Mondes caribéens

Édouard Glissant, la « profondeur de l’étendue » ou la dimension de la Relation

 Édouard Glissant, la « profondeur de l’étendue »

ou la dimension de la Relation

Catherine Delpech-Hellsten

[International colloquium in 20th and 21st century french and francophone Studies Édouard Glissant : « Quand la littérature fait savoir » – LSU –] 

Qu’Alexandre Leupin et Adelaïde Russo soit d’abord chaleureusement remerciés pour cette invitation à L’Université de Louisiane, et pour l’hommage rendu à Édouard Glissant en clôture de cet événement exceptionnel. On mesure d’emblée qu’il s’avèrera difficile d’apporter brièvement un tout petit élément de réponse à une problématique si bien choisie qu’elle se révèle être à l’échelle même de l’œuvre et de la pensée poétique glissantienne ; c’est-à-dire aussi abyssale. En voici l’essentiel : « Comment décrire et rendre compte de ce nouvel objet, transhistorique, transgénérique et transrhétorique », ou, autrement dit, comment aborder cet « au-delà de la littérature »… à propos duquel on pourrait préciser qu’il fait justement – et de manière tout à fait paradoxale – le matériau-même du projet d’écriture d’Édouard Glissant ?

La problématique est multiple. Il s’agit d’une part de considérer la position de l’exégète, l’exigence et la nature de la relation critique vis-à-vis de l’œuvre glissantienne, en tenant compte bien sûr des voies épistémiques et herméneutiques ouvertes par Édouard Glissant entre autres dans le champ littéraire ; mais peut-être pas uniquement… Cet « au-delà de la littérature » glissantien stimule en effet l’intelligence sensible et l’imaginaire de notre relation au monde vivant à une échelle panoramique vertigineuse, autant qu’à une rare proximité. C’est en effet sous l’angle du rapport entre la profondeur et l’étendue – cette dialectique formulée dans toute sa teneur idiomatique et originellement selon une conception propre à la psyché antillaise –, que nous avons choisi d’aborder cette question :

L’Isila créole trame l’étendue, que Deleuze en certains cas appelle surface.

L’Isidan renforce, ou suggère peut-être seulement, la profondeur.[1]

Cette dialectique, d’abord présentée sous l’angle du rapport binaire lieu/monde, constituerait un embrayeur de la pensée et un « lieu-commun »[2] suffisamment partagé pour penser à la fois la dimension de la Relation – cette « totalité en mouvement dont l’ordre flue sans cesse et dont le désordre est à jamais imaginable »[3] – et le champ ou le processus de sa poétique, dont l’essai éponyme donne cette définition par défaut :

Profondeurs, science du langage, découvrement du texte, ces trois instances se sont relayées pour esquisser aux yeux des exégètes la problématique de la littérature française depuis le romantisme. Mais il en est une autre, inaperçue, ou bien plutôt esquivée, que nous appellerons une poétique de la Relation.[4]

La voie de la connaissance glissantienne, « poétique » en ce qu’elle propose de « vivre le mouvement vivant du monde tout en le pensant », s’offre comme une mise en œuvre qui s’observe elle-même débordée par son objet… au-delà de l’espacement matériel et euclidien du livre ; au-delà de tout présupposé arbitraire : ces « immobiles fascinations »[5] (orchestrées par valeurs esthétiques et classifications génériques) qui contraindraient, réduiraient, et amputeraient le continuum du mouvement vivant de la Relation, et oblitèreraient une harmonisation naturelle et dynamique de la pensée avec le mouvement du monde. Pour Édouard Glissant, la connaissance se saisirait toujours dans cet ad-venir, en aval de ce mouvement, accumulée au cours des siècles par les poètes, ces « laboureurs à l’envers »[6] :

On leur confère dans le monde un nouveau sens : on les pose, non plus dans leur absolu, tels que peut-être ils se sont rêvés, mais dans leur complémentarité ; dans leur Relation à l’autre. On ne critique pas de la sorte, on dispose. La vérité des poètes veut qu’ils soient disponibles. On les apprend ; mais c’est le monde qui enseigne… Celui qui apprend complète ce qu’il apprend. Celui qui fréquente ouvre ce qu’il fréquente.[7]

Qu’elle est la « dimension » de la Relation, « qui permet à chacun là et ailleurs, enraciné et ouvert, perdu dans la montagne et libre sous la mer, en accord et en errance »[8] ? Quelles sont les limites du Tout-monde ? Jusqu’où va la « profondeur de l’étendue » – qui lève du « champ inépuisable des variations nées du contact des cultures »[9] autant que du « Grand poème du tout-monde » ? Et par conséquent, quelle vision renouvelée de la littérature se profile pour le XXIe siècle, quand, comme l’affirme É. Glissant, « toutes les expressions des humanités s’ouvrent à la complexité fluctuante du monde »[10] ?

