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Les ressources du discours polémique dans l’œuvre romanesque de Pius Ngandu Nkashama

Introduction

 

Dans La malédiction de Pius Ngandu Nkashama, l’examen du discours de Je appelle une interprétation opposée à la précédente. S’il est vrai que le narrateur-acteur reconnaît en son voisin un chrétien fidèle, honnête et humble, sa visée (celle de Je) est de se moquer de cette alliance nouée entre son voisin et le christianisme. Pour l’auteur, le voisin symbolise une béatitude niaise alors que le prêtre représente une bonhomie ridicule. C’est pour cette raison que les actions de pleurer, de prier, envisagées par ledit voisin pour obtenir l’absolution de son péché, relèvent de la lâcheté, si l’on en croit le discours auctorial. En ce sens que, dans le non-dit, Je croit que la foi incarnée par son voisin se fonde sur le marché de dupes.

De ce fait, le discours de l’auteur implicite, tout en étant celui de la dénonciation, procède par manipulation pour persuader le lecteur virtuel d’adhérer à sa cause. Autrement dit, il procède par la dissuasion de pratiquer, non pas la foi chrétienne en général, mais plutôt la foi chrétienne catholique. Le discours auctorial dans ce cas, à l’instar de ce que soutient Bibiane Tshibola Kalengayi (2002 : postface), voudrait montrer que loin de préconiser la disparition du christianisme au Congo Démocratique (ou même en Afrique) ou d’en récuser l’essence, il s’attaque plutôt ici à sa carapace occidentale et pose indirectement le problème d’acculturation. C’est par rapport à cette perception que le discours de l’auteur peut être appréhendé comme une remise en cause de la foi chrétienne fondée sur l’existence d’un quelconque paradis pour les Noirs tel qu’il est enseigné chez les catholiques. Ce pessimisme se perçoit lorsque Je conclut à propos de son voisin : « Mais il sait que rien ne le délivrera de son destin » (p. 25).

1. Par rapport au discours implicite de l’auteur

Remarquons d’emblée que ce dernier énoncé exprime indirectement l’intention de l’auteur abstrait. Cela dans la mesure où, si dans son argumentation l’énonciateur a présenté son voisin comme un chrétien exemplaire : fidèle, humble, honnête, pauvre d’esprit, sincère, etc., le connecteur mais introduisant le dernier énoncé, est signifiant. Il ne s’agit pas ici d’un mais de « réfutation », mais plutôt d’argumentation (D. Maingueneau, 1987 : 121), c’est-à-dire de celui qui lie deux actes opposés.

En effet, d’après Maingueneau, il s’agit d’un mais à partir duquel, il n’existe pas a priori de raison d’opposer les énoncés que le mais oppose. C’est le texte qui, par son mouvement, institue une telle opposition. Dès lors, la conjonction mais dans le discours du narrateur-auteur abstrait (« mais il sait que rien ne le délivrera de son destin »), constitue une rupture avec les énoncés précédents portant sur le souci de la rédemption incarnée par le voisin de Je. Ce qui fonde cette rupture, c’est le fait que « les croyances et les représentations du monde semblent intimement liées aux craintes » (J.-M. Adam, 2005 : 147). C’est cela qui justifie la rupture que prône l’auteur abstrait avec la foi catholique et qui constitue son intention. En tout état de cause, le discours de l’auteur s’inscrit dans le cadre des exigences du langage en contexte et du discours performatif.

Dans ce cas, le discours implicite de l’auteur marque une convergence entre la (linguistique) pragmatique et la rhétorique. En se rangeant derrière Gilles Declercq (1992 : 227), les interventions de l’auteur sont un élément classique, certes. Mais il s’agit d’un élément qui détermine le jugement du lecteur par la caractérisation et la description (bonhomie apparente de l’auteur). Cela parce que l’énoncé « Mais il sait que rien ne le délivrera de son destin », conduit à considérer ce discours auctorial comme l’« esprit de parti de celui qui agit » (Georg Lukács, op. cit, p. 312) : avec une intention militante, l’auteur participe à la lutte de classe. Ce qui justifie la prise de position de l’auteur, selon Georg Lukács, c’est :

[…] La liaison avec la vie du peuple. L’écrivain qui est profondément familiarisé avec les tendances à l’œuvre dans la vie populaire, qui pour ainsi dire y participe avec son propre corps, ne se sent pas simplement l’organe exécutif de ces tendances ; sa façon de rendre la réalité n’apparaît à ses yeux qu’une reproduction de ses tendances elles-mêmes, alors même qu’il reproduit chaque trait particulier de la réalité autrement que celle-ci le lui présente (ibid.).

2.1. Le discours de l’auteur implicite est un langage en contexte

La parole de l’auteur s’inscrit dans le cadre de la foi chrétienne pendant la colonisation belge. S’il est vrai qu’une croyance sert d’explication, de réponse à un état d’âme, elle a été, pendant la colonisation, et l’est encore, au Congo Démocratique, un outil que l’individu possède pour restaurer la signification de sa vie lorsqu’il estime que celle-ci est en danger.

Si la colonisation belge s’est attardée à développer cette tendance chez les Congolais, c’était dans une moindre mesure. Parce que ce qui fonde la « politique religieuse » de l’État Indépendant du Congo (EIC), n’a aucun rapport avec les préoccupations religieuses, (ou) une quelconque valeur civilisatrice de la religion chrétienne.

Il y a d’abord le souci politique d’une omniprésence belge » (K. Kita, 1982 : 32). Quoique cela soit implicitement jugé paradoxal par l’auteur, c’est ce même souci qu’incarne le ‘Père Nfumu’ : l’attitude du prêtre est conforme à la raison politique (l’idéalisme politique), la religion est considérée dans ce cas comme une valeur abstraite. C’est cette dissociation des sentiments attribuables au prêtre qui fonde le discours critique de l’auteur.

2.2. Le discours de l’auteur abstrait est une parole performative

Le dernier énoncé de Je (celui introduit par la conjonction mais) semble incarner l’intention de l’auteur abstrait, comme nous l’avons déjà fait remarquer. S’agissant de l’« intention », il s’avère indispensable de reconnaître, à l’instar de Othman Ben Taleb (1984 : 285), que toute énonciation est un acte intentionnel dans lequel on peut distinguer l’acte d’émission neutre d’une part et la motivation de l’énonciation d’autre part.

Dans l’énoncé examiné, si l’intention de l’auteur n’est pas explicitement évoquée, la situation énonciative permet au lecteur averti de l’identifier. Cette intention, qui est de nature perlocutoire, est perceptible dans la relation qui s’établit entre le verbe savoir et le verbe délivrer introduit par la négation absolue rien (« Mais il sait que rien ne le délivrera de son destin »). Dans ce cas, l’intention du discours auctorial devient non seulement celle de livrer une information, mais surtout celle de prodiguer implicitement un conseil. Le sien se présente toutefois comme une révolte. Ainsi, se basant sur le sort de son voisin dont la confession s’est soldée par la trahison du pécheur, après qu’elle ait été exaucée par le représentant de Jésus-Christ, le narrateur-acteur (Je) dit : « Depuis ce temps, je ne me confesse plus sans appréhension, sans mensonge » (p. 30).

Hâtons-nous de souligner que ce dernier énoncé du narrateur-acteur, dans ce contexte, n’est qu’une stratégie justificatrice (J.-M. Adam, 1994 : 258). Elle l’est dans la mesure où le paradigme depuis ce temps et l’indicatif présent négatif ne me confesse plus, sont des marques énonciatives qui déterminent l’acte du discours dans cette communication textuelle. De ce fait, l’adverbe de temps depuis et l’indicatif présent négatif ayant la valeur du temps passé (« J’ai cessé de me confesser sans… ») marquent une rupture entre ce dernier énoncé du narrateur (Je) et l’élément discursif précédent.

