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Poèmes

 

La chair inerte de la pomme

 Parler. Rire. S’extasier. Partout de très étranges brumes. Une flottille de radeaux les souvenirs. Suture pour âme et mémoire. Aller et venir tandis que les cris d’enfants éclatent comme fruits mûrs au sol. Des îlots de questions. Au milieu du doute s’effarouche le dos de la mémoire. Refuser le goût de la pomme. La pomme est exotique. Sa chair étrange venue d’au-delà des mers. Perdre le fil du tumulte. Ne riez pas. Tout dépend d’où porte le regard. Travelling sur la pomme. Sur cette chair inerte. Penchez-vous. Pour écrire paraît-il qu’il faut avoir le goût du monde sur la langue. Mais dans les couloirs déserts du poème je m’époumone. Dans le décor de carton-pâte du poème il a éteint les étoiles en sortant. Oui, les étoiles sont éteintes et personne ne répond. Au loin j’entends passer la noce. Les questions en peau de soucougnan mènent le bal. Et dire que je n’ai pas su quand. Je n’ai rien vu venir. Anne ma sœur Anne, sommes-nous devenus si égoïstes au point d’avoir besoin d’écouter la météo de l’amitié pour savoir s’il y a des nuages dans le cœur des hommes…

 

 Quand le sommeil viendra

 Quand le sommeil viendra vous lui direz de ne pas oublier d’éteindre la nuit/ vous l’implorerez de ne pas vous laisser là sur le bord/ à rebours de cette vie qui désunit/ Ce n’est pas que vous ayez mécompris ce qui fait l’écume des jours/ Mais que concéder à cette humanité en marche dans les champs de l’horreur et de la folie consenties/ Et le sommeil ne se refuse/ Chantez/ Buvez/ Faites-lui fête/ Vous êtes convié au banquet de ce guetteur qui brille dans l’ombre comme la dent d’un fauve ou comme l’œil de Caïn ce frère de solitude/ Prenez et buvez en tous ceci est mon sang/ ce sang que l’on vous verse sanctifié/ Symbolique anthropophagie pour vous conduire à la conscience/ Comparez cette douceur à l’oubli/ Vous plongeur de l’indicible/ Vous spectateur qui se refuse au meurtre mis en scène et consommé sur écran géant/ Vous vous lèverez pour ne plus faillir/ Quand le sommeil viendra vous y mettrez les deux mains comme boulange singulière/ Vous n’aurez pas dit votre dernier mot dans cette gloire du dérisoire et de l’absurde consommé en produit fini/ destitution infime du vouloir/ Vous y inscrirez peut-être votre complainte de poète/ non pas la phrase péremptoire de celui qui sait et se souvient/ et jamais ne s’envole/ mais complainte fleurie de rêves fanés et de justes hébétudes/ Et le sommeil viendra d’un seul geste