Le quasiment rien est plus grave, infiniment, que le rien. Le rien n’existe pas et c’est là son bonheur — impossible. Le rien, c’est la chose impossible. Le quasiment rien existe et ce n’est pas là son malheur, mais son désespoir.
Le diable est dans le détail, dit-on, dans la nuance autrement dit, infernale à jamais. Celle qui s’interdit la mise en boîte de son être ou du quasiment rien.
La nuance ne tient pas dans un scandale, le scandale constituant une forme de résistance, de mise à distance : l’ « objet » du scandale, précisément. La nuance ne tient pas en place : elle clignote, gigote en l’impossibilité de ne pas être nuancée et nuançante. Elle souffre de ce qu’elle est — possédée. Possédée par personne d’autre qu’elle-même.
Cette solitude la laisse unique mais ne l’avance pas et la plonge dans une singulière singularité. Car être unique n’est-ce pas au fond ne ressembler à rien — d’autre que soi ? Être condamné à ne pas être seulement mais à se ressembler d’abord, voilà l’ironie d’une existence ou le vacarme de ses ricanements emplissant un fond sans fond et montant à la tête. Un bruit de dingue voué à la répétition de ce qui n’a pas de commencement. Les pieds pris dans le rictus, la laideur ou l’abcès incontournable d’une vie qui s’essouffle dans ses pores et qui, pourtant, à la lueur d’une toile de Vassili K., pour un temps, le temps du regard, s’apaise. Le nœud qui voudrait se défiler, la gorge serrée qui ne parvient pas à mourir se détend. Savoure l’éclosion non de formes mais d’une formation : quelque chose m’ouvre à quelque chose. Quelque chose qui n’est pas fixé du regard.
Pour un temps donc, unique en son genre… L’art ne se sauve pas…