En conséquence, si l’on reconnaît que dans le contexte où il est employé, l’indicatif présent négatif (« …ne me confesse plus… ») véhicule la valeur d’un fait accompli dans le passé, l’adverbe de temps depuis fait du discours de l’auteur un effet à visée rétrospective. Dans ce cas, entre l’auteur implicite et son lecteur virtuel, il s’établit une sorte de complicité due à la gravité (ibid., p. 260) du fait raconté. La décision de l’énonciateur pouvant être interprétée comme la solution du lecteur virtuel par effet perlocutoire, elle se perçoit comme une clarté (idem), c’est-à-dire une réponse appropriée au ‘pourquoi’ probable face à cette prise de position du locuteur. Ce discours examiné étant caractérisé par l’activisme du narrateur-acteur (Je) et par une sorte de conscience quelque peu étroite par rapport à la complexité du monde, il devient, selon Lucien Goldmann (op. cit, p. 25) un idéalisme abstrait (12).

D’après ce qui précède, signalons que l’énonciateur prétend ne pas « dicter le choix de ses destinataires, mais le rapport du récit au reste du discours dit assez le (“bon”) sens de l’intervention » (ibid., p. 270). C’est pourquoi, par rapport à d’autres qui précèdent, ce dernier discours du narrateur-acteur est explicite : « …je ne me confesse plus sans appréhension, sans mensonge ». Au regard de ce qui précède, reconnaissons que la parole examinée est un discours engagé, engendré par un souvenir d’enfance du narrateur-acteur :

J’avais toujours espéré pouvoir revenir à mon enfance. Au petit soleil du matin, plein de mélancolie. À mes premiers sourires, à mes rêves perdus (12).

Dans son œuvre, Pour une sociologie du roman, Lucien Goldmann reprend la typologie du roman élaborée par Georg Lukács. Il y distingue quatre types principaux du roman occidental du XIXe siècle, auxquels il ajoute un quatrième orienté vers l’épopée. Les trois types fondamentaux du roman dont parle G. Lukács, qui sont par ailleurs repris par Lucien Goldmann sont respectivement :

  • Ø le roman de ‘l’idéalisme abstrait’ (activisme du héros);
  • Ø le roman psychologique (passivité du héros) et
  • Ø le roman éducatif.

Ceci s’achève par une auto-limitation qui n’est ni une acceptation ni un abandon de l’échelle implicite des valeurs. L’auto-limitation est plutôt considérée comme une ‘maturité virile’.

Depuis, combien d’aurores j’ai vues dépérir dans l’éclatement du midi ? Désormais, je sais qu’aucun regard ne peut répondre à mon attente. Pour autant que je remonte à ces années-là [son enfance], je ne vois que le ‘Père Nfumu’ (…) Je ne savais pas que tout pouvait s’écrouler dans un cauchemar rempli de sarcasmes et d’amertume. C’est ainsi que je n’ai jamais pu lutter contre la vie, contre l’illusion du soleil (p. 9).

Dans ce discours marquant le souvenir d’enfance du locuteur (Je), l’indicatif présent historique vois (dans …je ne vois que le ‘Père Nfumu’) marque une action accomplie dans le passé, dans cet énoncé. Il constitue une stratégie illocutoire pour susciter l’adhésion du destinataire, parce que la parole du locuteur se perçoit comme un discours d’appel à l’émotion du lecteur. Ladite émotion est fondée sur cette espèce de témoignage d’une vie innocente mise en abîme par une tierce personne et/ou une communauté d’individus. Dans ce cas, l’intention du narrateur-acteur se résume à l’encadré ci-après, imité du modèle de celui de J.-M. Adam (p. 260) : Ainsi, l’énoncé « Depuis ce jour-là, je ne me confesse plus sans appréhension, sans mensonge », qui marque l’engagement du narrateur-acteur (Je), fournit un éclaircissement au regard de l’intention qu’a l’auteur abstrait sur la religion catholique : il prône la révolte. Celle-ci est rendue par la redondance de la négation (« ne…plus, sans…sans »). Si la foi catholique reconnaît que l’autel de Dieu et le confessionnal sont des lieux de la Vérité par excellence, ils le sont aussi par le fait que les deux endroits symbolisent la sainteté.

De ce fait, ils sont supposés offrir le confort spirituel à tout chrétien qui se sent en communion avec l’Esprit du Seigneur. Dès lors, les paradigmes « sans appréhension » et « sans mensonge », se présentent à la fois comme des expressions de l’athéisme et d’un blasphème de l’auteur abstrait, mais occasionnés par le comportement du « Père Nfumu » à l’égard de ses chrétiens. Pourtant c’est lui leur guide spirituel. Cette attitude de l’auteur abstrait se justifie, dans la mesure où, faisant allusion à la crainte, l'”appréhension” sous-entend le manque de confiance.

C’est la conviction de l’auteur abstrait de l’absence de toute communion avec l’Esprit de Dieu en ces lieux, qui le pousse à prendre cette décision blasphématoire. L’engagement que prend Je de ne recourir qu’au mensonge lorsqu’il est au confessionnal, constitue une parodie de l’acte lui-même : le discours du locuteur se perçoit dès le départ comme un reniement du péché. Si se confesser signifie déclarer (ses péchés) à un prêtre catholique, dans le sacrement de pénitence, il devient pratiquement absurde de prétendre accéder à la purification spirituelle en envisageant le mensonge comme moyen d’y ‘parvenir’. Le mensonge étant déjà lui-même un péché, y recourir lorsqu’on se confesse, se perçoit comme un discrédit que le locuteur jette sur le confessionnal et même sur le péché. De ce fait, le discours auctorial exprime un reniement du péché : il n’en a pas peur, parce qu’il n’y croit pas. Par voie de conséquence, il ne croit pas au pouvoir dont jouissent les prêtres pour absoudre les péchés. Le reniement du péché par le locuteur se fonde sur le fait que la valeur symbolique du confessionnal (lieu supposé sacré) est déformée, jusqu’à être inversée ou même renversée par le ‘Père Nfumu’. C’est pour cette raison, sans doute, que le discours de l’auteur prend de la distance vis-à-vis de ce lieu : « Je ne me confesse plus…sans mensonge ». Remarquons que, dans ce discours auctorial, le reniement du péché s’accompagne d’un ton comique. Cela confère audit discours une fonction ambiguë, en ce sens qu’il se présente comme séducteur pour le lecteur abstrait, et destructeur à l’égard de la doctrine catholique et aux prêtres.

En d’autres termes, le discours critique de l’auteur vise à plaire aux uns dans la communication, tout en disqualifiant les autres dans l’énoncé. De sorte que, selon N. Gelas (1978 : 113), « tout le processus citationnel du texte relève de la “mise à mort” ». D’après ce qui précède, la fonction de l’auteur abstrait devient celle d’un thérapeute.

Par ailleurs, le Je narrateur-auteur abstrait peut aussi désigner, dans ce cas, le lecteur abstrait, si l’on s’en tient à l’énoncé précédent en forme de sentence indélébile : « la confession a établi ton péché, et nous tous avec toi » (p. 30) De ce fait, le discours de Je constitue une sorte de complicité où l’auteur et son lecteur, par une sorte de « conscience mitoyenne », se recoupent en une croyance, si l’on en croit Georges Poulet (1971) :

Et voici cependant qu’il m’est donné de penser une pensée qui appartient manifestement à un autre monde mental, qui se pense en moi comme si je ne le pensais pas. Chose déjà inconcevable, mais qui me le paraît encore plus si je m’avise que toute pensée devant avoir un sujet qui la pense, cette pensée étrangère qui est en moi doit aussi avoir en moi un sujet qui m’est étranger. Tout se passe donc comme si la lecture était l’acte par lequel une pensée réussissait à se donner en moi un sujet qui ne serait pas moi.

En outre, la décision de l’auteur implicite de recourir au mensonge, lorsqu’il se trouve en ces lieux saints, dont l’un (le confessionnal) symbolise la purification et l’autre (l’autel) la pureté, jette un discrédit sur la valeur sacrée desdits lieux. Ceci parce que le mensonge fait partie de ce que la doctrine chrétienne considère comme les sept péchés capitaux. Dès lors, les paradigmes « sans appréhension » et « sans mensonge » sont des marques graphiques utilisées par l’auteur abstrait dans ce discours polémique pour séduire le lecteur sans que celui-ci s’en aperçoive directement. Uli Windisch reconnaît, dans ce cas, que « séduire, c’est aussi plaire en captivant la sympathie par le mensonge. En effet nier ne suffit que rarement à neutraliser ou à discréditer les propos rivaux » (op. cit, p. 47).

