C’était une femme à hommes, comme dans la chanson de Jeanne Moreau, ou une femme qui aimait les hommes, à l’inverse du film de François Truffaut. Elle s’appelait Diane et ce nom lui allait bien. Dans la ville de province de ce pays africain, tout le monde se connaissait dans le milieu des expatriés, surtout celui des coopérants français ou russes qui travaillaient dans les mêmes écoles, les mêmes lycées, la même université. On savait son goût pour le théâtre, et elle avait joué plusieurs pièces à l’Alliance française, où une troupe d’amateurs cherchait assez bien à occuper une vie faite seulement de loisirs. Lui, ne la connaissait que de loin, et il n’avait pas imaginé se lancer dans cette activité, préférant la facilité des cassettes vidéo de films fournis par le service de l’Alliance.
Un beau jour, la responsable de la petite troupe, une matrone qui se donnait des airs d’intellectuelle et de metteur en scène, vint le trouver pour lui proposer de jouer dans la pièce qu’ils étaient en train de monter, une comédie où il n’y avait personne pour le rôle d’un mari, un mari râleur. Celui de la femme, le personnage principal de l’histoire était bien sûr joué par Diane. Il hésita un moment, ne se voyant pas du tout en acteur, et fort intimidé à l’idée de monter sur les planches devant toute la ville. On lui fit valoir qu’il avait des loisirs, qu’il fallait un homme mûr et pas un gamin pour ce rôle, la femme insista, son mari, qui servait de régisseur, insista aussi, sa propre femme se mit de la partie, et finalement, surtout pour ne pas se « dégonfler » devant ce défi, il accepta.
Les répétitions commencèrent, et il se prit au jeu, se passionna même pour la pièce, le texte qu’il finit par réciter la nuit dans son sommeil, l’ambiance, les décors, ses partenaires, etc. Quant à la leading lady, il tomba peu à peu sous son charme et avant que la pièce ne soit donnée, il se rendit compte qu’il était tombé amoureux d’elle comme un collégien. Il était non seulement obsédé par la pièce et son rôle, mais obsédé aussi par sa partenaire, sa « femme » dans la fiction, qui allait devenir sa maîtresse dans la réalité.
Quand la pièce fut jouée − un succès local, car elle était vive, amusante, et pas trop mal jouée par ces amateurs − il attendit plusieurs jours, macérant avec délectation son amour non déclaré qui le ramenait à ses quinze ans. Il se décida enfin, et alla se garer le matin vers huit heures, après avoir emmené les enfants à l’école, à un bloc de chez elle, attendant que son mari sorte. Il entra alors et la trouva tout de suite, buvant encore un café, tandis que la bonne s’activait dans la pièce. Un peu étonnée de cette visite matinale, d’habitude les coopérants débarquent plutôt à l’heure de l’apéritif, vers midi ou vers six heures, elle le reçut quand même avec plaisir, car elle aussi était toute dans les pensées de la représentation. Il lui annonça qu’il avait quelque chose à confier et l’invita à faire un tour en voiture. Il n’avait rien trouvé de mieux, et en roulant, il lui dit tout simplement qu’il était tombé amoureux d’elle. Ils allèrent prendre un verre et discutèrent une heure ou deux. Elle lui avoua que c’était la première fois qu’un homme lui annonçait son amour de cette façon, et visiblement cela ne lui déplaisait pas.
Elle lui donna rendez-vous le lendemain, en fin de matinée, sur une plage à l’écart de la ville. Ils discutèrent encore en se promenant, lui avec une violente érection, et elle excitée sans doute aussi par cette aventure. Il l’embrassa et la caressa debout avec fougue. Puis ils trouvèrent un coin pour s’allonger à l’ombre et reprirent leur étreinte. Il la dégrafa, trouva ses seins, puis ses jambes, descendit son slip et la caressa sur le ventre et le sexe. Elle haleta assez vite, et porta à son tour la main vers lui. Elle défit sa ceinture et ouvrit son pantalon. Le sexe mouillé trouva sa main et elle le dégagea. Elle s’arrêta alors et lui offrit le choix : « Qu’est-ce que tu préfères, la main ou la bouche ? »
La charge d’érotisme de la question le cloua sur place, c’était comme si un éclair à blanc l’avait traversé, et il se sentit au bord du plaisir, rien qu’en recevant ses paroles. Il avala sa salive et balbutia ce que la plupart des hommes auraient sans doute choisi aussi : « la bouche… »
Elle descendit alors sur lui et dirigea doucement le sexe qu’elle tenait enserré vers son visage. Le gland tendu à se rompre entra en contact avec les lèvres de la jeune femme qui l’embrassa tout d’abord doucement, puis lécha sur le tour du prépuce. Il n’en pouvait plus et commença à gémir. Elle le fit alors rentrer en elle, tout en continuant sa caresse avec la langue. Puis elle descendit ses lèvres vers son ventre, faisant pénétrer la verge de toute sa longueur vers le fond de sa gorge. Avec un art consommé, elle commença un mouvement de va-et-vient, faisant de sa bouche le plus étroit et le plus habile des vagins, mais un vagin actif, sachant porter le contact à l’endroit le plus sensible, apportant une douceur infinie au membre congestionné. Il sentit le plaisir monter à chacune de ses allées et venues. Elle laissait parfois sortir le sexe pour le lécher comme un sorbet, et mieux le reprendre dans son palais, l’enfourner brusquement jusqu’à la glotte. Il se sentit venir et elle coordonna son mouvement pour le laisser éclater au milieu de sa bouche. Des giclées de sperme s’échappaient de lui et gonflait les joues de sa partenaire, elle garda le sexe en elle en même temps qu’elle avalait le liquide en déglutissant. Il se détendit, délivré, soulagé, par cet orgasme où son plaisir avait été multiplié par dix en comparaison de ceux que sa femme lui donnait. Elle le laissa sortir, passa sa langue sur ses lèvres et vint l’embrasser longuement, sentant et goûtant encore son sperme.
