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Premiers pas (1)

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Elle était tout simplement superbe. Quel âge avait-elle, dix-huit ou dix-neuf ans puisqu’ils étaient tous deux en première année de fac dans les années 1960. Elle habitait près de chez lui dans cette banlieue sud sur la ligne de Sceaux et ils préparaient le même concours pour l’école normale. Ils sortaient ensemble comme on dit et tous les deux inexpérimentés, lui puceau, elle vierge, leurs jeux amoureux se limitaient à des caresses au cinéma, sur des bancs au Quartier latin, de longs baisers volés sous des portes cochères ou des entrées d’immeubles. Elle était grande, dans les 1,75 m, un visage à la Bardot, à la fois pur et pervers, un corps plein, de longues jambes, une poitrine opulente, magnifique. Il était fou amoureux, beaucoup plus qu’elle ne l’était de lui.

Et puis il la fit venir chez lui, quand ses parents étaient absents, les après-midi, quand les cours leur en laissaient la possibilité. C’était pratique, les deux appartements étaient à dix minutes, et il pouvait la raccompagner ensuite chez elle, monter parfois, saluer ses parents, aller un moment dans sa chambre sous prétexte de révisions communes, en fait pour continuer à la caresser. Il se souvenait de ses cuisses, des bas à l’époque avec jarretelles, de la peau chaude à la limite du haut des bas, ces quelques centimètres dénudés entre le nylon et la petite culotte.

Mais chez lui l’après-midi, la passion érotique et juvénile brûlait, dévorante, et se heurtait à leur maladresse, à l’obstacle de leur inexpérience. Ils s’allongeaient sur son lit et, habillés, restaient ainsi des heures à s’embrasser, à se caresser, à s’exciter sans résultat. Elle ne voulait pas se déshabiller, elle ne voulait même pas au début le laisser caresser ses seins, et gardait bien sûr sa culotte. Elle ne le touchait pas et lui restait aussi habillé. Cependant, chaque nouvelle rencontre faisait avancer un peu les choses. Une fois, debout dans le couloir, enlacés, s’embrassant follement, il réussit pour la première fois à glisser ses mains sous le pull, prendre les seins à travers le soutien-gorge, puis la dégrafer, et s’en saisir à nouveau à nu cette fois. Il ne pouvait se lasser de les sentir dans ses mains, de les caresser, de les soupeser. Mais elle prétendait ne pas le suivre, elle lui disait, sous prétexte qu’il avait pris l’initiative, qu’il l’avait un peu forcée, qu’elle n’avait pas décidé de les lui offrir : “tu es tout seul avec eux…” Cela gâchait un peu son plaisir, mais sur le moment, il n’en avait cure. Cependant après ce jour, il était admis que ses seins ne faisaient plus partie du domaine réservé, qu’il pouvait les caresser librement.

Une autre fois, lui sur une chaise, elle s’était assise par terre à ses genoux, et laissait sa tête reposer sur ses cuisses. Ils étaient habillés tous deux et il avait comme d’habitude une forte érection. Elle fit exprès de rapprocher son visage de son ventre et entrer en contact avec son sexe, à travers l’étoffe. Sa joue reposait sur la verge tendue, et ils faisaient semblant tous deux de ne pas s’en apercevoir. Elle le caressa ainsi déplaçant lentement sa tête contre le sexe. S’il avait été plus mûr, il l’aurait dégagé et lui aurait présenté pour une fellation qu’elle aurait sans doute acceptée. Mais il était trop jeune, sans habitude des femmes, sans avoir jamais fait l’amour. Ils continuèrent ainsi un moment et il sentit qu’il allait jouir, elle continuait son mouvement et bientôt il se raidit et par longues saccades laissa partir la giclée dans le slip et l’étoffe du pantalon.

Enfin, un autre jour, il finit par se déshabiller lui-même. Ils étaient allongés dans le lit, mais elle refusait toujours obstinément de retirer sa jupe et sa culotte, même si elle acceptait d’enlever le haut et de lui laisser sa poitrine à caresser. Renonçant à la convaincre, il retira son pantalon et son slip, dégageant un sexe libre et dur. Elle rit et parla de son “costume d’Adam”. Venant d’une famille très catholique, elle avait sans arrêt des références bibliques de ce type. Il n’osait même pas attirer sa main vers lui, pour qu’elle le masturbe, mais sa seule nudité à côté d’elle l’excitait au plus au haut point. Il se contentait d’être là, nu, le sexe ballant, à l’embrasser et à la caresser, sans oser, comme un jeune idiot qu’il était, lui présenter plus directement. Et elle, trop prude, ne tentait même pas de le prendre, bien qu’elle en eût certainement envie. Bien des années après, repus de sexe et d’aventures diverses, il pensait avec étonnement, combien il avait été plus excité de se trouver là, nu, sans rien faire pratiquement, qu’il ne l’était par les rapports sexuels, même les plus fantaisistes, qu’il avait maintenant.

Elle refusait toujours d’aller plus loin, et il dut se contenter de l’embrasser, de lui caresser les seins, et du contact de l’air autour de son sexe… Elle finit par le laisser tomber pour un autre par qui elle fut déflorée. Il eut une peine d’amour inconsolable pendant des mois et une frustration terrible pendant des années de n’avoir jamais fait l’amour avec elle, à cause de sa propre maladresse, alors qu’elle était comme un fruit mûr sur la branche tout prêt à tomber.

Il la rencontra deux ans après et elle lui fit comprendre, sans doute par une forme de cruauté bien féminine, ce qu’il avait manqué. Elle lui dit à mots couverts sa première nuit d’amour, passée, un comble pour cette jeune fille prude et catholique, non pas seulement avec son amoureux, mais avec deux autres garçons en plus, des amis qui avaient participé à la fête, au dépucelage de la belle. Elle s’était déchaînée, comme il arrive souvent, les plus bridées au départ font les plus grandes amoureuses. Toute sa vie par la suite, il n’avait pu oublier cela, et ce à côté de quoi il était passé. Il imaginait souvent cette nuit où son premier amour était livré aux trois garçons, pour satisfaire tous leurs caprices. L’érotisme de ce qu’il imaginait alors était si fort et si brûlant dans son esprit, que ce qu’il aurait éprouvé en réalité aurait sans doute été moins fort s’il avait eu la chance de l’avoir, de la posséder et de participer à son initiation.