En tout état de cause, un lecteur curieux peut se poser la question de savoir pourquoi l’auteur lance ce discrédit contre ces lieux considérés pourtant par le christianisme catholique comme saints. Encore une fois, c’est l’attitude du prêtre à l’égard de son chrétien venu se confesser volontairement (possession illégale de diamant) qui en constitue, sans doute, la pierre angulaire. Ceci conduit à penser, selon le discours auctorial, que la religion catholique est un phénomène lénifiant.

3.1. Le discours polémique portant sur le mode d’accès au pouvoir politique

L’époque de la colonisation, c’est-à-dire ce que la narration établit comme le « Moyen-Âge » a été marquée par l’ordre au niveau politico-administratif. Cela s’explique par le sentiment de peur des uns vis-à-vis des autres, au complexe d’infériorité des colonisés face au sentiment de supériorité des colonisateurs, mais le tout évoluant sous un commandement unique : celui de la monarchie constitutionnelle belge. Toutefois, à côté de cet ordre issu de la rigueur et parfois des atrocités dans la gestion du pouvoir colonial belge, le catholicisme a été utilisé comme organe indicateur pour dénicher et traquer tous les « récalcitrants » au régime colonial. Cette politique menée par ce régime au Congo Démocratique est perçue par le narrateur-auteur abstrait comme une trahison entretenue par cette confession religieuse vis-à-vis de ses adeptes.

À l’accession du pays à l’indépendance, c’est-à-dire durant la période présentée par la narration comme les « Temps Modernes », les leaders politiques congolais, fortement marqués par un mimétisme politico- administratif de l’ancien colonisateur, vont imiter tout ce qui est négatif chez ce dernier, mais qui lui a permis d’affermir son pouvoir. Or, c’est la politique axée sur la trahison et le manque d’équité dans la répartition des revenus de l’État, si l’on en croit l’auteur abstrait, qui a permis au régime colonial de consolider son pouvoir.

Dans différentes communautés du monde, l’accès au pouvoir politique s’est souvent fondé sur deux modes : la démocratie (pouvoir du peuple) selon le modèle occidental initié par la Grèce antique, et les monarchies absolues ou constitutionnelles. Le tout basé sur le critère du mérite. À en croire le narrateur Je de La Malédiction, cette règle ne s’applique pas aux dirigeants politiques de Katekelayi indépendant. Cela est surtout perceptible au cours des « Temps Modernes », voire à la période postérieure (l’« Époque Contemporaine » et la « Fin des Temps »). Déjà au cours des « Temps Modernes », tout en fondant le mode d’accès au pouvoir politique sur la trahison et/ou la calomnie, les nouveaux leaders politiques en créent d’autres : la corruption, l’ethnicisme (tribalisme) et la délation.

Celle-ci était considérée comme l’émanation de la trahison ou un vice qui lui est parallèle, nous préférons ne pas nous y attarder. Remarquons toutefois que ces quatre modes d’accès à la gestion de la « chose publique » sont tous des vices moraux qui sont, par ailleurs, étroitement liés. C’est-à-dire qu’ils s’appellent, l’un l’autre.

Par ailleurs, l’on vient de remarquer à travers le discours de persuasion (cf. supra) tenu par Je à l’attention de ses concitoyens, au marché, que les deux forces sociales (le politique et le religieux) chargées de l’éducation des masses, ont trahi le peuple à des degrés divers. Si les tenants du pouvoir politique ont été marqués par la brutalité, l’injustice, la corruption, etc., les prêtres ont été attirés par la fonction politique et le matériel. La transgression de chacune d’elles constitue, de ce fait, un acte de trahison vis-à-vis du peuple.

L’on vient de démontrer comment l’auteur fustige la trahison commise par la religion catholique contre ses adeptes congolais au cours de la période dénommée Moyen-Âge par le scripteur, c’est-à-dire durant la colonisation belge. Étant donné que les Temps Modernes, c’est-à-dire la période d’après l’accession du Congo Démocratique à l’indépendance, est marquée par le mimétisme socio-politique, les nouveaux dirigeants politiques vont recourir aussi au même fléau (la trahison) comme l’une des méthodes privilégiées pour accéder au pouvoir politique et/ou le contenir.

Remarquons que cette trahison se présente de deux manières différentes : la première est conçue comme l’exploitation du colonisé par le colonisateur, alors que la seconde est celle du Congolais par lui-même. De ce fait, pour l’auteur, à travers la trahison, ces deux forces (le religieux et le politique) « servent de luxe et de luxure » (ibid., p. 151). L’on peut se rendre compte du degré de la trahison entretenue par les leaders politiques congolais dans ces différents discours tenus par l’auteur.

3.2.1. Le discours polémique de l’auteur sur la trahison

La trahison relève de la médiocrité de ceux qui la pratiquent, ceux que le discours polémique de l’auteur accuse de turpitude. La trahison évoquée par l’énonciateur sera examinée sous deux aspects : la trahison des responsables politiques contre le peuple, et la trahison du peuple contre lui-même.

3.2.1.1. La parole conflictuelle sur la trahison entretenue par les dirigeants politiques

Le narrateur-acteur dans La Malédiction (Je) est devenu trafiquant de pierres précieuses. Il vient de se faire engager par un patron possesseur d’un carré minier légalement acquis auprès de l’État. Cependant, de mèche avec les services de sécurité dont il est présenté comme un indicateur, il trahit souvent ses employés auprès des agents de sécurité. Cela en échange de sa sécurité personnelle, de celle de sa famille restreinte, de celle de son entreprise et même de son avenir politique. Ainsi en est-il de ce témoignage de Je :

Je risque ma vie pour quelques billets, tandis que les pierres iront enrichir les imbéciles. Je connais l’exploitation maintenant. Celle de l’homme. Les étoiles brillent dans un ciel amer. Nous oublions un moment la peur. Nous chantons avec les femmes. La présence du « patron » nous rassure. Et nous sifflotons de gaieté de cœur.

Mais bientôt, le drame éclate. Nos sentinelles nous ont trahis. Tout autour de nous des fusils crépitent en l’air. Le feu monte, monte, rejoint les étoiles. Pendant qu’une voix s’élève. Sommation. Nous savons ce qui nous attend. Sept ans de prison ferme. Nous sommes entourés de partout. Une seule voie nous est ouverte. Pas une seconde à perdre. Nous nous jetons dans l’eau. Heureusement que je sais nager.

[…] Les fusils aboient toujours sur nous et crachent leur feu de mort. C’est seulement sur l’autre rive que je me rends compte du danger que j’ai couru : les crocodiles. Nous nous rassemblons, nous nous comptons : une dizaine, sur au moins les quarante – ou peut-être les cinquante ! – je ne sais plus. […] Au petit jour, je me jette dans la première camionnette pour rentrer. […] Nous embarquons des gens du village du « patron ». Ce sont eux qui nous apprennent l’horrible nouvelle : de toute l’équipe de nuit, cinq corps ont été happés par les crocodiles ; peut-être plus, parce qu’on ne connaît pas le nombre exact de ceux qui ont échappé. Ils étaient environ quinze, et il n’y a qu’une dizaine qu’on a vus de l’autre côté de la rivière. Douze ont été appréhendés par les soldats, ils iront grossir les prisons. Cela m’étonne qu’on ne parle ni du « patron », ni de ses femmes ni de SA mine.

Ma curiosité malsaine est tristement assouvie : le « patron » s’est partagé le butin avec les soldats. Il leur donne la moitié du sable exploité, des prisonniers, des fermes, et du « lutuku ». En retour, ils lui laissent ses femmes et SA mine. Il procédera à des nouveaux engagements pour la nuit prochaine, et le drame se répétera. […] Et comme il travaille de mèche avec les autorités de la place, et surtout avec le commandant du camp militaire, il n’a rien à craindre ; et tout le monde est content. Et tout va bien, tout va mieux ; dans le meilleur des mondes (pp. 93-94).

Avant d’aller plus loin, notons que ce discours de je illustre bien le procédé de reproduction des faits historiques dont nous avons parlé au début de ce chapitre.

