Mondes caribéens

De la quête de l’eau à la perte du sang dans “Gouverneurs de la rosée” de Jacques Roumain

 

Dans une structure textuelle certains signes s’imposent de manière à posséder la base de sa signification globale. Ils constituent ici le noyau même de la significance de l’œuvre au point que ne pas en tenir compte pourrait fausser sa compréhension ou la saisie de son contenu réel. Ceci se justifie soit par leur récurrence, soit par le rapport qui les lie sémantiquement aux autres signes textuels. Autant de fois qu’un signe linguistique apparait dans une structure textuelle, cela lui confère non seulement une attention particulière mais aussi une valeur spéciale par rapport aux autres signes. De là, sa relation avec les autres devraient jouer un rôle important dans la trame de l’évènement narratif. Il porterait en lui une dose suffisante de la signification du texte. En cela, sa prise en considération permet au lecteur de mieux se rapprocher de non seulement de l’expression symbolique de non-dits explicites de l’œuvre mais aussi de sa portée réelle. Voilà pourquoi il serait imprudent de se passer de sa récurrence.

En effet, l’eau et le sang se posent, s’imposent, s’opposent, s’appellent et se complètent dans cette œuvre en analyse ici. Elles se posent et s’imposent car on en parle tellement du début jusqu’à la fin. Même si parfois on les cite pas nommément mais on en parle sous différentes manières. La sècheresse qui frappe Fonds-Rouge est une absence d’eau vitale pour l’homme, une sécheresse qui se manifeste non seulement sur la nature devenue invivable mais aussi par la crise dans les relations humaines. L’eau citée implicitement ici sera finalement découverte. Mais de son côté, le sang avait déjà coulé de la mort de Larivoire, parent de Gervilen, puis il va encore couler par la mort de Manuel, sous le coup doublement vindicatif de ce même Gervilen Gervilius, amant et cousine de Annaise, la fiancée de Manuel. Même s’il parait moins cite que l’eau mais il pese plus socialement. Perdu d’un cote et devenu source de division, par la mort de Larivoire, il sera par la suite une la source de réconciliation, par la mort de Manuel, mort en pleine course de la recherche de l’eau. L’eau appelle le sang et le sang appelle l’eau ici. L’eau va laver le sang qui va couler du cops de Manuel.

C’est cette sorte d’itération isotopique de ces deux liquides, qui nous a poussé à en chercher la symbolique dans Gouverneurs de la Rosee de Jacques Roumain. Ces derniers, s’affichent en actants non moins importants dans ce roman. Avant d’aller de l’avant il serait nécessaire de dire un mot du concept d’actant. La perception d’Anne Ubersfield (1961) en a la primeur : « Un actant s’identifie donc à un élément (lexicalisé ou non) qui assume dans la phrase de base du récit une fonction syntaxique (88). Greimas (1996), de son côté, renchérit en disant : ‘’Les actants sont des êtres ou choses qui a un titre quelconque et de quelque façon la plus passive participent au procès (86)’’. Nous pouvons même aller plus loin en faisant référence Ternière dans L’approche actantielle du personnage

                        Les actants désignent les rôles les plus essentiels et fondamentaux car ils sont dotés de fonctions spécifiques. Ces fonctions sont souvent déterminées dans une structure actancielle positionnelle : sujet /objet ; destinateur / destinataire ; ou oppositionnelle : adjuvant /opposant. Donc, l’actant ne désigne pas seulement le héros, mais il peut aller même du phénomène le plus simple, le masque ou le costume de l’acteur, au plus complexe, un état psychologique ou un épanchement lyrique par exemple (46).

      Par ces quelques notions du mot actant, nous pouvons voir que l’eau et le sang, loin d’être des personnages au même titre que ‘’dramatis personae’’, expression latine qui signifie : ‘’le personnage du drame’’, ils occupent une place prépondérante dans le roman de l’écrivain haïtien. L’un et l’autre feraient penser à des éléments symboliques. Cette corrélation des deux éléments éloignés, l’eau clos sous la terre et le sang clos dans le corps de l’homme ; la parenthèse de sang comme dirait Sony Labou Tansi (1981). Eloignés, dans la lecture du roman, on peut facilement voir que l’eau et le sang occupent une place prépondérante. Les fonctions textuelles respectives confèrent une communauté de sens au roman, produisent toute sa significance, jusqu’à constituer le centre même du texte. L’un et l’autre feraient penser à des éléments symboliques. Il s’agit du sang qui confère vie à l’eau qui en a rajoute autre. Mais le sang d’un être vivant à l’eau de la nature.

Le gain vaut-il la perte ou la perte compense-t-elle le gain? Au clair, l’eau découverte compense-t-elle le sans   perdu ? La structure du roman se présente comme une toile où la perte de l’existant-le sang humain, celui de Manuel-ouvrirait la porte à l’inexistant-l ‘eau dont a tellement besoin le peuple de Fonds-Rouge, pour la continuité de la vie. Cette démarche s’inscrirait dans l’ordre des substrats mythiques et figures symboliques, selon la parole d’Amadou, Ouédraogo, dans L’imaginaire dans l’esthétique romanesque de Jean-Marie Adiaffi. Une lecture de La carte d’identité (2016), qui nous dit ce qui suit :

                Ensemble, le sacré, le mythe, le rite et le symbole, composent l’imprescriptible réseau qui confère un sens au monde, assigne un but. Puis, ils unissent l’homme et le monde dans une impulsion qui est célébration de l’Un-Tout, archétype absolu de l’Harmonie et de la Beauté principielles. Une harmonie universelle que parachève l’harmonie interne des êtres et du groupe (65)

C’est le cas d’espèce ici pour la communauté de Fonds-Rouge, dont la vie dépend de ce mélangé, rencontre sacrée entre la perte de sang de Manuel et la découverte de l’eau. Les deux vont couler sans se rencontrer mais aux hommes d’en valoriser la démarche, qui donnera ainsi sens non seulement à a communauté mais surtout à la vie de Manuel. Tout cela devient symbolique dans la mesure qu’ils s’inscrivent dans le registre du sacré. En effet, les symboles sont de différents ordres dans la vie de l’homme. Ainsi on peut dire avec Todorov (1977) :

          Parmi les signes les uns sont naturels, les autres intentionnels. Les signes naturels sont ceux qui, sans intention ni désir de signifier, font connaître. Les signes intentionnels sont ceux que les êtres vivants se font les uns aux autres pour montrer, autant qu’ils le peuvent, les mouvements de leur âme, c.à.d. tout ce qu’ils sentent et tout ce qu’ils pensent. (45)

De ce fait, le sang, symbolisé par le rouge, peut relativement être l’expression d’un danger ou non tel qu’on peut le trouver dans différentes perceptions de la vie selon l’imaginaire de la société donnée. La symbolique de feux de circulation en est l’un des plus remarquables parmi tant d’autres. On ne peut pas brûler le feu rouge par risque de heurter un autre véhicule et provoquer ainsi un accident de n’importe quel genre. A l’école, généralement, on utilise le stylo rouge pour marquer des fautes commises par l’apprenant, avec tout ce que ces remarques ont comme poids sur ce dernier. Bien plus, l’usage du rouge, au lieu du soulignement en caractères gras, ou italiques, ne consiste-t-il pas en la mise en relief de certains concepts ? Dans la salle de bain, on symbolise l’eau chaude par le rouge sur le pivot déclencheur alors que l’eau froide est symbolisée par le bleu. Dans la société Lega, des feuilles qui tiennent au rouge-Myoli, milemba za nkanga, des feuilles à la couleur rougeâtre, ne sont pas favorables à la conservation des aliments tels que le sont des feuilles vertes. Tout reposant bien sûr sur l’imaginaire de la société donnée. Lequel imaginaire devient le réservoir de la sagesse de celle-ci au point que s’en passer affecterait la vie du récidiviste de telle ou telle autre manière. Tel qu’il en est de même de la plupart des conventions sociales du monde moderne.