L’Être à la lettre…

Pour aller au cœur des choses et de l’œuvre d’Édouard Glissant, il faudrait peut-être convenir du fait que précisément la poétique glissantienne détient cette propriété[11] de contrarier toute tentative d’objectivation. Quelle distance en effet pourrait espérer le critique face à cet aveu du poète : « ce que j’écris, ce qui est à écrire s’évade malgré moi » ! Comment saisir une œuvre de philosophie poétique qui renonce dès le départ à saisir son objet ! Et quel objet ? Disons-le clairement : il s’agit précisément de ce qu’aucune pensée à jamais ne pourra objectiver, que l’on ose aujourd’hui à peine prononcer, tant la poétique glissantienne en a réformé l’idée que nous en avons depuis tant de siècles. C’est ce qu’on nomme « l’Être » ; mais l’Être à la considération de la « Relation » (non plus « l’être-comme-être »[12]): « Là, l’Être frémit, mais pour nous, et en être-comme-étant » [13]. En ce sens, les littératures du Tout-monde se présenteraient comme la saisie formidable des formes magmatiques des temps et des mesures humaines, mais aussi des temporalités animales, cosmiques ou végétales : une « jointure entre toutes ces conceptions de temps, du mythe, de l’être comme étant, des cultures […] »[14]. Or, que l’on tente seulement d’aborder la grande question du temps qui, rappelle M. Merleau-Ponty, n’est pas un processus réel mais « [né] de mon rapport avec les choses »[15], et l’on perçoit alors aisément à quel point l’ontogenèse glissantienne jaillit de ce mouvement rétroactif d’exo-introspection, au nœud de cette topologique entre la « profondeur » – en soi et depuis son ici originel (le « lieu de naissance au monde », précise É. Glissant ») ; et « l’étendue », qui appelle chaque destin à un espacement vers l’autre et l’ailleurs, ou, mieux, à cette expérience de l’« altréïté » qu’ É. Glissant  désigne « non [comme] la pensée de l’autre mais [comme] l’autre de la pensée »[16] :

Le poète tâche à enrhizomer son lieu dans la totalité, à diffuser la totalité dans son lieu et son lieu dans la totalité : la permanence dans l’instant et inversement, l’ailleurs dans l’ici et réciproquement.[17]

Aussi, dans l’aventure du Tout-monde, tout se meut et tremble : « le monde tremble » et le poète – qui lui-même voit, vit et dit ce tremblement, et qui par sa pensée tâche de le circonscrire – précisément « tremble »… Les anciennes certitudes vacillent, et, du coup, le lecteur et l’exégète forcément se mettent à « trembler ». La poétique du tremblement appelle une posture herméneutique du tremblement. Malgré cela, et paradoxalement, la poétique de la Relation est en même temps une « contre-poétique » forte aux poétiques de l’Un, de « l’identité racine unique », de la territorialisation conquérante, et de l’Absolu écrasant de l’Être. En effet, parmi les mouvements fondamentaux que cette poétique engage sans discontinuer, sont « l’écart » et « le détour » – mais « générateurs », et qui en forçant une dialectisation positive, contrarient comme les meilleurs des antivirus, toutes les formes d’universalisations et de lissages de la pensée, autrement tout processus de dépersonnalisation, de décervelage, d’aliénation, et de déculturation individuelles et collectives, mais aussi et surtout toutes les formes extatiques d’essentialisme. C’est cet aspect des procédures mises en place par cette épistémologie poétique générale qui figure, pour l’exégète, la première prise de conscience. Voici ce qu’il peut lire dans Poétique de la Relation :

Face aux « métropoles du savoir », à la généralité abstraite de la connaissance […] se superpose désormais une matérialité dense de la présence des peuples. La connaissance en est changée, ou du moins l’épistémologie que nous en faisons.[18]

Comment, dans ce cas, la poétique glissantienne peut-elle produire un discours de vérité sans se contredire ? C’est qu’elle parvient à produire dans le même temps une « antipoétique » et un contre-discours à ses propres vérités : les fameuses « objections de Mathieu Béluse » dans le Traité du Tout-monde en fournissent l’un des exemples les plus parlants. Or cela fait toute la différence : c’est cette hélice dialectique du discours et du contre-discours ou de l’autocommentaire critique qui sauve in utero cette pensée des deux écueils qu’elle veut à tout prix éviter : d’une part de se constituer en « système de pensée », et d’autre part de se voir généralisée et instrumentalisée en tant que tel. Cette double hélice d’une contre-poétique et d’une poétique de la Relation, trouve une formulation d’équilibre, une sorte d’acmé ou de résolution ou de réduction – cela reste à voir – dans cet aphorisme, qui fait en quelque sorte la formule conclusive mais aussi l’un des énoncés poétiques fondamentaux de la pensée glissantienne – « Rien n’est vrai tout est vivant ». Aussi quel rôle reste-t-il encore à jouer pour la littérature, et pour quelle littérature ? C’est ce qui fait tout le propos de Philosophie de la Relation :

Les littératures (les arts), qui disent le monde ne sauraient être ramenées à des séries d’illustrations de tendances ou de particularités qui, à des moments annoncés à point, auraient poussé jusqu’à être généralisées ou sublimées : les littératures ne fluent pas uniformément, ni de manière consécutive, elles sont de rupture, d’inspiration bouillonnantes, de contestations et d’inventions tout à fait imprévisibles, c’est-à-dire que leur intentions divergent, et que de ces divergences ne naissent pas des tensions de généralités (qui eussent menées à l’universel)

[…]

Le monde, qui tourne en Tout-monde (venu à l’intuition de sa propre totalité réalisée, elle aussi drue et imprédictible), est par le fait même l’objet le plus haut, l’aléa par infini, de ces littératures.

[…]

Les littératures expriment l’intuition que cette multiplicité est d’abord le champ d’agrégation (non pas de ralliement mais de frottement), (le frottement revient à la lettre, qui est littérature), de tous les arts. Nous proposons, à ceux que tant d’indéchiffrable inquiète, que ce sont là les rudes pas, c’est-à-dire, les cheminaisons premières, de la Poétique de la Relation.[19]

Cet « Au-delà de la littérature » ne serait pas pour Édouard Glissant la « fin de la littérature », si ce n’est de la Littérature (avec un grand « L ») ; ce serait plutôt, au contraire, le début des littératures. Cet accomplissement qui serait à venir, qui s’écrirait au futur, résulterait moins cependant d’une théorisation critique positive telle que la promeut par exemple la « World-littérature »[20], que d’un processus au bout duquel la Relation « [vivrait] de se réaliser, c’est-à-dire de s’achever en lieu commun »[21].