D’aucuns pourraient considérer le discours de je comme celui de tout autre personnage. Ils n’auraient pas totalement tort. Ils auraient tout simplement de la peine à déterminer la part du moi social dans ce discours. Aussi, ils auront oublié le caractère subjectif de ce jugement qui se présente comme celui du narrateur-acteur : « …et tout le monde est content. Et tout va bien, tout va mieux ; dans le meilleur des mondes ».

Deux aspects de ce que nous voulons examiner dans ce sous-chapitre, à savoir la trahison et la corruption, sont perceptibles dans cet extrait. Pour éviter l’amalgame, l’analyse du discours polémique de l’auteur portera seulement sur la trahison. À première vue, ce qui attire la curiosité du lecteur dans ces propos conflictuels du narrateur-acteur, c’est l’insulte “imbéciles” qu’il profère à l’endroit de ceux qu’il considère comme les bourreaux du peuple : les responsables politiques. La question serait de savoir pourquoi, dans ce long discours en forme de témoignage, l’énonciateur qualifie de crétins les dirigeants politiques de son pays. C’est peut-être parce qu’ils violent délibérément, dans le seul souci de s’enrichir sur le dos du peuple, la loi officielle qu’ils ont eux-mêmes promulguée : la libéralisation des matières premières, c’est-à-dire celle de l’économie nationale. Pour y parvenir (à réaliser cette ignoble besogne), si l’on s’en tient au discours critique de l’auteur, ils ont constitué une équipe de traîtres. Ainsi, en s’en tenant à cette insulte, le premier énoncé de ce discours acquiert le sens d’une dénonciation.

Par ailleurs, si l’énoncé « Nos sentinelles nous ont trahis », traduit l’amertume du locuteur, cela fonde par ailleurs la dénonciation dont nous venons de parler. Soulignons que la trahison est un vice. Si l’énonciateur dénonce sa trahison par leurs sentinelles, c’est qu’il les accuse d’avoir été en intelligence avec les représentants du pouvoir politique en place. Pourtant ceux-ci sont considérés par l’auteur comme une « puissance ennemie » ou les « opposants » à l’objet poursuivi par le peuple : le bonheur ou la lutte contre la misère. En n’ayant pas communiqué à ceux qu’elles sont censées protéger le danger qui les guette, les sentinelles ont manqué à leur devoir. De ce fait, leur acte relève de l’indignité.

Toutefois, si la désertion des sentinelles face à leur obligation est un acte répréhensible, l’action de celui que le narrateur-acteur appelle « patron » est à considérer comme une lâcheté, au regard de son autorité sur les victimes. Cela parce que ce « patron », de surcroît possesseur de la mine où je et ses compagnons sont ouvriers, est présent sur le lieu au moment des faits. En cette qualité, ce « patron » a le devoir d’assurer la sécurité physique et morale de ses ouvriers. Ne l’ayant pas fait, il a commis un acte de trahison. Volontaire ou non. Mais dans ce cas d’espèce, l’acte étant considéré comme volontaire, il relève de la lâcheté. C’est en ce sens qu’il est répréhensible. Et pour quelle raison ?

L’adjectif possessif SA (dans le groupe nominal « SA mine ») est à la fois une marque graphique du discours polémique de l’auteur et un indice informant. S’agissant de l’aspect polémique véhiculé par l’adjectif possessif SA dans les propos du locuteur, l’énonciateur dénonce le mal qui ronge sa société. S’il est admis, sous d’autres cieux, que l’État d’une nation peut opter pour une économie libérale s’il veut prospérer, la privatisation de l’économie doit répondre à certaines exigences.

Parmi celles-ci, en premier lieu, la présence d’une classe économique aguerrie à la gestion des affaires. En clair, la notion d’économie libérale (ou de libéralisation de l’économie) n’est pas et ne devrait pas être synonyme d’individualisation de l’« économie » tel que cela se perçoit dans le pays de Je. Cela dans la mesure où « l’individualisation de l’économie » sous-entend l’impossibilité d’assurer l’encadrement rationnel de l’exécution d’une telle mesure. Ce qui, du reste, conduit au désordre avec ses corollaires : la trahison, l’enrichissement illicite conduisant à la ruine de l’État. De ce fait, la libéralisation de l’économie nationale par les dirigeants politiques congolais, est à considérer comme une opportunité d’amasser facilement des fortunes auxquelles ils n’ont logiquement pas droit.

Dans tous les cas, ce qui choque le lecteur, c’est cette accointance entre ce ‘Patron’ et les soldats venus rafler les ouvriers en sa présence, et sans la moindre réaction de sa part, et surtout l’énoncé « le ‘Patron’ s’est partagé le butin avec les soldats ». Par cette parole (ce témoignage), l’auteur abstrait, frappé d’amertume, dénonce que c’est l’irresponsabilité et la médiocrité qui sont des facteurs moteurs de la trahison, celles-ci consacrant le régime de l’arbitraire. Et si la trahison est le fruit de ces deux facteurs (irresponsabilité et médiocrité) auxquels s’ajoute l’égocentrisme, c’est parce que :

Ceux qui réussissent, ne sont pas forcément ceux qui l’ont mérité. C’est même souvent parmi les tarés et les abrutis, incapables de concevoir le moindre élément de développement social, et qui n’ont d’autre satisfaction que faire sentir le pouvoir de leur argent… (P. Ngandu, op. cit, p. 160).

Par ailleurs, à cette amertume qui caractérise l’auteur abstrait, s’ajoute l’ironie. Celle-ci remplit la fonction de moquerie. C’est pourquoi l’énonciateur prend de la distance avec le groupe dont il dénonce les faits qu’il juge ignobles. Ce qui fonde cette ironie, c’est le sentiment final caractérisé par la déception de l’auteur implicite au regard du procès de cette situation, telle qu’elle est perçue par le peuple (l’assistance) : celui-ci accepte passivement cette ignominie. Dès lors, se présente un cas d’ironie tactique, c’est-à-dire visant à maintenir le malentendu. Autrement dit, tout en dénonçant la médiocrité de ceux qui accèdent à la richesse matérielle et/ou au pouvoir politique grâce à la trahison, l’auteur abstrait fustige aussi la passivité du peuple.

Ce qui est choquant pour le lecteur, et qui est contenu dans les propos ironiques de l’énonciateur, ce sont ses affirmations sur le comportement de leur ‘Patron’ : il recrute des ouvriers pour sa mine, il les trahit auprès des militaires pour qu’ils soient raflés. Vraisemblablement cela est dans le but de les appauvrir en les gardant toujours sous sa dépendance, c’est-à-dire éliminer toute concurrence qui pourrait émaner de ceux qui auraient l’intention d’émerger parmi ces ouvriers. C’est pour cette raison qu’il en recrute encore d’autres, et ainsi de suite. L’attitude du peuple se perçoit, de ce fait, comme une complicité avec le mal dont il est victime. C’est cette complicité que l’auteur abstrait dénonce dans ces propos teintés d’ironie : « …Et comme il travaille de mèche avec les autorités de la place, il n’a rien à craindre ; et tout le monde est content. Et tout va bien, tout va mieux, dans le meilleur des mondes ». Selon P. Bange (1978 : 73), cette ironie se présente ici comme une « arme pour duper ». Notons que cette ironie véhicule par ailleurs de la moquerie envers le peuple resté passif.

Par ailleurs, s’agissant de la trahison comme émanation de la médiocrité, elle mène toujours à la ruine de l’État, c’est-à-dire à la destruction de la nation. Dans ce cas, la trahison devient le fondement d’une république bananière. Elle l’est, parce que tout homme qui trahit, commet un acte déraisonnable : il s’autodétruit. Cela parce que, par la trahison, le traître devient un témoin gênant vis-à-vis de la personne qui a bénéficié de cet acte. De ce fait, le traître devient lui-même inefficace.

Visiblement, c’est cette stupidité, à en croire l’auteur implicite, qui caractérise les dirigeants politiques de son pays, et leurs complices issus du peuple. Certes, ils sont motivés par le souci d’un enrichissement rapide, sans se rendre compte que même les richesses matérielles reviennent logiquement, dans ce cas, à celui qui a bénéficié de la trahison. C’est le manque de cette lucidité de ses compatriotes avides de richesse, que l’auteur qualifie de ‘malédiction’. C’est à ce niveau qu’il convient de placer le sens que Je accorde au concept dégradant ‘imbéciles’, qu’il attribue à ses compatriotes. Autrement dit, le peuple est dirigé par ceux qui, au lieu d’exploiter et de gérer raisonnablement les grandes richesses que la nature a généreusement données à leur nation, sombrent dans l’inconscience et/ou l’inconsistance : la trahison de leurs compagnons.

