Mondes africains

Calixthe Beyala mise à nu

“FEMME NUE”, FEMME BEYALA,
PSYCHANALYSE DUNE ÉCRIVAINE ENRAGÉE DANS UN ROMAN OBSCÈNE :
C’EST LE SOLEIL QUI M’A BRÛLÉE

 

RESUME

Nous distanciant quelque peu de la doxa commune qui voudrait qu’on caresse l’artiste dans le sens du poil, cette analyse basée sur des principes et théorie psychologiques fait le procès de la création littéraire. Dans une analyse il est bien évident qu’on puisse parfois épiloguer sur le style, la verve poétique d’un auteur sans trop s’immiscer dans sa vie intime. Cependant l’on pourrait dans l’autre sens aussi « fouiller les poubelles » ou empiéter sur l’autobiographie en se demandant qu’est-ce qui dirige la vie artistique et l’écriture de celui-ci ou de celle-ci ? D’ailleurs Calixthe Beyala n’a-t- elle pas déjà livré son autobiographie dans deux romans : Comment cuisiner son mari à l’Africaine (2000) et La fille du réverbère (1998) ? Notre regard bousculant les stéréotypes en auscultant profondément Calixthe Beyala révèle dans C’est le soleil qui m’a brûlée le diagnostic d’une écrivaine malade. Beyala dans Femme noire femme nue, a sans façons mis à nu cette « femme noire », femme d’Afrique vertueusement habillée par le poète Senghor. A partir d’une lecture de C’est le soleil qui m’a brûlée, nous tenterons une réponse adéquate du berger à la bergère en déshabillant à notre tour Calixthe et mettant à nu la femme Beyala, aux fins de rechercher les ressorts psychologiques d’une certaine névrose qui fait en sorte que cette artiste par l’écriture, analyse (consciemment ou inconsciemment) sa propre vie en faisant de sa maladie un thème, ou bien « compense psychiquement l’état d’infériorité de ses organes… » (Alfred Adler, 1907)

Mots-clés:
Psychanalyse, psychologie, complexes, névrose, sexe, féminisme, féminitude, négritude, sexisme.

INTRODUCTION

Dans ses romans Calixthe Beyala, féministe invertébrée, aborde sexe et autres sujets tabous avec autant de ferveur impudente que d’humour humecté de ridicule. L’homme tourné en dérision dans la plupart des cas, est assimilé à un être malfaisant obsédé du sexe, alors que la femme victime du bourreau, bénéficie d’une marge de sympathie et de circonstances atténuantes bien que malodorante du fait de s’être frottée à l’homme comme « fesses coutumières » ou « chair à plaisir ». Celle-ci est toutefois sublimée et orientée vers un idéal de lutte et de libération, où la féminitude (alchimie beyalienne qui mélange négritude et féminisme) se déploie et croise le fer avec le phallus incisif en terrassant la bête phallocentrique, pour libérer la femme subjuguée. Sur le plan du discours narratif, on note une représentation spatiale de l’être féminin, en ce sens que le personnage sous l’influence perverse de l’homme, commet des fautes en surface, mais reste en profondeur très attachante, transformable et capable de transformation. L’artiste Calixthe Beyala a sa langue bien pendue et monte sur ses ergots quand il faut désarticuler l’édifice patriarcal. En réalité, qui se cache derrière cette plume acerbe ?

L’illusion référentielle

En littérature l’illusion référentielle est le fait de rapprocher plusieurs cas quasi semblables. Notre propos sur la perspective analytique intertextuelle s’appuie sur un roman de Beyala intitulé « Femme nue, femme noire » inspiré à partir d’un texte poétique de Léopold Sédar Senghor (poète-Président du Sénégal). « Femme noire » vante la pureté et la vertu de la femme noire africaine. Mais la Féministe reprendra à son compte ce titre pour en faire une canaille originale qu’elle assume sans fards, car « Femme nue, femme noire » n’est que l’antithèse et l’ombre du premier. C’est une version dont le glissement sémantique indécent devient une ascèse vers l’émancipation, l’irruption du trou noir vers la lumière et la liberté totale de la femme, sortie du joug de l’homme, qui est le maître d’œuvre du phallocentrisme. Partis de ce pastiche, nous en avons élargi le champ sémantique en personnalisant cette nudité à travers un syllogisme. Le syllogisme est un raisonnement philosophique à trois propositions : « la majeure, la mineure et la conclusion. » Le sujet de départ ici est le titre du roman de Beyala : Femme nue femme noire.