Ils vécurent ensuite une véritable passion, forte, stimulante et bonne, comme toutes les passions adultères, se retrouvant dans les hôtels en falafa de la sortie de la ville, puis, quelques mois après, se retrouvant l’été à Paris, dans l’appartement d’une cousine ou des hôtels du quartier latin. Faisant l’amour des heures, ne sortant que pour se restaurer, retournant vite entre les draps… Un jour qu’ils s’étaient pris et dépris dans toutes les positions, il sortait de son vagin et sentit qu’il ne pouvait plus se contenir et allait bientôt jouir. Il lui dit : « prends-moi, je viens », docile elle se pencha vers le membre tendu et le prit dans sa bouche, encore tout gluant de leur étreinte, juste au moment où il déchargeait.
Elle lui raconta son passé et ses amants. Pendant une période de sa vie, elle s’était laissé complètement aller, se donnant à des inconnus par dizaines. Elle avait une vingtaine d’années, étudiante dans une grande ville du Midi. Sa chambre donnait au-dessus d’un café où la jeunesse de la ville se retrouvait. D’abord une fille à la réputation facile, elle devint celle que tout le monde peut prendre, pour rien. Elle se laissait faire, sans trop savoir pourquoi. L’information d’une bonne aubaine s’était répandue dans le milieu étudiant et les garçons défilaient chez elle. Sa porte était ouverte, et, par exemple, elle lui raconta comment un type pouvait se présenter chez elle, qu’elle n’avait jamais vu, entrer et sans dire un mot sortir un sexe en érection et le présenter à son visage. Sans rien dire non plus, elle le prenait jusqu’à ce qu’il jouisse dans sa bouche. Elle n’était plus qu’un instrument, les hommes allaient la voir pour se soulager, pour déverser un trop-plein de sperme, aucune parole, aucune pudeur, ils se servaient d’elle comme ils se seraient masturbés chez eux. L’un arrivait qui la faisait se retourner à quatre pattes sur son lit, soulevait sa jupe, baissait son slip, et l’enfilait sans plus de cérémonie. L’autre entrait, baissait son pantalon et la prenait debout contre un meuble, ou penchée sur une table. Parfois ils venaient à deux ou à trois et l’utilisaient ensemble. Elle se laissait toujours faire sans rien dire, sans plaisir non plus, comme une prostituée gratuite. Le premier la plaçait sur le lit, prenait sa tête par les cheveux et amenait son sexe contre ses lèvres, pénétrait la bouche et la faisait aller et venir sur lui. Un autre se présentait par derrière pendant ce temps et la prenait alternativement dans le vagin et le rectum. Le troisième, excité par le spectacle se masturbait devant les autres, puis s’asseyait au bord du lit pour qu’elle puisse elle-même le finir avec la main. Quand ceux-là avaient joui, ils se retiraient pour laisser la place à d’autres. Cette dérive dura environ un an, jusqu’à ce qu’elle rencontre un homme qui la sorte de là, en fasse son épouse et la mère de ses enfants. Elle se rangea, devint une femme comme les autres, sauf qu’elle continuait à avoir des amants dès qu’une occasion se présentait, et lui n’était qu’un de ceux-là, une énième aventure pour elle.
Cette aventure ne dura pas plus que les autres, car Diane repartit en Afrique après l’été, alors que lui prenait un poste en métropole. Ils s’écrivirent comme des amants impatients, plusieurs fois par semaine, toute l’année. Mais leur histoire avait créé là-bas un mini-scandale et les conjoints respectifs avaient bien sûr tout appris. Sa femme à lui le prit très mal et leur couple commença à chavirer. Un an après, ils étaient en train de divorcer quand il revit sa maîtresse. Les problèmes du divorce, avec les enfants, le conflit qui devenait atroce avec sa femme, lui occupaient l’esprit à tel point, qu’il n’eut pas de plaisir à la revoir. Ils se séparèrent amers et conscients que leur passion venait de s’éteindre. Il lui fit l’amour à l’hôtel sans désir, sans plaisir, arrivant à peine à maintenir une érection. Il avait hâte de la quitter, car il se rendait compte que son aventure lui avait coûté tout ce à quoi il tenait. Sa famille était en train de se détruire et il avait devant lui toutes les péripéties d’un divorce douloureux.