Par ailleurs, si la linguistique peut nous donner l’expression des indicateurs sont au rouge, utilisée en finance, en économie, etc. pour traduire le niveau de la détérioration des choses, en sport, la carte rouge fait exclure le joueur donné de la compétition qu’il n’en est pas de la carte jaune ni de la carte verte. Si le jaune passe pour une sorte de prévention au mal, la carte verte par contre n’a rien de mal. Seule la carte rouge donc pose problème en ceci qu’elle est présentée en termes punitifs du joueur qui se serait mal comporté sur le terrain par rapport aux règles de jeux. Celui-ci est châtié jusqu’à être mis hors des jeux jusqu’à la fin de la saison sportive. Tout cela et d’autres symboliques nous font montrer que le rouge symboliserait relativement un quelconque danger. Il y en a tellement comme symbole du mal ou du danger représenté par le rouge que cette couleur deviendrait relativement le mal lui-même.

La coulée du sang humain, ne serait-il donc pas de l’ordre du tragique? La couleur du sang comme on peut le remarquer dans le présent roman de Roumain? N’est-ce pas que quiconque a une carence de sang est malade ? Il est amnésique et mérite un traitement médical approprié pour déjouer le tragique. Il en serait pire de celui qui se verrait en perdre ; ce dernier serait relativement voué à la mort. Tel est le cas du protagoniste Manuel dans le roman que nous analysons.

L’objectif de cet article est donc d’essayer de dé-symboliser l’eau et le sang dans Gouverneurs de la rosée de Jacques Roumain. La dé-symbolisation voudrait réduire un élément structuralement symbolisé sous sa forme sémantique relative, en ce sens que chaque symbole est le reflet d’une réalité qui se rapporte à des situations précises. Et ce symbole, n’est pas isolé mais lié à une structure donnée de manière à prendre son essence et même son existence grâce à cette relation avec plusieurs autres éléments de la structure. En clair, il s’agit ici de la quête de l’explicite symbolique, car un symbole est un implicite. En effet, dans l’œuvre en analyse ici, l’eau et le sang semblent s’appeler l’une l’autre qu’il nous a plu d’essayer d’en démontrer la corrélation. Apparemment l’une ne marcherait sans l’autre selon des présentes données de la structure spatio-temporelle romanesque. L’eau semblant nécessiter le sang, ce dernier se présenterait comme la résultante inévitable du premier. Et de quel sang s’agit-il ici ? Du sang humain. A ce sujet, une telle relation donne à parler d’effet de miroir. Il s’agit du parallélisme que semble poser ces deux liquides dans cette œuvre romanesque. Fabienne Pomel (2003) dit au sujet d’effet de miroir ce qui suit :

                      Le miroir apparaît aussi apte à fournir un modèle de structuration de l’œuvre littéraire, fondée sur l’analogie : réduplication et variation, mise en abyme, intertextualité et réécriture ou plus généralement effets de spécularité (3)

A tout considérer, les deux peuvent se lire dans la vie de Manuel. Si l’un, l’eau, car c’est de sa quête dont il est question ici, le sang, lui circule déjà dans les veines et artères de Manuel comme tout être humain. Selon la structure du roman, ils vont réaliser une unité qui fera de ce dernier l’Homme de tous les temps. Une sorte de symbiose, une unité vitale. Une réflexion synthétisante à la manière de miroir. Ainsi, Fabienne Pomel pourrait renchérir en disant : ‘’Reflétant le monde extérieur dans un espace réduit, le miroir se voit attribuer la qualité essentielle de totalisation : il réduit, synthétise et enclot des choses, les concentrant dans son unité (18)’’. Déjà tout se joue en fonction de cette attraction se présentant comme une force qui fait bouillonner le corps d’un Manuel sans répit pour la réussite d’une entreprise vitale où vont se mêler des concepts opposées, l’amour et la haine. L’amour du pays, incarné par Manuel mais aussi celui qu’il porte envers Anaïs ; dont le contraire, la haine, s’inscrit dans le cœur de Gervilen, non seulement à cause de la même fille, sa cousine dont il est amant, mais aussi du sang de l’un de ses parents coulé de mains de membre de la famille de Manuel. N’assistons-nous pas ici à l’impulsion de la force d’une machine tragique dans toutes ces forces, par le biais de ces différents symboles tels que les présente leur enchaînement structurale ici ? En effet, les symboles sont de différents ordres dans la vie de l’homme. Todorov (1977), nous en donne une idée :

                          Parmi les signes les uns sont naturels, les autres intentionnels. Les signes naturels sont ceux qui, sans intention ni désir de signifier, font connaître…Les signes intentionnels sont ceux que les êtres vivants se font les uns aux autres pour montrer, autant qu’ils le peuvent, les mouvements de leur âme, c.à.d. tout ce qu’ils sentent et tout ce qu’ils pensent (45).

La fonction de l’eau tout comme celle du sang est ambivalente selon la société et les usages qu’elle en fait. Philippe Brault (2007) fait remarquer que

                                “la symbolique du sang associée à des traditions bibliques ou rituelles, repose sur l’ambivalence des images qui leurs sont associées. Du sang symbole de la vie ou sang symbole d’épouvante, en passant par le sang thérapeutique ; ce liquide a été affublé de vertus comme des prophéties au cours de l’histoire (43-44)’’

Autant l’eau est utile pour la vie de l’homme autant il en est du sang. L’eau fait partie de 4 éléments nécessaires la terre, l’air et le feu. Si l’eau n’a pas de couleur, le sang lui est rouge. Et tant que source de vie, l’eau et le sang cohabitent dans l’organisme humain pour vivifier ce dernier. Ils sont utilisés dans différents domaines pour la vie d’homme. Si l’eau est très nécessaire dans la cuisson des aliments et dans le breuvage, il n’en est pas moins du sang dans le domaine médical de tous genres.

Pourtant, le destin vital de ce protagoniste sembler se joue entre le sang rouge qui circule dans ses veines et artères comme tout être humain, mais qui va devoir couler, et l’eau pour laquelle il se bat afin de restaurer la vie perdue à Fonds-Rouge, son village natal. Manuel ne dit-il pas :’La question de l’eau, c’est la vie ou la mort, la perdition ou la salvation (38).’ L’eau et le sang sont deux liquides vitaux pour l’être humain. Cette paire comporterait des minéraux très nécessaires pour la vie de la cellule humaine. Ainsi, la carence ou l’excès de l’un ou de l’autre peut occasionner la détérioration de l’organisme, pouvant conduire à la mort d’homme. Selon des données scientifiques de la physiologie, la cellule humaine serait constituée de plus d’eau que de sang. Par ailleurs, leur place respective dans différents rituels, vient en confirmer l’importance dans la vie de l’homme en général et dans chaque société en particulier. On peut par exemple citer la guérison de maladies, les rites initiatiques, la circoncision, l’ablution, la boisson, la cuisson des aliments, la lessive des habits et l’hygiène corporelle, l’arrosage des plantes, la médecine, etc.

