Scènes

Billet d’Avignon (3) – « La Faculté » : perdue dans les sables

Dans l’immense cour du lycée Mistral, en Avignon, il est un coin où sont préservés de magnifiques pins centenaires. Eric Vigner, directeur du Centre dramatique national de Lorient, y a fait installer des tonnes de sable blond, avec des reliefs du plus bel effet. À cour, un bâtiment du lycée, style XXe administratif, tout en longueur. Au fond, loin, un autre bâtiment derrière des verrières. À jardin, décalé, un bâtiment cubique à l’abri d’une grande baie vitrée qui permet de voir à l’intérieur. Tout au long de la soirée le jeu subtil des éclairages fait réellement vivre cet espace que l’on nous dit enneigé mais nous acceptons facilement le passage du froid au chaud, de la neige au sable.

Les comédiens, tous des élèves de Vigner à l’ « Académie » de Lorient, surgissent du fond de cette scène toute en profondeur. Ils se tiennent le plus souvent face au public pour crier leur texte. La dimension de la scène en plein-air ne semblait pas requérir de tels efforts, car c’était bien des cris que l’on entendait… Cela paraissait d’autant plus superflu que le texte brutal et cru ne méritait point qu’on nous le fît rentrer à coups de marteaux dans le crane !

L’argument concocté par Christophe Honoré – très tendance cette année à Paris comme Avignon – est le suivant : un étudiant homo apprend que l’un de ses camarades de drogue et de sexe a été sauvagement assassiné par ses deux voyous de frères et par un autre étudiant, également amant du défunt. Le premier étudiant, personnage principal, va-t-il dénoncer les assassins ou sauver la réputation de sa famille ? Dilemme vite tranché : il dénonce. Le dilemme devient alors celui de la mère : se rangera-t-elle du côté du fils honnête mais traitre à la famille ou du côté de ses deux fils meurtriers ? Elle aussi tranche rapidement, en répudiant le héros de la pièce. Le fait que l’étudiant assassiné soit d’origine maghrébine est un détail supplémentaire destiné à rendre la pièce un peu plus sulfureuse. Homo, toxico (un peu dealer) et « rebeu », cela fait beaucoup en effet … mais pourquoi pas ? Et pourquoi pas cette histoire ? Sauf que les personnages restent schématiques, que le jeu des comédiens est figé et que tout cela ne mérite pas deux heures du temps des spectateurs (sans parler de leur argent et de celui des contribuables…)

L’utilisation du cadre fourni par la cour du lycée et les éclairages sont les seuls  points vraiment positifs avec quelques gadgets de mise en scène : le casque de motard rouge qui servira à la mise à mort, le scooter rouge du personnage principal, le camion de pompier qui s’approche au plus près pour laisser descendre la mère. L’uniforme des étudiants – short et pull bleu-marine, cravate et chemise blanche – est également du plus bel effet.

Selim Lander, Avignon 2012.