Ceci nous porte à lire plus précisément ce que sous-tend au bout du compte la proposition et expression centrale glissantienne – « Poétique de la Relation » – qui peut sembler présenter d’un point de vue logique, mais à première vue seulement, une ambiguïté. L’expression en effet met en rapport deux termes presque contradictoires. « Poétique », qui renvoie à l’expression d’une intériorité, d’une sensibilité… mais qui se dit, paradoxalement, comme l’expérience intime d’un dehors : « la Relation ». L’ambiguïté de la détermination « Relation » présentée avec une majoration, laisse suggérer que l’intérêt, la nature même de cette « Relation » est dans ce qu’elle renverse la valeur prédicative de la formule apparente : c’est en réalité la Relation qui fait poétique ! Le poète serait alors le traducteur de cette naturalité immanente, de ce bain dynamique, total, vivant, et en perpétuellement changement. En cela, sur le plan philosophique, la Relation serait une catégorie non catégorisante, provisoire ou historique, sans visée universelle ni destin de durée. C’est précisément ce caractère provisoire et fugace, arcbouté à cette nécessité de désigner un champ de réalité non encore vu, dit ou saisi, qui en fait proprement une philosophie poétique ou une poétique philosophique… tremblante, mouvante, d’être vivante accordée aux changements mêmes du monde.

Le grand livre mouvant et l’infini de l’épique

Il y a dans l’œuvre glissantienne – et qui engagent par « hypothèses créatrices »[22] une historisation de la Martinique, mais aussi celle du mouvement plus large de la rencontre des peuples – deux « moments » mythiques. Le mythe à la fois eschatologie et cosmogonique de la « Barque ouverte », qui promulgue poétiquement le dit de la Relation : le « ventre » du bateau négrier est ce « gouffre matrice trois fois noué à l’inconnu » qui marque la fin d’une ancienne temporalité et le début d’une nouvelle. C’est le temps « zéro » d’une « unanimité à venir »[23] à l’Ouest, à partir de quoi s’annonce dans Les Indes, l’épique historique des « Conquérants de la nuit nue » et des « fils de ceux qui survécurent ». Cette première « relation » serait le récitatif de ce qui fût originellement relié (du point de vue, relatif, de la mémoire collective transocéanique qui habite l’auteur martiniquais) : celle qui fut générée par la conquête, par le début de cette vaste précipitation océanique qui amorce à grande échelle la rencontre des peuples, « l’aurore, la clarté courant la vague désormais »[24]. Bien en aval de l’œuvre, s’écrit Sartorius, un autre mythe cosmogonique : une manière « batoutos » de vivre le monde et de fréquenter l’autre, naturellement libre de la poïétique prégnante et hégémonique de l’Un (qui n’a pas pour autant disparu). La Relation se vit dans une naturalité telle qu’elle n’a plus besoin de se nommer : sans militantisme, elle est aussi « invisible » que les Batoutos, ce « peuple qui manque » et qui l’incarne, qui ont pour seul et principal rite de célébrer l’avènement mythique d’une ère nouvelle : le « lieu du temps où les humanités se rencontreront enfin », « Éléné ! » (Invariablement transcrit avec le signe exclamatif, comme expression de la tension volitive et de la forme oralisée du rite batoutos).

Aussi, dans cet « Au-delà de la littérature » ou dans les littératures de cet au-delà spatio-temporel, on accède à une hauteur de perspective transhistorique et transgénérique qui n’est pas -constructive des anciens types génériques, mais qui est exponentiellement sur-constructive. Les anciens genres s’y trouvent compris (sans que s’exerce leur suprématie axiologique), et se trouvent combinés à l’infini à ceux qui ont été jusque-là invus et insus et qui manifestent leur forme, l’imaginaire de leurs langues, et leur poétique sur la « grande scène du monde » (expression de F. Fanon, reprise par A. Césaire et É. Glissant). Se profilent à l’horizon de ces rencontres humaines innumérables, des formes neuves de langages et de beautés esthétiques impromptues, autant audaces créatives innées et inédites :

L’inattendu des différences, à travers leurs mutuelles consécrations, est de consentir à la beauté ce champ du possible, très ouvert.[25]

[…] nous sommes incapables de considérer la quantité réalisée que ces différences font et qui souligneraient, d’être ici et là reconnue, l’évidence démultipliée de nos humanités.[26]

On touche là à un point névralgique de la pensée esthétique glissantienne : la beauté est toujours saisissante en ce qu’elle ne répond jamais à un horizon d’attente. C’est toujours dans l’écart par rapport aux canons normatifs qu’elle touche. La beauté se déclare dans la différence et non dans la répétition du Même. Ainsi, à l’horizon d’attente se substitue un horizon d’errance, qui bouscule les systèmes esthétiques et référentiels objectifs et invite à rencontrer la beauté là où ne l’attend jamais :

[…] vous balbutiez ce que vous ne savez pas être une vraie prédiction d’esthétique, ainsi en plein d’endroits du monde où apparaît la beauté pas un ne penserait qu’il aurait pu s’établir une activité et une pensée et un feu et un souci et une loi et un désir qui à la fin vous resteraient prédits d’esthétique, c’est le pouvoir d’être égaré […][27]

En cela faire l’expérience esthétique de « l’opacité » revient précisément à connaitre une expérience esthétique inconnue de manifestation magnifique et signifiante du vivant : cette « explosante fixe »[28], « signe de ce qui, là, va changer »[29].

