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Chroniques confinées (III)

Le droit, la liberté et le réel (5 mai)

Dans les faits, nos grandes libertés constitutionnelles sont limitées et dans certains cas carrément suspendues (ce que le Bourgeois Belge Conservateur que je suis croyait impossible dans son pays). Nos grandes libertés de travailler, de nous réunir, de manifester, de nous déplacer librement sont désormais en veille.

En droit, si on veut limiter ou suspendre temporairement certaines libertés, il faut un objectif légitime, l’adéquation des mesures qui doivent être prises dans la légalité et être proportionnelles à l’objectif poursuivi.

Quand l’usine chimique de Rouen a pris feu, on a interdit aux habitants de sortir de chez eux. Personne n’allait crier à la violation de nos droit fondamentaux.  Si quand nous sortons de chez nous, le choléra, la peste ou Ebola nous tue de façon certaine, nous allons accepter de rester confinés (spontanément, sans avoir à risquer une verbalisation policière). Après tout, la condition de possibilité de toute liberté, c’est d’être vivant.

Mais le Corona est-il le cholera ?  Pas dans nos peurs, dans le réel. Le Covid 19 est-il si dangereux qu’il légitimise des mesures tellement attentatoires à nos libertés ? La légitimité ne doit-elle pas être passée au filtre du réel ?

La limitation de nos libertés doit être légale. Dit autrement, les mesures prises doivent respecter les formes et compétence de chaque pouvoir. Dans la Belgique fédérale, ça pose quelques problèmes, mais là n’est pas le propos.  A priori, les règles de prise de décision ont été respectées (les parlements ont été consultés). Mais la légalité implique aussi la sécurité juridique : chaque citoyen doit pouvoir évaluer les conséquences juridiques de ses actes. Où est la sécurité juridique quand les règles changent tout le temps ? Il y a deux jours, sur le site de l’inspection automobile belge, il était indiqué que la validité de tous les contrôles techniques était prolongée de six mois, aujourd’hui 5 mai, ce n’est plus qu’un mois sauf pour les voitures qui auraient dû passer en mars. Quand nous nous déplaçons, comment être certain que notre motif est légal ?

On croit toujours que dans les dictatures, tout le monde marche au pas. Rien n’est plus inexacte, dans une dictature, tout le monde est roublard et triche plus ou moins avec les règles, tout simplement parce que celles-ci sont tellement mouvantes, nombreuses et contradictoires, qu’il serait de toute façon impossible de les respecter. Le pouvoir dictatorial ferme largement les yeux sur les combines, le marché noir etc. Le revers de la médaille (pour les libertés), est que si vous vous faites remarquer comme dissident, le pouvoir dictatorial trouvera toujours une raison parfaitement légale de vous mettre en prison. Ne sommes-nous pas passés du « nul n’est censé ignorer la loi » au « nul n’est capable de suivre les changements » de celle-ci ?

Le confinement doit aussi être adéquat et proportionné. Il faut non seulement qu’il soit absolument nécessaire, entendez, qu’aucun autre moyen n’était possible, mais il faut aussi qu’il soit STRICTEMENT nécessaire. Même si c’est efficace, on ne peut pas utiliser un canon pour tuer une mouche, le jeu (confinement et suspension de nos libertés) doit en valoir la chandelle.

Nos grandes libertés ont été suspendues au risque de créer une crise économique et sociale sans précédent dans l’histoire moderne. Il fallait vraiment qu’il y ait le feu au lac !

Situation au 5 mai : 8,000 morts en Belgique, confinement stricte, suspension de facto de la constitution, 11 millions d’habitants. … 7,000 morts en Allemagne, confinement limité, 83 millions d’habitants…2,800 morts en Suède, pas de confinement, libertés maintenues le plus possible, 10 millions d’habitants…5000 morts en Hollande (pays le plus dense du monde) pas de confinement, commerces ouverts, pari sur le bon sens des gens, 17 millions d’habitants…26,000 morts en France, confinement stricte, 67 millions d’habitants.  Je vous laisse faire les calculs.

