 

ligne de feu

rythme

recueil

livret

 

lignes de feu

qui menacent de s’éteindre

vont se consumant

ne se préservent pas assez

se dissipent au spectacle d’un autre feu

 

un rythme, qui est le tien

se maintient

autant qu’il peut

cet instant

il se peut que je le retienne

 

les mélodies de ta voix

j’en garde les intervalles dans mon oreille

parmi le fracas de l’inessentiel

 

ta vie se résume

à un livret

de poèmes

 

 

 

amitié

faite de riens

de gloussements

d’hébétudes

à contre-pied

qui tient au nombril

de celui qui a oublié sa maman

amitié qui nous borde de tous les côtés

et mange sa coupelle de glace séparément

infortune de l’amitié qui dégouline

quand l’infortune attaque gaiement

amitié qui brûle

met une couverture sur les pieds bleuissant

amitié des couvertures qui brûlent

de la stagnation au bord des étangs

amitié limpide et tranquille

du bon camarade effervescent

à toute chose utile

j’entends poser cette question

avez-vous aimé l’ami(e) tranquille

qui fait glisser sa main à la surface de l’étang

accélère le rythme du présent

par un chemin sinueux, difficile

vous retrouve au-delà du présent ?

avez-vous aimé l’ami(e) tranquille

qui tourne autour de votre nombril au cœur du firmament ?

 

 

 

l’amour fait de rougeurs

ou d’habitudes

d’ensorcellement au bord des ombres

de demi-divinités

qui s’éloignent à mesure qu’on les entend

 

telle ou tel s’en est allé(e)

à cause d’un défaut de franchise

dans un regain de sincérité

 

toujours voyageant au bord des ombres

à l’appel de ce qui aurait pu avoir été

et de ce qui devrait être

traînant sa peau

qui elle aussi lui échappe

 

un autre poème que celui qui s’est murmuré

dans l’ébriété du sommeil approchant

 

tout de suite elle pose sa main sur moi

et arrête par là-même le tourment

la tourmente de ce qui ne fait pas foi

 

il faut que le texte ne se retienne pas

qu’il s’accommode

avec quelque peine

de ses morceaux

 

 

 

la rumeur était terrible

mais nous la parlions toi et moi très bien

j’avais une bretelle détachée

j’ai mis ma main sous ta ceinture

alors que j’appuyais ma figure contre la tienne

tu étais la source-lumière de mes élans timides

le gouffre ne nous a pas dévorés

 

toi nappe bleue qui fait respirer le champ de blés sauvages

éternité en déséquilibre

à laquelle j’ai touché en approchant mes dents

nappe de buée dans la forêt tranquille

je fus plusieurs fois attendri par ta non-éternité

ta composition tremblante et fragile

ta peau qui entend l’inquiétude

 

nos cœurs battant par saccades

le soleil levant, ses rayons perçant entre les arbres au matin

oubli des torts qui nous sont causés

afin de retrouver la grandeur de nos âmes défaites

 

 

 

bête d’amour que la beauté soudain convoque

aujourd’hui tout fut parfait

j’en vins à douter du malheur

à m’ouvrir à la désolation

 

quel que soit ton âge

ne prends pas de haut

le plaisir du jeu

essaie de lui faire une place dans ta journée

va le trouver où il n’existe pas encore

entends-le

va le chercher avec des efforts

 

que ton âme s’élève au jeu

qu’elle soit vive des possibilités qu’elle crée

désamorçant l’agressivité

la fuyant si nécessaire

esquive

découvre

trouve un ailleurs où il fait bon vivre

si le mauvais sort t’épargne

trouve l’enjouement de la félicité

l’excitation de vivre dont tu as encore quelques souvenirs

descends tes épaules

ouvre ton plexus solaire

 

ce sont conseils que je donne d’abord à moi-même

qui les lit peut en faire ce qu’il veut

moi qui souvent néglige de cultiver l’âme heureuse

je les dispense ici comme on fait une prière

après avoir été frappé par un peu de bonheur