Ainsi par exemple, l’épique du monde contemporain s’offre comme une tentative d’écrire « l’avènement d’une insoupçonnée diffraction »[30], et de faire enfin « la connaissance du monde dans son épaisseur et son erre »[31]. L’« au-delà de la littérature » réside cette fois dans le passage d’une version mono-centrée et univoque de l’Histoire (avec un grand H), vers une « convocation » des histoires.

Comment ces émergences de l’altréïté se manifestent-elles dans l’écriture glissantienne, qui préfigure en les annonçant, ces littératures à venir ?

L’œuvre crée pas à pas une dimension au-delà d’elle-même par des failles et des fuites baroques, où la parole, « cette voix qui circule »[32], « inspirée de toutes les paroles possibles »[33], immémoriale et grossissante, fêle comme une lave poussive le manteau calfeutré de l’écrit. Le poète admet lui-même qu’il lui sera impossible d’embrasser la totalité infini des détails du monde et de son mouvement perpétuel, dont son œuvre ne saisit qu’une trace passagère. De même, le lecteur et critique pressent que l’œuvre glissantienne concourt à cette même matière vertigineuse et inépuisable qu’est ce mouvement du vivant, où elle tisse son tissu organique. L’œuvre échappe au contrôle, déborde des cadres narratologiques, défit les conventions intertextuelles, et déroge même, comme le dit l’écrivain, aux « épurations de la langue ». L’œuvre s’ébroue ; et, faisant cela, elle se démesure à cette démesure du Tout-monde. Et si, comme l’explique É. Glissant dans Introduction à une poétique du Divers, les genres se « défont », c’est qu’ils « ne conviennent plus pour notre investigation du réel ».[34]

À la place de la représentation linéaire et générique traditionnelle de l’historisation de la Littérature, É. Glissant  propose le fameux « chiasme démesure de la démesure », sans cesse repris et augmenté jusqu’au texte liminaire de l’Anthologie[35], et qui constitue à lui seul une herméneutique générale nouvelle des expressions littéraires du monde. L’analyse n’y est plus faite à l’aune de critères classificatoires selon les systèmes normatifs propres à la lecture occidentale, mais au regard de l’intention particulière où chaque œuvre va traduire, de par sa poétique naturelle, implicitement ou explicitement, son type de relation au monde, et élaborer sa poétique. Comme le souligne Édouard Glissant dans Les Entretiens de Baton Rouge, tout écrivain devient désormais,

[…] l’ethnologue de soi-même, [et] intègre dans l’unicité de son œuvre toute la diversité non seulement du monde, mais des techniques d’exposition du monde. Alors, le dépassement des genres est rendu nécessaire par cette situation nouvelle, il ne s’agit pas tellement ni seulement, dans cette situation, d’exprimer des communautés, mais d’exprimer des communautés dans leur corrélation vive à d’autres communautés, ce qui libère les individus et modifie la perspective des littératures. La littérature n’évoque plus en profondeur d’approcher l’être, elle chercherait en étendue à dévoiler la relation. Elle relativise en absolu.[36]

Cette proposition spatio-temporelle panoramique des siècles de poésies et de littératures, où il situe l’apparition-disparition de son œuvre elle-même est tout à fait inédite. L’œuvre dans sa « cheminaison » fait figure d’un phénomène littéraire parmi tous qui rejoint l’inexorable flot, où s’accumulent les voix de poètes et les œuvres : le « grand livre mouvant »[37]. C’est dans ce sens que l’on peut comprendre ces paroles ultimes de l’Anthologie, qui suggère aussi la désacralisation du mythe de l’écrivain : « Ce que je suis est dérivé, sans fatalisme aucun, de ce que je serai. Le poème lui aussi est toujours à venir »[38].

É. Glissant, néo-présocratique

Quand un homme désire ardemment connaître la vérité, son premier effort consistera à imaginer ce que la vérité pourrait être. Il ne peut pas poursuivre sa quête aussi longtemps sans que son imagination débridée le mène hors du chemin. Et cependant, ce qui reste de la vérité, après tout, est néant […] Il peut fixer stupidement les phénomènes ; mais en l’absence de l’imagination, les phénomènes ne pourraient jamais être connectés entre eux dans une quête rationnelle. (C. S. Peirce)[39]