3.2.1.2. Le discours polémique de l’auteur sur la trahison du peuple par lui-même

Si l’intention de l’auteur a consisté à dénoncer la turpitude des gouvernants de son pays dans le discours précédent, il est choqué par la résignation dont il accuse ses compatriotes (le peuple). Cela se perçoit dans les propos tenus par Je (le narrateur-acteur dans La Malédiction) :

Nous payons pour tous les forçats, tous les assassins, tous ceux qui ont trahi leurs amis aux premières heures de l’Indépendance. Et bien longtemps après, beaucoup d’autres encore de leurs amis, tout au long de leurs traîtrises, de leurs mensonges, de leurs faux serments. Tous les meurtriers, tous les déments. La folie au vent. Et vive l’idéal. Nous nous unissons aux déments, aux criminels. Bien noble idéal. D’injustice, de mensonge, de vol. Bête, idiot à jamais. Peuple bête. C’est fini, nous sommes des idiots. Des cochons. Peuple.

Consommé ; consumé ! Mal sonné. Veule. Ingrat, malhonnête. Aux mâchoires acérées, aux dents qui ne grincent pas, au front qui fronce pas. Sans contestation et sans intelligence. Pays de boue, plongé dans l’ornière de la boue, de puanteurs. Celles de mon cachot sont encore commodes (p. 118).

Ce discours conflictuel du narrateur-auteur abstrait à ses lecteurs abstraits, est tenu avec passion. Celle-ci est générée par une double trahison. L’examen de ce discours polémique se place à deux niveaux : la trahison du peuple par ses leaders politiques, et celle commise par le peuple contre lui-même ou contre son avenir.

3.2.1.3. La trahison du peuple par ses leaders politiques

Hâtons-nous de reconnaître que les énoncés constituant ce discours, ont une valeur constative. Dans la première partie de son discours (de « Nous payons… La folie au vent ».), l’énonciateur se sent inclus des victimes de la trahison perpétrée par leurs dirigeants politiques. Ainsi, le quatrième pronom personnel marque l’inclusion de Je parmi les victimes de ladite trahison. Celle-ci est rendue respectivement par le lexème forçats et par le passé composé ont trahi marquant un fait accompli dans le passé.

Précisons, en outre, que dans le contexte où ils sont employés, les concepts forçats et Indépendance (en majuscule), se présentent comme des indices informants. Pour en appréhender la portée sémantique, il convient de les situer dans le contexte historique. Cette violence verbale de l’auteur abstrait, a lieu au cours de la période nommée par le scripteur l'”Époque Contemporaine”. Or, celle-ci fait suite à ce qui est désigné par le même scripteur comme les ‘Temps Modernes’, c’est-à-dire la période d’après l’indépendance politique du Congo Démocratique (1960-1964).

Certes, le lexème forçats est dégradant. Mais il fait allusion à la classe politique considérée comme ‘immature’ et marquée par des divisions internes, qui a été appelée à diriger le pays après le départ des colons belges. Ils étaient ‘immatures’, parce qu’ils n’étaient préalablement pas préparés pour assumer les lourdes fonctions de l’État. Étant donné qu’ils avaient émis une revendication dans ce sens, le pouvoir colonial, à travers M. de Schrijver, Ministre de la Colonie à l’époque, décida :

Les Congolais veulent leur indépendance tout de suite. On va la leur donner immédiatement, à un moment où ils ne savent pas encore s’en servir. Aucun cadre n’a été africanisé, comme le ministre Van Hemelrijck voulait le faire progressivement. Ils n’ont pas d’administration et leur gouvernement devra s’appuyer nécessairement sur l’administration belge. Ils n’ont pas d’armée non plus et leur seule armée sera la force publique, qui ne compte que des officiers belges… (Cité par E. Boissonnade, 1990 : 39).

À l’immaturité politique qui caractérise ces nouveaux dirigeants congolais, s’ajoutent les divisions internes : Kasavubu et Tchombé sont de la tendance sécessionniste, mais avec des ambitions et des opinions divergentes alors que Lumumba est unitariste. Vraisemblablement à cause des intérêts politiques, les deux premiers cités sont bénéficiaires de l’appui du gouvernement et du milieu d’affaires belge, contre leur compagnon Lumumba, considéré comme radical et accusé de tendance communiste.

Autrement dit, et selon le contexte, il les considère à la fois comme des crétins et des marionnettes. C’est en ce sens qu’ils sont traîtres à leurs amis. Pour Pius Ngandu, la gestion du pouvoir politique par ceux qu’il considère comme des traîtres, a été parrainée par l’ancienne puissance coloniale. C’est cela qu’il fustige dans ce qui suit : « […] Comme il en a toujours été le cas, le colonisateur choisissant souvent des crétins, parce que inoffensifs, pour leur confier le pouvoir lors des premiers gouvernements ou des premiers coups d’État militaires ». (op. cit, p. 161).

En ayant dépeint ces leaders politiques de tous les traits moraux dépréciatifs (forçats, assassins, traîtres, menteurs, meurtriers, déments), l’auteur abstrait exprime à la fois son amertume et sa prise de distance vis-à-vis de ce groupe. Son discours présente à ses co-énonciateurs cette « gravité » qu’ils semblent minimiser, et face à laquelle ils restent passifs. C’est à cause de ce constat amer, que l’auteur implicite ironise dans l’énoncé « Et vive l’idéal ». C’est aussi à cause de cette amertume qui ronge visiblement son âme, que son discours, initialement à valeur constative (descriptive), remplit ici la fonction performative : il incite le lecteur postulé à la révolte, à se désolidariser de ce groupe de malfaiteurs. Toutefois, si ce discours de l’auteur dénonce le crime moral perpétré par les dirigeants politiques de son pays contre le peuple, à cause de son laxisme et de sa désillusion, ce dernier n’est pas non plus épargné par la critique de l’auteur.

4.1. La trahison du peuple par lui-même

En traitant ses compatriotes de « (peuple) bête, idiot à jamais » ou encore de « cochons », l’auteur use d’une stratégie visant à provoquer la réaction de ses destinataires virtuels. En les traitant de manière hyperboliquement dégradante – les bêtes sont dénuées de raison -, l’auteur les incite à la prise de conscience, à la prise en main de leur destin. Ce qui fonde son amertume, dans ce cas, c’est qu’il constate que ses compatriotes sont frappés d’une certaine cécité intellectuelle ou d’ignorance banale. L’ignorance dont il accuse ses compatriotes tient à ce qu’ils ne savent pas que c’est le peuple qui est le premier détenteur du pouvoir politique dans leur pays.

Il les accuse donc de ne pas savoir qu’ils aliènent leur pouvoir à travers les élections, et qu’ils ont droit de le récupérer, si d’aventure celui-ci est mal géré ou confisqué par celui à qui il a été confié.

C’est à cela que renvoie l’énoncé « Il ne connaît pas le prix de la liberté… » exprimant l’amertume de l’énonciateur. Cet énoncé véhicule la couardise et la peur que l’auteur fustige chez ses compatriotes car, en tout état de cause, le prix de la liberté, c’est la guerre. Or, en optant pour la résignation, le peuple congolais illustre non seulement son crétinisme, mais aussi son inefficacité à protéger ses droits élémentaires. C’est compte tenu de ce qui précède que l’auteur implicite se croit investi de la mission de les en tirer. Cela parce que l’ignorance est préjudiciable.

Soulignons que ce qui est préjudiciable dans ce contexte, et que le discours de l’auteur fustige, c’est la passivité du peuple face à son sort. L’auteur semble esseulé, le peuple ayant passivement accepté tous les crimes commis par ses dirigeants politiques. Seulement, dans cette solitude, l’énonciateur ne veut pas baisser les bras.