Majeure : « toutes les femmes noires sont nues. » (Ou toutes les femmes nues sont noires ?)
Mineure : or, Calixthe Beyala est une « femme noire »
Conclusion : Calixthe Beyala est « nue. »

Nous obtenons donc la séquence suivante : « Femme nue » Femme Beyala ; notre intention étant de dépouiller la romancière de tous ses oripeaux pour la représenter aussi nue qu’un ver de terre. En effet la nudité physique dans les romans de Calixte est une itération, un vice bien assumé par l’auteure qui expose aux quatre vents la femme. C’est une femme qui assume parfois une sexualité brutale et bestiale, débridée et à la limite de la prostitution. Une sexualité qui défie la pudeur les us et coutumes, décrite dans une langue atroce et blessante, d’où rugit l’obscène. Ce n’est pas pour rien que dans la préface du roman « Femme nue, Femme noire » (2003) l’auteure bien prévenante doit avertir les esprits puritains, car son écriture ne fait pas dans la dentelle et que celui qui se sent mal à l’aise, laisse tomber ce livre et « passe sa route ». Elle ne fait pas de quartier aux formalistes, ne plie devant aucune convention morale et prévient tout pieux chérubin sur la violence de ses mots « fous et furieux ». Jacques Chevrier (2003 :15) parlerait de « violence scripturaire …où l’obscène, la mise à nu du corps est réduit à ses fonctions physiologiques » et il en rajoute en montrant que « tout ceci dans la production romanesque est entrain d’ériger l’obscène en catégorie littéraire » ; l’obscène se définissant comme écrits, paroles, images, ou toute autre représentation qui blesse la pudeur. Beyala par ses peintures attractives, porte atteinte à la pudeur et ce n’est qu’une lapalissade. Nous percevons le côté bestial de ses personnages qu’elle déshabille publiquement dans le génotexte (des représentations qui dans ses textes font effet). La romancière raffole du nu. Déshabiller métaphoriquement à notre tour la romancière, c’est fouiller dans sa vie et voir la relation entre son « moi » et celui de ses personnages. Albert Chandler (1934 :328) écrira que : « tous les « moi » en puissance du romancier (même les plus mauvais) sont des personnages en puissance ». Les « moi » reconnus de l’intérieur comme une potentialité peuvent devenir des personnages vivants doués d’épaisseur et non « plats ». Mettre à nu Beyala consisterait à établir un rapport entre ses personnages vivants et son « moi » virtuel comprenant sa vie d’enfance, son père, sa mère, les souffrances endurées après la rupture des parents ; une enfant et sa sœur livrées aux vicissitudes de l’existence, un homme ou un père envolé très tôt. Voilà autant d’éléments refoulés dans l’inconscient qui sont susceptibles de se fondre dans les œuvres de l’auteure, au su ou à l’insu de celle-ci. C’est de bon droit que la psychologie comme théorie de recherche, vienne enquêter sur le procès de la création.

Cadre Théorique

La Psychologie est définie comme une étude scientifique de la vie mentale, la connaissance intuitive des sentiments d’autrui et enfin l’analyse des sentiments et des états de conscience (Larousse ). Elle offre pour l’écrivain, des possibilités de découvrir ce qui dirige la vie artistique de l’auteur, car la Psychologie de l’écrivain prendra en compte la corrélation entre le handicap (infligé dans son existence) et le don qui est une faveur naturelle accordée à l’écrivain. En d’autres termes le don de l’artiste est une compensation de son handicap physique ou psychologique. Sigmund Freud (2015) écrit sur l’affliction :

« Tout auteur est un névrosé endurci à qui son œuvre créatrice évite
l’effondrement, mais aussi interdit toute guérison réelle […] l’artiste est
animé d’impulsion et de tendances fortes, puissance, richesse et gloire,
mais les moyens lui manquent de se procurer ces satisfactions.
C’est pourquoi […] il concentre tout son intérêt et aussi sa libido sur les
désirs créés par la vie imaginative, ce qui peut conduire finalement à la
névrose […] voici comment l’artiste retrouve le chemin de la réalité […] il possède
le pouvoir mystérieux de modeler des matériaux jusqu’à en faire l’image
fidèle de la représentation existant dans sa fantaisie. »

On peut distinguer trois types essentiels d’artistes que Liviu Rusu (1935) classifie ainsi qu’il suit : « (1) le type sympathique (celui où la créativité est joie spontanée, sautillante), (2) le type démoniaque anarchique (3) et le type équilibré ». Dans le cas d’espèce, Calixthe Beyala appartiendrait au « type démoniaque anarchique », vu le caractère frondeur, rebelle, tragi-comique et iconoclaste radical et austères de ses écrits féministes. Les psychologues peuvent ainsi ranger l’écrivain dans tel ou tel type psychologique ou physiologique. Ils peuvent décrire ses maladies mentales, et explorer son subconscient.

Quant à la Psychanalyse qui n’est qu’une branche de la psychologie, elle se situe dans le contexte de l’investigation et de l’analyse en vue de proposer une thérapie. La psychanalyse se définit comme « méthode d’investigation psychologique visant à élucider la signification inconsciente des conduites ». Fondée par Freud vers la fin du dix neuvième siècle, la psychanalyse prend en compte les souvenirs, les rêves, les associations d’idées, d’images, pour comprendre et dénouer nos conflits intérieurs (1). Freud est le père de la psychanalyse et Françoise Dolto la pionnière de la psychanalyse de l’enfant. En clair la psychanalyse permettra par l’analyse, de découvrir ce qu’il y a de plus personnel et de spécifique chez un auteur face à son œuvre. Il s’agira par exemple de mieux connaître Calixthe face à Beyala, non pas d’une introspection (comme on procéderait lors d’une consultation psychanalytique régulière où le patient est bien souvent allongé sur un divan et raconte librement à son analyste ce qui se passe dans sa tête), mais par une exploration de l’inconscient caché derrière une écriture et une pensée mises à nue. Les éléments psychanalytiques à explorer de manière appropriée sont : (i) le lapsus révélateur ; (ii) le complexe d’Œdipe ; (iii) la névrose et (iv) la résilience.