La proposition de la Relation se présente telle qu’elle permet de toucher à des dimensions et à des extrémités qui sont au-delà des possibilités immédiates de la perception humaine ; un incommensurable, un lieu où se fait la combinaison et l’entrelacement de l’observation du détail infime de l’ici (la profondeur) et du pressenti infini du là-bas (l’étendue). Pour approcher cette connaissance du bain total mais non fini (« La terre est le visible et le monde et ce qui s’essaie autour et au-delà »[40]), impossible à saisir dans sa totalité ou par le truchement d’une représentation absolue, il ne reste comme seuls recours possibles que l’imaginaire (pour l’approcher en pensée) et la poésie (pour le dire). Pour É. Glissant, résolument, l’image est « l’outil du poète »[41]. Gaston Bachelard, il suit les cours à son arrivée à Paris[42] et à qui il ne manquera pas de rendre hommage : « Étonnés, nous recevons enfin la leçon des recherches de Gaston Bachelard, et nous concevons que les couleurs des paysages […] sont solidaires de nos réactions les plus secrètes, ou élémentaires ou élaborées.[43] Pour Bachelard la « fonction de l’irréel [est] aussi utile que la fonction du réel, en ce qu’elles partagent la même énergie vitale »[44]. À cette période, l’approche bachelardienne est tout à fait novatrice : elle introduit à une conception et une manière d’analyse radicalement différentes de celles communément pratiquées en Sciences Humaines. La « rupture épistémologique »[45] que souhaite Gaston Bachelard vise à dépasser l’antagonisme entre empirisme et rationalisme, et porte, avec le « matérialisme rationnel », à une connaissance approchée de soi et du monde à partir de l’activité de l’imaginaire (l’activité consciente de la rêverie): « […] en suivant les poètes, la phénoménologie de la perception elle-même doit céder la place à la phénoménologie de l’imagination créatrice »[46]. L’imagination poétique est capable, précise G. Bachelard en rappelant Shelley, « de nous faire créer ce que nous voyons »[47]. Les mondes « rêvés », qui relèvent de l’élémentaire, amène G. Bachelard à penser que « c’est avec la rêverie qu’il faut apprendre la phénoménologie »[48]. Pour G. Bachelard on pourrait aller jusqu’à dire qu’il n’existe pas de monde antéprédicatif en soi : l’infini champ de l’étant serait dynamisé par les représentations que l’homme s’en fait. Les représentations en sont partie prenante. De plus, elles conditionneraient l’intention humaine de telle sorte que l’homme par retour agirait à transformer, à modifier sans cesse le monde, ou du moins sa relation à celui-ci. C’est à lecture et à cette mise en pratique (du « pays réel » au « pays rêvé »[49]) que nous invite dans son cheminement et jusqu’à sa « cheminaison » toute la pensée et l’écriture glissantienne[50].

Or la Relation pose l’imaginaire comme un « outil » de l’intuition rationnelle de la connaissance du réel, propre à engager les paramètres inouïs d’une créativité illimitée de la pensée, capable de se régénérer en épousant les phénomènes neufs du vivant qui se dévoilent à l’intelligence empirique. Ce que l’on pourrait lire comme un paradoxe, s’inscrit comme posture épistémique qui a été naturellement celle, entre autres, des Présocratiques : « Je me considère comme un Présocratique » lancera d’ailleurs Édouard Glissant dans un débat avec S. Hessel[51]. C’est à cette hauteur panoramique, cosmique, que le poète, philosophe et conteur analyse la diversité l’humaine cette « partie du Tout », chaos au cœur du chaos, jusqu’à faire des « personnages du monde […] des paysages, et tout à fait inversement »[52].

En écho au précepte delphique (puis socratique) « connais-toi toi-même », Édouard Glissant pose au départ de son projet d’écriture la quête de « la juste mesure de [son] chaos primordial »[53]. Dans les années quatre-vingt-dix il célèbre la beauté du chaos (« le chaos est beau »[54]), dont il fait l’un de ses nouveaux paradigmes poétiques : une esthétique autant qu’un « outil » euristique pour approcher la connaissance du vivant, réactivant et réactualisant les grands systèmes de pensée présocratiques, quant au questionnement fondamental de la Physis, tendue entre l’unité du Cosmos et l’infini de l’Apeiron. Édouard Glissant aligne sa réflexion poétique du réel et du vivant sur celle des « systèmes déterministes erratiques » des théories du chaos (« […] applicable au chaos-monde »), qui lui permettent de décrire le processus de créolisation en terme de « conditions initiales » et de « variables de multiples » : « la dimension erratique est devenue la dimension du Tout-monde »[55]. La poétique de la Relation est elle-même approfondie dans ce sens, tendue entre la tâche aveugle de l’irréductible « opacité » et la saillie de « l’imprévisible » :

Dans l’étendue, la science du Chaos renonce à la puissante emprise du linéaire, conçoit l’indéterminé comme une donnée analysable, l’accident comme mesurable. La connaissance scientifique, retrouvant les abysses de l’art, ou les jeux des esthétiques, développe ainsi une des façons du poétique, rejoignant l’ancienne ambition de la poésie de se constituer en connaissance.[56]

*

Pour ceux qui ont eu cette chance d’être contemporains d’Édouard Glissant, d’avoir partagé son amitié, et d’avoir découvert l’édifice de son œuvre à mesure qu’il l’écrivait, la prolongeait et la complétait dans ses interventions publiques ou ses entretiens, dont ceux, précieux, réalisés avec Alexandre Leupin… pour beaucoup parmi nous, il est peu de dire qu’il fallut d’abord recevoir l’œuvre avant même que de l’interpréter. Il n’y eu souvent d’autre alternative que de se laisser aller à son cours, et de tâcher de s’expliquer d’abord à soi-même, les notions de sa pensée et les inextricables de ses récits, cependant qu’Édouard Glissant continuait de les préciser et de les développer. La plupart du temps, il fallut lâcher prise avec bon nombre de présupposés analytiques ; renoncer à une forme astringente de la rationalité ; aiguiser le sens de l’intuition ; réveiller une approche empirique; goûter les beautés saisissantes et opaques du langage poétique, sans forcer à tout prix la transparence, pour se laisser happer pleinement à la facture organique du sens, à la houle de cette pensée, hors toutes proportions, qui progressivement et sans faiblir continuait de cheminer. La hauteur analytique ne surviendrait qu’après coup, bien après…

La dimension collective de l’œuvre, annoncée au départ du projet dans L’Intention poétique, ne cessa d’être relancée : « je serai un avatar du nous, qui avec moi “ici” dit je »[57]. Elle passe par une modalité nouvelle, inhabituelle pour nous, celle de la parole : à tel point qu’on finit par sortir de la lecture pour se mettre à l’écoute d’une voix qui s’amplifie dans le relai, audible à la fois dans le continuum démultipliée du récit, que dans le débat de pensée ex libro, qui dépassent en même temps qu’ils alimentent la trace, qui figure la principale vocation de l’écrit.

