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Le Ravissement de la rectrice – (II) Le communiqué des Fonctionnaires énervés

Le commissaire fraie avec l’anti-terrorisme

ecusson-SDATDe retour au commissariat, il retrouve une réalité moins rose. Un point avec les inspecteurs n’apporte rien de nouveau, pas plus du côté des indics que du personnel du rectorat ou de la domestique de la résidence. La rectrice, pour autant que l’on sache, se concentrait sur son travail. Il faudra attendre les retours des services de Métropole pour en savoir un peu plus sur sa vie privée. Ni le service des urgences, ni les commissariats ou les gendarmeries n’ont entendu parler d’elle. Sa voiture a disparu également. Le directeur de cabinet du préfet a beau s’impatienter au téléphone, il n’y a rien de concret à lui apprendre. Sinon que son lit n’était pas défait et qu’elle n’avait pas prévenu qu’elle dînerait dehors, ce qui laisse penser 1) qu’elle a bien été enlevée et ce 2) sur le chemin du rectorat à son domicile. La disparition de la voiture ne cadre pas exactement avec le scénario d’un enlèvement. Sans doute les ravisseurs ont-ils voulu brouiller les pistes. Mais il ne doit pas être trop compliqué de retrouver la Citroën C5.

De fait, dès le lendemain matin la voiture a été repérée sur le parking de l’aéroport,… ce qui ne signifie rien quant au sort de la rectrice. Sa présence n’a été signalée sur aucun vol, pas plus que sur les bateaux qui font la navette avec les îles voisines et tout laisse donc à penser qu’elle n’a pas quitté le territoire. La voiture sera passée au peigne fin par la police scientifique, ce qui apportera peut-être quelque information utile.

En fin de matinée arrive enfin la revendication qui confirme l’hypothèse de l’enlèvement. Le commissaire s’apprêtait à monter dans sa voiture pour se rendre à l’aéroport et accueillir ses collègues venus de métropole lorsqu’il est informé qu’une radio privée a reçu un courrier revendiquant l’enlèvement de la rectrice.

Le communiqué des Fonctionnaires énervés

Le message ci-dessous a été adressé il y a trois mois aux ministres de l’Intérieur, de l’Éducation, de la Fonction publique, du Travail et des Affaires sociales.


Madame et Messieurs les ministres,

Nous, fonctionnaires de l’État français, animés par l’esprit de service public et le désir de servir au mieux dans l’exercice de nos fonctions respectives, face à l’inertie des pouvoirs publics, nous sentons dans l’obligation d’exiger de vous que soit réalisé sans délai un premier ensemble de réformes indispensables.

1.       Citoyenneté

Face à l’incapacité dans laquelle nous nous trouvons d’intégrer correctement de trop nombreux enfants immigrés ou issus de l’immigration (échec scolaire, délinquance, chômage), nous exigeons a) de supprimer immédiatement le droit du sol ; b) de mettre fin au regroupement familial et de limiter l’immigration en provenance des pays extérieurs à l’Union européenne aux seuls candidats respectant les règles de « l’immigration choisie », donc de se donner les moyens de mettre fin effectivement à l’immigration illégale.

2.       Famille

Face à l’incapacité dans laquelle nous nous trouvons de faire réussir comme ils le méritent trop d’enfants des classes populaires, face à l’irresponsabilité de trop nombreux parents, face enfin aux faibles perspectives de l’emploi à terme, nous exigeons a) de supprimer les allocations familiales au-delà de deux enfants ; b) de supprimer temporairement les allocations versés aux parents négligents, soit qu’ils ne respectent pas l’obligation scolaire, soit qu’ils détournent les allocations à leur propre usage.

3.       École

L’assiduité à l’école n’est pas le seul facteur de réussite. A l’école primaire comme au collège, les regroupements des élèves dans des groupes transversaux sont indispensables pour leur permettre de pallier les difficultés qu’ils rencontrent dans telle ou telle matière, sans pénaliser leurs camarades plus avancés. Nous exigeons a) la généralisation de cette organisation à l’école primaire comme au collège. Par ailleurs le rôle de l’école est trop crucial pour confier les élèves à des professeurs visiblement inaptes, absentéistes ou insuffisamment consciencieux. La fonction publique ne peut continuer à servir d’abri à des incompétents ou des paresseux. Comme de telles tares n’affectent évidemment pas uniquement certains enseignants, nous exigeons pour qu’il soit mis fin à cet abus b) la suppression de la garantie de l’emploi à vie dans la fonction publique ainsi qu’une remotivation des corps de direction et d’inspection. Puisque, enfin, la formation pédagogique des enseignants est un maillon crucial de la réussite des élèves, nous exigeons c) qu’elle soit assurée systématiquement et par des professeurs chevronnés ayant eux-mêmes enseigné dans les classes où les futurs professeurs seront appelés à exercer.