Le lapsus consiste à substituer un terme ou un sens, par un autre mot qui peut en dire long. On distingue trois types de lapsus : le lapsus lingua à l’oral, le lapsus calami à l’écrit, le lapsus memoriae ou le trou ou modification de la mémoire. Ici le mot oublié peut-être révélateur. Le Lapsus serait ainsi une manifestation de l’inconscient. Sigmund Freud (2015) pense que le lapsus « est révélateur d’une source en dehors du discours » ; le lapsus révélateur intervient lorsqu’un mot est employé pour un autre, révélant à son insu le fond de la pensée de notre interlocuteur. Calixthe Beyala va pasticher le titre d’un poème décent de Senghor, « Femme noire » (vantant la pureté de la femme africaine, pour lui substituer librement l’impur dans un corpus indécent « femme nue, femme noire »). Suite à notre analyse d’investigation du signe linguistique, on retrouve ici un « Lapsus calami » car le fond de la pensée de la romancière exprimerait le moi de l’écrivaine qui ne décrit pas surtout la femme africaine, mais elle met inconsciemment à nu des images refoulées de sa propre vie. Notre propos vise à appliquer mutatis mutandis ce lapsus révélateur à C’est le soleil qui m’a brûlée. On pourrait ainsi le démontrer à travers ce regard obsessionnellement hostile que la romancière pose avec emphase sur « l’homme », pièce maîtresse de la détresse des femmes et qui entre en jeu dans cadre d’un cas atypique du « Complexe d’Œdipe ».

Selon Freud (1991), le Complexe d’Œdipe ne peut exister que dans une situation de famille nucléaire où père, mère et enfants vivent sous un même toit. Il recouvre l’ensemble de pulsions qui conduisent l’enfant (à deux ou trois ans) à être attiré vers sa mère et éprouvant de l’hostilité pour son père. Ce concept fut d’abord utilisé pour les garçons. Ses origines sont en référence avec la pièce Sophocle, où Œdipe-roi, abandonné à la naissance est amené à tuer son père et à épouser sa mère. Pour les petites filles, on parlera du Complexe d’Electre, du nom de l’Héroïne grecque qui tua sa mère Clytemnestre, pour venger son père Agamemnon, assassiné par cette dernière. Le Complexe d’Œdipe selon Freud est ainsi classifié en trois phases : (i) la « phase phallique » (vers trois) où le garçon est possessif avec sa mère, et la jeune fille fait du charme à son père, sa mère devenant par conséquent une rivale. Le petit garçon découvre son corps, son pénis (ii) le « Complexe de castration » intervient entre trois et cinq ans, car face au désir, c’est la punition donnée par le père qui est ressentie comme adéquate. (iii) « La résolution » où l’enfant renonce à prendre la place du parent de même sexe, en refoulant dans son inconscient ses émotions et ses passions. Le Complexe d’Œdipe a des conséquences sur l’adulte et il est à l’origine de la plupart des troubles psychologiques chez les hommes. Il y a aussi des exceptions au niveau des familles monoparentales, homosexuelles, et qui conduit la psychanalyse moderne à considérer des situations où la figure paternelle est absente ou parfois partagée entre plusieurs hommes. Or le défaut de figure paternelle peut à la longue amener l’enfant à l’identification avec la mère et donc dans certains cas à l’attirance vers des personnes du même sexe. Ce cas de complexe, correspond au portrait-robot de Calixthe Beyala une écrivaine hors-norme dans sa biographie tronquée, avec un vide paternel. Fille de père noble et richissime de l’ethnie bamiléké, présent quelques temps et plus tard complètement effacé de la vie de sa fille. Seules la mère et la sœur ont pu subvenir aux besoins existentiels de la jeune Beyala, prenant ainsi la place du père géniteur. Par conséquent cela pose des jalons et linéaments d’une dévotion future de Beyala à la cause des femmes délaissées. L’on peut ainsi découvrir les ressorts d’une lutte impitoyable contre le patriarcat inique et l’autorité de l’homme brodé de toutes pièces. C’est ainsi l’origine de la névrose chez l’artiste.

La névrose se définit en psychologie comme maladie caractérisée par des troubles nerveux. Selon Alfred Adler (1907), « les artistes sont névrosés car ils analysent souvent leur propre cas et font de leur maladie leur thème. » Par exemple Victor Hugo l’illustrissime poète romantique français du dix-neuvième siècle, était hanté dans ses Contemplations par le « front », élément descriptif et personnifié et projeté dans tout ce que le poète perçoit : le « front de la mer » , « le front du rocher » (car le poète exilé à Jersey en Angleterre médite sur « le rocher des proscrits ») ; il parle du linceul qui recouvre sa fille Léopoldine morte, « ce drap glacé qui fait des plis sur ton front d’ange » (109) ou encore au vers 308 du même texte quand il dit : « et les frissons aux fronts des anges (2)». En réalité l’histoire de la famille Hugo raconte que Victor Hugo avait un grand front large et ressorti et ses frères s’en moquaient de temps en temps. Le jeune Hugo finit par inhiber ce « handicap », et développer une obsession pour ce front. Les études psychologiques tablèrent sur la névrose du poète et décidèrent de parler d’un certain « complexe du front ».

