CONTES DU MILLÉNAIRE
LES AVENTURIERS OUBLIÉS
1010-2010
Denis Clair Lambert
Janvier 2013
Prologue
Comment en vient-on à écrire un roman ?
Envie d’écrire, de se raconter, d’évoquer ses proches, ses amis, son enfance peut être une impulsion. Non, je ne vais pas vous raconter les frustrations de mon enfance, mes amours ou les turpitudes de mon voisin ! Il existe une autre incitation : l’exercice de son imagination. Souvent c’est un fantasme de dormeur à demi éveillé ou celui du conteur, qui invente au fur et à mesure des histoires pour capter l’attention des enfants. L’histoire est parfois un conte arabe sans fin qui fascine les milliers de spectateurs de la place Djemaa-el-Fna. Le récitant évoquera les prouesses de héros et d’héroïnes du passé. Cette envie m’a toujours habité, sans pour autant se concrétiser par l’écriture.
Quand j’étais enfant au Brésil, j’ai entendu la plupart des contes du folklore brésilien, dans lesquels les légendes indiennes et africaines ont une place beaucoup plus importante que les récits des épopées du Portugal. Vous en retrouverez des réminiscences dans les aventures d’Iracema, la parvenue de Rio.
De retour en France, jeune adolescent je lisais avec avidité les contes de Jules Vernes et d’Alexandre Dumas, mais également des récits aussi exotiques de la collection « contes et légendes » (j’adorais Baba Yaga) ou les chroniques lointaines d’expéditions (la découverte de l’Orénoque, les sources du Nil, l’or de l’Alaska) dans la collection « le tour du monde ». Cet imaginaire s’est estompé pendant ma longue formation d’universitaire, où mon temps de lecture était guidé par les examens et concours.
Vient le temps du mariage et des enfants : je retrouve alors l’inspiration de l’imaginaire et le soir à la veillée, au coin du feu de bois, j’ai raconté pendant une dizaine d’années à un cercle d’enfants (les miens et ceux des cousins et amis) des histoires à épisode que j’inventais au fur et à mesure. Influencé par Hergé et Tintin, que tous ces enfants avaient lu, je leur racontais souvent l’histoire de « Giripoca et Pinginha » : deux enfants-reporters perdus au fond de la forêt vierge ! Les enfants ont grandi et les histoires se sont envolées, je les ai oubliées.
Une nouvelle passion : la peinture et le voyage.
La peinture a été une envie aberrante, car je n’avais jamais brillé dans des cours de dessin, mais j’avais une bonne aptitude pour tracer des cartes ou des dessins d’anatomie.
Alors un jour j’ai voulu peindre. Au début je croyais faire des toiles impressionnistes, des nymphéas, et tout ceci s’est transformé en toiles abstraites : là au moins on peut inventer ce que l’on veut ! J’ai cédé dans cette première période à la séduction des couleurs vives, car l’abstraction en noir et blanc m’inspirait des visions sinistres. J’ai alors constaté que je n’étais pas mûr pour l’abstraction pure ; je pensais toujours à un objet ou un paysage. Depuis j’ai préféré les couleurs pastel et le dessin représentatif. La peinture abstraite fut une passion éphémère de quelques années, tentative également envolée.
Ce sont les voyages qui ont relancé mon envie de peindre : des huiles, des gouaches et des aquarelles, une petite cinquantaine de toiles. J’ai effectué 250 voyages dans 50 pays sur quatre continents (pas en Australie). Mes nombreux séjours à Venise ont été l’occasion de débuter ; ma femme me retrouvait toujours sur un pliant esquissant des gondoles et des campaniles ou en face de mes églises préférées. Cette fois je tentais une peinture représentative, pour laquelle il me fallait perfectionner mon sens de la perspective. En fin de compte, j’ai même fait une exposition. Le démon de l’imagination ne me quittait pas, car même dans mes représentations des spectacles de Marrakech, des temples d’Angkor ou des églises coloniales du Guatemala, je ne pouvais échapper à la malice en introduisant quelques rébus (le jeu des sept erreurs était alors très populaire), des détails cachés, comme le firent les artistes de la Renaissance.