À l’instar de Martin Luther King, il sait qu’accepter passivement un système, c’est composer avec ce système. En dépeignant ainsi le peuple congolais, l’auteur veut l’inciter à réagir en s’alignant derrière lui. C’est dans cette optique que s’inscrit la comparaison que l’auteur abstrait établit entre la situation dans laquelle sombre le peuple de son pays, et son ‘cachot’. De cette comparaison, se dégage le principe selon lequel, entre deux maux, on choisit le moindre.

Le lexème cachot (dans « Celles de mon cachot sont encore commodes ».) est une expression métaphorique de l’absence de liberté. Étant donné que le locuteur reconnaît bénéficier de l’éclairage solaire, l’on peut sous-entendre qu’il s’estime illuminé par rapport à ses compatriotes, même s’il est en situation d’exil. Rappelons que la première parution de La Malédiction date de 1983 lorsque son auteur vivait en exil en Algérie. Dans ce cas, même si Je vit la vie d’un reclus, il bénéficie de la lumière issue du monde extérieur : il est libre de ses mouvements, là où il se trouve.

Ce qui n’est pas le cas pour ses compatriotes qui se laissent embrigader par les traîtres et les égoïstes à la tête de l’État. Dès lors, l’auteur se présente comme la sentinelle du Bien (D. Maingueneau, 1993 : 54).

En recourant à un discours violent (celui qui ne farde pas la vérité), l’auteur implicite cherche à redresser l’ordre naturel qui a été corrompu par les persécuteurs du peuple : les dirigeants politiques de son pays. Cette parole violente qu’il adresse aux lecteurs virtuels, vise à les révolter, à stimuler leur réaction pour qu’ils adhèrent à sa thèse.

Cela parce que les responsables politiques de leur pays, pour avoir trahi à la fois le peuple et leurs compagnons dans la lutte pour l’indépendance, sont des inconsistants. Ainsi, comme l’affirme le narrateur subjectif (ou l’opinion de l’auteur implicite) dans Les Étoiles écrasées, ces dirigeants sont indignes, parce qu’« on ne parle pas à sa terre si on a trahi des amis qui ont partagé une grande faim de la liberté » (p. 169).

Remarquons aussi que c’est à cause de leur ignorance préjudiciable que les compatriotes de l’auteur abstrait l’abandonnent face au combat de libération. De toute façon, le manque d’engagement, de détermination du peuple pour combattre ce que Je considère comme une ignominie, n’est pas autre chose qu’une lâcheté. D’où le recours de l’auteur abstrait aux traits caractériels dépréciatifs, en vue de stigmatiser la couardise dont il accuse ses compatriotes : « des cochons », « peuple bête », « idiot à jamais », « (peuple) consumé », « (peuple) mal sonné », « sans contestation et sans intelligence ».

Toute cette description dégradante que l’énonciateur attribue à ses compatriotes, se résume en ce paradigme : « pays de boue ». La boue étant marquée par les traits sémiques : [+ objet], [+ matériel], [- raisonnable], [- rigide/ solide], [+ mou], etc., elle renvoie respectivement, dans ce contexte, au crétinisme et à l’inefficacité de l’ensemble des citoyens congolais.

Seul l’auteur abstrait semble ne pas être affecté par toutes ces tares qu’il attribue à son peuple. C’est pourquoi il est ému lorsqu’il réalise qu’il est seul face à un destin commun qui ronge leur pays : « Je suis désormais seul. Désormais seul ; seul avec moi-même. Seul avec ma solitude. Seul sans mon soleil » (p. 110). Cette solitude semble avoir fondé la dysphorie contenue dans les propos que l’auteur vient d’adresser à ses compatriotes. Cependant, loin de les considérer comme des traits visant à disqualifier ses destinataires, ces axiologiques péjoratifs adressés (APA) remplissent une fonction performative. Cela dans la mesure où les victimes de ces APA ne sont pas des adversaires déclarés de l’énonciateur. Il s’agit plutôt d’un public qu’il voudrait conquérir au moyen d’un discours polémique.

La redondance de l’adjectif seul dans le dernier discours de Je, crée un sentiment de dégoût chez l’énonciateur qui, par ailleurs, s’estime rejeté. Par cette répétition qui apparaît comme un cri d’alerte lancé au co-énonciateur, Je considère les Autres (ses compatriotes) comme une « masse des lâches qui menace de (s’) engloutir » (M. Angenot, op. cit, p. 214).

En évoquant avec insistance sa solitude, l’auteur voudrait présenter à ses co-énonciateurs une « maxime idéologique » soumise à une structure binaire : l’auteur vs les couards (ses compatriotes).

Cela conduit à la visée morale de ce discours qui se fonde sur deux variables convergentes répréhensibles : la compromission du peuple du fait de sa résignation et la solitude dans laquelle sombre l’auteur. De ce fait, la parole sur la solitude de Je se présente comme celle qui vise à combattre, à résister contre ce que Marc Angenot nomme l’« universelle complicité des lâches ». L’énonciateur se révolte contre ce qu’il considère comme la trahison du peuple, tout « en montrant que ceux qui y applaudissent ordinairement sont en eux-mêmes condamnables, et que la sympathie qu’ils expriment pour l’opinion en cause rend (la patrie entière) coupable » (ibid., p. 206).

À ce discours polémique de l’auteur fondé sur la trahison comme mode d’accès au pouvoir politique, s’en ajoutent d’autres. C’est entre autres ceux que nous avons déjà mentionnés contre la corruption, l’ethnisme et la délation. Pour les raisons déjà évoquées au début de ce sous-point, nous ne nous attarderons pas sur l’analyse du discours polémique porté sur les deux derniers cas.

4.2.2. Le discours polémique de l’auteur porte sur la corruption

Qu’il émane du discours de Je de La Malédiction ou de celui du narrateur « omniscient » émettant une opinion subjective dans les deux autres romans, le discours auctorial revient sans cesse à la corruption, tout en faisant de cet isotope l’objet de sa parole critique. Le Groupe Multidisciplinaire du Conseil de l’Europe, statuant sur ce vice l’explicite en le définissant comme suit :

(Elle) est une rétribution illicite ou tout autre comportement à l’égard des personnes investies de responsabilités dans le secteur public ou le secteur privé, qui contrevient aux devoirs qu’elles ont en vertu de leur statut d’agent d’État, d’employé du secteur privé, d’agent indépendant ou d’un autre rapport de cette nature et qui vise à procurer des avantages indus de quelque nature qu’ils soient, pour eux-mêmes ou pour un tiers.

Au regard du discours critique de l’auteur, nous allons examiner ce phénomène dans trois institutions : l’éducation, la santé et l’armée. Entendue sous cet angle par le narrateur subjectif des Étoiles écrasées dans sa « vision avec », la corruption est présentée comme un facteur déstabilisant.

4.2.2.1. Le discours auctorial sur la corruption dans le secteur de l’Éducation

Cela est perceptible dans cette parole critique que l’auteur profère, à travers l’opinion subjective du narrateur, contre l’attitude des enseignants d’Université au Congo Belge (dans Les Étoiles écrasées).

Manipulant des millions de billets de banque, les barons du pouvoir avaient réussi à infiltrer les réseaux politiques parallèles. Ils recrutaient dans tous les milieux, payaient grassement les traîtres, disposaient à discrétion d’un personnel déférent et bien servile.

La mode à cette époque était aux enseignants de l’Université. Vendus à peu de frais, blanchis pour moins que les putes de Kintambo, ils s’exerçaient « scientifiquement » à des prouesses inimaginables. Avec un zèle intempestif et un empressement ostensible, dignes des grands Judas, ils monnayaient leurs collègues, livraient les imprudents sans scrupules, et alignaient les chiffres interminables de leurs zéros de compétence (p. 48).

À travers le point de vue souvent subjectif du narrateur, l’auteur abstrait récuse le comportement des enseignants de l’Université qui s’enrichissent sur le dos des autres, grâce à la trahison. Mais ce qui consacre cette trahison, c’est la corruption matérielle qui, si l’on s’en tient au discours de l’auteur, est due à la médiocre rémunération des enseignants. L’adverbe « grassement » (dans « …payaient grassement les traîtres… » est l’expression métaphorique de la corruption que dénonce l’auteur abstrait afin de révolter le lecteur virtuel contre ce système, et d’obtenir son adhésion.