De même que le « front » itératif chez Hugo, le concept de « l’homme » est redondant et opposé à la « femme » chez Beyala, dans son roman C’est le soleil qui m’a brûlée. En effet il se bâtit autour de la gent masculine de ce roman, un « récit cancéreux » (avec présence grammaticale d’un individu, unique foyer des sensations et sources de désordre). Beyala est obsédée par « l’homme », elle devient malade de cette présence, car ce signe linguistique « l’homme » revient, récurrent, comme un refrain lugubre et lancinant. L’on peut vérifier le cas de ce complexe d’Œdipe en retournant dans la biographie de l’auteure pour souligner des paradoxes de la misère ironique: l’enfant née de père « aristocrate bamiléké » vite évanoui dans la nature peut-être avec d’autres femmes, se retrouvera dès son jeune âge comme une pauvrette, entrain de vendre des « bâtons de manioc » (bibolo) dans les gares routières ou sous les réverbères de New Bell, un bidonville populaire de Douala au Cameroun. Absurdisme qui va vite pénétrer la fibre sensible de la jeune Beyala et qui suscitera aussi compassion et rapprochement à la mère et l’identification à la femme, souffre-douleur, solitaire, travailleuse ou abandonnée.

L’imago proscrit du « père adamique »

Dans la biographie de Beyala, il n’est nulle part mentionné l’onomastique du côté paternel (nom du père, nom du village) à l’exception de son ethnie Bamileké (à l’Ouest du Cameroun) (3) . De plus on ne voit nullement de patronyme bamiléké à l’exception de Beyala patronyme Eton (au Sud du Cameroun), tribu de la mère de Beyala. Or on sait bien qu’au Cameroun, tout enfant né d’un père et d’une mère appartient forcément à la lignée paternelle (société patrilinéaire). Du coup on se demande où était passé le nom du père qu’elle aurait porté à la naissance. (Etait-ce Fotso Beyala Calixthe ? ou Kuate Beyala Calixthe ? …Deffo Beyala Calixthe ? Djomo Beyala Calixthe ? Etc. Voici autant d’associations de possibles patronymes bamiléké autour d’une énigme, celui d’un père qu’on évoque sans nommer. Cette paternité « aristocrate » n’est évoquée que télégraphiquement dans le cadre d’une biographie très concise de l’artiste. Ce serait-elle complètement débarrassée de toute trace suggestive d’un père évanoui ? Mention n’est faite que sur la grande tribu / village Eton (ethnie de la mère) dont on adule la culture et célèbre les grand hommes à grands renforts d’adjectifs dans un site approprié. Ceci se situe aux antipodes de l’image d’un père complètement rasé, nettoyé, voire excommunié. C’est ici la première vengeance esthétique de l’auteur contre l’ « homme », par le biais de l’écriture et par interposition d’un père implicitement évoqué. Car la romancière s’est ainsi débarrassée de ce spectre encombrant du père, homme figuratif, qui devient un « blanc », un « nemo », un « degré zéro de la personne référentielle ». Pourquoi y aurait-il absence d’indication du patronyme dans une société africaine de type patrilinéaire ? Ce père soustrait physiquement est pourtant présent psychiquement, car il revient esthétiquement comme mauvais exemple, et son ombre de « père adamique » plane sur l’ensemble du roman, dans l’art, le style de l’auteur dans le texte narratif, et dans le discours des personnages.

En effet ce père évanoui, père de la romancière que nous baptisons ici le « père adamique », est le fil d’Ariane qui nous conduit à petits pas vers « l’homme » de Beyala dans C’est le soleil qui m’a brûlée. C’est l’homme irresponsable, sans devoirs, qui croit n’avoir de droits inaliénables que dans le « cuissage » ; ce compagnon infidèle qui après avoir promis monts et merveilles à la femme, disparaît dès que possible. On ne devra point compter sur tel compagnon pour bâtir l’Afrique, s’imagine Beyala. D’ailleurs la romancière le dit clairement dans ce discours apologétique qui vilipende l’homme en ventant la femme héroïque, mère, fille, épouse. Dans une interview, elle lance cette phrase liminaire qui interprète psychanalytiquement son aversion refoulée pour, l’homme oisif (4). « Je veux affirmer la suprématie de la femme noire sur l’homme noir. En Afrique c’est la femme qui travaille, c’est elle qui fait en sorte que le continent ne parte pas totalement à la dérive. » L’on voit ici cette sympathie pour la femme noire, et ceci montre que Beyala s’identifie aux femmes et elle a de l’attirance pour les gens de même sexe qu’elle, dont elle milite en faveur des droits. Elle dénonce l’esclavage sexuel des femmes sous l’emprise d’un phallus tyrannique et toujours insatiable. Pour tout récapituler sur l’artiste il y a une identité et un état civil incomplets et lacunaires, une identité fragmentée du fait d’une occultation volontaire. Un père parti, père absent, une sorte « d’homme noir » inconscient, image du « père adamique » (adapté au mythe d’Adam, cet ancêtre biblique distributeur de bon et de mauvais sort, celui par qui le mal arrive et source du péché et de la bêtise). C’est de ce père, cet « homme » fautif que proviendraient la maladie, la névrose de l’artiste Beyala, ou sa névropathie.