4.       Travail

On ne saurait prétendre lutter contre le chômage et tolérer les diverses formes de travail illégal : travailleurs non déclarés, travailleurs « détachés » sans respecter les règles en vigueur. Nous exigeons a) que les inspecteurs du travail soient constamment présents sur le terrain et dressent procès-verbal pour toute infraction constatée ; b) que les dirigeants des entreprises qui sont les employeurs ultimes des travailleurs illégaux soient personnellement sanctionnés, condamnés à des peines d’emprisonnement et que ces peines soient effectives. Les mesures d’accompagnement nécessaires seront mises en ouvre pour ne pas compromettre la compétitivité des entreprises ouvertes à la concurrence internationale.

Toutes les mesures précédentes qui peuvent être mises en œuvre par des mesures réglementaires ou administratives doivent l’être exactement, sans concertation avec les syndicats représentatifs, dans un délai de trois mois. Celles qui réclament un changement de la législation doivent être présentées au Parlement dans le même délai.

Nous sommes un groupe de fonctionnaires de bonne volonté, laïques, croyants ou non croyants, de droite ou de gauche, œuvrant dans divers secteurs de la fonction publique, énervés en raison de nos conditions de travail qui nous condamnent à l’inefficacité. Nous ne sommes nullement des terroristes assoiffés de sang. Néanmoins, si nos demandes ne sont pas prises au sérieux, nous entreprendrons toutes les actions, y compris violentes, qui seront nécessaires pour obtenir satisfaction.

Le collectif des Fonctionnaires énervés, en France, le 1er mars 2016.


Le délai de trois mois est désormais écoulé. Aucune des réformes demandées n’a reçu le moindre commencement d’exécution, aucune n’a été annoncée ou discutée. Comme il en avait averti, le collectif des Fonctionnaires énervés a donc été contraint de passer à l’action. La rectrice de X a été enlevée. Elle est gardée en un lieu sûr, quelque part en France, hors d’atteinte de la police. Elle est en parfaite santé et sera correctement soignée pendant un nouveau laps de temps de trois mois.

Si les mesures exigées dans notre courrier du 1er mars ne sont pas réalisées ou engagées comme indiqué dans ce délai, nous mettrons fin à la vie de notre prisonnière.

Le collectif des Fonctionnaires énervés, en France, le 1er juin 2016.

PS : Afin d’éviter toute polémique inutile, nous ajoutons la précision suivante : la France souffre d’une telle misère humaine et sociale – qui se traduit trop souvent par des crimes de sang (combien d’adolescents ratés du système scolaire assassinés chaque année dans des querelles entre gangs de la drogue, par exemple ?) – qu’il est légitime de supprimer une seule personne si cela s’avère la condition pour que soient enfin menées à bien des réformes indispensables (qui, entre autres, sauveront des vies humaines).


Le commissaire a lu la missive des « fonctionnaires énervés » pendant le trajet vers l’aéroport. Si son contenu ne lui paraît pas absurde, la méthode employée par les signataires lui paraît, elle, abracadabrante : selon lui, en effet, la France n’est définitivement pas réformable et la brutaliser n’aura aucun résultat. Quoi qu’il en soit, la naïveté du propos suffit à le rendre crédible à ses yeux. Donc la rectrice a été enlevée (ce qui était déjà l’hypothèse la plus vraisemblable) et elle vivante. Comme il est peu probable qu’elle ait quitté l’île, c’est là où il convient de la chercher en priorité.

Latrouille est à peine sorti de ces réflexions qu’il est déjà arrivé à l’aéroport, malgré la circulation particulièrement dense à cette fin de journée. Il est vrai qu’avec un gyrophare on ne soucie guère des encombrements… Laissant son chauffeur sur le parking, il se dirige vers la porte d’arrivée. Il n’a aucun mal à repérer les deux enquêteurs parisiens, un homme et une femme : si le premier a le profil type du flic qui a pas mal roulé sa bosse, la seconde, jeune et blonde à souhait, est encore plus attirante que sur la photo  qu’on lui avait envoyé. Il se demande s’il y a quelque chose entre eux. Il n’a lui-même pas couché avec une blanche depuis longtemps ; si ça ne lui manque pas, un peu de diversion n’a jamais fait de mal à personne et d’ailleurs sa libido, qui s’était mise au repos après l’épisode du rectorat, est remontée en flèche en présence de cette nouvelle ravissante. Celle-ci a répondu à son accueil de la manière la plus neutre possible, ce qui ne signifie rien de la part d’une belle femme dressée à décourager les mâles… L’espoir fait vivre !

