Scènes

Les Mille et une nuits, version Preljocaj

 

Ingres - le Bain turc

Ingres – le Bain turc

Les Nuits, le dernier ballet d’Angelin Preljocaj, est de retour à Aix-en-Provence pour une série de représentations après sa création au mois de mai. Cette production, qui s’inscrit dans le cadre de Marseille-Provence 2013-capitale européenne de la culture, a reçu jusqu’ici, de la part des critiques spécialisés, un accueil plutôt froid, sinon glacial comme au Figaro qui titre sur des « Nuits de cauchemar », ou au Monde qui évoque des « galipettes » ! Le public qui s’est pressé nombreux lors de la première reprise aixoise ne semble pas avoir été influencé par les oiseaux de mauvais augure. S’il n’y a pas eu véritablement une ovation, des applaudissements nourris et prolongés ont salué la fin du spectacle. Le fait est que Preljocaj nous en met plein les yeux. Il faut dire qu’il n’a pas lésiné sur les moyens : costume d’Azzedine Alaïa, musique arabo-pop de Natasha Atlas ou de Samy Bishal, dix-huit danseurs (douze filles et six garçons), une scénographie (signée Constance Guisset) elle aussi spectaculaire, avec des filles sur des jarres ou sur des talons aiguille, des couples enfermés dans des cages, des tapis d’Orient, des narghilés, des vapeurs de hammam,…

Preljocaj nuits1

Le hammam, justement, ou le bain turc, fait l’objet du premier tableau. En silence d’abord – puis la musique s’introduira, très discrètement – les danseuses enchaînent une série de compositions qui peuvent évoquer, dans l’imaginaire occidental, le tableau célèbre d’Ingres. Arrivent ensuite les danseurs, vêtus en ninjas, qui chassent les danseuses du plateau avant de prendre leur place. Les séquences s’enchaînent rapidement dans des configurations à deux, six, douze, seize ou dix-huit danseurs, habillés chaque fois de tenues différentes. Les couples se font et se défont dans une ambiance très nettement érotique. Orientalisme et sensualité, ces Nuits s’inspirent bien des Mille et une nuits, même si l’on a du mal à discerner la sage Shéhérazade dans des danseuses en proie à la fièvre du désir.

Preljocaj Nuits

Preljocaj, cette fois, en a-t-il trop fait ? C’est l’avis de la majorité de la critique. Il est vrai que ses Nuits tirent parfois vers la revue de music-hall, ce qui a pu décontenancer les puristes. Mais un artiste n’a-t-il pas le droit d’expérimenter, ne peut-il sortir des sentiers déjà battus ? Avec, ici, une certaine surenchère dans le spectaculaire. Mais spectaculaire n’est-ce pas justement ce que la majorité des spectateurs attend ? Pourquoi devraient-ils bouder leur plaisir ? D’autant que les danseurs se sont montrés impressionnants, offrant au maître et au public une prestation quasi-parfaite. Il faut distinguer encore les lumières, toujours discrètes – signe des temps, on dirait ! – mais pertinentes, signées Cécile Giovansili-Vissière.                                                                              ²

Au Grand Théâtre de Provence, du 1er au 9 octobre.