En effet le thème de l’homme est récurrent dans C’est le Soleil qui m’a brûlée. L’homme est donc la maladie de Beyala qui souffre du « Complexe de l’homme ». Car la féministe dure et radicale se ruant esthétiquement sur le mâle, l’émascule même et le met à nu. L’auteure va pérorer sur l’homme malveillant et inconscient ; mais psychologiquement elle évoque l’image de son père devenu par un fait de synecdoque, le particulier pour exprimer le général. Le signe linguistique « l’homme » selon les occurrences du texte revient plus de 88 fois dans C’est le Soleil qui m’a brûlée, en plus de quelques sobriquets avilissants : « le Mberé », « cou plié », « le kaki » (p.28). « L’homme » c’est l’identité générique qui renvoie ici à tous les hommes. La « femme » revient plus 98 fois, mis à part des sobriquets qualifiants tels que : « fesses » « fesses coutumières » « chairs à plaisir » (p.31). Statistiquement le poids numérique de l’emploi du mot « femme » est supérieur à l’emploi de « l’homme » et c’est sémiotiquement la victoire par l’effet du plus grand nombre de signes pour envahir massivement et combattre la tyrannie mâle.
Dans le roman C’est le soleil qui m’a brûlée, l’homme est enlaidi. Car il nous apparaît sous la métaphore d’un gros sexe ; type ballonné et ventripotent. Bref l’homme de Beyala ne paye pas de mine. Représenté par Jean Zepp, dont tout l’univers ne tourne qu’autour de fantasme et d’orgasme, l’homme fait de la femme sa « chair à plaisir », qu’il transforme à volonté en résidu ou épave irrécupérable après orgasme. L’homme est braillard et ce trait extérieur montre en surface sa puissance sur le sexe faible : « Et toujours ce pouvoir de conférer à celui qui parle très fort une supériorité diffuse » (C’est le Soleil qui m’a brûlée, p.24)

L’homme est présenté comme, éméché, ivrogne et alcoolique, à l’instar de l’ex-mari d’Ada sœur de Betty, qui s’est finalement éteint sans gloire : « Ada épousa Samba, un vendeur de vin de palme qui buvait plus qu’il n’en vendait. Il fut retrouvé un jour dans un caniveau et rendu à la poussière » (C’est le Soleil qui m’a brûlée, p.28). Voici aussi l’homme Beyaléen qui assure et préserve son édifice phallocentrique par le rituel de la circoncision. Il prépare le petit garçon aux mécanismes de la domination dans l’héritage et sa relève phallique. Le mal va de génération en génération et la circoncision sert à fourbir l’outillage qui fera la bonne race des taureaux de demain. Car le narrateur dit : « j’entonne la chanson de l’homme qui veut que sa valeur se reconnaisse à la longueur de son sexe et sa qualité, à l’absence de prépuce.. » (C’est le Soleil qui m’a brûlée, p.31). L’homme est un tyran qui prend tout à volonté. Le texte décrit une scène qui symbolise la femme à genoux de force, face aux caprices sexuels de l’homme dont elle lèche telle un chienne, l’organe sexuel. Le geste de l’homme, marque de condescendance, soumet tout à ses pieds. On voit cette posture infériorisant ici dans la scène entre Leocaldie Ateba et Jean Zepp : « … il l’oblige à se baisser…la tête dans les odeurs de l’homme, la bouche contre son sexe…à genoux le visage levé vers le ciel…la position de la femme fautive depuis la nuit des temps…l’homme c’est lui. » (C’est le Soleil qui m’a brûlée, P.39). Ece homo, voici l’homme victorieux. La femme est muselée. Toutefois Ateba, féministe et personnage idéologique du roman, dans sa fonction scripturaire, nous décrit une sorte d’homme-Dieu, dont la femme est la créature qu’il voudrait contrôler jusqu’aux ongles. Mais Ateba tient la dragée haute, car dans son projet militant, elle griffonne quelque chose pour les femmes libérées et libres:

« La femme ne devrait-elle pas comme dieu défendre sa création…
Qu’attend donc l’homme de la femme ? Bouge pas et baise. Quand elle
ne bouge pas il lui reproche sa passivité. Quand elle bouge, il lui reproche
sa témérité. Serait-ce par crainte que la femme ne pousse dans le monde
et ne lui fasse concurrence ? (C’est le Soleil qui m’a brûlée, p.46)