Pendant le trajet vers l’hôtel, Latrouille met ses deux collègues au courant de ce qu’il vient d’apprendre. L’hypothèse d’un acte terroriste est quasiment confirmée : les deux enquêteurs ne se seront donc pas déplacés pour rien ! Par contre, comme ils en conviennent tous les trois, le profil probable des ravisseurs va rendre les investigations compliquées : s’il s’agit bien de fonctionnaires trop consciencieux, comme l’indique le courrier de revendication, il y a peu de chance qu’ils soient déjà connus de la police. Cela étant, la première chose à faire est de vérifier que les ministères cités dans la lettre ont bien reçu en son temps le message qui leur était soi-disant destiné. La préfecture doit s’en charger ; compte tenu du décalage horaire les réponses n’arriveront pas avant le lendemain après-midi. Pour l’heure, les deux Parisiens prendront possession de leurs chambres et Latrouille les retrouvera un peu plus tard pour les amener dîner quelque part.

Le dîner dans un restaurant du bord de mer se passe bien entendu à parler boutique : on discute un peu de la manière de relancer l’enquête et beaucoup des avantages et inconvénients des professions respectives des convives. La surrémunération des fonctionnaires en poste outremer constitue un avantage évident dont Latrouille bénéficie, et puis il y a le soleil et la mer, sources d’envie pour les Parisiens ; par contre, loin du ministère, il n’est pas le mieux placé pour faire avancer sa carrière. Tandis que si les conditions de vie des deux Parisiens sont moins confortables, ils sont au cœur de l’action et rattrapent une partie de leur retard en matière financière grâce à leurs frais de mission. De telles considérations qui pourraient paraître secondaires sont en réalité le point de départ de commentaires infinis et le dîner se passe donc du mieux possible. A la fin du repas, Julien (Latrouille) invite ses nouveaux amis Frédéric (Loiseau) et Marjolaine (Fabre) à prendre un dernier verre dans l’unique bar branché de l’île. Le premier décline, prétextant le décalage horaire mais plus vraisemblablement parce qu’il a abusé des planteurs, boisson traître entre toutes ; Marjolaine se montre partante. L’affaire est dans le sac, se dit Latrouille, en quoi il ne se trompe pas.

De fait, après avoir ramené Frédéric à l’hôtel, les voilà repartis dans la voiture du commissaire non pas vers un bar mais vers une plage abritée, déserte à cette heure, Marjolaine ne pouvant attendre davantage de se plonger dans la mer chaude des tropiques. Comme elle n’a pas son maillot avec elle, n’étant pas repassée dans sa chambre, et Latrouille non plus, un bain de minuit est au programme. La lune éclaire suffisamment et Julien peut vérifier que Marjolaine est aussi craquante dans le plus simple appareil que dans le tailleur chic qu’elle vient d’enlever. Et Marjolaine constate quant à elle que la queue de Julien est joliment dressée. Elle la tapote gentiment avant de s’élancer dans l’eau : chaque chose en son temps. Elle nage le crawl vite et bien ; Julien qui pourrait la dépasser aisément préfère rester dans son sillage et admirer la paire de fesses bien rondes qui émerge régulièrement en alternance avec les épaules joliment musclées. Quand elle retourne vers la plage, il attend qu’elle ait repris pied pour se presser contre elle. Sa verge qui s’était rétractée pendant la nage se redresse illico. Tandis qu’il lui caresse les seins, elle approche ses lèvres des siennes. Elle gémit déjà avant qu’il la prenne, avant qu’il la soulève pour la pénétrer, tandis qu’elle croise les jambes derrière lui. À l’unisson de la mer qui les porte, parfaitement calme à cette heure, ils font l’amour doucement, lentement, comme de vieux amants habitués à des voluptés tendres et secrètes. Le gémissement de Marjolaine se fait à peine plus fort au sommet de la jouissance. Elle se détache de lui, ils sortent de l’eau, elle s’agenouille sur la plage et le prend dans sa bouche pour lui donner son plaisir. Quand il la reconduit, elle n’attache pas sa ceinture pour mieux se serrer contre lui ; elle lui susurre des mots tendres.

Comment se douterait-il, de retour chez lui, pendant qu’il fait l’amour à Gladys, s’amusant à différencier les sensations qu’il éprouve avec elle, si noire, de celles qu’il vient d’éprouver avec Marjolaine, si blonde, que cette dernière a réveillé Frédéric, excitée par l’envie de faire tout de suite l’amour avec un autre homme ?