Notre préoccupation n’est pas actuellement d’inventorier différentes fonctions que l’un ou l’autre liquide remplirait en termes de rites sociaux ou de leurs différents usages dans la vie de l’homme. Tout se réfère ici à la structure narrative, que nous interrogeons dans toute sa composante pour ressortir des éléments capables d’apporter la significance textuelle. C’est bien connu que l’eau et le sang sont utilisés dans des rites sacrificiels. Cependant l’état carentiel de l’un et de l’autre élément inflige au corps humain une allure morbide. C’est cet état qui préside à la vie de Fonds-Rouge. Le sang de Dorsica y avait coulé, il s’en suit manque d’eau. La sécheresse y bat record, le nom du village même porterait une expression de la situation du village : Fonds Rouge, avec tout ce que cette couleur pourrait avoir comme symbolisme dans le registre négatif. On peut lire cet état du village dès la toute première ligne du roman, à suivre les propos suivants :

Nous mourrons tous…-et elle plonge sa main dans la poussière : la vieille Délira Délivrance dit : nous mourrons tous : les bêtes, les plantes, les chrétiens vivants, ô Jésus-Maria la Sainte Vierge ; et la poussière que le vent rabat d’une haleine sèche sur le champ dévasté de petit mil, sur la haute barrière de cactus rongés de vert-de-gris, su les arbres, ces bayahondes rouillés. La poussière remonte de la grand-route et la vieille Délira […] : alors elle répète : nous mourrons tous, […] (13)

Le chapelet de poussière dont se plaint sa mère, à part qu’elle exige de l’eau pour réparer la vie ici, elle est l’expression de la sécheresse double : celle de la nature due au déboisement (15) fait par les hommes, et celle des esprits des hommes ayant perdu le sens de l’union, chacun se met au centre de l’humanité, la méfiance de l’autre a érigé domicile dans le village. L’individualité s’impose à cause de la mort de Larivoire. Ici, la découverte de l’eau à laquelle s’acharne Manuel, est comme le dira Obrillant Damus (2010) :’ l’élément qui peut remettre en marche la machine du système écologique, […], qui peut aussi réconcilier les habitants ( :..)’’. La sécheresse s’inscrit aussi comme un autre élément symbolique. Le nom même du village porte des marques symboliques de la situation réelle de cet espace. Le nom du village serait la métaphore vraie ici, signifiée par le déterminant adjectif qualificatif – rouge– qu’il porte. A part l’ambivalence que présenterait cette couleur, ici le rouge semble baigner dans un registre négatif. Ceci est compréhensible par rapport à la réalité spatiale du roman en analyse. Il est vrai que le sang ne fait toujours pas allusion au mal. Mais dans le cursus romanesque, l’adjectif est d’une portée significative. Elle est si profonde que les effets de cette rougeur sont perceptibles sur la vie des habitants, sur l’aspect du village même. Ce dernier est en pleine crise vitale. Le rouge se lit en tout, partout et surtout. Si le sol et la végétation sont victimes de la sécheresse, il n’en est pas moins des relations humaines ici ; des cœurs même des gens sont si rouges qu’ils sont séparés au point que rien ne semble leur donner l’occasion de s’unir un jour. Partant la vie socio-économique y est détériorée sans pareil. Délira dira en plus :’’A l’époque, on vivait tous en harmonie, unis comme les doigts de la main et le coumbite réunissait le voisinage pour récolter le défrichage. (15). En effet, la sécheresse est autant grande que le sont les conflits sociaux. Ce qui fait dire à Manuel ce qui suit : ‘la terre est dans la douleur, la terre est dans la misère. Le ciel n’a pas une fissure. Ce n’est qu’une plaque de tôle brulante, les érosions ont mis à nu de longues coulées de roches, elles ont saigné la terre jusqu’à l’os (6)’’. A considérer l’observation de Manuel, rien n’y a plus d’aspect vital ni vitalisant. La poussière couvre tout. Il n’y a pas une seule goutte d’eau au ciel, et moins encore sur la terre à Fonds-Rouge. Chargées de ménage et de l’alimentation de familles, les femmes sont les premières à en parler :

Les femmes étaient les plus enragées: elles étaient véritablement déchaînées. C’est qu’elles étaient les premières à savoir qu’il n’y avait rien à mettre sur le feu, que les enfants pleuraient de faim, énorme. Elles en avaient parfois la tête dérangée et elles s’injuriaient, à l’occasion, avec des mots que ça n’est pas permis. Mais les injures des femmes ne tirent pas à conséquence, ce n’est que du bruit fait avec du vent. Ce qui était plus grave, c’était le silence des hommes (85).

Se trouvant au centre des activités familiales, les femmes sont les premières à noter tout changement de niveau social dans la société, car tout passe par elles. Elles sont épouses et mères d’enfants, filles ou maîtresses, et cela leur permet de sentir tout changement effectif en famille pa rapport au niveau social, matériel ou autre. Les hommes travaillant d’abord pour leur famille respective. Ainsi, la sécheresse sociale connue, dans sa nature métaphorique ou matérielle, est non seulement d’abord constatée par elles, mais vécue et touchée du doigt d’abord par elles, en tant que forces motrices qui font bouger la famille, qui donnent vie à la famille. Ainsi, la mère, la vieille Délira, mère de Manuel, qui semble représenter les femmes ici, et dont l’âge en dit long, est la première à s’exclamer en rapport avec les conditions naturelles de l’espace vécu. Observatrice et de nature historienne, les propos qu’elle sort de sa bouche, semblent orienter l’œil du lecteur sur les réalités physiques de l’espace et aussi sur des conditions sociales actuelles dans le village. L’auteur nous l’a bien prouvé en plaçant ses propos en incipit, avec tout ce que cet élément paratexte a de profond dans le cadre de la compréhension d’un texte littéraire, comme l’on peut se servir de la parole de la vieille Délira Délivrance:

‘’Nous mourrons tous…- et elle plonge sa main dans la poussière : : nous mourrons tous : les bêtes, les plantes, les chrétiens vivants, ô Jésus-Maria la Sainte Vierge ; et la poussière coule entre ses doigts’’ (5).

L’eau est donc le symbole de la vie. N’est-ce pas ce que les gens de Fonds-Rouge manquent et qui fait la sécheresse physique de cet espace et morale même des habitants à tous les niveaux? Il faut de l’eau, source de la vie. Métaphore de la vie, voie de réconciliation, l’eau est capitale dans ce village au bord de précipice. Rien n’y va. Du dedans au dehors, tout est mort. La vie est proche de la mort, la mort porte de la pourriture, pourriture exclusion de la vie. En plus des propos de Bien-Aimé, le mari de Délira qui viennent renforcer celles de son épouse, où l’on peut remarquer un écart dans la temporalité, en disant : ‘’On était déjà mort dans cette poussière, cette cendre tiède, ce qui recouvrait ce qui était autrefois avait été la vie (13).’’, ceux de Délira sont aussi d’une portée métaphorique. Au sujet de la métaphore, Paul Claudel dira ce qui suit dans son Art poétique (1975):

La métaphore […] ne se joue pas qu’aux feuilles de nos livres : elle est l’art autochtone employé par tout ce qui nait. […]. J’allègue maintes preuves de géologie et de climat, d’histoire naturelle et nos œuvres et leurs moyens ne diffèrent pas de ceux de la nature. Je comprends que chaque chose ne subsiste sur elle seule, mais dans un rapport infini avec toutes les autres (16).