Cette dérision vise la chosification de tout l’homme : son sexe, sa semence et la vie qui en sort (des larves). Tout cela est traité « d’imbécile » et son sperme de « sève inutile ». (Ironie de destin, on dirait donc que Calixthe fut elle-même née accidentellement d’une « sève inutile ») Tout est réduit chez l’homme à sa plus simple nullité. On peut lire ces paroles du narrateur dans le texte qui parle de la vie servile d’une prostituée: « son ventre s’offrait, accueillait leur sexe imbécile, puis rejetant dans le vide…leur sève inutile. » (C’est le Soleil qui m’a brûlée, p.51). Une certaine correspondance de l’intertextualité montre que plus tard en 2003 la romancière rééditera cet exploit dans Femme nue femme noire à la page 32 où elle qualifie cette semence humaine (sperme) de sortes de « larves (qui) attendent une occasion propice pour sauter dans le ventre des jeunes filles imprudentes et se transforment en nouveau-né »
L’Homme bestial a un phallus très actif en lieu et place de sa cervelle. Dans le texte narratif, il s’agit d’anatomie d’un animal sexuel qui en face du désir perd sa gouverne et sa dignité. C’est un « imbécile » dont le sexe (arme dangereuse) est perçu hyperboliquement comme une « flèche » pour « flécher » les fesses de femmes. Notons en plus que les mots « ridicules », « imbéciles » « idiot » sont très prisés par Beyala, pour caractériser l’homme obsédé sexuel. Enflammé par l’élixir du plaisir sexuel, l’homme met sa cervelle dans son sac et ne cherche qu’à assouvir ses instincts. On le voit dans cette scène anodine entre Ateba et son client, qui se révèle un tyran sexuel :

« Il l’oblige à s’asseoir…il tire son pantalon qui décroche
et tombe aux chevilles…qu’il est ridicule avec sa chemise qui
coupe les fesses comme deux demi cocos et cette flèche qui pointe
de son bas-ventre. D’autorité, il saisit la main d’Ateba et l’écrase
sur son sexe. La veine sur son front gonfle… Elle sifflote, il râle,
elle le trouve idiot. »

L’homme chez Calixthe bave tel un animal lorsque la nudité d’une femme flashe à ses yeux, et il s’arrache par la force ce plaisir qu’il croit sien : « Déshabille-toi, dit-il le cœur battant, j’ai besoin du nu de la femme sous mes mains…j’ai envie de me fondre en elle…dépêche –toi. » (C’est le Soleil qui m’a brûlée, p.150)
Et pour le rendre plus préhistorique ou néandertalien, Ateba est déterminée à refuser cette semence de bête ce « gombo », ce sperme qu’elle désacralise ; ce liquide gluant et hideux sorti des reins d’une bête effroyable, l’homme :

« il se rue sur elle…il la pénètre. La douleur est fulgurante…il
dit : oh c’est bon ! Tu es chaude…un râle, deux contractions, c’est fini.
Il s’écroule sur elle. Ateba Léocaldie déteste ce gombo gluant, blanchâtre.
Toutes ces polémiques pour cette espèce de lait tourné qui prend sa
source dans les pantalons et se jette sur les pagnes. »
(C’est le Soleil qui m’a brûlée, pp.132-133)

L’homme déambule en surface et s’extasie sur des apparences qui frappent l’œil pour allumer sa libido. Il n’a rien à foutre avec l’état d’esprit. C’est le corps externe de la femme qui intéresse Jean Zepp, car il idolâtre le corps d’Ateba tout simplement parce qu’il veut la prendre très vite, comme le texte nous le montre : « il proteste, agité, nerveux, il explique, ce corps de femme, ces fesses, ces seins, cette intelligence, il n’en a jamais rencontré.. » (C’est le Soleil qui m’a brulée, p.54). L’on peut tirer de cela la sentence générale : « La femme n’était bonne que le soir fondue dans le noir… Tous les hommes étaient des imbéciles […] tous des imbéciles » (C’est le Soleil qui m’a brûlée, p.58). Voilà une insulte généralisée et proférée par le personnage idéologique à l’endroit de tous les hommes, même ceux qui se réduisent à des gigolos ou irresponsables comme ce Yossep toujours aux bons soins d’Ada par un bon coup de sexe, pour s’assurer une planque sure :

« Il la prendra, elle criera, les yeux fermés. Il mêlera ses soupirs aux cris,                                                                                                                                                                                                                                 elle se lèvera. Elle ira au WC…Quand elle reviendra, il se gardera de lui
avouer qu’elle le froisse en l’oubliant si vite. Il ne dira rien, il ne doit
rien dire. Que dire de plus quand gîte et couverts sont assurés ? »
(C’est le Soleil qui m’a brûlée, p.72)

Il ressort par la plume acerbe de la romancière, l’homme perfide, qui jongle avec les feux de l‘amour, l’attise et fait semblant, juste le temps d’une conquête. C’est bien ce que prévoit ce comportement de Jean Zepp qui ne se reconnaît plus dans l’amour qu’il avait promis à Ateba avec force conviction. On voit aussi que cet extrait qui va suivre mime avec exactitude l’idée d’un homme qui offrait monts, merveilles et ciel à la femme : « Déjà il ne la regarde plus, il ne se reconnait plus dans l’homme qui deux jours auparavant a juré de l’aimer contre pluies et vents, de l’aimer jusqu’à apporter les restes à ses pieds et renier l’existence du noir » (C’est le Soleil qui m’a brûlée, p.78)
L’homme fourbe et bestial, trompe son épouse en usant d’autres femmes comme objet de plaisir ; des hommes qui font l’amour sans amour. Telle est la situation de Betty, prostituée et mère d’Ateba, victime du simulacre, elle était la chose des hommes infidèles, ses clients de passe : « …les autres, ceux qui se retiraient toujours trop vite pour rejoindre leur épouse, ceux qui terminaient sur une giclée et s’empressaient d’enfiler leur pantalon. »(p.90)
L’homme comme géniteur absent, celui-ci revient sous la plume de la romancière. Dans ce texte on voit que l’absence du père, élément vital de la famille, signifie que plusieurs autres « pères » se substitueront au premier. Ateba le personnage est une projection de Beyala qui aurait dû voir plusieurs papa défiler autour d’elle et dont l’enfance a porté des blessures graves, dues à cette absence d’un père (aristocrate). Mais la seule différence est qu’Ateba l’héroïne n’a point connu son père et elle vit difficilement sa bâtardise :

