Qu’on arrive enfin, (une histoire en cours/ a tale in-progress) in Renaissance Noire, Fall 2004 (vol. 6, no. 1), pp. 138-143.
I.
Et qu’on arrive enfin au pays natal –
la terre même imprimée d’esclavage.
Là-haut, en plein air, la puanteur, la piste toute chaude
du sang très chaud
des mauvais-nég’s du passé.
C’est bien drôle, non ?
Comment nous retournons toujours à ceci –
la ville, la vie, que faisait l’esclavage,
les histoires inventées de toutes pièces que faisaient les historiens, les pères-
fondateurs, la sainte-église.
Et qu’on en a marre des mensonges, des tromperies et des fraudes.
On en a marre des histoires, des historiens.
On en a marre d’indigo, de tabac, de riz et de rhum.
On en a marre de coton-m’sieu-le-roi et de canne à suc’.
On en a marre
et ne peut que souhaiter, souhaiter, souhaiter très fort
que les lacs, les bayous, les grands et petits marais
auraient tout engonflé
tout inondé, tout effacé.
Mais,
nous ne nous inquiétons point de ce point :
car il y a toujours l’ouragan.
À bas, donc, les industriels de sang et de chair.
Vive l’ouragan conquérant.
Vive le marais aplanissant.
Vivent les mauvais-nég’s et les mauvais négrillons.
Qu’il ne reste aucune plantation où reste la puanteur de chair-et-sang brûlé.
II.
Quoi donc me suffira ? je me demande.
Et la réponse – Rien. Rien de tout.
Tant, tant, tant-que-je-vivrai-rien-ne-me-jamais-suffira-pour-tout-cela.
III.
‘ Y avait,
Oui, c’est bon bel-âge
‘ y avait un jour qu’ils coupaient le cou
à beaucoup moindre.
Et combien de têtes sanglantes verrait-on là-hier ?
Et chaque fois qu’on entend le mot « créole » ou- beaucoup mieux-
« monde créole »
souffle le mal haleine des négriers et leurs petits-négociants
et le grand pu de ses femmes qui prennent leur petit bain de putain
tous
les
trois
jours.
Et quoi donc ?
Quoi donc à nous ? nous nous demandons parfois.
Et encore mille fois-
quoi donc à nous, alors ?
‘ Y avait,
‘ y avait, oui
‘ y avait un jour
IV.
Je ne m’explique pas pourquoi, non.
V.
C’est quoi, alors, l’histoire ?
Même pas des fables
Même pas des mythes –
Que des mensonges qui répètent les maîtres et leurs sycophantes
Que des phrases qu’ils répètent ad nauseum
pour les bien mémoriser
pour bien s’amuser
quand arrive l’heure de bien couper le cou d’une de leurs négresses
après peut-être ayant bien frotté le coin ?
Ce n’est que les usines
les factoreries- bon
là
auprès de la rivière
ou ils produisent
ni grain ni sucre ni rien d’autre-
les sciences humaine, quoi, de l’esclavage
ce qu’ils écrivent aux fouet et pinceaux – oui
Répétez-s’il vous plaît
Répétez-s’il vous plaît
Tout à la fois à la fois à la fois