Chroniques

Les Grandes Vacances à Jolimont – Quand les Vacances duraient 3 Mois – Deuxième Partie

 *     Dans les années 50, au XXème siècle, les grandes vacances duraient 3 mois.

Les écoles étaient closes du 1er juillet au 30 septembre.

Une longue période de « liberté » s’ouvrait alors pour tous les élèves.

Certaines familles avaient les moyens de prendre des vacances. D’autres envoyaient leurs enfants dans la famille, à la campagne, ou en colonies de vacances.

Ce n’était pas le cas dans la famille Séguéla, où, faute de moyens et de relations familiales ou amicales, on passait l’été à Jolimont, dans notre petite maison du 27 bis rue Dessalles.

Ennuyeuses ces vacances ?

Pas le moins du monde…

Suite de la Première Partie :

Les jeux sur le Tapis avec des Billes (Boules)

Il me fallait peu de choses pour m’occuper longuement.

Un tapis, des billes, quelques cubes de bois, et de la craie, plus quelques figurines de coureur cyclistes, peintes avec les maillots nationaux, et j’organisais le Tour de France. Chaque coureur avait un nom, je dessinais un parcours (variable) sur le tapis, c’était l’étape, et je poussais les billes avec le pouce, pour faire avancer les coureurs à tour de rôle. Cela me suffisait pour réaliser une étape, en noter le classement, établir le classement général, et ainsi de suite jusqu’à la fin du Tour.

Je procédais de même avec le championnat de France de football, chaque équipe étant représentée par onze billes (dont une plus grosse pour le goal), qui était placé au milieu des buts en bois. Une autre bille servait de ballon, qu’il fallait pousser dans les buts.

Chaque match durait 10 minutes, il y avait 18 équipes, dont 9 matches par journée, et je réalisais un championnat complet. J’essayais bien sûr de rester objectif, mais peut-on vraiment l’être à 8 ou 9 ans, et le TFC devait gagner plus souvent que dans la réalité.

C’était encore mieux quand je pouvais disposer d’un adversaire sachant manier les billes, les confrontations devenaient plus intéressantes et plus ouvertes, sachant que j’étais très adroit aux billes (on disait « boules » dans le langage populaire toulousain.

Les collections

Quand on ne possède rien, on a une soif d’accumulation et on se met à collectionner tous les objets dignes d’intérêt. Mon père mettait bien de côté les bouts de ficelle et de fil de fer : « ça peut toujours servir ! ».

Ma collection la plus sérieuse fut la philatélie, qui entraînait une chasse aux timbres dans la famille et chez les amis, et des échanges avec les copains, français puis étrangers.

Avec l’espoir que nos timbres prendraient de la valeur avec le temps…ce qui s’avéra, avec le recul, une vraie chimère. Seuls les timbres émis avant notre naissance prirent de la valeur, et à partir des années 60 les émissions furent pléthoriques, ce qui les condamnait à rester de faible valeur.

Aujourd’hui, j’en suis réduit à utiliser mes timbres de collection pour affranchir le courrier.

Mais cette activité avait l’avantage d’ouvrir une fenêtre sur l’histoire, la géographie et les arts de tous les pays du monde : un bon apport culturel !

Tout aussi intéressante la collection d’images contenues dans les tablettes de chocolat. Suivant les sujets traités, on changeait de marque, passant de Meunier à Cémoi, de Cantalou à Nestlé et à Poulain. Peu importait le goût et le coût du chocolat, ce qui comptait, c’était « l’image » contenue, que l’on s’empressait de coller dans l’album, sinon on échangeait les doubles avec les copains. Les épiciers malins constituaient une bourse d’échange, pour ne pas décourager les jeunes collectionneurs.

Album Nestlé et Kohler 1956/1957 : Les Merveilles du Monde, et page consacrée à la cathédrale de Monréale

J’avais aussi entrepris une collection de belles pierres et de fossiles, à partir de la classe de 5ème où l’on s’intéressait à la géologie, et par dérive avec mon copain Danis à la paléontologie.

Quand on collectionne les timbres, on s’intéresse à la géographie, donc aux cartes postales qui permettent de visualiser le monde. Ces cartes étaient rangées dans des boîtes à chaussures, et un de mes plaisirs était de les classer en fonction de leur beauté.