« Elle ne connait pas l’homme…Elle n’a jamais eu de père…Combien de père
Ada lui a-t-elle donnés ? dix ? vingt ? trente ?…elle ne les a pas comptés.
Ils passaient, elle disait papa…papa…papa…qu’aurait fait le Christ s’il
n’avait pas eu son papa à ses côtés ? Rien… » (C’est le Soleil qui m’a brûlée, p.57)

Résilience et victoire sur le destin

La résilience c’est encore l’aptitude à surmonter les épreuves, à résister au choc existentiel et à l’adversité. Le développement de ce concept a eu lieu dans les années 1940 par des psychologues scolaires américains, puis par Boris Cyrulnik (5) ethnologue et John Bollby en 1980. Ils présentent en effet les mécanismes du processus de résilience qui montrent plusieurs phases développées par Sigmund Freud en 1901. Une personne est résiliente par une révolte où il y a refus de se sentir condamné au malheur (…) Les personnes résilientes peuvent entrer dans une phase de création (écriture, dessin etc.) et c’est une façon de vouloir exorciser le malheur.

Faut-il pleurnicher face à l’absence de l’homme, du père ? La solution qui se présente à la femme esseulée et meurtrie par des amours sans lendemain, les gesticulations fourbes de l’homme, c’est une position radicale selon la vision du texte : jeter l’homme aux oubliettes comme on renonce au diable. Ce rejet haineux crée l’avènement d’une femme totalement libre de s’assumer. Ateba si prophétique après son homicide volontaire (une sorte de crime cathartique) pose par une vengeance esthétique un acte purificatoire à l’endroit des femmes souillées, comme l’observe notre narrateur omniscient: « Je vois la femme déployer ses ailes et cracher le sperme au pied de l’homme, lui balancer un lourd cendrier de cuivre sur le crâne […] elle s’est accroupie, a saisi la tête de l’homme et la cogne à deux mains sur le dallage […] (C’est le soleil qui m’a brûlée, p.152). Bien avant cela, elle a dressé une feuille de route qui pourrait favoriser le déclic dans la condition de la femme soumise, aliénée, écrasée et esseulée du fait du poids de la machine impitoyable du système patriarcal. « La femme devrait arrêter de faire l’idiote, qu’elle devrait oublier l’homme et évoluer désormais dans trois vérités, trois certitudes […] : revendiquer la lumière, retrouver la femme et abandonner l’homme aux incuries humaines » (C’est le soleil qui m’a brûlée, p.105)

Appréciant l’art de l’auteur qui participe aussi de sa psychologie, l’on note qu’il reflète une forme de dissémination. D’abord ce qui est grossièrement décrit, exhibe une certaine beauté esthétique. En effet l’originalité de l’écriture beyalienne vient renforcer une poétique à la fois révoltante, époustouflante et saisissante. C’est une écriture hachée, atomisée, avec ses phrases télégraphiques, courtes, concises, simples et très peu complexes ; un style hybride qui prend toutes les allures d’un polar ; une « écriture stéréoscopique » qui mime la vie dispersée de l’auteure. Des phrases atypiques, comme par exemple cette phrase averbale : « Le pont. Course folle à travers les ruelles noires de mondes. » Phrase infinitive : « Faire la vaisselle ». Phrases nominale. : « Sac à main. ». (p.136) Phrase adjectivale : « Chaleur humide. Ciel blanc hypnotique » (p.11) C’est une écriture symphonique car sur un plan sémiologique, ces signes et phrases brisées dans leur rythme musical ressemblent à la vie d’enfance de la romancière et sa famille en pièces disjointes, cacophonique ; ce qui est la connotation d’une vie brisée en mille morceaux. Une écriture kilométrique, haletante et vertigineuse, où les actions se suivent comme dans un « travelling » sans arrêt, au point d’étouffer le lecteur. C’est aussi une écriture compacte qui donne au texte un air surréel, comme cette vie surréaliste de la romancière : fille de père noble et aristo, mais vie pauvre sans noblesse, sans nom de père. Cette écriture est une catharsis esthétique, dans la mesure où Beyala écrit pour se purifier, en refoulant l’image de ce père qui devient symbole de l’homme fautif et irresponsable. Elle restaure et substitue le handicap par le génie et la magie du mot, car de la boue existentielle, Beyala en a fait une pépite d’or artistique.