Manuel étant rentré du Cuba où il a travaillé dans des plantations, après quinze ans d’absence n’en revient pas de la situation chaotique de son village natal Fonds-Rouge. Soucieux d’y remettre l’ordre, il ne cède pas devant des conflits qui divisent le village. C’est ici que commence le projet d’apporter de l’eau au village. Il se sert des études faites à Cuba sur l’irrigation de l’eau. Cette dernière n’est pas facile à ramener au village. Elle se trouverait dans des collines, dans les mornes difficilement accessibles. Il faudra donc la chercher avec courage et détermination afin d’en trouver la source et de sauver la nation en ruine. L’ayant trouvée, la tâche s’avère grande et exige le concours de tout le village. Un peu comme les doigts de la main, voilà comment devront travailler les habitants de Fonds-Rouge. Pourtant, le fameux coumbite n’est pas du genre à se faire dans un village où les rivalités sociales ravagent la vie. Un village où des regards ne se croisent que pour se haïr, un village où les gens ne se parlent que pour s’insulter, un village où ne se rencontre plus jamais comme auparavant. L’eau n’a pas besoin cette haine, mais d’une union entre habitants ; il faudra au préalable une relation harmonieuse entre les membres d’une communauté. Au cas contraire, l’entreprise sera vouée à l’échec. C’est pourtant cette entente entre habitants qui manque dans le village de Fonds-Rouge., mais aussi devant le représentant de la colonisation, Hilarion Hilaire. Ici s’annonce très difficile la tâche de Manuel. Elle est aussi rouge que le village, comme la terre, comme le ciel, comme l’esprit des habitants de Fonds-Rouge.

Vue l’immensité de la situation ou son ampleur, la question se pose sur la facilité de Manuel de réaliser sa mission. Il y a longtemps qu’il est parti de Fonds-Rouge. Après quinze ans d’absence, connaît-il assez de la vie de son village natal ? Il faut avouer que non. Le danger est si grand que les parents lui montrent l’impossibilité de parachever son projet. Mais déterminé à rendre la vie au village, Manuel se définit comme un jusqu’au-boutiste. Apparemment inconnu, il va même se présenter aux siens qui semblent se méfier de lui :

Il y avait qu’il saluait : Adieu, frère, disait-il ; oh, adieu, Manuel, disait l’autre. […] Mais certains se détournaient quand il passait ou bien le regardaient tout drète à travers lui comme s’il avait été de fumée. […]. L’envie le prenait de s’avancer et de dire : Ho, cousins, ne me reconnaissez-vous pas ? C’est moi, Manuel, Manuel Jean-joseph lui-même et pas autre, Mais leurs faces étaient comme des murailles, noires et sans lumières. (76-77)

Voulant même se montrer conciliateur, Manuel est un fin-politique. Il tente de parler même aux enfants, d’attirer leur attention, tant que l’on sait que les enfants concèdent une popularité à laquelle s’allient les parents. Les enfants ont un penchant sentimental qui peut drainer tout le monde autour de leur idole sans que ce dernier en trouve une explication. L’adulte plein de préjugé tombe ici dans l’enthousiasme des enfants. Ils admiraient en lui sa carrure, comme le dit le texte :

Les enfants suivaient sa haute taille raille avec des regards fascinés. Pour eux, il était l’homme qui avait traversé la mer, qui avait vécu dans ce pays étrange de Cuba ; il était auréolé de mystères et de légendes. Manuel en attrapa un par la main ; c’était un nègre tout noir, les yeux ronds et polis comme des billes. Il lui caressa le crâne rasé au cul de bouteille : Comment est ton nom ?/Mon premier, oui. Mais une voie de femme héla, hargneusement : Mon premier, viens icite. Le gamin partir en vitesse vers la case ; dans sa précipitation ses talons martelaient ses fesses nues. Manuel s’en alla le cœur mal à l’aise. (78-79).

Les fanatiques créent le charisme de la personne et tout le monde le lui concède. Bien plus, l’entreprise de Manuel ne va-t-il pas lui accorder une considération millénaire en termes de temps ? Joindre les enfants à ses côtés prépare un monde à venir solide pour la survie des relations dans le village, de la communauté. Manuel es ici un agent du futur. Il pense à implanter de bons sentiments dans les enfants pour un Fonds Rouge, non plus conflictuel mais convivial et millénaire. Il se fait passer pour un enseignant, un rassembleur des gens, à travers la quête de l’eau, symbole de vie. Ceci ressort de ses multiples conversations avec les villageois. Son objectif c’est leur expliquer, les convaincre, leur montrer la vérité de la vie. Sa mère l’apprécie en disant : ‘’ Tu as la langue habile et tu as voyagé dans les pays étrangers. Tu as appris des choses qui dépassent mon entendement.’’(34). Mais pour Hilarion Hilaire, le chef de la police locale, il voit dans son action une sorte de rébellion, contre le pouvoir en place. Manuel qui parler aux gens sans passer par la police crée un comportement indiscipline qui devrait lui être corrigé.

Devant sa porte Hilarion, l’officier de la police rurale, jouait au trois sept avec son adjoint. Il loucha de ses cartes vers Manuel. Salut, dit-il ; j’avais justement besoin de toi, reste un moment, j’ai quelque chose à te dire. […]Comme quoi, tu causes aux habitants, n’est-ce pas ? Manuel attendait. Tu causes toutes sortes de paroles, il paraît. […]. Eh bien, elles ne sont pas du goût des autorités, ce sont des paroles de rébellion. […].Tu ne diras pas que je ne t’ai pas prévenu. Manuel sourit : C’est tout ? C’est tout répondit Hilarion, la tête dans ses cartes. (75-76).

Manuel semble négliger les propos de cet officier de police, sa question même en dit long. Elle si courte et pleine de méfiance que Manuel trouve en l’homme un autre ennemi de la population de Fonds-Rouge. Au lieu d’encourager le geste et en appeler à cette dernière aux fins de rassemblement, les intérêts de ce dernier sont ailleurs. Il est beaucoup plus dans ses cartes alors qu’il traite un problème sérieux qui menace la vie de l’espace local. Que cela lui pose comme problème si les habitants de Fonds-rouge demeurent dans la misère, par contre, il en tire des dividendes. Manuel, méfiant s’en alla pourtant sans lui dire grand-chose ni tenir compte de ses propos. Question de relire sa réponse à l’officier : C’est tout ? Rien de grave donc pour Manuel.