Le choix de mes contes
L’idée qui m’a guidé en construisant ce roman, commencé en 2010, a été de choisir dans le millénaire qui vient de s’écouler, un héros ou une héroïne pour chaque siècle. Le premier personnage (le moine Andrade) serait né à la fin de la première décennie de l’an 1000 : un bébé abandonné dans un couvent du Portugal. Chacun aurait vécu dans l’environnement de son époque. Les églises et les religions sont très présentes dans les contes des époques reculées, car elles sont au centre du pouvoir. Plus nous approchons de notre génération, plus la religion s’efface, du moins en Europe. En revanche, les inventions et leurs applications pratiques occupent une place croissante. Les guerres ont traversé tout le millénaire, mais les héros modernes sont rarement des guerriers. Ces inconnus de légende vont apparaître au Moyen Age, à la Renaissance, à l’apogée de Byzance, Venise ou Amsterdam, à l’aube de la civilisation des Lumières et de la révolution industrielle, enfin hier et même demain …
Mes personnages ont un nom, un prénom et un lieu de naissance, ce qui ne signifie pas un état-civil archivé … Il est bien évident de toute homonymie serait pure coïncidence. Comme je m’identifie à eux, sans pour autant être un aventurier, je finis par être persuadé qu’ils ont existé et que l’histoire les a oubliés.
Ces récits ont une autre particularité : ils sont presque tous situés dans des pays différents, à des époques souvent reculées, en France bien sûr, à Paris, au Périgord ou en Vendée, mais le plus souvent dans des contrées qui vous sembleront exotiques. Les uns sont devenus explorateurs au Moyen Orient, en Amazonie ou en Indonésie, d’autres seront des inventeurs en Europe ou en Amérique. Certains ont été combattants, tel le moine Andrade, d’autres alchimistes et guérisseurs, tel Gaston Castelbajac, d’autres navigateurs ou botanistes, tel que le jeune Sean O’Connor et Louis Avelineau. Cette diversité de lieux n’est pas un hasard, elle a été inspirée par mes carnets de voyages et par mon affinité pour les langues étrangères ; je suis un « afficionado » du castillan et de l’anglais !
Enfin, me direz vous, cher lecteur, ces nouvelles sont de pures fictions, sans documentation. Ne vous trompez pas : un universitaire, qui jusqu’alors avait toujours référencé ses écrits, ne peut pas se passer de documentation. L’histoire de la compagnie néerlandaise des Indes occidentales, celle du royaume de Kiev ou de la magistrature des eaux à Venise ne s’invente pas, et les fantasmes de l’astronautique moins encore. Comme je devais terminer ma saga par l’année 2010, ne vous étonnez pas si ma dernière nouvelle relève de l’anticipation !
Et, dernier avertissement avant d’entamer votre lecture, si mon curieux prénom vous surprend, c’est du fait que je suis né à Saint Clair à Lyon.
Denis Clair Lambert
PLAN
Les contes que nous vous proposons sont des fictions et non des récits historiques. Nos héros sont imaginaires, toute homonymie serait simple coïncidence.
Chaque année, en partant de l’an 1010, de siècle en siècle, marque la naissance de l’un des ces héros. Au fil des siècles, beaucoup d’inconnus ont vécu des histoires extraordinaires. Il ne leur manquait qu’un conteur.
pages
1010 Le cheval blanc du moine Andrade 6
1110 La nièce du Boyard de Kiev 18
1210 Le botaniste, le jardinier et l’évêque de Durham 28
1310 Le fils chinois de Marco Polo 39
1410 Le gardien de la douane de mer à Venise 50
1510 L’alchimiste de Diane de Poitiers 61
1610 Le singe savant de Jan Grotius 77
1710 Les lunettes de Benjamin Franklin 87
1810 Iracema da Mangueira, la parvenue de Rio 97
1910 Le député bonapartiste imberbe 108
2010 Siden Bertlam, explorateur du bout du monde 120