Conclusion

Les examens psychologiques peuvent ranger l’écrivain dans tel ou tel type physiologique ou psychologique, et décrire des supposées maladies mentales. C’est dans cette optique que nous avions tenté une exploration de la psychologie et de l’inconscient de la romancière Calixthe Beyala, nous appuyant sur des documents littéraires et non-littéraires. L’écrivaine dépouillée de ses oripeaux a été mise à nu, disséquée « scalpel à la main », afin de comprendre les ressorts dissimulés derrière l’acte de la création. L’écriture chez Beyala est un acte développé sur fond de violence verbale et narrative qui blesse l’œil du lecteur pudique et qui installe l’impudique « pourri » dans son assiette. L’Africain ou l’homme noir dans le texte narratif beyalien en l’occurrence dans C’est le soleil qui m’a brûlée, n’est évoqué que pour son sexe toujours si long, prospecteur et agité depuis le début jusqu’ à la fin du roman ; infatigable navigateur, il va marquer le lecteur par son caractère négatif, nuisible et autocratique. Si l’homme hyperbole du sexe, est caractérisé par son vide social, vide parental, vide amoureux, vide affectif ; en conséquence la femme africaine à l’image de Beyala ne serait-elle pas par retour de politesse, une sorte de nymphomane et qui recherche un appui, une guérison par son œuvre ? Soit une façon de compenser psychologiquement un manque ? L’acte d’écrire peut être compensatoire dans la mesure où il permet de combler des instincts refoulés. Beyala serait-elle amateure / consommatrice de pornographie ? Une femme sexuellement insatiable, malade nymphomane ou de comportement maniaco-sexuel, dont les fantasmes et autres pulsations insatisfaits sont comblés par des mises en scène de personnages avides de sexe et grossiers, sur lesquels elle projette sa propre psychologie, comme une sorte d’anthropomorphisation ? Cette compensation peut aussi se voir lorsque la romancière prête parole à la femme qui vilipende l’organe reproducteur mâle, tue l’homme au sexe exaspérant et redonne ainsi des ailes à la femme selon elle « souillée ». Ainsi par la création esthétique l’enfance malheureuse de Beyala s’est transformée en génie littéraire où le sexe dit « faible », ose lancer un cri fort face à l’homme et à faire plier le phallus. Confirmant ainsi un diagnostic psychologique et psychanalytique qui la présente comme une malade à soigner, elle compense ses lacunes de femme, écrasée par le « sexe fort », victime du sexisme. Le sexisme est le traitement injuste inhumain, dépersonnalisant insultant et brutal que l’on fait subir aux femmes.

Cependant, en combattant et en déconstruisant de façon radicale tout l’édifice sexiste, par la rudesse de son langage, âpre et dur, la « féministe radicale » malencontreusement commet une « double interprétation psychologique » (stigmatiser quelqu’un sur une valeur décriée alors qu’on commet la même faute) et est en plus victime d’une double aliénation. Car par ces injures hyperboliques sur l’homme condamné, elle reconstruit un autre sexisme. D’où le diagnostic psychanalytique au final qui indique en réalité un manque de guérison chez l’écrivaine supposée malade, laquelle en combattant ce sexisme, en commet un autre majeur que je nomme, par ce néologisme, le « sexisme anti-sexisme ». Toutefois, il faut reconnaître qu’au-delà des frasques entre phallocentrisme et « vagocentrisme », la finesse de la psychologie l’emporte et semble en rajouter à la valeur artistique de l’œuvre de Beyala.

Notes

1– Sigmund Freud, « Un type particulier de choix d’objet chez l’homme », extrait d’une documentation du GIFRIC (Groupe Interdisciplinaire Freudien de Recherche et d’Intervention Clinique et culturel. Québec Canada. www.gifric.com/psychanalyse.htm (2015).                                                                                                                                                                                                                                     2– Extraits du poème de Victor Hugo “A celle qui est restée en France » in Contemplations. Nouveaux Classiques Larousse.1971.                                                                                                                          3–  Voir un site internet sur Calixthe Beyala «vie de l’auteur, “France-Cameroun; Bamiléké-Eton » ; métisse culturelle. La page vante exclusivement les divers aspects de « la culture Eton », ethnie de la mère de Calixthe. Rien n’est dit nulle part sur l’ethnie bamiléké (celle du père); peut-on parler d’ « écrivaine arc-en-ciel» ?                                                                                                                         4– Interview accordée par Calixthe B.. Extraits recueillis par JEAN Bernard Gervais. http//AFLIT.ARTS.UWA.EDU.AW/aminaBeyala95.html.                                                                                               5–  Boris Cyrulnik extrait de google.www au feminine.com/relation-aux-autres/complexe d’œdipe.

Bibliographie

BEYALA, Calixthe. C’est le soleil qui m’a brûlée, Paris, j’ai lu, 1987.
————————– Femme nue femme noire, Paris, J’ai lu, 2003.

ADLER, Alfred. La compensation psychique de l’état d’infériorité Paris, 1907.

BERTRAND Jean Gervais. Calixthe Beyala, africaine et rebelle (en ligne) Amina, 1996.

CHANDLER, Albert, R. Beauty and Human nature, element of psychological aesthetics,
New York, 1934.

CHEVRIER, Jacques. « Ecritures de la violence » in Notre Librairie (40 ans de littérature
Du sud) n0 150.avril juin 2003. p.15.

FREUD Sigmund, ANNA Freud. The Essentials of Psycho analysis, Harmondsworth
Penguin, 1991.

RUSU, Liviu . Essai sur la création artistique, Paris, 1935.

 

SAAH NENGOU Clotaire
Faculty of arts. Department of Foreign languages
Obafemi Awolwo University Ile-Ife Nigeria.
Saneclo2012@gmail.com