Aucune de ces récriminations n’a pu arrêter Manuel de continuer son entreprise salutaire, que même l’officier de la police qui devrait encourager la communauté au travail de la recréation de la vie, prend pour une activité rebelle. Ainsi, Manuel, déterminé et désireux de voir sa communauté se réunir, va de rencontre en rencontre ; il ne se laisse pas dompter par des multiples découragements qu’on lui impose par des conseils ou des récits au sujet de la vie du village de Fonds-Rouge. Ces derniers, vieux du village connaissent l’ampleur du conflit. Le sang a coulé. Sauveur a tué Dorisca. Ici Sauveur se définit plutôt comme semeur de trouble car la rancœur est si grande que la rancune est latente…perceptible même par le silence qui ronfle dans les cœurs des habitants du village. Ce qui expliquerait déjà la presqu’impossibilité de réaliser la mission pour Manuel. Si ce dernier ne veut rien entendre du comportement non seulement hésitant et dubitatif des vieilles gens qui le découragent dans son entreprise, c’est moins par entêtement que par souci d’harmonie et surtout dans le but de faire revivre le village. Le protagoniste se veut amant du terroir :

Si l’on est d’un pays, si l’on y est né, comme qui dirait : natif-natal, eh bien, on l’a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes : c’est une présence dans le cœur, ineffaçable, comme une fille qu’on aime : on connaît la source de son regard, le fruit de sa bouche, les collines de ses seins, ses mains qui se défendent et se rendent, ses genoux sans mystère, sa force et sa faiblesse, sa voix et son silence.(160)

En effet, l’absence de Manuel hors de son pays natal, Haïti devrait être considérée comme entorse à la vie de ce dernier. Depuis, qu’il n’était pas, mais à peine venu, son acharnement au progrès, au développement et à la réconciliation de membres de son terroir devrait être l’expression de cet amour patriotique et environnemental qu’il porte en lui depuis plus d’une décade. Car si à Cuba, les Noirs travaillent sous les coups de fouets, c’est moins pour leur intérêt que celui du maître, ce dernier va tirer profits de leur labeur, sans que rien ne leur soit donnée en retour. Mais le travail qu’il leur propose ici en dépit des conflits qui les divisent, a une portée humanitaire pour tous les habitants de Fonds-Rouge. Il s’agit de la restauration de l’écologie, du tissu social détruit pas des conflits sanglants. Il y a un problème à résoudre ici : La terre est toute nue et sans protection (…) Mais la terre est comme une bonne femme, à force de la maltraiter, elle se révolte (25)’’.Son environnement devenu un sérieux problème nécessitant une solution adéquate. Bien plus, Manuel est amoureux de cette fille du nom de Annaïse. La saga de leurs amours se retrouvent très clairement étalées sur des pages entières, parmi lesquelles celle-ci dont les propos laisseraient perplexe tout lecteur.

Dans le prolongement de la route, il la vit venir. Il la reconnut, aussitôt ~a sa robe sombre, à son madras blanc et parce qu’elle était grande, qu’elle seule avait ce je pur et souple des jambes, cet oscillèrent des hanches dans la douceur et parce qu’il l’attendait. (79)

Manuel venait de subir un affranchissement en arrivant dans son pays, il voudrait alors payer sa dette envers le village, dont la misère est si grande que personne n’avait pensé à y trouver solution. A ce niveau Manuel, homme aux fins vitales, animé d’une force qui ne le laisse reculer, est destiné et se voue à la transformation du milieu pour un avenir glorieux en faveur des habitants actuels et de la postérité. Il est l’homme providentiel, apparemment. Seule l’eau peut sauver de la sécheresse. Car l’eau est synonyme de la vie et la sécheresse synonyme de la mort. Manuel est pour la vie, il se veut réconciliateur pour la survie de la société au bord de la mort. Il sait combien périlleuse est son entreprise mais il sait aussi combien vitale est son issue positive. De deux choses, l’une. Pour Manuel donc, il faut aller de l’avant afin de faire revivre en Fonds-Rouge la vie d’antan, celle de collaboration, de l’entente et de l’amour entre habitants de tous bords. Une vie qui leur permettait de vivre en harmonie au point de travailler en en coumbite-pour l’intérêt général. Manuel a donc opté pour la continuité. Les risques d’échec de réconciliation sont pourtant grands et nombreux compte tenu du réel climat social érosif du village. Qu’importe, c’est la vie qu’il faut sauver. On ne doit pas céder devant la mort qui plane depuis des années sur la vie dans ce village. Deux camps adverses se forment déjà ici depuis des années. Une adversité telle que rien ne filtre plus jamais entre eux. Tout étant parti de la mort de Dorisca, membre de la famille de Gervilen. Pourtant il faut appeler toute cette population au travail de drainage d’eau dont Manuel envisage la recherche de la source. Sur sa route, une étoile se plante. Annaïse, dont la beauté attire le protagoniste. Irrésistible, Manuel entrevoit de l’aimer.

Pourtant, sa route est piégée par les dieux jaloux et assoiffés de sang humain, incarnés dans la mulâtresse Annaïse, fille du camp de Gervilen, apparenté à Dorisca, tué par un membre de la famille de Manuel. Les amours de Manuel avec cette fille de la famille ennemie souderaient ces deux sociétés en pleine lézarde, pense Manuel. Ce serait une alliance. Elle est capable d’éteindre le feu d’animosité entre communautés en conflits. Elle sera de la colle qui unirait tout le monde en transformant Fonds-Rouge comme par le passé. Erreur grave.

En effet, Manuel est le neveu de Sauveur, l’homme qui a fait couler le sang de Dorisca, père de Gervilen cousin et amant d’Annaïse ; rival de Manuel. Si Manuel a pensé à une telle voix c’est moins par mésaventure que par le souci constant d’unir le village. Il sait combien c’est difficile mais sa détermination est basée sur le rassemblement des gens qui pourrait amener ces derniers à reprendre contacts humains pleins d’amour. Ce n’est donc, selon Manuel, que grâce à des nouveaux contacts entre les deux camps ennemis qu’aurait de sens l’entreprise d’amener l’eau au village.

Si devant des tentatives de réticence d’Annaïse Manuel dit : ‘’Enterrons des vieilles rancunes ‘’, il sait que là se trouve la seule voie, la seule issue favorable à la revitalisation de Fonds Rouge. La même phrase pourrait s’appliquer à tous pour parvenir à l’objectif poursuivi par Manuel. Les amours vont commencer pour finalement donner un résultat double : la grossesse d’Annaïse et la mort de Manuel. Les deux amants ont été sourds comme Romeo et Juliette. Autant Manuel a été sourd aux menaces de Gervilen autant Annaïse a été sourde aux menaces de Gervilen, son cousin qui l’aime aussi et qui lui dira : ‘’…tu te conduits comme une jeunesse. Et avec qui encore ? Avec…le neveu de Sauveur : pour ainsi dire ce qu’il y a de plus ennemi parmi les ennemis’’. Manuel a subi des menaces de plusieurs sources. Des menaces de dieux vaudous lors de la cérémonie dédiée à papa Legba ayant favorisé son retour au pays natal ; il ne faut pas oublier celles des autres : du dieu Ogou qui dira à Manuel que le canal sera fouillé mais le sang va couler. Serait-ce le sang de Manuel ? Son entreprise n’est-elle donc pas piégée ici, comme le démontre Damus Obrillant qui nous présente un tableau qui pourrait faire échouer l’aventure combien salutaire de Manuel. Cette combien d’ennemis serait la ligne de démarcation du projet de Manuel. Nous lisons :