Oui mais, on ne calcule pas pareil !! Ne tordons-nous pas le réel pour le rendre légal, légitime, adéquat et proportionné ?

La grippe espagnole a fait 50 millions de morts sur une population de 2,5 milliards d’habitants. Combien de morts a fait le Corona sur une population 3 fois plus nombreuse ?

Demain, le traçage par smart (c’est le cas de le dire) phone des idiots que nous sommes sera-t-il légitime, adéquat et proportionné ? Quid de la vaccination obligatoire ?

 


 

Responsable ou coupable ?

L’article 1382 du Code civil stipule : “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.” En droit civil, nous ne sommes jamais coupables, seulement responsables. Le droit civil est dans une logique de réparation et de pardon. Si vous avez eu un comportement fautif, qu’il a entrainé un dommage (et qu’il y a un lien de causalité efficient entre le dommage et votre faute) alors vous ne serez pas puni, mais devrait seulement réparer votre faute (en payant des dommages et intérêts). Pour savoir si vous avez commis une faute, le juge va se poser la question suivante : Comment une personne normalement prudente et diligente (proactive) se serait-elle comportée dans la même situation ? S’il estime qu’une bonne mère (ou père) de famille se serait comporté plus prudemment et/ou pro activement que vous dans la même situation, il jugera que vous avez commis une faute.

Nos politiques ont-ils géré la crise en bons pères (mères) de famille ? Certes, la critique a postériori est facile, mais nous pouvons comparer : Dès janvier, l’Allemagne fabrique des tests et des masques, les USA interdisent les vols en provenance de Chine.  En France et en Belgique, c’est une gripette. Le nombre de lits en soins intensifs par habitant est deux fois plus élevé en Allemagne qu’en France[i]. Le 7 mars Macron va au théâtre pour inciter les Français à sortir malgré le coronavirus[ii], le 11 Merkel prévient que le virus pourrait toucher 60% de la population, mais depuis des semaines l’Allemagne teste massivement et isole les malades (ce qui lui permet de moins devoir restreindre les libertés).

Qui n’a pas mis en œuvre tous les moyens pour traiter cette situation de manière prudente et diligente ? Par ces motifs, plaise à la cour …

En droit pénal, on n’est pas « responsable », on est coupable[iii]. C’est la grande différence avec le droit civil. Si vous violez la loi, vous êtes coupable et serez puni, que votre comportement ait ou non causé un dommage (pensez aux excès de vitesse par exemple). Ce qui va faire basculer un comportement « fautif » vers le délit pénalement punissable, c’est par exemple l’intentionnalité. Si vous commettez une faute intentionnelle, elle devient un délit (et votre assureur en responsabilité civile ne vous couvre plus). Le délit peut être une abstention comme par exemple la non-assistance à personne en danger. Un autre type de délit prévu par la loi est celui de la « mise en danger de la vie d’autrui ». Si par exemple vous traversez un centre-ville à très vive allure à l’heure de la sortie des écoles, même si vous ne causez aucun dommage, vous serez poursuivi pénalement.

Disposer d’informations depuis au minimum début février sur la contagiosité et dangerosité du virus en Chine, Corée puis Italie et aller au théâtre début mars pour inciter les Français à sortir, n’est-ce pas intentionnel ? Le lundi  16 mars, le Président Macron annonçait l’état d’urgence et donc la fin temporaire (croisons les doigts) de la séparation des pouvoirs. L’exécutif peut, sans l’accord du pouvoir législatif, suspendre par ordonnances les grandes libertés constitutionnelles. Il justifiait cet état d’urgence par ces mots : « Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire, certes : nous ne luttons ni contre une armée, ni contre une autre Nation. Mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale. ».

Le danger est tel qu’il le compare (14 fois !) à une « guerre ». Comment qualifier alors le maintien du premier tour des élections municipales dans toute la France LA VEILLE ?! Le corona virus est-il apparu de nulle part le lundi matin tel une Blitzkrieg vitesse lumière ? N’y a-t-il pas dès lors, une intention de nuire (combien d’assesseurs sont morts ?) ou à tout le moins une mise en danger de la vie d’autrui ?