Les concepts « Université » et « Kintambo » sont, en outre, des indices informants dans ce discours conflictuel de l’auteur. À ce titre, ils sont suggestifs. C’est ce qui justifie, d’ailleurs, l’emploi du déterminant défini introduisant le lexème « Université » (dont la première lettre est majuscule).

Par ailleurs, le lexème Kintambo est aussi un indice informant. Il l’est parce qu’il désigne une des vingt-quatre communes administratives constituant la capitale de la République Démocratique du Congo : Kinshasa. Dès lors, ces deux indices confèrent au discours polémique de l’énonciateur le caractère d’une dénonciation.

Ainsi, dans son article consacré aux « Cerveaux en fuite », qui se perçoit comme la réponse que l’auteur réserve à ceux qui accusent l’élite congolaise vivant à l’étranger d’avoir abandonné leur patrie aux autres, Puis Ngandu témoigne :

Ceux qui avaient fui ne l’avaient jamais fait pour les mêmes raisons que celles ânonnées dans les forums publics. Bien au contraire : échapper aux cachots des services de la sécurité, aux geôles des dictateurs sanguinaires, aux meurtres collectifs qui ont dévasté des régions entières, autour des Grands Lacs ou dans le Sahel embrasé, cela ne relevait pas de la lâcheté. Loin de là (…) Et puis, ceux qui avaient été persécutés par leurs propres collègues dans les universités d’origine : pour des querelles mesquines de hiérarchies, pour des conflits de parvenus, pour des quotas de tribus. Et comment évoquer encore les haines tenaces des médiocres qui s’étaient vus propulser aux postes académiques sans en bénéficier du moindre mérite ? La réponse ne viendra pas des « exilés », mais des structures qu’il serait impératif d’instituer partout, afin de préserver la valeur des chercheurs courageux, convaincus de la pertinence de leurs méthodologies, autant que du bien-fondé de leurs objets d’études (P. Ngnadu, www.arts.uwa.edu.au).

D’après le discours du narrateur-auteur abstrait, si les enseignants de l’Université sont des « grands Judas », c’est qu’ils sont traîtres et inconsistants.

Par ce trait de caractère qui leur est attribué par l’auteur, ces « évolués » sont considérés comme une catégorie sociale « marchant sur des vérités qu’il n’est permis à aucune raison de nier devenant (la) thuriféraire de l’inconséquence, de la contrevérité, du non-sens, du paralogisme » (D. Abanda, 2005 : 118). Le paradigme insultant « grands Judas » marquant une comparaison, est évocateur : Judas est cet apôtre qui dans la Bible, avait trahi son Maître Jésus-Christ, après avoir été corrompu par les bourreaux de ce dernier.

Considérant la trahison dont Pius Ngandu aurait été victime à l’Université de Lubumbashi (Katanga), l’on peut considérer que le paradigme grands Judas est un indice informant. En effet, Ngandu aurait été livré aux services de sécurité par certains de ses collègues, à l’Université de Lubumbashi. Selon Kalonji Zezeze (1992) une conférence-débat intitulé Débat sur l’Université devait être animée par trois orateurs : Mbela, Mononi et Ngandu. Mais avant la tenue de ladite conférence et à la grande surprise de Pius Ngandu, ses deux collègues étaient nommés à la tête du renseignement national.

Dans les jours qui suivirent cette nomination, Ngandu fut arrêté par les services de sécurité de son pays.

Comme pour lui ôter ses dernières illusions, une nuit, pendant son emprisonnement dans les locaux des services de sécurité, on vint le chercher pour lui montrer par une porte-cochère ses éminents collègues de l’Université en pleine conférence avec le responsable de la sûreté nationale.

Dans ce contexte, « le Maître » qui a été trahi par ces enseignants, c’est le secteur de l’Éducation. Autrement dit Judas étant le symbole de l’indignité, c’est la dignité de l’enseignant qu’ils trahissent. Or, c’est cet organe qui est l’épicentre, la pépinière de toutes les autres institutions nationales. Les médecins, les économistes, les financiers, les politologues, les psychologues, les ingénieurs, les linguistes, etc. en sont les produits.

Reconnaissons que si ces enseignants se comportent comme de « grands Judas », c’est parce que le pouvoir politique achète leur conscience. Autrement dit, l’accès à l’échelon supérieur n’est plus fonction du mérite tel que cela s’observe dans d’autres sociétés bien organisées, mais plutôt le fruit d’une immoralité, d’une mesquinerie. Dans ces conditions, la récompense dont ils sont gratifiés par le même pouvoir relève de l’indignité, et traduit la médiocrité des bénéficiaires. C’est à ce vice moral que renvoie l’amplification contenue dans le groupe nominal « les chiffres interminables de leurs zéros de compétence ».

Dès lors – les mêmes causes produisant les mêmes effets – un âne n’engendre qu’un âne, selon Lévis-Strauss – des médiocres générant donc d’autres médiocres, la corruption consacre l’établissement d’une « République bananière ». Selon cette logique, le discours polémique de l’auteur procédant par la dénonciation, il véhicule l’idée d’une révolte contre la stratégie ignoble entretenue par l’animal politique : diviser pour régner.

Cette stratégie est ignoble parce qu’elle consacre la partition du pays : on oppose ceux qui s’enrichissent frauduleusement aux autres qui ne peuvent pas ou ne savent pas le faire, et qui restent les souffre-douleur des premiers. C’est cette attitude qui choque. Par ailleurs, mise à part la médiocrité, l’achat de consciences pratiqué par les dirigeants politiques envers les enseignants de l’Université, dans Les Étoiles écrasées, engendre l’immoralité et l’irresponsabilité à la fois des corrupteurs et des corrompus.

4.2.2.2. Le discours auctorial sur la corruption dans le secteur de la Santé

Cela est perceptible dans le discours ci-après tenu par Mama Kivouno, la responsable du Département de la Maternité dans l’hôpital où Sadio Mobali, le héros du Doyen Marri, est affecté comme médecin-directeur. Reconnaissons que les propos que ce personnage adresse à son nouveau patron, Sadio Mobali, constituent visiblement le discours polémique du narrateur-auteur abstrait. Cela parce que les propos de la dame sont perçus comme une critique exercée par l’auteur à la fois contre cette locutrice et contre le système politique au Congo Démocratique. Ainsi Mama Kivouno présente-t-elle à Sadio :

Nous sommes quinze infirmiers et infirmières, plus trois laborantins, docteur. La clinique a une capacité potentielle de mille lits, mais personne n’arrive à compter les malades. Il y en a partout, une dizaine de mille. Nous ne disposons plus de fichiers. Les patients amènent la natte et couchent parfois près du couloir. Nous devons tout faire nous-mêmes. Les services se mélangent tout le temps, et les infections se transmettent cordialement. La grande convivialité des bacilles et des bactéries de tous calibres. Les cas ne se comptent plus. Des spécimens de toutes sortes. Il nous arrive de procéder à des opérations chirurgicales, pas toujours bénignes ! Oh ! Rassurez-vous, nous avons souvent la main heureuse. Même le gardien de la morgue peut pratiquer une césarienne. Inciser les bubons ? Presque enfantin. Nous connaissons des problèmes énormes. Pas de médicaments, pas d’instruments de travail. La nuit ? Les malades apportent des lampes-tempêtes et nous gratifient d’un peu de pétrole. De l’huile de palme. Le courant électrique est inconnu depuis des siècles. Personne n’a jamais été rémunéré, même pour la maternité.

– J’espère qu’il y en a beaucoup qui crèvent à l’accouchement.

– Oh ! Pas beaucoup, heureusement. En tout cas, pas autant qu’il en aurait fallu, vu nos moyens rudimentaires et les dispositions de nos capacités. Nous avons amélioré les conditions. Des véritables miracles. Nous ne nous vantons pas. Réflexe des connaisseurs. En toute humilité. De l’argile pour le cordon ombilical. Elle cicatrise vite, si la plaie ne s’infecte pas rapidement. Nous prions les mânes des ancêtres. Le mois dernier, des bébés ont succombé par dizaines. Papa Kinywa avait apporté le jus d’une racine ramenée du village. Elle coûtait cher. Une nouvelle recette pour renflouer les caisses désespérément vides. Nous nous débrouillons pas mal. Merci, vous êtes aimable (pp. 184-185).