Manuel après son retour de Cuba constata une césure intracommunautaire, un cycle vendettal depuis la double mort de Dorisca et de Sauveur, cycle de vengeance qui entraina la disparition du combite (système coopératif précapitaliste entre les travailleurs de la terre) et des valeurs comme la solidarité et l’entraide. Manuel devait faire face à des personnages qui s’opposaient à sa mission. L’anti-sujet principal est Gervilen, amoureux de sa cousine Annaïse. Manuel était éperdument épris de celle-ci. Les deux hommes cherchaient donc à conquérir le même objet : le cœur d’Annaïse. Gervilen avait été éconduit par cette fille, tandis que Manuel obtint la faveur cordiale de celle-ci. Devenue adjudante de Manuel, elle contribuera à la quête de l’eau, un médiateur naturel qui pouvait assurer la rééquilibration des éléments du système écologique. Manuel trouva l’eau. Gervilen le poignarda mortellement. (12)

Il y a aussi des menaces de Hilarion Hilaire, cet officier de police qui voudrait s’accaparer de cette eau qui risquerait de faire le bonheur des villageois et de faire de Manuel l’homme le plus important. Manuel est donc entre menaces qui pourraient aller à la perte de vie humaine. Mais ce sont les menaces de Gervilen qui se réalisent jusqu’à éteindre la vie de Manuel. Comme une prémonition, la mère de Manuel n’a-t-elle pas dit en incipit : Nous mourrons tous, les bêtes, les plantes et les chrétiens vivants (xxx) ? Cette dernière parole frise inconsciemment une prémonition d’une tragédie. Devant le degré de la sécheresse, à cette parole prémonitoire de la mère sont venues s’ajouter des menaces précitées pour réaliser la force de la fatalité. Tout porte à faire croire qu’un panneau détenu par des forces occultes de la nature devrait se dérouler pour libérer le village de ses peines. Ici, prières et incantations n’ayant pas été une solution au problème de Fonds-Rouge, seule la force des humains pourrait y parvenir. Le résultat ne pourra pourtant pas être facile, il exige des sacrifices qui peuvent aller jusqu’aux sacrifices humains. C’est ici que s’inscrit la force de sacrifice comme le dit Kristeva :

C’est en effet dans le sacrifice d’une personne donnée que la notion de sacrifice arrive à sa plus haute expression. […]. Le meurtre lui-même n’est qu’une des réalisations fantasmatiques et mythiques de ce moment logique inhérent à tout ordre symbolique (31).

C’est en ceci que la mort de Manuel, par la perte de son sang, aurait une signification au préalable. Ceci s’explique par le fait qu’en dépit de tous les blocages que les vieilles gens font à Manuel, malgré tous les discours de refus et des menaces proférés à ce dernier comme pour lui montrer l’ampleur du conflit devant sa bonne volonté unificatrice, Manuel qui se prend pour le libérateur, ne recule pas dans son entreprise. Allant de réunion en réunion pour y arriver, ses folles amours avec Annaïse l’ont déjà mis dans les mauvais draps. En effet, les villageois devront travailler ensemble pour amener cette eau au village mais Manuel est déjà dans le collimateur des forces manichéennes dont Gervilen sera la force agissante et Manuel l’objet subissant. Ce dernier ayant trouvé Manuel bouche à bouche avec Annaïse, qu’il aime mais qui préfère Manuel, rumine pourtant une haine qui va frapper dur un jour. Les folles amours de Manuel et Annaïse font déclencher la dernière énergie des forces occultes du monde. Amant d’Annaïse, Gervilen, son cousin n’est-il pas un déclencheur préparé, sans le savoir, par la dure vie et la haine entre habitants de Fonds-Rouge ?

Une colère sourde et contenue qu’une étincelle ferait éclater en violences et que la misère exacerbait donnait à chaque habitant pour son voisin cette bouche cousue, ce regard évasif, cette main toujours prête (84).

Celle de Gervilen était prête sous plusieurs raisons contenues dans son cœur et éloignées de la situation actuelle du village.

Un bruit d’herbes froissées le fit retourner. Il n’eut pas le temps de parer le coup. L’ombre dansant devant lui et le frappa encore. Une goute de sang lui monta a la bouche. Il chanta et s’affaissa. La torche s’éteignit.

La trajectoire existentielle de Manuel se présente comme une sorte d’équation selon laquelle l’eau vaudrait le sang. Ceci exclurait toute réciprocité mathématique. Il y a longtemps que ce protagoniste vit à Cuba. Attiré par les forces de la nature il viendra se faire tuer par Gervilen dans un conflit prétextant une jalousie d’amour. Pourtant l’acte de Gervilen dépasse une simple réaction de jalousie d’amour. Gervilen est poussé par des forces manichéennes. Celles-ci profitent de ce cas d’amour pour faire déclencher le processus sacrificateur. Le prétexte d’amour nourrit l’idée de la vengeance de Gervilen. Que le texte dise : la torche s’éteignit (xxx), cette expression vient juste résumer une fin brutale du processus d’un Manuel sacrifié et dont le parcours préparé devrait aboutir tel quel non pas seulement pour le consacrer libérateur mais aussi pour libérer un peuple rouge de vieux conflits sociaux ayant rougi des cœurs et ruiné toute la vie. En effet, la torche est le symbole de la lumière ; elle aide à la découverte de la voie ou du sujet ou l’objet recherchés. La torche étant alors l’instrument lumineux pour la voie d’une sortie favorable dans une situation donnée jugée précaire, son extinction ne saurait donner rien de bon. Cette métaphore est plutôt perte de tout espoir ; fin d’un système qui pourrait libérer. C’est le cas dans Gouverneurs de la rosée. La mort de Manuel est un blocage à la pacification du village entaché par des sécheresses de tout genre : celle des cœurs d’hommes et celle de la nature. Comment pourrait-on donc interpréter une telle mort ? Il est vrai que la mort est naturellement acceptable. Mais celle de Manuel a un caractère particulier compte tenu de sa personne. Engagé sur la voie de libération du peuple de sa sclérose, déterminé à réussir une mission aussi difficile, la perte de sang de Manuel- de là sa mort-, apporteraient plus d’interrogations que de réponses. Elle devient une autre matière à traiter au-delà de celle que lui-même traitait. Eddy Arnold Jean (1990) dira à ce sujet

A ce compte, la mort de Manuel autorise une double interprétation. Soit qu’elle laisse intact le statu quo ante et dans ce cas, elle est gratuite. Soit qu’il accepte un sacrifice dont il n’est pas l’instigateur immédiat. […] Jacques Roumain traine derrière lui une éducation bêtement religieuse (31).