Le monde s’ouvre dans son espace-temps et se met à parler par une voix qui étrangement semble cherche à se faire oublier et à laisser place. L’œuvre ne semble travailler qu’à cela : aménager la place de tous, peuples, pensées et paysages, passés, présent et futurs. C’est comme cela, semble-t-il, que « fonctionne » la « machine » glissantienne, pour reprendre l’image de Deleuze et Guattari. L’œuvre d’Edouard Glissant fait l’effet d’une machine littéraire au mouvement perpétuel, qui relance les lieux-communs d’une mémoire intertextuelle abyssale ; qui ouvre une ligne de fuite narrative innumérable, celle en de la « parole entendue », rapportée et dépliée et reliée sans répit ; qui active une création de langage où la pensée se renouvelle au rythme des changements du monde : « le poème qui va est comme un lot de mondes qui se refont à l’horizon »[58].

Il y a eu, il y a et il y aura encore beaucoup de questions s’agissant de l’œuvre et de la poétique d’Édouard Glissant, et par conséquent s’agissant du travail d’exégèse lui-même. L’œuvre est là, qui reste à lire. Or la hauteur recherchée pour analyser l’œuvre glissantienne reste toujours et encore problématique. Il reste toujours à chercher cette position, cet équilibre critique que Jean Starobinski dans L’Œil vivant avait déjà très justement formulée – « Il ne faut refuser ni le vertige de la distance, ni celui de la proximité : il faut désirer ce double excès où le regard est chaque fois près de perdre tout pouvoir […] »[59]. Or, et là est peut-être le secret de la méthode non systématique, il se pourrait que ce soit justement en acceptant volontairement de « perdre tout pouvoir », que l’on puisse entrer en immersion dans l’œuvre et se jeter, vif, dans ce qui l’anime : le vivant, le mouvement formidable du chaos-monde, l’emmêlement des étants, et la manifestation des existants. Bien plus, il peut même apparaître avec recul que l’errance et la démesure du lecteur lui-même soit la seule condition alchimique nécessaire à une juste réception de l’œuvre. Aussi, si l’approche peut s’écarter parfois des processus méthodologiques et des théories littéraires, tout évitant a contrario et autant que ce peut, de se laisser aller aux emphases extatiques de la contemplation, force est de constater qu’elle peut gagner parfois en efficacité en accordant le langage analytique à celui de l’innovation de langage poétique à la manière glissantienne : ce peut être une solution pour utiliser activement l’émotion suscité par la surprise de sa beauté, même opaque. Le langage poétique peut dans ce cas être utile au critique pour la circonscrire et la transmettre, sans la tuer dans un jargon asséchant. C’est parfois un risque utile à prendre. L’image poétique peut se révéler être un outil de description inespéré pour parler le langage de l’œuvre, pour la faire parler, mais aussi pour se reformuler à soi-même ce que l’œuvre formule autrement.

L’œuvre glissantienne d’« irruée », ensauvage aussi son lecteur. Il faudra certainement du temps pour pouvoir – sans renoncer aux outils traditionnels de la critique, mais en les assumant au contraire comme une façon particulière (propre : la nôtre) – recevoir l’expression d’une manifestation de langage et de pensée différente, en admettant que ces outils relatifs peuvent buter sur l’opacité irréductible de leur « objet », qui précisément résiste au processus de la chosification, de la pétrification, de la zombification. Tout consiste à ne pas tuer dans l’œuf le mouvement opérant de la poétique de la relation, le champ vivant des « frottements » entre les littératures.

Pour aller loin que ce peut, on pourra aussi bien se demander quel rôle peut être finalement celui du critique. Quelle, l’utilité de sa démarche… Quelle, sa prétention… sans qu’il ne soit associé lui-même à ce processus vivant. En effet, que peut-il face à une œuvre aménagée de telle façon qu’elle semble se suffire à elle-même. Rien ne semble s’écrire qui ne soit lisible grâce au prisme de ce que composent, entrelacés, l’intention explicite et théorique ; la saisie empirique, poétique ; et le témoignage narratif, expérimental. L’auteur est lui-même son propre commentateur, à défaut d’être le grand ordonnateur (et quand bien même il l’est malgré lui). Pourtant voilà : dans ce processus, la pensée analytique ne reste à aucun moment en circuit fermée. Bien au contraire. On aurait tort de croire que les « objections » explicites soient le seul fait de l’autocritique : Édouard Glissant savait écouter les critiques et même parfois les diatribes, qu’il insérait toujours constructivement et dans le chantier des reformulations et des développements nécessaires. La disputatio était aussi toujours là à alimenter l’énergie de la pensée dont l’écriture s’appliquait à garder précieusement la trace (la série des entretiens insérés dans le cheminement de la pensée, dont ceux de Baton Rouge, en témoignent). De même, on peut souligner qu’Édouard Glissant ne cherchait pas à s’attirer la bienveillance de l’auditoire, ou à le convaincre. Sa position était tout à l’opposé de la tradition sophistique : la « disputatio », ce qui lui faisait « objection », lui servait toujours fondamentalement à orienter la pensée dans le développement des points restés obscurs, reposant ainsi ce qui fût à la source même de la philosophie : la question du logos comme parole de vérité. La recherche « dialectique » glissantienne, propice au sincère « dialogue », ne semble avoir été toujours tendue que vers ce seul acte péremptoire, celui de désamorcer toute prétention monologique du « Vrai »[60] :