Je me souviens qu’une vue de la baie de Naples avec un grand pin au premier plan, était ma préférée.

Plus tard, à partir de 14 ans, au cours de mes voyages à l’étranger, je collectionnerai aussi les écussons des pays visités, à commencer par les villes allemandes, avec de magnifiques aigles à deux têtes.

Les Corvées Domestiques

On pouvait considérer les corvées domestiques comme des occupations ludiques. Ma mère savait nous intéresser à la préparation des repas, et nous apprenions à éplucher les légumes, peler les pommes de terre, et les fruits destinés à faire des confitures. Pour animer ces tâches ancillaires, nous faisions la course pour traiter la plus grande quantité : l’esprit de compétition était pour moi une constante que je réussissais toujours à introduire dans mes activités, ce qui a souvent perturbé les adultes chargés de m’encadrer…

N’ayant pas de fille, ma mère ne pouvait lui transmettre son savoir, et elle respectait notre genre, car dans sa culture italienne, il y avait des tâches spécifiques aux filles, qu’elle ne voulait pas nous imposer.

C’est moi qui ai insisté pour apprendre à tricoter, et à faire de la chaînette.

Si l’on voulait jouer à la dinette, il fallait aller chez des amis ayant des filles de notre âge. Sur ce point, : mon frère Bernard a eu plus de chance que moi : la génération 1944, dans mon environnement, étant presque essentiellement masculine

Scène de vacances autour du bureau de travail de mon père, debouts Colpic et ma grand-mère Cisella, surnommée La Baronne par son gendre, assis mon frère et moi, à droite ma mère. Sur la table, on distingue la boîte à cigarettes de mon père et son tampon-buvard

Les Sorties du dimanche au bord des rivières  

Pendant l’été, nous apprécions particulièrement les sorties en voiture du dimanche, essentiellement pour aller pêcher au bord d’une des nombreuses et belles rivières de la région toulousaine. Le niveau de l’eau étant bas, des plages de sable se dégageaient, et on pouvait jouer avec nos voitures miniatures, nos coureurs cyclistes et les quelques soldats ou cavaliers que nous avions pu obtenir, malgré l’opposition morale de nos parents à tout ce qui pouvait évoquer l’armée et la guerre.

Été 1953, avec mon père à la pêche au bord de la Lèze

Ces journées en plein air, à la campagne, avec nos parents, c’était une vraie échappée dans la nature et l’air pur.

La pêche à la ligne n’était qu’un prétexte pour justifier ces escapades champêtres, nous ne mangions pas les poissons, qui le plus souvent étaient rejetés à l’eau.

La pêche miraculeuse a toujours été un espoir jamais réalisé.

Et les pique-nique en famille préparés par notre mère, resteront dans nos mémoires.

Nous n’étions pas toujours 4, mon oncle Louis et sa famille venant souvent nous accompagner, pour des repas améliorés. Il y avait plus rarement des amis.

Quelquefois, s’il y avait trop de vent pour pêcher, il arrivait que l’on aille découvrir un site pittoresque ou historique, comme il y en a beaucoup dans la région toulousaine.

En conclusion, les grandes vacances offraient une large variété d’activités.

J’en oublie certainement quelques autres, comme les grands repas à plusieurs plats offerts par mes parents aux invités, parents ou amis. Les repas étaient copieux et riches, il fallait montrer une certaine aisance, mais ils traînaient en longueur, et l’alcool aidant, il fallait supporter les saillies pas toujours très fines de certains invités. C’était alors le moment de nous éclipser entre la poire et le fromage, pour revenir au moment du gâteau au chocolat, un succès culinaire de notre mère…

C’est en 1956 que nous partîmes pour la première fois en vacances en famille, dans un camp du Touring Club de France, aux Sables d’Olonne, durant 2 semaines. Mais il restait encore 2 mois et demi à la maison, beaucoup de temps pour profiter de cette immense liberté favorable à la créativité, au sport et à la culture.

Ces 3 mois de vacances sans contraintes, avec une totale liberté d’action et de création, c’était peut-être cela le bonheur !

*photo titre :mon frère Bernard armé d’un revolver et moi d’une carabine en bois

Fin de la Chronique