A tort ou à raison, Manuel est une victime expiatoire. Son sang servira à laver les maux provoqués par les conflits multiples du village de Fonds-Rouge. C’est en ceci que cette mort ressemble à celle que l’on trouve dans la conception Judéo-chrétienne. La mort donne donc plus de poids au protagoniste : Manuel mort, abandonne le village aux feudataires et la captation de l’eau qui devra irriguer les terres essorées, en abolissant les dissensions et les rivalités de clan […] (32). Le sang de Manuel ne se confond-il pas avec l’eau qu’il cherchait pour libérer le village de Fonds-Rouge? Il vient laver et purifier le village comme ferait toute eau, tout sang humain en termes de sacrifice. Son sang est sacré comme l’eau qu’il lègue à la population de Fonds-Rouge. L’eau n’a-t-elle pas valu le sang, un sang humain ? Pour la recréation du monde, car l’actuel est mort. Il n’a pas de vie, l’eau étant le symbole de la vie, manque à ce village, qui est donné a la poussière. Ce qui fit dire à Annaïse ce qui suit :

Manuel, on est au fin fond du monde. – Au commencement du monde, tu veux dire. Parce que au commencement des commencements, il y avait une femme et un homme comme toi et moi ; à leurs pieds coulait la première source et la femme et l’homme entrèrent dans la source et se baignèrent dans la vie. (132).

Liquides au caractère ambivalent, l’eau et le sang donnent et récupèrent la vie. En effet, dans un autre sens, ils ôtent la vie à l’homme. Le surplus d’eau tout comme celui de sang peut occasionner la mort comme la carence en eau ou en sang ou la perte d’eau ou de sang cellulaire est source de mort d’homme. Dans le cas de Manuel, on verra à quoi rime son sang et l’eau qu’il se met à chercher.

 

 

En conclusion, la mort de Manuel serait donc le résultat d’un processus sacrificiel prévu par les forces précitées afin de mettre fin à des conflits des sources diverses ayant divisé Fonds-Rouge : parmi lesquelles la mort de Dorisca tué par Sauveur. Manuel appartenant au camp du tueur vient envenimer la haine à cause de ses amours avec Annaïse la cousine de Gervilen. Manuel vient alors de subir le même sort que la victime tuée par sa famille. Pourtant, ce dernier, Manuel donc, a été absent d’Haïti pendant quinze ans. C’est–à-dire qu’il n’était même pas présent sur la terre de Fonds-Rouge à la mort de la victime Dorisca.

Fallait-il attendre son retour pour que la haine remonte en surface ? Que non ! Le destin ayant fait son choix, Manuel est ainsi la victime expiatoire pour remettre de l’ordre dans la société. L’eau est une occasion pour donner place au processus. En effet, c’est à cause de la recherche de l’eau que Manuel rencontre Annaïse et finit par se faire la victime de Gervilen. N’y avait-il pas d’autres gens des gens sur lesquels Gervilen pouvait mettre la main pour se venger ?

Le rouleau de la tragédie s’est déroulé sur Manuel et le voilà incapable d’arrêter son entreprise de libération. Tout s’est fait sans que Manuel ait une seule minute de penser-peut-être à lire entre les lignes. Pourtant tout était si clair que sa vie était en danger. Toute traction de sa part lui ayant été refusée ou modifiée par différentes personnes montrait au protagoniste le danger qu’il courrait. Mais entêté par l’idéal et enchainé par les forces invisibles de la nature, Manuel était un objet subissant et non un sujet agissant. Son sang bouillonnait en lui comme s’il était étranger dans son corps jusqu’à sortir de sa parenthèse comme dirait Sony Labou Tansi (1981).

Si par la fin Manuel refuse de dire à sa mère le nom de celui qui l’a poignardé, en lui demandant de lui garantir la discrétion c’est moins par l’émotion de la mort que par la volonté délibérée de préserver l’idéal : le retour de la paix et de la concorde dans le village de Fonds-Rouge. Pour ce faire, il dit à sa mère : Va trouver Lari voire. Dis-lui la volonté de mon sang qui a coulé : la réconciliation, la réconciliation pour que la vie recommence, pour que le jour se lève sur la rosée (34). La perception munuelesque de la réconciliation va plus que la perception sacrificielle de siens. Manuel pense que le vrai sacrifice part du sang humain. Ceci est d’autant compréhensible que les sacrifices antérieurs n’ont rien donné de positif. Les dieux n’auront pas répondu aux sacrifices des anciens. Manuel le dit à sa mère : Vous avez offert des sacrifices aux loas, vous avez offert le sang des poulets et des cabris pour faire tomber la pluie ; tout ça a été inutile. Parce que ce qui compte, c’est le sacrifice de l’homme, le sang du nègre (37). Ces mots imposent donc le silence sur l’origine de la mort de Manuel. En effet, ce dernier préféra parler de sa mort sous une autre forme que cache ses mots auprès de sa mère, comme le dit Philippe Bernard (2004)

Manuel, sur le point de mourir, a fait jurer à sa mère de dire qu’il était mort de fièvres contractées à Cuba. Ce sera donc le triomphe de l’amour et de la vie car Annaïse porte un enfant de Manuel. Le grand coumbite, réunissant tous les habitants de Fonds-rouge, aura lieu, qui gouvernera la rosée jusqu’aux jardins des hommes (42)

Ceci st autant clair que si jamais elle disait la vérité, des conflits reprendraient et l’entreprise aurait échoué. La mort se lisait tous les jours dans la vie de ce village de Fonds-Rouge. Manuel a pu le réaliser au profit des villageois. Paraphrasant Makoutamboukou, nous dirons que le sang de Manuel est pareil à celui de beaucoup des gens de sa nature comme Jésus Christ, Kantamba Ka Menyemenye (*), etc. de par la fonction de purification ou de libération communautaire. Jacques Roumain semble dénoncer le caractère indifférent de Dieu au malheur des humains. Pour se libérer, ils devraient se prendre en charge jusqu’à se sacrifier eux-mêmes au lieu de passer du temps à faire prières et incantations. Délira dira : ‘’Mon fils a trouvé de l’eau. Lui tout seul avec ses propres mains […]’’. Prières et incantations sont donc, selon la perception de Jacques Roumain, des ennemis de l’homme.

Non mon Dieu, tu n’es pas bon, non, ce n’est pas vrai que tu es bon, c’est une menterie. Nous te hélons à notre secours et tu n’entends pas. Regarde notre douleur, regarde notre grande peine, regarde notre tribulation.

Seul le travail donc libère. Mais ce dernier rencontre pourtant des barrières qui risqueraient de décourager toute âme faible. Ici se présente pourtant la possibilité d’un sacrifice qui peut aller à la mort d’homme comme symbole de libération. Des exemples sont légion dans différentes sociétés humaines. Pensons à tous les héros de différentes sociétés humaines qui ont accepté de faire couler leur propre sang au nom de leur peuple. D’un amour sans limite, Manuel le montre aux habitants de Fonds –rouge en taisant le nom de son ennemi. Damus (2010) dira à ce sujet :

Manuel est un personnage qui a une dimension messianique. Il était sacrifié sur l’autel de la haine implacable de Gervilen, pendant qu’il rentrait chez lui après la réunion qui était tenue chez Larivoire (un nom qui fait penser au mot rivière !). Manuel est mort pour sauver le village. Ce personnage christique est mort pour son amour des autres, son écophilie, sa naturophilie, sa géophilie et pour sons sens du bien-être des autres ou « son éthique du care ». L’amour de Manuel pour les habitants était incommensurable. Poignardé par le vilain Gervilen, il refusait de confier à Délira le nom de cet assassin. S’il l’avait fait, le parcours de combattant qu’il menait pour trouver l’eau n’aurait pas eu de sens. Il accepta de mourir parce qu’il avait déjà accompli sa mission. (11)