La dispute, disputatio, est l’un des plus sûrs et des plus anciens renforts de la pensée, quand celle-ci s’emmêle à l’imaginaire. Elle permet, cette Dispute souveraine, d’ensemencer l’un par l’autre, et par son contraire, des éléments qui autrement seraient restés muets, dans leur architecture désolée. Mais elle n’est pas non plus un discours tout de généralités, qui occulterait les chairs et les vibrations, ni un herbier desséché, sorte de syllabaire incapable de constituer langage. Querelle et dispute, comme les formes dans la peinture de Morawetz, sont avant tout une passion de l’enlacement. […] une alchimie tournante, rayonnante. […] comme une hélice de vie […].[61]

 

Ce « lien » de la Relation, arraché à la surenchère de l’idéal, à la perfection hiérarchique et extatique de l’Être, horizontalise l’être à l’horizon de l’unité impossible à totalisé des étants. La verticalité ne s’y lit plus transcendantale, les profondeurs se relaient sur l’étendue : « La profondeur de la terre est dans son étendue et sa hauteur chemine »[62]. La Relation, comme distillée des paysages baroques américains, poursuit son œuvre, là où « l’œil n’apprivoise pas les ruses et les finesses de la perspective » –, mais où il porte le regard « d’un seul élan à l’à-plat vertical et à un entassement rugueux du réel »[63].

Dans sa poussée germinative et spiralée, la circularité dynamique de l’œuvre glissantienne progresse comme un « penchant tout organique à une manière autre d’être et de connaître », « forme allée de cette connaissance »[64]. Son sens (qui se décline en de nouveau signifiants et paradigmes), et sa forme (« le rythme de la matière »[65]) se rechargent à mesure qu’elle fait provision des nouvelles « matières du monde » rencontrée. Pour Édouard Glissant, la poétique de la Relation inaugure une nouvelle ère littéraire où, l’œuvre, au fil de son errance impromptue, et « dans la tension à la totalité » « constitue aussi bien l’ethnographie de sa propre matière »[66].

Désormais « écrire c’est rallier la saveur du monde »[67], c’est « [provoquer] l’être-dans-le-monde »[68], c’est « concevoir une esthétique nouvelle, celle peut-être de l’autre région du monde que voici là, tout ici »[69].

 

 

[1] Traité du Tout-monde, Poétique IV, Paris, Gallimard, 1997, p. 49.

[2] « […] lieu où la pensée du monde rencontre une pensée du monde », idem, p. 161.

[3] Poétique de la Relation, Paris, Gallimard, 1990, p. 147.

[4] Idem, p.38.

[5] Philosophie de la Relation, poésie en étendue, Paris, Gallimard, 2009, p. 78.

[6] L’Intention poétique, Paris, Gallimard, 1997, p. 23.

[7] Idem, p. 51.

[8] Poétique de la Relation, op. cit., p. 46.

[9] Idem, p. 69.

[10] Idem, p. 44.

[11] Le mot « propriété », qui a une coloration sémantique plus alchimique, est peut-être plus approprié en l’occurrence pour décrire une « poétique » que celui de « fonction » qui force l’objectivisation.

[12] Poétique de la Relation, op. cit., p. 62.

[13] Philosophie de la Relation, op. cit., p. 62.

[14] Poétique de la Relation, op. cit., p. 124.

[15] Idem, p. 471.

[16] Une nouvelle région du monde, Esthétique I, Paris, Gallimard, 2006, p. 104.

[17] Traité du Tout-monde, op. cit., p. 122.

[18] Poétique de la Relation, op. cit., p. 125.

[19] Philosophie de la Relation, op. cit., p. 40.

[20] Voir à ce propos l’objection d’É. Glissant dans l’Anthologie de la poésie du Tout-monde, p. 319 : « Aucune poétique n’est universelle pour nous. L’idée du monde n’y suffirait pas. Une littérature de l’idée du monde peut être habile, ingénieuse, donner l’impression qu’elle a “vu” la totalité, (c’est par exemple ce qu’on appelle en anglais un World littérature, une littérature monde en français), si elle n’est que d’idée elle vaticinera dans des non-lieux et ne sera que subtile déstructure et hâtive recomposition ».

[21] Poétique de la Relation, op. cit., p. 219.

[22] Le Discours antillais, Paris, Seuil, 1981, p. 161 : « Poétique : par ce que l’essentiel de l’histoire de la Martinique se lit par hypothèse créatrice. »

[23] Poétique de la Relation, op. cit., p. 18.

[24] Les Indes dans Poèmes complets, Paris, Gallimard, 1994, p. 165.

[25] Une nouvelle région du Monde, op. cit., 46.

[26] Idem, p. 88.

[27] Idem, p. 17.

[28] L’expression d’André Breton, « Beauté explosante fixe », figure à la p. 253 de l’Anthologie de la poésie du Tout-monde.

[29] Une Nouvelle région du monde, op. cit., p. 107. C’est l’auteur qui souligne.

[30] L’Intention poétique, op.cit., p. 203

[31] Idem, p. 216.

[32] Un champ d’îles dans Poèmes complets, op. cit., p. 62.

[33] Poétique de la Relation, op. cit., p. 89. C’est l’auteur qui souligne.