Remarquons d’emblée que le discours tenu par Mama Kivouno à son nouveau chef (Sadio Mobali), possède trois interprétations différentes mais complémentaires. La parole de cette locutrice est celle de l’ignorance banale. Cependant, celle qui s’en dégage implicitement, et qui est celle de l’auteur-abstrait, est plutôt polémique.

4.3. Un discours malheureux à caractère informatif

Il l’est parce qu’il s’attache à l’irresponsabilité, au désordre et à l’immoralité caractérisant le pouvoir public dans le pays de Sadio Mobali. Un hôpital est un lieu par excellence où les patients se rendent ou sont amenés en vue de recouvrer leur santé, après un traitement décent. Il y est ainsi requis, sur le plan clinique, un maximum d’organisation, de propreté et de suivi.

Cela parce que c’est le lieu par excellence où l’on est supposé s’occuper de la protection de la vie humaine (même animale au sens large). De manière précise, tout hôpital est une juridiction toujours, d’une manière ou d’une autre, sous contrôle de l’État.

En s’en tenant à la manière dont cet hôpital dont on parle dans cet extrait est géré, l’on se rend vite compte qu’il est abandonné par l’État dans ce pays. Si bien que le discours de Mama Kivouno est présenté comme un discours malheureux à caractère informatif. Cela se perçoit dans les énoncés informatifs : « Nous ne disposons plus de fichiers », « Nous devons tout faire nous-mêmes », « Les services se mélangent tout le temps… », etc. Et c’est cette information véhiculée par ces énoncés qui choque d’emblée dans ce discours polémique. Cela parce que, à travers ce discours de Mama Kivouno, le lecteur découvre la situation calamiteuse soumise au peuple par son propre gouvernement, dans le pays de Sadio Mobali. Dans cette partie, le discours vise dans un premier temps, non pas à convaincre le lecteur, mais à le renseigner, à l’instruire.

Soulignons toutefois que, dans cette partie, le discours de l’auteur se caractérise par une certaine neutralité perceptible dans le troisième énoncé, où le groupe nominal « Les services » peut être remplacé par le pronom ils pour marquer une certaine objectivité chez l’auteur : à ce niveau, ce dernier s’abstient de tout jugement personnel.

4.4. Un discours ironique de l’auteur contre son personnage

Certes, le discours de Mama Kivouno se présente comme celui de l’ignorance banale, et même de l’orgueil. Visiblement, le discours polémique de l’auteur dénonce les maux qui rongent toute une société. Cela donne à ce discours une valeur perlocutoire. Si les dirigeants politiques du pays de Sadio Mobali ont une grande part de responsabilité dans la situation malheureuse que traverse le peuple, le corps médical dans ce pays est aussi à blâmer.

Si l’auteur se cache en faisant parler Mama Kivouno, le discours de cette dernière est le sien : il présente les propos de ce personnage dans le but de mieux mettre à jour les ridicules que ce dernier incarne. Certes, ce discours implicite de l’auteur est marqué d’émotion. C’est ce que traduit le recours récurrent à l’ironie contenue dans les énoncés : « Oh ! Rassurez-vous, nous avons souvent la main heureuse. Même le gardien de la morgue peut pratiquer une césarienne ». Et même dans l’énoncé « Inciser les bubons ? Presque enfantin ». L’on peut s’en rendre compte, à l’instar de Léonard Sainville, « l’élément essentiel du lyrisme est, ici, la protestation contre la souffrance » (L. Sainville, 1963 : 31).

Dans ce contexte, ce qui fonde la protestation de l’auteur abstrait, c’est l’irresponsabilité des dirigeants politiques et même du corps médical face à leur devoir élémentaire, au premier plan duquel se place la sécurité de la population. Si le gouvernement doit tolérer ou permettre que même des gardiens de la morgue fassent des interventions chirurgicales, c’est cela qui choque. Il s’agit là d’une attitude non seulement irresponsable de la part du pouvoir politique, mais aussi d’un crime perpétré contre une population que celui-ci doit sécuriser, protéger. La protestation de l’auteur s’élève aussi contre l’immoralité de ces mêmes dirigeants politiques.

Notamment en poussant la population à la débrouillardise pour sa survie. Certes, il s’agit aussi là d’un phénomène d’abandon. Or, tout désistement face à ses responsabilités constitue une immoralité. Reconnaissons que ce qui est reproché aux dirigeants politiques, dans ce contexte, l’est aussi au corps médical dans le pays de Sadio Mobali. Une salle d’opération est un lieu de salubrité publique par excellence. Cela parce que la vie des patients et des soignants en dépend. S’il est admis des lampes-tempêtes, voire de l’éclairage à base d’huile de palme, c’est cela qui choque. Cela parce que le pétrole dégage du gaz combustible, autant qu’il pollue l’oxygène indispensable pour la vie des patients. Par ailleurs, l’huile, tout comme le pétrole, sont des matières à la fois inflammables et insolubles. Elles peuvent provoquer des catastrophes à tout moment dans la salle d’opération, surtout au contact avec des produits stérilisants ou alcoolisants, indispensables pendant les interventions chirurgicales.

Par ailleurs, l’adverbe « heureusement » (dans l’énoncé-réponse à la question posée par Sadio Mobali à son infirmière « Oh ! Pas beaucoup heureusement »), exprime l’ironie. Et en même temps, il véhicule une valeur perlocutoire. S’il est avéré qu’un médecin (ou infirmier) n’a pas d’obligation de guérir, il a celui de bien soigner. Ce qui est perçu comme immoral dans ce discours polémique, et donc révoltant, c’est la fausse assurance de Mama Kivouno.

Conclusion

Il se perçoit que, selon elle, ce qui donne satisfaction morale à un médecin/infirmier, c’est d’avoir exercé son métier, tant bien que mal, pourvu que les dégâts ne soient pas immenses. Dans ce cas, ce qui est déplorable pour Mama Kivouno, c’est l’abondance des pertes en vies humaines, les cas individuels étant considérés comme des phénomènes minables, donc « normaux ». Dès lors, cette perception constitue ce qui est considéré par Claude Duchet comme la « crise textuelle de la parole ». C’est-à-dire celle qui « est symptôme d’un malaise ou de conflits au niveau de ce qu’elle est censée transmettre, au niveau d’un pouvoir ou d’un devoir dire (Cl. Duchet, 1979).

Sur la même lancée d’immoralité, s’inscrit cette autre fausse perception de Mama Kivouno. L’un des points relevant du “Serment d’Hippocrate” que prêtent les médecins et les infirmiers pendant la cérémonie de remise de diplôme, c’est qu’ils jurent de protéger la vie humaine. Mais tel ne semble pas être le cas pour cette infirmière qui reconnaît qu’elle recourt à l’argile pour cicatriser le cordon ombilical des enfants nouveau-nés.

Cela constitue non seulement une entorse, mais surtout une immoralité, si l’on s’en tient aux conséquences qu’une telle pratique peut générer. Ce qui est immoral et donc choquant, c’est que cette responsable de la Maternité est consciente, tout en l’appliquant au cordon ombilical, que l’argile est infectieuse.

C’est là que son acte est perçu comme criminel, tel qu’il se lit dans ces énoncés :

Nous avons amélioré les conditions. Des véritables miracles (…). En toute humilité. De l’argile pour le cordon ombilical. Elle cicatrise vite, si la plaie ne s’infecte pas rapidement.

Certes, ce que l’infirmière croit être une amélioration des conditions sanitaires, n’est autre que l’expression de l’ignorance. Il peut s’agir aussi de l’orgueil démesuré, étant donné qu’elle est consciente de l’impact du produit (l’argile). Dans les deux cas, les énoncés « Nous avons amélioré les conditions » et « En toute humilité » véhiculent de l’ironie, autant qu’ils sont l’expression de la protestation formulée par l’auteur contre cette pratique. C’est le temps de le dire, l’énoncé « Nous nous débrouillons pas mal » est suggestif. Il évoque la fuite de responsabilité du pouvoir politique. Dans ce cas, fuir ses responsabilités sous-entend l’inexistence d’une remise en question des forfaits commis, ce qui signifierait qu’on néglige de percevoir l’ampleur de son crime. Ainsi, l’on peut y revenir à tout moment, récidiver.

Bibliographie sommaire

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