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Chronique d’un adultère : Albert Camus – Maria Casarès

Florence M.-Forsythe : Tu me vertiges – L’amour interdit de Maria Casarès et Albert Camus, Ed. Le Passeur, 2017, 440 p.

Catherine Camus aurait-elle autorisé la publication chez Gallimard, en 2018, de la correspondance[i] entre ces deux monstres sacrés que sont l’écrivain Camus et la comédienne-tragédienne Casarès si Florence Forsythe n’avait pas publié antérieurement son récit, basé sur les confidences recueillies auprès de son amie Maria Casarès et sur un travail d’archives, de ces amours tumultueuses ? La (petite) histoire de la littérature le dira un jour. Le fait est en tout cas que les deux ouvrages qui n’ont pas été pensés simultanément se complètent. D’un côté le verbe brut des deux amants. De l’autre le roman de leur romance.

Le propos, ici, ne sera pas centré sur la Correspondance qu’on pourra d’ailleurs juger un peu décevante, surtout du côté de Camus qui manque pour le moins de lyrisme dans l’expression de ses amours. Casarès, heureusement, se montre plus passionnée. Par écrit du moins, car en pratique, elle a su quand ne pas répondre aux demandes pressantes de Camus et quand rompre une relation à l’évidence déséquilibrée, Camus étant déjà remarié quand il a rencontré la jeune première du Malentendu.

Le livre de F. Forsythe ajoute aux échanges épistolaires tout le contexte que les notes de bas de page du gros livre de Gallimard ne peuvent qu’esquisser. Ainsi passe-t-on en revue tout le « monde » parisien des deux amants, qui n’est pas n’importe quel monde puisque c’est celui de la littérature, du théâtre et des arts, une réunion de grands noms qu’il serait fastidieux de citer ici, de Sartre à Picasso ou de Leiris à Barrault en passant par Gallimard et Mouloudji (et toutes les compagnes ou compagnons d’y-ceux). On pourra s’étonner – ce n’est pas le moindre apport de cet ouvrage – au récit des fêtes qui réunissaient l’intelligentsia parisienne pendant la guerre. Si l’on circulait à vélo (avec parfois une belle en équilibre instable sur le guidon), cela n’empêchait point de se retrouver pour faire la fête dans de somptueux appartements des beaux quartiers, où l’alcool (si ce n’est l’opium) élevait sensiblement la température à défaut du charbon rationné.

Il faut lire le livre pour comprendre ce qui a pu unir deux être choyés par les dieux, pas si loin des amours contingentes de Sartre et du Castor (F. Forsythe n’évoque-t-elle pas le « harem » de Camus ?), héritiers inconscients du surréalisme dans ce qu’il avait de plus pur et de plus intransigeant, vivant les heurs et les malheurs d’une liberté qu’il fallait, chaque jour, réinventer.

 

[i] Albert Camus, Maria Casarès, Correspondance – 1944-1959, Paris, Gallimard, 2018.