Scènes

Les Chiens de Navarre : du théâtre foutraque

Les Chiens de Navarre (Vieillir ensemble)Huit comédiens emmenés par un directeur, Jean-Christophe Meurisse, adeptes de l’improvisation collective et déconnante : de quoi faire circuler un peu d’air frais dans le monde souvent compassé du théâtre. Même s’il y eut des précédents, l’un des plus évidents étant le Grand Magic Circus de Jérôme Savary dans les années 1970. Comme ce dernier, les Chiens de Navarre parviennent à attirer un public plus jeune que celui fréquentant habituellement les théâtres, ce qui est à mettre à leur crédit. Musique de foire, provocations en tous genres dont celle qui consiste à déshabiller les comédiens pour un oui ou pour un non : tout est fait pour bousculer et divertir les spectateurs. Sans trop se soucier de la cohérence du propos, comme le montre ce titre d’un des spectacles antérieurs de la compagnie : L’Autruche peut mourir d’une crise cardiaque en entendant le bruit d’une tondeuse à gazon qui se met en marche (sic).

Apparemment plus raisonnable, Quand je pense qu’on va vieillir ensemble n’a guère plus de rapport avec le contenu de la pièce. Ou alors un rapport très général. Car dès qu’on fait interagir des personnages sur un plateau et qu’on fait apparaître des conflits, il est imaginable qu’ils se posent la question de savoir s’ils ont vraiment envie de vieillir ensemble. Maintenant, est-ce que, au-delà des personnages, cette question vaut aussi pour les comédiens de la troupe, créée en 2005, ce qui constitue déjà un âge respectable pour une compagnie de théâtre ? On ne se hasardera pas à proposer une réponse mais, à voir jouer ces comédiens, leur plaisir semble pour le moment intact.

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Il serait vain de chercher un fil conducteur dans un spectacle qui se présente comme une suite de sketchs, mais un thème revient à plusieurs reprises : celui des chômeurs qui ont besoin d’être remotivés, voire rééduqués en vue de la recherche d’un emploi, prétexte à de multiples situations cruelles et drôles. Et la pièce fonctionne bien en effet sur les deux registres, les comédiens entrant dans leur rôle d’instituteur arrogant ou de patient maladroit avec un naturel parfait. D’autres séquences créent des atmosphères différentes, qu’il s’agisse du voyage d’un couple en voiture, avec ses deux chiens à l’arrière, ou, au début, la partie de pétanque complètement délirante dans laquelle les comédiens sanguinolents se chamaillent allègrement au son des trompettes de la Cour d’honneur d’Avignon. Cela se termine par un duo rock (en play-back), le temps pour les autres comédiens d’aller se laver, se changer et d’ôter leurs fausses dents.

La troupe reprend dans cette pièce des procédés qui lui sont chers, comme le fait de tourner le dos aux spectateurs ou d’amplifier les voix – ce qui permet éventuellement de les distordre. Tout cela contribue à créer un univers original et dans l’ensemble réjouissant, même si le spectacle traîne parfois un peu et se termine sur une dernière séquence – jeu de rôle sur la scène et enfumage des spectateurs – plutôt décevante. Sans que ce bémol doive dissuader en aucune façon tous ceux qui ne connaîtraient pas encore les Chiens de Navarre de les découvrir à la première occasion.

En tournée au théâtre du Gymnase, à Marseille, les 10-11 octobre 2013.