[34] Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996, p. 124.

[35] La Terre, le feu, l’eau et les vents, une anthologie de la poésie du Tout-monde, Paris, Galaade (en coédition avec l’Institut du Tout-monde et la Maison de l’Amérique latine), 2010, pp. 15-17.

[36] Les Entretiens de Baton Rouge, avec Alexandre Leupin, Paris, Gallimard, 2008, p. 121.

[37] Soleil de la conscience, op. cit., p. 84.

[38] La Terre, le feu, l’eau et les vents, une anthologie de la poésie du Tout-monde, op. cit., p. 19.

[39] C.S. Peirce Collected Papers, vol. 1-8, C. Hartshorne, P. Weiss, A.W. Burks (eds), Cambridge, Harvard University Press, 1931-1958, p. 46 (vol.1, 1896).

[40] Sartorius, le roman des Batoutos, Paris, Gallimard, 1999, p. 35.

[41] La Cohée du Lamentin, op. cit., 112.

[42] En 1953, Édouard Glissant obtient sa licence de philosophie à la Sorbonne. Il y reçoit l’enseignement de Gaston Bachelard qui occupe la Chaire d’Histoire et de Philosophie des Sciences de 1940 à 1955 :

 

Très tôt aussi à Paris j’ai eu l’extrême chance de fréquenter Gaston Bachelard et d’attirer son attention. Gaston Bachelard a beaucoup travaillé les poétiques de la durée et les poétiques de l’instant, ce qui m’a conforté aussi dans l’idée que notre soubassement poétique était une recherche éperdue, chaotique, tragique mais aussi comique et rigolote par moment d’une durée qu’on nous avait ravie sous l’obstruction et l’obturation de la mémoire collective.

 

Société et littérature antillaises aujourd’hui. Actes de la rencontre de novembre 1994 à Perpignan, Cahiers de l’Université de Perpignan, 1997, N°25, p. 146.

[43] Une Nouvelle région du Monde, op. cit. p. 73.

[44] G. Bachelard, La Terre et les rêveries de la volonté (2e édition), Paris, Corti, 2004, p. 9.

On notera qu’Édouard Glissant exprime par deux fois sa reconnaissance à ce Maître de ses jeunes années universitaires dans Société et littérature antillaises aujourd’hui. Actes de la rencontre de novembre 1994 à Perpignan, (Dir. C. Delpech et M. Roelens, Cahiers de l’Université de Perpignan, 1997, N°25, p. 146), et Une Nouvelle région du monde, esthétique I (Paris, Gallimard, 2006, p. 73).

[45] Dans Le nouvel esprit scientifique (1934), La philosophie du Non (1940), et Le matérialisme rationnel (1953).

[46] G. Bachelard, La Poétique de la rêverie, (6e édition), Paris, Quadrige/Puf, 2005, p. 12.

[47] Ibidem.

[48] Ibidem.

[49] En 1986, dans un entretien avec D. Delas, Édouard Glissant porte une analyse essentielle sur le cheminement de sa rhétorique : « […] ce qui reste de cette tentative, c’est que c’est l’analyse sous-jacente du réel qui motive la poésie et non l’exaltation prophétique » (A. Baudot, Bibliographie annotée d’Édouard Glissant, Toronto, Éditions du GREF, 1993, [Collection inventaire], Série Écrivains francophones n°2, p. 147).

[50] Cf. Delpech, C., « Édouard Glissant à l’infinie “cheminaison” du Tout-monde», in revista Francofonia n° 63, Le frémissement de la lecture. Parcours littéraires d’Édouard Glissant, sous la direction de C. Biondi et E. Pessini, 2012, Bologna, Olschki Editore, pp. 167-184.

[51] http://www.edouardglissant.fr/glissanthessel2.html

[52] Tout-monde, op.cit., p. 441.

[53] Soleil de la Conscience, p. 48.

[54] Idem, p. 54.

[55] Introduction à une poétique du Divers, op. cit., pp. 84-87.

[56] Poétique de la Relation, op. cit., p. 152.

[57] L’Intention poétique, op. cit., p. 38.

[58] La Cohée du Lamentin, op. cit., p. 240.

[59] J. Starobisnki, L’œil vivant – Corneille, Racine, La bruyère, Rousseau, Stendhal, Paris, Gallimard, 1999, p. 28.

[60] « L’on sait, écrit Jean-Paul Dumont, que la méthode de recherche en philosophie pratiquée par Aristote était la dialectique, qu’il définissait comme l’unique moyen d’accès à la connaissance des principes. Par principes, il faut entendre des énoncés très généraux, des opinions partagées par le plus grand nombre ou des positions prises par des experts, des savants ou des philosophes reconnus ou réputés, sur le sujet que l’on propose de traiter » (Jean-Paul Dumont, Les Écoles présocratiques, Paris, Gallimard, 1991, p. LXIV).

[61] La Cohée du Lamentin, Poétique V, Paris, Gallimard, 2005, p. 66.

[62] Traité du Tout-monde, op.cit., p. 54.

[63] L’Intention poétique, op. cit., pp. 11-12.

[64] Introduction à une poétique du divers, op. cit., pp. 69-70.

[65] H. Maldiney, Regard, Parole, Espace, L’Âge d’Homme (coll. Amers), p. 189.

[66] Poétique de la Relation, op. cit., p. 231.

[67] Traité du Tout-monde, op. cit., p. 120.

[68] Poétique de la Relation, op. cit., p. 93.

[69] Une nouvelle région du Monde, op. cit., p. 37.