Si demain on s’aperçoit que le protocole Raoult donne des résultats, comment devrons-nous qualifier l’intention qui se cache derrière la reclassification en janvier 2020 de la Chloroquine comme produit vénéneux ne pouvant être prescrit qu’à l’hôpital, alors que, comme l’aspirine, elle était en vente libre depuis près de 80 ans ?

Par ces motifs, plaise à la cour…


 

Dans le réel, d’autres solutions ont été appliquées, moins attentatoires à nos libertés. Testing massif, éloignement et traitement des seuls malades en Allemagne, immunité collective en Suède, traitement à la chloroquine+ antibiotiques dès les premiers symptômes, voire carrément en prévention, dans d’autres pays.

Vous pouvez me sortir toutes les arguties statistiques sur le comptage des morts, dans les faits, nous avons adopté la jurisprudence chinoise (confinement et suspension des libertés) alors que ça n’était pas forcément la solution la plus adéquate et proportionnée. Avec le traçage nous nous apprêtons à faire pareil. Le modèle chinois est-il le seul possible ? Une décision politique n’est-elle désormais bonne que si et seulement Xi Jinping ?  La Chine est-elle un modèle de respect des libertés individuelles ?

Un lecteur attentif pourrait se dire : « Si je comprends bien son raisonnement, il fallait faire comme les Suédois et ne pas confiner mais Macron est coupable de ne pas avoir confiné assez vite ?! ». Le reproche pourrait être résumé par l’image suivante :[iv]

Je répondrais néanmoins que si le reproche est légitime et légal (quoique, la liberté de s’exprimer et de débattre est-elle toujours légale ? Ne se limite-t-elle pas désormais à glorifier la vérité officielle et à honnir les fakes news ?), il n’est pas adéquat. En effet, si le virus est dangereux, alors effectivement les juristes suédois ou hollandais vont avoir du pain sur la planche, mais alors, pourquoi avoir attendu si longtemps avant de nous confiner en France ou en Belgique ? Pourquoi ne pas avoir, dès janvier, fait produire des tests et des masques en prévision de la tempête annoncée ? Les Allemands l’ont fait, si madame Merkel s’est comportée en bonne mère de famille, a contrario monsieur Macron ne s’est pas comporté en bon père de famille. Si maintenant le virus n’est pas plus dangereux qu’une grippe un peu sévère, les juristes suédois et hollandais n’auront rien à dire, mais alors pourquoi avoir suspendu nos libertés si fortement et si longtemps et avoir mis en danger la vie économique sociale et mentale de nos sociétés ?  Mon argument peut être résumé par l’image suivante[v] :

La stratégie la plus prudente et diligente (équilibrée en somme), face aux incertitudes du Corona, semble avoir été la stratégie allemande.

Quoiqu’il en soit, je n’aimerais pas être juriste aujourd’hui, j’aurais le tournis.

 

Tous d’accords, sur rien

Cette crise est une crise de croissance de l’humanité. Plus rien ne sera pareil après, nous allons tous grandir en sagesse, tous comprendre que nous devons changer nos comportements. Sauf que, à y regarder de plus près, nous sommes tous d’accord sur le constat, mais pas forcément sur les causes et donc encore moins sur les solutions.

Prenons la santé : personnellement, je suis intimement convaincu que le délabrement de nos hôpitaux est la conséquence des politiques d’austérité imposées par l’Union Européenne pour sauver l’euro, monnaie sur-mesure de l’économie allemande, qui a du coup les moyens (excédents budgétaires) de tester 500 000 personnes par semaine.