La mort de Manuel, dont le sang a coulé au profit de l’eau semble confirmer la ligne que suit le héros romanesque haïtien. Trainé par des forces qui l’entrouvrent, il ne peut rien malgré lui et de fait se présente comme un héros non héros ou un antihéros. Généralement le personnage principal du roman haïtien est victime de la fatalité. Le tragique finit par vaincre. Le personnage principal finit souvent sa vie dans des conditions tragiques. Pour cette raison Bernard (2004) dit : A la lecture des romans de tradition haïtienne, […], on est frappé par le destin plutôt malheureux, funeste même des personnages principaux (167). Ceci semble être vrai si l’on s’en tient a la perception de Laroche (1978) qui dit :

Le héros haïtien est un antihéros parce que, dans le récit haïtien, le mythe du héros se présente d’une manière inversée. Non pas processus de libération, d’exaltation, menant de la vie à la sur-vie, mais plutôt processus de régression ramenant le héros de la vie au néant. La séquence des événements se déroule à contre-courant du désir du héros. Ainsi non seulement Manuel, dans Gouverneurs de la Rosée, retourne dans son pays y constate une lente dégradation de la situation collective, mais lui-même qui espérait édifier son bonheur personnel avec Annaïse trouve plutôt la mort à Fonds-Rouge (36).

La mort de Manuel, « Il sait que, nouveau Christ, que sa mort est nécessaire pour une résurrection qui sera celle de son peuple. Mais c’est un Christ laïque, c’est-à-dire, plus qu’un simple […] c’est un révolutionnaire qui, en s’attaquant aux problèmes, apporte un message qui est politique (p?). Et bien clairement ici, la femme, joue un rôle très catalyseur dans le processus de la découverte de l’eau. Elle est la mère du génial Manuel et la belle-mère de la douce Annaïse. Si la mère donne le constat de la misère de Fonds-Rouge, c’est elle encore qui donne aux hommes l’occasion d’avoir l’eau. Délira a commencé comme vielle mère, mais Annaïse comme jeune dame. La sensibilité féminine donne lieu à la beauté et la réinvention du monde. Sa douceur et candeur donnent à l’homme la vie. Au lieu de la prendre seulement dans son sens de procréation, elle est aussi valable dans la création, invention des idées nouvelles pour un avenir heureux à tous. Pour une postérité viable et confiante en elle-même. La femme observe, analyse et comprend, mais aussi donne un point de vue qui semble négliger l’homme mais dont ils sont tous victimes. Gervilen est passe par là, l’orgueil de la vengeance l’ayant conduit jusqu’à l’extrême. Non seulement à cause de l’amante Annaïse mais ses racines se fondent dans le passe de la communauté ont donné une double occasion à Gervilin.

La femme a joué un rôle de grande envergure dans le roman pour l’avenir de Fonds-Rouge. D’abord en tant que mère du personnage principal, Manuel. Ses paroles son prémonitoires, constatatoires de la situions du pays. D’abord, Délira la mère de Manuel est la première personne, selon la structure romanesque en étude ici, à parler de l’état grave de la vie à Fonds-Rouge (16), puis elle fait remarquer toute la misère qui s’en suit. La discussion continue avec son mari. Symbole de dénonciation, elle a ouvert la porte aux longues images de la vie du village, du début jusqu’à la fin. En effet, elle garde le secret de la mort de son fils, comme demandé par le défunt. Elle va le trainer jusqu’aux derniers jours de sa vie. Si la femme rumine les misères, elle en supporte les bas, ceci est compréhensible car déjà la femme porte en elle le fœtus pendant plusieurs mois avec toutes les peines les privations qui lui sont obligées afin d’arriver à la livraison. Ceci est comparable à l’image de la femme dans La carte d’identité de Jean-Marie Adiaffi, comme nous le présente Amadou Ouédraogo (2016) : La femme, figure mystique majeure(65)

[…]. L’une des particularités les plus notables de La carte d’identité, réside dans le portait qu’il livre de la figure féminine, un portait pour le moins original, voire inédit au regard de la dimension mythique, mystique et sacrée, dévolue à la femme. Le roman […] apparenté à un récit […] la singularité consiste à placer la figure féminine au cœur de l’historiographie, au centre de l’accomplissement de la […] de la renaissance, […] de la quête de la plénitude […]. (65)

Mort symbolique du héros et découverte de l’eau, grossesse d’Annaïse, continuité posthume de Manuel. Symbole de la réconciliation posthume : réussite ou échec de Manuel. La symbolique de l’eau. L’eau découverte par Manuel mais sa forte jouissance après sa mort, équivaut à la vie de l’auteur du roman, écrit mais publié à titre posthume, la grande célébrité le fait traduire en une 20 aine de langues au monde.

Bibliographie

Bernard, Philippe. Rêve et littérature romanesque en Haïti. De Jacques Roumain au

Mouvement spiritiste. Paris : Harmattan, 2004.

Countrie, Christiane. Comprendre Gouverneurs de la Roée. Classiques Africains, 1980.

Claudel , Paul. Art poétique, Œuvre poétique. Paris : Gallimard, 1975.

Damus, Obrillant. « Rapports entre l’Homme et l’environnement dans le récit de Jacques Roumain : « Gouverneurs de la rosée » », Études caribéennes [Online], 23 | Décembre 2012, Online since 15 December 2012, connection on 01 November 2017. URL : http://etudescaribeennes.revues.org/6338 ; DOI : 10.4000/etudescaribeennes.6338

Gaillard, Roger. L’univers romanesque de Jacques Roumain. Paris : P-au-P, E

Deschmaps, 1965.

Jean, Arnold Eddy. Pour une relecture de Gouverneurs de la roseé. Port-au-

Prince : Demain-Haïti, 1990.

Jonassaint, Jean. Des romans de tradition haïtienne. Sur un récit tragique. Paris :

L’Harmattan, 2002.

Kristeva, Julia. La révolution du langage poétique. Paris : Seuil, 1985.

Makouta-Mboukou, Jean-Pierre. Une lecture de Gouverneurs de la rosée.

Abidjan : Nouvelles Editions Africaines, 1987.

Ouédraogo, Amadou. L’imaginaire dans l’esthétique romanesque de Jean-Marie Adiaffi. Une lecture de La carte d’identité. Paris : L’Harmattan, 2016

Paul, Caurin. Manuel, un Dieu Tombé. Essai sur Gouverneurs de la Rosée. New York :

Astoria, 1975.

Ubersfield Anne. Lire le théâtre. Paris : Sociales, 1963.

Todorov, Tzetan. Théories du symbole. Paris : Seuil, 1977

Roumain, Jacques. Gouverneurs de la rosée. Paris : Messidor, 1992.

Goldman, Lucien. Pour une sociologie du Roman. Paris : Gallimard, 2014.

Roland, Thadal. Symbolisme de l’eau dans Gouverneurs de la Rosée. L’Univers, 1989.

—. Concordance et signifiance dans l’œuvre de Jaques Roumain.

Tersnière, A. L’approche actantielle du personnage. http://ekladata.com/yoJOsZgVV7dDXuRAbIP0wJeQPvw/10-chapitre-ii.pdf