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Mondes francophones

Dominique Wolton (dir.) : Mondes francophones, Auteurs et livres de la langue française depuis 1990, Paris : ADPF, 2006, 735 p., ISBN 2-914935-71-4.

À l’occasion de l’année 2006, désignée comme année francophone aussi bien qu’année Senghor – on célèbre, cette année, avec le festival « francofffonies » de mars au septembre 2006, le centenaire de la naissance du président poète sénégalais – l’ADPF (Association pour la diffusion de la pensée française) a publié, entre autres, un ouvrage volumineux (735 p.), à caractère encyclopédique.

Confiée à l’opérateur du ministère des Affaires étrangères pour le livre et l’écrit, de promouvoir la langue française et les cultures francophones, l’ADPF propose, par cet ouvrage un premier dictionnaire des auteurs francophones. Plus précisément Mondes francophones tente de recenser pour la première fois les principaux auteurs, depuis 1990, dans le monde entier, en littérature en sciences humaines qui s’expriment en langue française.

Sous la direction du sociologue Dominique Wolton, actuellement directeur de recherche du CNRS, nombreux chercheurs et universitaires de grande renommée se sont réunis afin d’attribuer à l’ouvrage la dimension scientifique convenue. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, au-delà des frontières politiques de la francophonie, l’ouvrage se repartit par zone géographique. De l’Afrique (Romuald Fonkoua), à l’Amérique du Nord (Étienne Beaulieu, Marcel Fournier et Simon Langlois, Lia Varela et Vanessa Mongey) et Latine (Mona Huerta), nous traversons les frontières pour aller en Asie (Christiane Pasquel Rageau), aux Caraïbes (Romuald Fonkoua), à l’Europe (Jean-Louis Joubert), pour retourner au Maghreb (Charles Bonn), au Proche et Moyen Orient (Yves Chemla), pour finir avec l’Océan Indien (Norbert Dodille) et le Pacifique (Tamatoa Bambridge). 90 correspondants dans le monde entier ont apporté leur contribution à cet immense répertoire des écritures francophones pour une bibliographie la plus minutieuse possible et la plus récente – en recouvre les quinze dernières années.

Outre cette première étude originale multiculturelle, Dominique Wolton tente de répondre dans son introduction et conclusion de manière claire perspicace aux défis de l’espace francophone devant la mondialisation. De la francophilie du XVIIe au XIXe siècle, il passe à la francophonie du siècle dernière pour parler au terme de la francosphère recouvrant le monde entier. Sans nier aux années de colonisation, de l’esclavagisme, grosso modo des conquêtes du XIXe siècle l’auteur fait référence à une communauté qui devrait d’abord sortir non seulement de son passé mais aussi de son présent. Ceci dit que la France, comme centre historique de la naissance et d’ancrage de la francophonie aurait intérêt à se décentrer et s’ouvrir « hors murs ». Plutôt que de chercher coûte que coûte à chercher une réponse, peut-être d’abord commencer par en peser la diversité. De nouveaux écrivains se sont mis à écrire l’image de leur pays dans un contexte de production différente, dans un espace de création différent. Que la francophonie se concentre sur les apports de la sociologie, de l’histoire, de la géographie, de linguistique, des sciences humaines qui complètent l’approche littéraire tant au niveau thématique que formel. La traduction également servira comme passerelle – pont afin de connaître et de comprendre l’autre. S’y ajoute le rôle essentiel de l’enseignement assuré par le dynamisme des centres culturels, les Instituts français actifs dans les divers pays, les Alliances françaises, les professeurs de français pour une promotion de la langue et de la culture française par le biais de nouvelles technologies et techniques de communication et d’information. Le XIe Sommet de la Francophonie tenu à Bucarest le 28-29 septembre 2006 porte par ailleurs sur cette réflexion dans le but de créer les conditions de l’appropriation de ces outils par les pays francophones en développement.

À la question « où et pourquoi écrit-on en français ? », l’ouvrage présente et surtout envisage un État des lieux des mondes francophones. De nos jours où les frontières d’une nouvelle Europe sont en train de se définir et la mondialisation tente d’offrir une uniformisation à l’échelle mondiale, Dominique Wolton insiste sur le rôle positif de la francophonie, l’apport du maillage exceptionnel qui caractérise les mondes francophones avec leurs diversités culturelles, linguistiques, l’immense richesse des mœurs et des coutumes. Chaque livre est par ailleurs une exception, comme le souligne l’auteur même. Sous la rubrique Mondialisation : une chance pour la Francophonie, Dominique Wolton expose les valeurs de la Francophonie :

La mondialisation donne d’un seul coup une vision plus ouverte de la Francophonie. La France en est le centre historique, mais elle doit apprendre à conjuguer avec d’autres diversités, et les valoriser. Après la Francophilie au XVIIIe au XIXe, la Francophonie du XIXe au XXe, il faut apprendre à voir les richesses de la Francophonie, c’est-à-dire cette Francophonie partout présente dans le monde, reflet et créateur de mille diversités.

Plus que jamais les mondes francophones prennent conscience de l’universalité de leur littérature puisque proposant une lecture locale, un regard profond qui touche leurs cultures, leurs langues, leurs rêves, leurs imaginaires, leur vision.

En abordant la francophonie, à l’échelle du monde, nous apercevons l’ouverture de la francophonie au monde entier, aussi bien à des pays ex-colonies qu’à des pays de l’Europe centrale et orientale ; le XIe Sommet de la francophonie tenu à Bucarest le mois de septembre 2006 ne va pas de soi. L’adhésion des pays de l’Europe de l’Est – Albanie, Arménie, Autriche, Bulgarie, Croatie, Géorgie, Grèce, Moldavie, Pologne, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Ukraine – dans le répertoire francophone met en avance les valeurs de la communauté francophone. Cette dernière s’inscrit dans une large perspective basée sur la préservation de la diversité du monde.

À qui s’adresse cet ouvrage ? Bien que Mondes francophones ne prétend pas à une exhaustivité – malgré ses 4360 auteurs et ses 4650 notices bibliographiques « la caverne d’Ali Baba » est tellement riche en production francophone mondiale qu’il fallait plus de temps de tout compter, tout intégrer -, il devrait être recommandé à tous les étudiants, les universitaires, intéressés à la francophonie ou à la diversité de la production francophone dans le monde. Il constitue un ouvrage de référence indispensable et fournit des nouvelles pistes de réflexion sur l’avenir de la francophonie comme une vision d’avenir.