Une monnaie sur mesure : Quand vous achetez un produit à l’étranger ou un produit étranger, vous devez faire un travail de traduction. Si on vous donne un prix en Dollars, vous traduisez en euro. L’industrie allemande est à haute valeur ajoutée et a donc pu profiter d’un Euro fort. Prenons l’exemple de l’automobile. Les voitures allemandes attirent une clientèle qui a les moyens et pour qui la qualité prime sur le prix. Les voitures françaises, italiennes ou espagnoles sont davantage de moyenne et basse gamme, le prix y est un facteur important de choix pour le consommateur final. Prenons un Américain qui veut acheter une Porsche. Elle coûte 100 000 euros. Si 1€ = 1 $ notre Américain traduira que la voiture va lui couter 100 000 $. Si 1 € vaut 1.20$ il traduira que sa Porsche va lui coûter 120 000 $. Mais ça n’est pas très grave, quand on est prêt à acheter une Porsche, une Audi, une Mercedes ou une BMW, le prix n’est pas le facteur déterminant. Une augmentation de celui-ci peut même parfois faire augmenter les ventes, les acheteurs sont contents de pouvoir faire étalage de leur fortune. Prenons maintenant l’Américain moyen qui hésite entre une Renault, une Fiat, une Seat ou une Ford : quand 1€=1$, si chaque voiture européenne coûte 10 000 € et que la Ford coûte 10 000 $  le consommateur américain peut choisir selon ses goûts. Si 1€ vaut 1.20$ il traduira que ça va lui coûter 12 000$ pour acheter une Seat, Renault ou Fiat alors qu’il pourrait avoir une Ford pour 10 000$. Le consommateur US moyen choisira la voiture la moins chère. Avec l’Euro fort, les industries de l’Europe latine ont perdu en compétitivité (sauf l’industrie du luxe). Avant l’Euro, pour être plus compétitives, elles dévaluaient leurs monnaies, pour booster leurs exportations (et renchérir leurs importations).

 

Je ne comprends pas comment on peut expliquer autrement notre sous-développement sanitaire. Puis je vois sur BFM-TV le président de la région « grand-est ». Il est visiblement marqué, fatigué, on voit qu’il est sincère dans sa volonté de gérer la crise et qu’il est au charbon, il a des cernes. Pendant l’interview, lui aussi fustige la dégradation des soins de santé…depuis la réforme des 35 heures.

Nous sommes d’accord sur le constat, mais sur ses causes et donc les solutions, rien ne bouge.

Au fond, sincèrement, en vous regardant au fond des yeux : avez-vous changé ?

Moi pas, j’ai juste un peu mal au ventre, comme quand j’avais des pierres.

 

Nous allons devoir faire des sacrifices…toi-même !

Tout le monde est d’accord sur ce constat. Le problème c’est le sadisme. Tout le monde exige un sacrifice…des autres. Celui-là partage une pétition pour réclamer la fin des voyages en avion, avion qu’il ne prend jamais, mais il a un appart à la mer où il se rend en voiture. Je n’ai pas d’appart à la mer, je l’inviterais bien à signer une pétition pour réclamer la fin des résidences secondaires. Tel autre, fortuné, prône la fin de l’économie low-cost mortifère pour l’écologie. Je gagne 2,200 euros par mois. Pour pouvoir investir dans l’écologie, je prônerais bien la surtaxation des fortunes et le plafonnement des salaires. Et ce rentier qui réclame qu’on puisse travailler 60 heures/semaine pour sauver l’économie. Je n’ai aucune épargne, aucune action. Pour sauver l’économie, je réclamerais bien la taxation de l’épargne et du capital.

Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde…toi d’abord !

 

[i] https://www.brut.media/fr/news/gestion-de-la-crise-du-coronavirus-france-vs-allemagne-4c837d86-56d7-4a28-a850-2fade2d7397a

[ii] https://people.bfmtv.com/actualite-people/emmanuel-et-brigitte-macron-au-theatre-pour-inciter-les-francais-a-sortir-malgre-le-coronavirus-1870852.html

[iii] On peut être coupable pénalement et responsable civilement (si notre délit a causé un dommage). On peut aussi n’être que coupable (pénalement) mais pas responsable (civilement) si on brûle un feu sans causer de dommage par exemple. On peut enfin n’être que responsable (civilement ou politiquement) mais pas coupable (pénalement) si par notre faute nous causons un dommage non intentionnel par exemple.

[iv] https://www.sophie-legall.com/post/2018/03/26/la-peur-du-jugement-ou-comment-se-foutre-de-ce-que-pensent-les-autres

[v] http://dimdamdom59.apln-blog.fr/on-ne-nous-dit-pas-tout/